... essayez pour voir d'en brancher une (dans la liste : Catherine Deneuve, Catherine Millet, Brigitte Lahaie, Élisabeth Lévy), vous verrez ce qu'elles ou plutôt leurs gardes du corps ont à vous dire.
Défense de caste ("des hommes sanctionnés dans l’exercice de leur métier, contraints à la démission, etc., alors qu’ils n’ont eu pour seul tort que d’avoir touché un genou, tenté de voler un baiser, parlé de choses « intimes » lors d’un dîner professionnel" => les dîners professionnels, ça fait référence à QUELLE CATÉGORIE SOCIALE d'hommes d'après vous ?).
Défense de LEURS mecs, qui sont leur râtelier (car dans leur caste elles sont hiérarchiquement en dessous et dépendantes pour leur "carrière" d'eux, cela va sans dire).
Défense du sexisme "civilisé" contre les expressions "barbares" de celui-ci... En gros : sauvons les Iraniennes, sauvons les pôv' filles des quartiers de leurs barbus voileurs et maltraitants, vive Ni Putes Ni Soumises, sus aux harceleurs wesh-wesh de rue... MAIS je défends les hommes de mon monde, "DU" monde, auxquels j'ai passé ma vie à me vendre pour devenir riche à millions et ne plus prendre le métro et comme ça, du coup, me payer le luxe de "regretter" les bons vieux frottages de bite dans celui-ci.
En fait, pas de meilleure illustration de la réflexion que je me faisais l'autre jour :
"On dit souvent (et à TRÈS JUSTE TITRE) que les violences/agressions sexistes dénoncées sont la "petite partie émergée (de l'ordre de 10%) de l'iceberg" de celles réellement subies au quotidien. Ce qui est tout à fait vrai (peu importe que "10%" soit un chiffre étayé ou une manière de dire "pas infiniment peu mais vraiment pas beaucoup quand même").
Mais ce qu'on oublie de dire... c'est que les violences/agressions, selon le critère disons "basique" du non-consentement de la personne qui les subit, ne sont ELLES-MÊMES que la partie émergée d'un AUTRE iceberg : les agissements, les comportements de dominant patriarcal TOUT À FAIT CONSENTIS par celles qui en sont l'objet. Et qui représentent FASTOCHE plus de 90% des rapports sociaux à caractère patriarcal, pour ne pas dire qu'ils sont tout simplement le fond d'écran de notre quotidien.
Il arrive, pas forcément rarement, que cela puisse se constater de visu. Une meuf (pas forcément féministe militante d'ailleurs) observe un couple et trouve très dérangeant, dominateur le comportement du mec. Sauf que la fille du couple, elle, n'y voit absolument... aucun inconvénient. Pour des raisons qui lui appartiennent, elle accepte SUBJECTIVEMENT ce rapport OBJECTIVEMENT ultra-patriarcal entre elle et lui. Vous voyez, à la télé, telle célébrité qui s'affiche avec un joli mannequin court-vêtue et qui l'exhibe OBJECTIVEMENT comme un trophée. Sauf qu'elle, elle ne se voit pas du tout comme ça. Cette situation est totalement CONSENTIE.
Dans notre société aussi patriarcale que capitalo-consumériste, ce mec est une VALEUR et être à ses côtés, dans sa tête, la valorise... Autant que lui se sent évidemment valorisé par son "trophée". C'est abject du point de vue "progressiste", militant émancipateur antisexiste qui est le nôtre ; mais c'est CONSENTI – montrant par là les limites de la notion de consentement elle-même [que désormais, on peut dire que la tribune de Deneuve-Millet-Lahaie & co vient de complètement pulvériser]"
Ou pour résumer : LE SEXISME EST PARTOUT, et même probablement plus, en tout cas d'autant plus fort qu'il a le POUVOIR de s'exercer (en un sens : qu'un homme méprise les femmes, c'est son problème, qu'il ait le POUVOIR de les dominer/opprimer impunément est le problème des femmes...) ; mais sa PERCEPTION COMME UNE AGRESSION a un ÉVIDENT CARACTÈRE DE CLASSE, ou plus généralement de rapport de pouvoir entre le mec et la meuf, de "valeur" sociale et symbolique de celui-ci... même si la dénonciation du "sexisme de pouvoir" monte en puissance et on ne peut que s'en réjouir.
