1. La première chose (mais assez éloignée dans le temps) à laquelle on peut comparer les actuels évènements qui secouent la Bretagne, c'est bien sûr notre Grande Révolte occitane de 1907. D'autres parallèles pourraient encore être tracés, comme avec le grand mouvement lorrain de 1979-80 ("Lorraine Cœur d'Acier") contre le démantèlement de la sidérurgie, pilier de l'économie locale comme l'est l'agroalimentaire en Bretagne. Mais ces évènements peuvent aussi être rapprochés d'autres beaucoup plus récents.
Le mouvement des "Bonnets rouges" en Bretagne s'inscrit en réalité dans la totale continuité du LKP (Lyannaj kont Pwofitasyon) en Caraïbe, début 2009 : c'est en fait un "LKP métropolitain" ; c'est le vent de la remise en cause du système-France, dont le LKP était une première expression ultramarine, qui vient de toucher les côtes "métropolitaines" porté par le Gulf Stream !
Bien sûr, les gens à courte vue s'écrieront : "meuuuh nooooon, n'importe quoi, rien à voir, pas du tout les mêmes acteurs sociaux, pas du tout la même idéologie, le LKP était de gauche (comme d'ailleurs la révolte languedocienne de 1907 ou le mouvement lorrain de 1979) alors que les Bonnets rouges sont ultra-ambigus, il y a le patronat et les fachoooos..." etc. etc. (rappelons quand même que le LKP fut lui aussi violemment attaqué, en son temps, pour son soi-disant "racisme anti-blancs"). Pas vraiment les mêmes acteurs sociaux ? Certes. Mais si l'on y regarde de plus près, on s'aperçoit que les acteurs des deux mouvements ont en fait un grand dénominateur commun : les uns comme les autres sont les PILIERS de la vie économique et sociale locale. En Bretagne, plus que d'une classe, c'est d'un secteur productif qu'il s'agit : l'agroalimentaire, patrons et salariés réunis. Et c'est précisément ce secteur... qui faisait que la péninsule armoricaine n'était plus, ces dernières années, la terre de misère qu'elle était il y a encore 60 ans. Aux Caraïbes, en 2009, c'était le petit emploi public... c'est-à-dire précisément ce qui fait que Gwadloup et Matinik ne sont pas Haïti ou la Jamaïque. Autrement dit, les secteurs sociaux qui FONT que la relégation périphérique, coloniale dans un cas (de type particulier, "départementale") et provinciale dans l'autre, est "masquée" ; qui font que l'on peut "quand même s'estimer heureux d'être en France", qu'il y a "plus à plaindre"... et qui sont les premiers à s'effondrer lorsque la crise, mondiale, finit par rattraper la contrée, se retrouvant alors propulsés en première ligne de la révolte. Imparable... C'est là le formidable moteur de mobilisation du DÉCLASSEMENT, bien plus puissant en fait que la pauvreté elle-même, même si, comme disait Lénine, il apporte avec lui son lot de "fantaisies réactionnaires", nostalgie du "bon vieux temps" oblige.
