1. Notre position sur le mouvement en cours en Bretagne aura, nous l'avons déjà dit, surpris plus d'une personne. Nous aurons défendu un mouvement dans lequel (sans qu'il s'y résume !) la présence d'éléments réactionnaires est avérée, et le moins que l'on puisse dire, c'est que la "gauche" hexagonale en aura pris plein la gueule. Comment expliquer cela ?
Eh bien, pour comprendre cela, il faut avoir compris ce qu'est le système républicain bourgeois "français" né dans l'égorgement des Communes de 1871. Un système pratiquement unique au monde, où l'Armée idéologique du Capital possède DEUX AILES, "gauche" et "droite" alors que dans la plupart des pays cette distinction est relativement cosmétique (certains, comme l'Italie jusqu'en 1992, ne s'embarrassaient même pas de l'illusion d'un bipartisme, sans parler de l'"Espagne" qui était une dictature ouverte jusque fin 1975, de l'Allemagne où "sociaux-démocrates" et "chrétiens-démocrates" n'hésitent pas une seconde à former une Große Koalition si nécessaire, de l'Autriche où c'est même la norme, etc. etc.). Et donc, le Capital avance l'une ou l'autre aile de son armée idéologique en fonction des circonstances. Lorsque "ça pète" dans les villes "rouges", comme en 1871, ou dans les "banlieues à racaille islamisée" comme en 2005, le Capital mobilise la "France profonde" conservatrice, la "France" de "la terre et (des) morts" ; c'est ainsi que des Bretons ou des Mayennais encore plus affamés que les ouvriers parisiens ou marseillais s'en allèrent gaiment massacrer ces derniers, et qu'aujourd'hui des CRS et des BACeux venus de toutes les périphéries possibles matraquent, flash-ballent et taserisent sans états d'âme tandis que le "soldat opinion" vit dans la terreur de ces "zones de non-droit", qu'il imagine comme un mélange de Ciudad Juarez et de Bagdad. Mais lorsque "ça pète" justement chez les "ploucs" de ces périphéries profondes, normalement pourvoyeuses de flics, de gendarmes et de "gens bien-intentionnés", alors le Capital mobilise toute la gôôôôche des jacobinards, républicards-laïcards et autres "libres-penseurs" (du genre lecteurs de Marianne), le "jacobinisme populaire" ("sans-culotte") syndical et partidaire, et bien sûr tout le mépris bobo-hipster-bords-de-Seine pour les "culs-terreux" de la "France-Jean-Pierre-Pernaut", l'arrogance intellectualoïde des lecteurs du Monde, de Charlie Hebdo, de Libé et (en bien moins grand nombre bien sûr) des "Materialistes.com". Et cela fonctionne : sur l'actuel mouvement breton, le gouvernement était bien emmerdé car c'était précisément surtout dans les "classes moyennes" (premier point d'appui, en principe, de toute classe dominante) que se développait une certaine solidarité avec les "Bonnets rouges" contre le "matraquage fiscal". Mais après qu'Ayrault ait annoncé la suspension de l'écotaxe (à laquelle se résume évidemment, vu la manipulation médiatique, le "problème breton" pour 90% de la population), dès le 9 novembre une majorité considérait que le mouvement devait cesser. Une majorité assise sur le bon-vieux-sacro-saint (et assez unanime) légalisme "républicain" (rejet des "violences" et des "destructions" qui accompagnent le mouvement), mais largement centrée à "gauche" contre un mouvement perçu comme "poujadiste" voire "séparatiste".
En fonction des circonstances et de quelle aile (de son armée) le Grand Capital met en mouvement, nous sommes donc obligés de porter le fer dans l'une ou l'autre direction. Il en ira de même pour les guerres et autres manœuvres impérialistes : mobiliser contre un Assad ou un Kadhafi (ou un Milosevic hier) fonctionnera mieux dans l'aile "gauche" de l'armée idéologique (l'aile "droite", de manière générale, n'aime pas trop ces grandes interventions avec Rafales, tambours et trompettes, elle aime les guerres qu'on ne voit pas, celles par "sauvages" interposés, celles des mercenaires à la Bob Denard, des forces spéciales et autres barbouzes etc.). Il est toutefois souvent possible de faire consensus (contre les z'islamiiiistes au Mali par exemple, et sur la question de l'islam et des musulmans en général).