Après (je regardais vite fait hier le débat entre Brigitte Lahaie, qui y a lancé son fameux et odieux "on peut jouir lors d'un viol", et Caroline De Haas, qui a publié une virulente contre-tribune mais qui est aussi par ailleurs une bonne grosse connasse républicarde, "féministe blanche de l'Empire" et islamophobe), il est vrai qu'on peut dire qu'UNE PART de ce qu'elles disent n'est pas faux (évidemment, pas la romantisation du viol !) et leur permet de "prendre" un peu dans les masses ; car tout mouvement légitime a aussi ses limites et sa part de dérives erronées.
[Préambule : quand on sait que ce qu'on dit est tout-puissant parce que vrai, on ne craint pas les attaques et les aboiements des SJW et donc on les ignore.]
Le mouvement #BalanceTonPorc/#MeToo a permis de mettre médiatiquement en lumière les violences patriarcales, et en particulier (de par son origine dans l'affaire Weinstein) les violences exercées depuis une position sociale de pouvoir : tel est son caractère éminemment juste et légitime.
Mais il est aussi hélas, dans l'"esprit du temps", un APPEL À LA "SAFITUDE" qui désamorce radicalement sa charge politique potentielle ; même si est évidemment très mal venue une critique émanant de grandes bourgeoises qui, malgré leur position subordonnée aux hommes de leur classe, ont plus que quiconque les moyens sociaux de fixer les limites ; la liberté... de décider par qui et jusqu'où elles sont "importunées".
Il porte (en deux mots) une tendance à être, une fois encore et une fois de plus, individualiste et moraliste et non politique. Certaines dénonciations, dans une minorité de cas (on pourrait parler de Buffy Mars et de son affaire du technicien Orange, mais c'était plusieurs mois avant le mouvement proprement dit), peuvent réellement conduire les larges masses du peuple à se demander pour qui se prend la meuf ; exhalent le Moi-roi, la sacralité de sa petite personne et le crime de lèse celle-ci qui caractérisent la société petite-bourgeoise occidentale du 21e siècle (et au mieux font rire, au pire révulsent les masses galériennes profondes du peuple). Il est bien sûr tout aussi impossible, de par son caractère online et le potentiel post-véritaire que cela implique, d'éviter que parmi les "balançages de porcs" ne se glissent quelques règlements de comptes dans le cadre de la concurrence généralisée de tous avec toutes dans le monde professionnel (mais c'est une autre histoire).
Ce caractère online, spontané, "rézosocios", lui interdit évidemment l'esprit de synthèse ; de penser le STRUCTUREL ; au profit d'une approche purement individuelle (comportements des "porcs" et "ressentis" des victimes).
En plaçant, malgré son origine dans une claire affaire de droit de cuissage d'un homme riche et puissant (Weinstein), comme deux seuls groupes sociaux face à face les hommes/"porcs" et les femmes, il ignore les autres grandes divisions sociales... et les SOLIDARITÉS qui en sont la conséquence et font obstacle à ce que le "balançage" (online ou au commissariat) soit la solution à long terme du problème. Car l'évidente solidarité de classe, de caste, exprimée par les signataires bourgeoises de la tribune a aussi son pendant "d'en bas", de classe populaire ou de race sociale ghettoïsée, fut-elle exprimée à travers la solidarité familiale ou "de clan" (cadre dans lequel s'exercent 80% des violences de genre !). À ce titre, le passage "Nous les Femmes indigènes" du chef-d’œuvre d'Houria Bouteldja Les Blancs, les Juifs et Nous est absolument magistral (et ce qui y est dit est tout aussi valable pour les "sans-dents" blancs).