Les "Bonnets rouges" sont donc, on le répète, un LKP ayant accosté en "métropole" hexagonale ; comme le mouvement antillais, les problèmes qu'il soulève ne sont pas l'affaire de telle ou telle mesure gouvernementale : ils touchent à l'organisation même de l'État français comme cadre économico-politique de production, de valorisation du Capital. Ce qu'il soulève, même si certains points "cristallisent" la colère (ici l'écotaxe, comme hier le prix du carburant en Gwadloup), ce sont les problématiques fondamentales d'un territoire
dans le cadre du système-France, cette construction par et pour le Capital vieille de 8 siècle ; d'où son caractère DE MASSE, cet "interclassisme" qui fait renâcler les "révolutionnaires" de campus (qui s'imaginent sans doute qu'une révolution, du moment que c'est sous un drapeau rouge ou/et noir, peut se faire uniquement avec des ouvriers d'usine... ou des fonctionnaires et employés publics, ou des étudiants). Bien sûr, entendons nous bien : pour nous, l'intérêt de ce mouvement (comme du LKP avant lui) sera
d'avoir existé. Pas ce à quoi il aura mené, car pour qu'il mène à quelque chose (d'intéressant) il est encore trop tôt. Ce n'est pas, on l'a dit, un mouvement autour d'une revendication précise (pas même l'écotaxe) mais une convergence d'intérêts très divers voire au premier abord contradictoires : pour l'unifier dans une même direction cohérente et aller de l'avant, il faudrait un Parti révolutionnaire conséquent, or il n'y en a pas encore actuellement en Bretagne. Il est donc probable que les divers intérêts et revendications soient "mis à la découpe" et traités au cas par cas, "corporation" par "corporation", satisfaisant voire réjouissant les uns, laissant aux autres le goût amer de l'échec et de la trahison, l'objectif étant de "dégonfler" à tout prix la mobilisation, de "désamorcer la bombe" pour ne plus laisser sur le champ de bataille que quelques desperados. C'est ce qu'il s'est toujours passé dans l'Histoire, en Occitània en 1907 comme en Karayib en 2009.
Mais ce mouvement des nouveaux Bonnets rouges aura existé et au delà de toutes ses contradictions et ambigüités, il aura lancé, confirmant toutes nos thèses, un petit défi au système-France ; le défi (plus que de ses bonnets rappelant davantage le commandant Cousteau qu'une révolte du 17e siècle...) de sa marée de drapeaux bretons flottant sur Kemper le 2 novembre... Un Peuple reprenant conscience de lui-même, ce qui est fondamentalement insupportable pour un système fondé depuis 800 ans sur la construction d'un grand "lager économique" hexagonal (puis également colonial ultramarin) où les travailleurs du peuple soient de simples pions et variables d'ajustement... Car pour que cela fonctionne, il faut absolument que les masses populaires ne sachent plus qui elles sont, d'où elles viennent, n'aient plus aucune conscience d'elle-même, car ce serait automatiquement mettre à nu toute la construction historique et le fonctionnement actuel de la machine capitaliste, et le début de la remise en cause fatale. C'est cela qui aura fait trembler et s'étrangler de rage, outre les hauts dignitaires dudit système (même ceux qui font semblant de "comprendre le ras-le-bol", boulot d'opposition oblige*...), toute une foule de personnages a priori inattendus... a priori, sauf pour qui a une analyse et une compréhension profonde des forces sociales en présence dans ce "cher" Hexagone. Quant au fait que ce mouvement ait eu pour chefs de file des "petits patrons productivistes-pollueurs", que les fameux bonnets aient été fournis par Armor-Lux-de-la-marinière-à-Montebourg, qu'il y ait eu des fascistes ou autres "socialistes français poujadistes" dans la foule de Quimper ou d'ailleurs, pour dire les choses clairement, on s'en tape comme de l'An 40 exactement comme du fait que 1905 en Russie ait commencé derrière un pope orthodoxe agent du tsar (Gapone). À ce sujet, lisez ici... oui ? Eh bien non ! Ce ne sont pas "lesmaterialistes.com", c'est Françoise Morvan, une "petite célébrité" des colonnes de l'Huma, de Marianne, le Monde, Libé etc., une mélenchonarde connue pour sa haine viscérale et sa reductio ad hitlerum systématique de toute affirmation populaire bretonne. Enfin bon, pour une fois que "lesmaterialistes.com" font penser à autre chose que Dreuz.info...