Ainsi va le système "républicain" bleu-blanc-rouge : c'est en fait un système qui peut connaître une fascisation potentiellement puissante, autour d'un "centre d'agrégation" de la mobilisation réactionnaire ultra (comme le FN aujourd'hui, le mouvement gaulliste dans les années 1960 ou les Ligues dans les années 1930) ; un système policier par nature depuis sa naissance dans le sang des Communes et même depuis Napoléon avec son Fouché ; mais où le fascisme ouvert, de type hitlérien, ne survient que dans des circonstances vraiment exceptionnelles (catastrophe de 1940 et occupation nazie), et d'ailleurs lorsque cela arrive, le fascisme en question se "fabrique" une droite et une "gauche" (RNP de Déat... qui assumait d'ailleurs totalement la référence à "(17)93" et au jacobinisme, PPF de Doriot etc.) et affirme (Pierre Pucheu, Ministre de l'Intérieur 1941-42) lutter contre les "extrêmes" de droite (gaullistes) comme de gauche (communistes) : on l'ignore souvent, mais le régime de Vichy était absolument multipartiste ! Comme situations plutôt graves surmontées (et mobilisations réactionnaires de masse assurées !) sans abandonner les apparences "démocratiques" libérales-parlementaires et sans mettre en place un régime "totalitaire", la Grande Guerre de 1914-18, la guerre d'Algérie ou Mai 68 et les années suivantes sont d'assez bons exemples. D'autres pays peuvent également, aujourd'hui, connaître ce type de "démofascisme", comme typiquement les États-Unis sous Bush et Cheney après le 11-Septembre, mais même depuis l'America is back de Reagan en 1980, l’État espagnol depuis la Transition de 1975-78 ou Israël depuis l'origine (mais particulièrement depuis 2000) ; mais la "France" a réellement été précurseuse en la matière. C'est en effet l'un des pays où la pensée dominante bourgeoise est l'une des plus anciennes et puissantes ; alors que l'Allemagne "jetée" dans la "démocratie" libérale parlementaire (telle que nous la concevons) en 1918, l'Espagne de même en 1931, et l'Italie (système bourgeois censitaire jusqu'en 1912) ou encore le Japon (monarchie de droit divin) ne l'ayant alors jamais connue, ont dû face à la crise générale du capitalisme et à la menace révolutionnaire avoir recours au fascisme ouvert, "totalitaire".
En réalité, il est impossible de comprendre la question des langues, cultures, "décentralismes" et autres affirmations "minoritaires" (nationales) si l'on se place dans une vision strictement "mécaniste classiste" des choses. Pour comprendre, il faut être (et nous le sommes !) GRAMSCIENS. Il faut en effet avoir lu (et compris) Gramsci pour comprendre qu'il y a là une tranchée idéologique du système de défense du Capital : le capitalisme français s'est construit en construisant l'amnésie collective des Peuples d'Hexagone, l'oubli de ce qu'ils sont, de leur histoire ; car la mémoire de cela mettrait forcément à nu la manière dont ledit capitalisme français s'est construit (sous les "grands rois", la "révolution", Napoléon et les régimes successifs jusqu'à la définitive république des monopoles de 1870), et ferait très certainement le "lien" avec les situations "régionales" actuelles. D'autres États ont fait différemment ; mais l’État français a fait comme cela, et pas autrement. Et aujourd'hui ? Et bien, en soi, le Capital BBR n'aurait sans doute aucun problème avec un modèle étatique fédéralisé : l'Allemagne fonctionne "très bien" avec ses länder, l’État espagnol avec ses "autonomies", le Royaume-Uni avec ses "dévolutions" etc. etc. Mais il est tout simplement trop tard pour faire machine arrière... C'est un peu comme le type qui aurait menti à sa famille pendant des années entières et qui, lorsque la vérité émergerait enfin, n'aurait d'autre solution que de tuer tout le monde puis de tenter de se suicider : extrémités qui dans le champ social s’appellent la guerre civile et auxquelles, on s'en doute, le Capital BBR veut éviter d'arriver. L’État français est en fait prisonnier de sa propre idéologie fondatrice qui veut depuis plus de 200 voire 300 ans qu'il n'y ait "que des Français", que les réalités nationales ne soient que des "moyenâgeries" obscurantistes de bouseux clouant des chouettes sur leurs portes, de châtelains cravachant leurs gueux, de curés affirmant que la Terre est plate et aujourd'hui de "petits patrons et de paysans identitaires poujadistes". Là est la fonction fondamentale, au service du Grand Capital, des Mélenchon, Chevènement, Françoise Morvan, PRCF, POI-poï, ROCML, "Arrière-Garde ouvriériste", "pcmlm" et consorts ; bref de tous les JACOBINARDS DE MERDE de droite comme de "gauche" !