Bien au-delà du cas extrême (cité dans l'ouvrage) de la victime noire d'un viol qui refuse de porter plainte (aux États-Unis, dans les années 1950 ou 60) parce qu'elle ne peut "pas supporter de voir un autre homme noir en prison", ces solidarités sociales sont L'AUTRE GRANDE RAISON (à côté des rapports de subordination à un employeur, un supérieur hiérarchique, un homme "respectable" contre qui "on ne te croira jamais"... ou simplement à l'homme du foyer dont on dépend financièrement) pour laquelle la "libération de la parole" restera toujours une stratégie politiquement limitée pour mettre fin à l'oppression patriarcale.
Tout comme la "liberté" (que j'ai évoquée plus haut) des signataires de la tribune de se faire "importuner"... dans les strictes limites qu'elles ont fixées et que leurs agents de sécurité feront respecter ; "balancer son porc" (surtout de manière prêtant à conséquences, en le nommant etc.) est aussi une liberté... qui n'en déplaise, a un contenu de classe. Ce sur quoi les Lahaie, Millet et compagnie (et les mecs qui applaudissent en elles leur "liberté retrouvée") peuvent facilement jouer en direction des femmes du "sous-sol" social, plus accoutumées aux stratégies de survie décrites par Bouteldja qu'au call-out sur Twitter.
En définitive, le mouvement #BalanceTonPorc n'est pas un appel à la lutte mais à la PROTECTION... Et la protection de qui, si ce n'est de l’État bourgeois des De Haas et consœurs ; ce qui pose déjà un premier double problème : 1°/ renforcement "progressiste"-"moderniste" de celui-ci (quartier général de l'ennemi exploiteur !!), avec évidemment un caractère de classe (les signataires, qui appellent à "foutre la paix" à LEURS hommes bourgeois "grivois" dans les "dîners professionnels" tout en soutenant la pénalisation du harcèlement de rue, la stigmatisation NPNS des quartiers populaires etc. s'inscrivent AUSSI dans ce dispositif), et 2°/ non-confiance de millions de femmes potentiellement victimes en celui-ci, également pour des raisons de classe ou de race sociale (... et de manière tout à fait fondée). Des millions de femmes prolétaires pour qui "la vie est un combat", le monde n'est pas safe, et qui auront tendance à voir dans un certain nombre de faits dénoncés (les moins graves, ceux qui ne relèvent pas du viol ou de la tentative pure et simple, mais qui sont aussi les plus nombreux) de piètres tears de petites-bourgeoises gâtées par la vie et bousculées dans la sacralité de leurs petites personnes ; autre angle d'attaque de la tribune.
Quant à la sacralisation de la "parole située des premières concernées", c'est bien évidemment un défaut béant dans la cuirasse du truc lorsque ce sont des femmes qui prennent la parole... contre. Heureusement que ce sont des bourgeoises, astronomiquement loin des violences quotidiennement subies par les femmes du peuple ; on pourra toujours contre-attaquer là-dessus ; mais quid si des femmes "d'en bas" (et il y en a sûrement, pour toutes les raisons ci-dessus évoquées !) tenaient le même discours ? D'ailleurs ces bourgeoises, pour tenir leur discours en mode "holàlà faut arrêter de chouiner pour tout, faut un peu surmonter dans la vie", mettent souvent en avant des expériences vécues avant d'accéder à la Tour d'Ivoire, lorsqu'elles étaient elles aussi des femmes anonymes du peuple. Toutes (ou presque) caractérisées par un certain âge, elles parlent d'un espace-temps (la France du cinéma d'Audiard, en gros) révolu pour la petite-bourgeoisie dans le move des métropoles, mais qui est toujours celui des territoires de relégation sociale ou raciale, urbains comme ruraux...
Ce sont toutes ces failles par lesquelles peut S'ENGOUFFRER DANS LE PEUPLE (et même parmi les FEMMES du peuple) le discours "pour la liberté d'importuner" de la tribune, en dépit de sa vocation première (évidente pour un-e matérialiste révolutionnaire) qui est de défendre pour leurs "fautes occasionnelles d'élégance" les hommes de la classe de ses signataires.
Des failles rendues possibles par le caractère féministe radical petit-bourgeois de la démarche, auquel il nous appartient d'opposer un féminisme révolutionnaire prolétarien.