Disons-le en toute franchise : la jouissance de voir combien ce mouvement des Bonnets rouges bretons, et nos prises de position dessus, FONT CHIER est bien réelle... Mais elle ne serait rien sans la compréhension scientifique marxiste de POURQUOI cela fait tant chier ; en particulier une certaine "bonne France" pseudo-"rouge" qui fait totalement partie du paysage, qui est, dira-t-on, la "partie rouge du drapeau tricolore" ! Tout ce qui bouge n'est pas rouge ? Certes, en effet... Tout ce qui bouge n'est pas AUTOMATIQUEMENT rouge : cela dépend de quelle(s) force(s), quelle(s) classe(s) en prennent la tête. Mais tout ce qui bouge est POTENTIELLEMENT rouge si un Parti révolutionnaire conséquent réussit à se mettre à la tête du mouvement, au moins d'une partie ; en tout cas s'il y joue son rôle de Parti révolutionnaire. À la décantation des forces révolutionnaires de Bretagne de s'opérer, pour donner naissance à un tel Parti !
Poent eo stagan Bretoned, gant stourm meur ar vro !
Lire ici (ou faudrait-il se l'interdire ??) une mise au point par des libertaires ayant participé au mouvement : Une autre vision des Bonnets rouges
Ou encore ce "coup de gueule" d'une militante "zadiste" présente elle aussi le 2 novembre à Kemper/Quimper : Front de Gauche et écolos, vous avez insulté les Bretons, faudra pas venir pleurer
OU ENCORE cette Lettre ouverte du syndicat CGT de Damen BREST au secrétaire CGT régional de Bretagne et à la secrétaire CGT générale départementale du Finistère ; qui a passablement fait du reuz (bruit, "boxon" en langue-de-l'obscurantisme) dans la Confédération...
2. La fascisation rampante, la mobilisation réactionnaire de masse se poursuit à toute vitesse d'un bout à l'autre de l'Hexagone, entre droitisation toujours plus assumée de l'UMP (c'est désormais le réputé "modéré" Fillon qui appelle à "ne pas choisir" entre FN et PS...) et montée d'un FN "dédiabolisé" que de récents sondages annoncent maintenant en tête aux européennes. Les bruns nuages continuent à s'amonceler dans le beau ciel hexagonal, qui avait pourtant résisté aux nuages radioactifs de ces cons de cocos russes.
En réalité, la vraie question est peut-être la suivante : QUI, de la "droite décomplexée" de l'UMP ou du FN, MÈNE LA DANSE ? Au regard des constats depuis bientôt 30 ans, il peut sembler que c'est bien le Front lepéniste qui dicte son discours à la droite et même à une partie de la "gauche", en les obligeant à courir désespérément après ces électeurs qu'il "vampirise". Mais ce pourrait n'être qu'une apparence... Ce pourrait très bien être en réalité la droite "républicaine" qui oblige en permanence le FN à se positionner par rapport à elle, soit pour rester plus à droite (sur les questions de société, l'immigration, la sécurité etc.) soit pour paraître... plus "à gauche" (sur l'Europe, la "mondialisation", le "libéralisme" etc.), tout en se réservant toujours le beau rôle, celui de gens "responsables" et "modernes", qui ne font pas "qu'agiter des peurs" mais "proposent des solutions"... Partant du pari que 1°/ l'électeur "central", urbain-éduqué, aujourd'hui quasi-majoritaire, se tournera toujours vers des "gens responsables" et rejettera les "aventuriers populistes", 2°/ même l'électeur "populaire-périphérique-relégué", s'il peut exprimer un "coup de gueule" en votant FN (ou en disant qu'il va le faire), se tournera lui aussi suffisamment souvent, devant l'urne décisive, vers des gens "responsables" et "qualifiés".
En d'autres termes, la "droite décomplexée", qui s'est quelque peu dépouillée des oripeaux du gaullisme mais voudrait bien occuper la même position hégémonique que celui-ci dans les années 1960-70, cherche peut-être à faire du FN ce qu'était le PC de Thorez, Waldeck, Duclos et Marchais pour De Gaulle et Pompidou : un mélange d'épouvantail-repoussoir et d'efficace gardien des masses populaires dans une position inoffensive, avec l'avantage supplémentaire d'être réactionnaire sur toute la ligne (et de ne pas être lié à une grande puissance étrangère).