Qui n'a pas compris cela n'a pas compris la herse de "société civile" qui défend le donjon des monopoles "français", et ne peut donc pas la briser et faire tomber ce foutu donjon. C'est la raison pour laquelle, par exemple, au risque de choquer, SLP se veut radicalement anti-maçonnique. Nous savons qu'au début du mouvement ouvrier, entre 1848 et 1940, beaucoup de ses cadres (comme Ernest Ferroul de notre Grande Révolte occitane de 1907) ont appartenu à la franc-maçonnerie (au Grand Orient, la loge athée/agnostique et "progressiste") et nous reconnaissons la valeur historique de leur action. Les francs-maçons ont été persécutés (les loges "de gauche" en tout cas... encore que) par le fascisme dans les années 1930-40, ici sous le régime de Vichy et l'occupation nazie, et cela en faisait alors des alliés objectifs dans la Résistance antifasciste (beaucoup de kollabos venaient cependant du Parti radical ou de l'aile droite de la SFIO, ce qui à l'époque voulait presque automatiquement dire francs-maçons). Mais aujourd'hui, nous considérons que l'on ne peut pas être franc-maçon et faire partie d'une organisation révolutionnaire conséquente. Les loges maçonniques sont un état-major de l'Armée idéologique du Capital, de son aile "gauche" (Grand Orient, Libre-Pensée) mais aussi d'une grande partie de son aile droite (GLF et GLNF qui abritent notamment - entre autres - les satrapes africains). La "France" est connue pour être un État policier, or la plupart des cadres de la police sont francs-maçons (les cadres militaires et gendarmes étant plutôt, eux, dans des fraternités catholiques : Opus Dei, Civitas/ICHTUS ex-Cité catholique etc.). Nous, communistes, ne sommes pas pour la "libre pensée" mais pour la JUSTE pensée : la CONCEPTION COMMUNISTE (matérialiste, marxiste, scientifique) DU MONDE. Aux chiottes, les "libres" idéologues de ce système de merde ! C'est pourquoi être réellement communiste implique forcément de rejeter la franc-maçonnerie ; c'était d'ailleurs un principe de l'Internationale communiste dans les années 1920* (mais en "France" il ne fut jamais vraiment respecté). Parmi les "frères" maçons très "visibles" en ce moment, il y a notamment un certain Jean-Luc Mélenchon... Mais cela n'enlève rien, en revanche, à notre position sur les troupes de la gauche bourgeoise, sur le "peuple de gauche", le "petit peuple progressiste" qu'il faut œuvrer à amener à la révolution.
2. On ne peut résoudre un problème que si on le COMPREND : évidence que connaît même un écolier confronté à un exercice de maths. Le capitalisme engendre pour les masses populaires toute une série de problèmes, qu'il n'est pas possible de résoudre si l'on ne comprend pas qu'ils viennent du capitalisme, ou même si l'on dit simplement que "c'est le capitalisme" sans compréhension plus poussée. Et il n'est pas possible de comprendre un problème si l'on ne comprend pas le CADRE dans lequel il se pose ; or dans chaque "grand bassin économique de vie populaire" le capitalisme se manifeste de manière différente, et génère des problèmes différents. Chaque "cadre" des problématiques capitalistes est une création de l'activité capitaliste elle-même. Il faut analyser et comprendre la création de ce cadre pour comprendre les problèmes qu'il contient, et pouvoir envisager de les résoudre. C'est tout le sens de notre démarche depuis maintenant bientôt 3 ans ; démarche qui se découvre maintenant (sans s'en être jamais inspirée...) des parallèles avec les travaux de "socio-géographes" universitaires (Christophe Guilluy etc.), même si nous n'en partageons évidemment pas les conclusions réformistes (Guilluy et consorts se rêvent sans doute en successeurs de Rosanvallon et de son "Nouvel âge des inégalités", qui fut le "petit livre rose" du jospinisme en 1997-2002), ni certaines déductions socio-politiques**.
Déterminer et comprendre, déterminer pour comprendre les différents "cadres" (qui sont des constructions historiques) dans lesquels se pose le problème capitaliste au sein de l’État français (qui est lui-même un "cadre", étudié et compris comme tel), voilà tout notre propos. En l'absence d'une telle étude et compréhension, on ne peut que pérorer sur des situations comme celle que connaît actuellement la Bretagne. Les soi-disant "socialistes", "marxistes" ou "anarchistes" qui crachent sur les "Bonnets rouges esclaves" qui "manifestent avec leurs patrons" n'ont, tout simplement, strictement rien compris au cadre nommé "Bretagne" de la question sociale, et au cadre nommé "France" dans lequel, pourtant, ils vivent et prétendent lutter au quotidien pour "en finir avec le capitalisme"...
3. Nous avons parfois pu entendre que "les petites nations ne sont pas vouées à avoir un rôle déterminant dans la lutte révolutionnaire à venir"... Ceci est, d'abord, une mal-compréhension de notre propos, car ce que nous disons c'est que ce sont les PÉRIPHÉRIES, les territoires de relégation qui sont voués à être les "campagnes" de la Guerre populaire en Europe ; simplement, nous constatons qu'en "France" cette "périphérisation" recoupe très souvent le territoire d'une nationalité annexée au cours de la formation de l’État, depuis le 13e jusqu'au 19e siècle.
Ensuite, cela nous semble soulever une sérieuse question : c'est quoi, une "petite nation" ? La "France" approche au total les 66 millions d'habitants. Retirons les presque 3 millions d'ultramarins (DOM et COM) : restent 63 millions. Retirons les populations du "Midi" : Occitanie, Arpitanie, Pays Basque, Roussillon (Catalogne-Nord), Corse (soit les régions Rhône-Alpes, PACA, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Auvergne, Limousin, Aquitaine et Corse) : on approche les 23 millions. Restent 40 millions. Retirons la population de la Bretagne à 5 départements (3,2 millions + 1,3 pour la Loire-Atlantique) : 4,5 millions. Restent 35,5 millions. Retirons la population du "Grand Ch'Nord" ou "Grande Picardie", de l'aire linguistico-culturelle PICARDE, soumise seulement entre les règnes Louis XI et (pour l'essentiel du Nord-Pas-de-Calais actuel, les "Pays-Bas français") de Louis XIV : Picardie sauf le sud de l'Oise et de l'Aisne (grosso modo) : 1,5 millions environ ; et Nord-Pas-de-Calais (4 millions) : 5,5 millions. Régions auxquelles on pourrait ajouter, en raison de sa grande proximité socio-économique, culturelle et historique, le département des Ardennes (dont la partie nord - 1-2-3 - n'a été conquise, elle aussi, qu'au 17e siècle) : 280.000 habitants. Bref, grosso modo 5,8 millions pour le "Peuple des Brumes" : restent moins de 30 millions. Il faut encore retirer la Lorraine (annexée, pour la majeure part, en 1766 seulement !) : 2,3 millions ; l'Alsace (annexée seulement sous Louis XIV, voire seulement en 1798 pour la région de Mulhouse) : 1,9 millions ; et la Franche-Comté, stable dans ses frontières ("comté de Bourgogne") depuis l'époque carolingienne et annexée en 1678 après avoir subi une guerre d'extermination de 10 ans (1634-44) qui vit disparaître... les 2/3 de la population : 1,1 millions. Il reste, pour la "vraie France" dont parlait au 19e siècle Jules Michelet, quelque chose comme 24,5 millions de personnes : 37% seulement des 66 millions de départ !!! Sans oublier que dans ce restant, les peuples poitevin-vendéen-saintongeais (entre Loire et Gironde, sorte d'"Arpitanie de l'Ouest" intermédiaire avec le "Midi" d'Òc), "grand-berrichon" (entre Loire et Massif central), bourguignon ou encore normand ont plus que leurs particularismes ; et qu'il faut en outre soustraire, sur tout l'Hexagone + la Corse, 7 à 10 millions de "colonisé-e-s intérieur-e-s" qui pour la plupart ne se sentent nullement "français" et même (et nous reprendrons en chœur avec eux), "niquent la France"... OÙ EST LA PETITE NATION ? [au demeurant le terme même de "petites nations" semble être né sous la plume d'Engels à la fin des années 1840 dans un de ces délires antipopulaires assez indéfendables dont il était alors coutumier, auxquels les faits ont cinglamment donné tort et avec lesquels le marxisme actuel a heureusement pris des distances astronomiques...]