Le petit problème, c'est que tout cela est un jeu aussi risqué que de jouer avec un briquet dans une station service... Il y en a déjà eu à qui le "joujou" a glissé des mains ; on pense notamment à une certaine droite italienne du début des années 1920 (Giolitti, Bloc national) ou une certaine droite allemande du début des années 1930 (Von Papen & co). D'ailleurs, à ce sujet, on notera que si la référence absolue de nos z'amis "Lesmaterialistes.com" (l'israélien Zeev Sternhell) décrit l'Allemagne comme "la patrie de l'orthodoxie marxiste" (enfin bon, pour les ML, classiquement, c'est plutôt le berceau du révisio-réformisme et aussi d'un certain gauchisme), cela n'a (force est de constater) pas vraiment empêché le triomphe du nazisme, qui reste à notre connaissance la pire forme de fascisme de tous les temps, loin devant quelque "socialisme français" que ce soit...
3. Toujours sur le sujet du fascisme et de l'antifascisme ; dans leur violent article contre la question nationale bretonne (digne, cf. ci-dessous, des révisionnistes turcs pourfendus par Ibrahim Kaypakkaya), "Lesmaterialistes.com" nous disent que l'affirmation populaire bretonne d'être un Peuple est "identitaire" et que, dénonçant le jacobinisme, elle rejette "l'apport des Lumières", ce qui explique son actuel "poujadisme" dans la droite ligne du "socialisme français". Pour eux, le fascisme et spécifiquement le fascisme "français" (le discours "national et social" etc.) est un rejet des Lumières (c'est la thèse de Sternhell, qui est leur référence). Or, selon nous, ceci est erroné ou en tout cas inexact ; et entre en contradiction (sans qu'ils s'en rendent compte) avec leurs propres analyses d'il y a quelques années.
En effet, s'il doit rester quelque chose de l'activité antifasciste du 'p''c''mlm' (peut-être leur seul apport à la pensée communiste), c'est que la "France" est la terre du CONFUSIONNISME idéologique, du "ni droite ni gauche", des petits "Voltaires de Prisunic" politiquement "inclassables" à la Jean-Edern Hallier, Philippe Val, Régis Debray, Philippe Sollers, Jacques Vergès, Michel Onfray ou (plus bas-de-gamme encore) Alain Bonnet de Soral. Mais justement ! Si la "France" est une telle terre de confusionnisme, c'est PARCE QUE c'est le "pays des Lumières", PARCE QUE cette ambivalence est celle des "Lumières" elles-mêmes... C'est en "France" que la pensée bourgeoise a connu son plus haut développement, les "Lumières", alors que dans les autres pays elle reste profondément marquée par le féodalisme "moderne" antérieur. Même en Angleterre, le radicalisme bourgeois avorta très rapidement après Cromwell (1658) et par la suite, la bourgeoisie se caractérisera par singer le style de vie et les "valeurs" aristocratiques, décrocher un titre de "sir" décerné par la reine étant l'aboutissement absolu d'une carrière. Ce radicalisme était de toute manière très imprégné de conservatisme religieux ; et l'on peut considérer que c'est cette même idéologie qui a finalement "réussi" aux États-Unis un siècle plus tard. Le plus haut degré de la pensée bourgeoise, donc... autrement dit, de la pensée d'une classe ambivalente par nature et, finalement, vouée à être transitoire dans l'histoire de l'humanité ; produisant en permanence de l'humanisme, car le capitalisme implique la propriété du producteur sur sa personne, sur sa force de travail, et le "libre" usage ou louage de celle-ci... pour aussitôt le piétiner, car le capitalisme implique aussi la concurrence féroce entre entrepreneurs (propriétaires de moyens de production) et la violente réduction du producteur à sa SEULE force de travail. Ce n'est donc pas le "rejet des Lumières"
qui, sévissant avec une acuité particulière dans leur pays-berceau, engendrerait tous ces "rouge-bruns", ces républicards, ces poujadistes, ces social-fascistes ou encore ces "libéraux-libertaires", ces "gaucho-thatchériens" (à la BHL, Glucksmann etc.) qui ne valent guère mieux (mais ceux-là seraient plutôt des "défenseurs" des Lumières pour le 'p''c''mlm'). C'est au contraire leur pur héritage** ! C'est le voltairisme, dénominateur commun absolu : "on ne mettra pas ma pensée dans une case, droite ou gauche", "ce qui compte c'est la vérité", "je suis un esprit libre", etc. etc. Voltaire : la référence absolue de Philippe Val, libéral-libertaire devenu idéologue néoconservateur et islamophobe assumé ; Voltaire qui a donné son nom à deux initiatives ouvertement fascistes : le "Réseau" de Thierry Meyssan (complotiste ouvertement lié à l'impérialisme russe) et le "Boulevard" lepéniste de Robert Ménard, ancien défenseur de la "liberté de la presse" (Reporters sans Frontières) surtout (dans les années 1980-90) quand il s'agissait de régimes "communistes" ou anti-occidentaux, un autre de ces insupportables "libres-penseurs" médiatiques...