En définitive, il n'y a peut-être de véritables "français" que la BOURGEOISIE et ses affidés : ceux et celles dont le système-France sert les intérêts et/ou fonde l'existence. En dessous, les ENGRAISSANT à la sueur de leurs fronts, il y a DES PEUPLES. Même le Bassin parisien (au sens géographique) peut être subdivisé en (grosso modo) 6 peuples : la "Grande Île-de-France" dans un polygone Beauvais-Soissons-Provins-Sens-Orléans-Chartres-Vernon, la "Grande Picardie" dont nous avons déjà parlé (Nord de la région Picardie, Nord-Pas-de-Calais, éventuellement Ardennes), le "Grand Berry" (Berry, Bourbonnais/Allier, Nivernais/Nièvre), le "Grand Val-de-Loire" (Blois, Touraine, Maine, Anjou), la Normandie et la Champagne...
Alors après, on peut toujours s'"amuser" à nier cela en faisant semblant de ne rien comprendre à ce que nous disons, comme lorsque "certains" font remarquer que la Mayenne connaît une situation économique et sociale tout à fait similaire à celle de la Bretagne. Mais évidemment ! Nous n'avons jamais dit le contraire ! Ce que nous disons, c'est qu'il y a une opposition fondamentale entre des CENTRES (un Grand Centre formant un trapèze Tours-Rouen-Reims-Auxerre et une bonne vingtaine de "centres-relais") et des PÉRIPHÉRIES, et que SOUVENT ces périphéries "recoupent" des QUESTIONS NATIONALES, car ce sont des Peuples qui ont été conquis au cours de la formation de l’État par et pour le capitalisme. Évidemment que la contradiction Centres/Périphéries ne suit pas strictement la frontière de la Bretagne, puisque cette "province" abrite deux "centres-relais" (Rennes et Nantes) et un "phénomène Côte d'Azur" sur sa côte sud (ou encore vers Perros-Guirec, Saint-Malo ou entre Saint-Brieuc et Plouha)*** tandis que des secteurs avoisinants sont profondément relégués, en Mayenne mais aussi dans le Maine-et-Loire (Anjou) ou (surtout) dans la Manche (Cotentin), ou encore en Vendée. Ce qui est relégué/périphérisé à l'ouest de l'Hexagone c'est en fait une "Grande Armorique" qui comprend quasiment toute la Basse-Normandie avec le Cotentin, le Maine, l'Anjou, le Bas-Poitou (Vendée et Deux-Sèvres) et la Bretagne ; tout le Massif armoricain en réalité. Mais cela ne veut NULLEMENT DIRE qu'au sein de cette "Grande Armorique" la question nationale bretonne n'existe pas ! Et une Bretagne LIBRE ET SOCIALISTE (dieub ha sokialour !) serait évidemment, pour toute cette "Grande Armorique" périphérisée, une BASE ROUGE que l’État français, en vérité, ne pourrait tout simplement pas gérer : ce ne serait ni plus ni moins que sa fin...
* De Trotsky ("hérésiiiiiiie !!!" gueulera qui voudra...), mais néanmoins TRÈS JUSTE : lire ici.
** Ainsi, le fort vote FN et plus largement le vote "droitier populaire blanc" ne se trouve pas tellement dans les périphéries profondes (en bleu foncé), mais plutôt à la marge des zones "métropolitaines" en blanc : en mettant côte à côte les deux cartes, on voit clairement le vote pour Marine Le Pen (premier tour 2012) entourer les grandes taches blanches métropolitaines (Paris, Lyon, Aix-Marseille, Nice-Côte-d'Azur, Toulouse, Bordeaux, Nantes et Rennes, Lille) ou carrément... en faire partie, et border (Nord, Nord-Est, "Rhône-Alpes") la Suisse, l'Allemagne et le Bénélux (la "métropole européenne"). En Corse, ce sont clairement les alentours d'Ajaccio, Bastia, Calvi, Propriano et le Sud-Est (Porto-Vecchio, Bonifacio) ainsi que le secteur de la base de Solenzara (vote des militaires ?) : les secteurs les plus peuplés, touristiques et socialement inégalitaires (ce qui n'est pas la même chose que "pauvre", à ne pas confondre !). La Corse "profonde" (en particulier le secteur de Corte, bastion nationaliste) ne vote pratiquement pas FN. "Pixelisé" par bureau de vote, le résultat serait encore plus éloquent... "Socio-géographiquement", ce n'est pas tant un vote de relégation réelle (prolétariat et paysannerie pauvre, périphéries profondes) que de sentiment et de peur de celle-ci ("très-petite-bourgeoisie"). Ce ne sont en fait pas tant des "exclus" qui votent FN que des gens ayant un fort "ressenti" d'exclusion aux abords d'un grand "centre d'inclusion" ("métropole mondialisée") ; sentiment associé à celui de faire
"tampon" avec plus exclus qu'eux (la "ZUS du coin", un camp de Roms etc. etc.). Comme l'ont toujours analysé les marxistes conséquents, le populisme d'extrême-droite, le fascisme, vise précisément à livrer bataille à l'idéologie prolétarienne dans les "couches en déclassement" de la société, pour éviter que celles-ci ne deviennent révolutionnaires (ce qui serait fatal au système). Là où ce sentiment disparaît, tout simplement par l'absence de grand "centre-relais" capitaliste (ni bobo centrurbain ni ZUS à l'horizon, donc), le vote FN tend également à disparaître. Les zones de "grand bleu" sur la carte des "fragilités sociales" (Bretagne et "Grande Armorique", Massif "central", Alpes, Pyrénées, Gascogne) se caractérisent plutôt, tout comme les "cœurs" des grandes métropoles, par leur blancheur ou leur jaune très clair sur celle du vote FN ; et même si celui-ci monte inexorablement, il monte "partout pareil" c'est à dire que les zones de gros scores "historiques" le restent (mais désormais à 30 voire 35% et non plus 20-25%) et celles de scores historiquement faibles le restent également, même si ce ne sont plus 5-10% mais 10-15% ou 15-18%. [NDLR : le 'p''c''mlm' part exactement des mêmes postulats erronés sur "la classe ouvrière principalement périurbaine et votant massivement FN", alors que cela n'est vrai que dans le Nord du Bassin parisien, en Lorraine et Alsace, dans le couloir Saône-Rhône, en Provence et Languedoc côtier.]
*** Les principales poches de relégation/périphérisation/précarité en Bretagne (à 5 département of course) sont :
- le Poher et la Haute-Cornouailles : centre-est du Finistère (entre Arrée et Montagnes Noires), sud-ouest des Côtes d'Armor et nord-ouest du Morbihan (Gourin, Guéméné-sur-Scorff, Le Faouët etc.).
- le nord de la Loire-Atlantique (pays de la Mée).
- la baie du Mont-Saint-Michel (Pleine-Fougères, Antrain etc.) et le secteur extrême-nord de l'Ille-et-Vilaine (Louvigné-du-Désert).
- le sud-est des Côtes d'Armor et l'extrême-nord-est du Morbihan : Porhoët, Mené.