C'est pourquoi, à Servir le Peuple, nous assumons totalement le "rejet les Lumières", cette pensée de la bourgeoisie, PAR ET POUR LE CAPITAL, dont l'hypocrisie dépasse même le dogme catholique, c'est dire ! Aux chiottes les "Lumières" !!! Comme chantait Pino Masi dans les années 1970 : la cultura dei borghesi non ci frega più, l'abbiamo messa nella fossa ("la culture des bourgeois on n'en a plus rien à f***, nous l'avons mise à la fosse") !
4. Voici la traduction du passage d'Ibrahim Kaypakkaya (La Question nationale en Turquie) que nous avons évoquée dans notre critique de l'article jacobin du 'p''c''mlm'. Elle est en partie basée sur le texte en français du site "Étoile rouge" (le 'p''c''mlm' du début des années 2000) et en partie sur la version anglaise que l'on peut trouver sur Kasama ou A World to Win, car la version d’Étoile rouge comporte selon nous (volontairement ou pas) des travestissements importants :
Certains "messieurs je-sais-tout" considèrent que les grands propriétaires terriens ne font pas partie de la nation. Mieux encore, ces messieurs vont jusqu'à répandre le mythe que les Kurdes ne constituent pas encore une nation, du fait de l'existence de ces grands propriétaires dans le pays kurde. C'est là une position horriblement démagogique et un sophisme. [NDLR : remplacez "grands propriétaires" par "bourgeois intégrés au capitalisme français" et vous avez la position du 'p''c''mlm' sur la Bretagne.]
Ces grands propriétaires ne parlent-ils donc pas la même langue ? Ne vivent-ils pas sur le même territoire ? Ne participent-ils pas d'une même unité de vie économique et d'une même formation psychique ?
D'autre part, les nations émergent non pas lorsque le développement du capitalisme touche à son aboutissement, mais à l'aube du capitalisme. Lorsque le capitalisme pénètre dans un pays et y unifie le marché dans une certaine mesure, les communautés possédant déjà les autres conditions [de Staline NDLR] sont considérées comme une nation.
S'il en était autrement, toutes communautés stables situées dans des pays ou régions arriérées, où le développement du capitalisme est très limité, ne pourraient pas être considérées comme des nations. En Chine, jusqu'aux années 1940, existait encore un fort état de morcellement féodal ; donc, dans cette logique, il aurait fallu nier l'existence de nations en Chine auparavant. Jusqu'à la Révolution de 1917, la féodalité restait fortement implantée dans les campagnes profondes de Russie ; ce raisonnement devrait donc conduire à rejeter l'existence de nations en Russie [il entend par là "Empire russe du tsar", NDLR].
En Turquie, par exemple, durant la Guerre de Libération [la guerre menée par Kemal Atatürk contre le dépeçage de la Turquie par le Traité de Sèvres en 1920 NDLR], la féodalité était beaucoup plus forte qu'aujourd'hui, il faudrait donc en conclure qu'il n'y avait pas de nations en Turquie à cette époque. En Asie, en Afrique et en Amérique latine, la féodalité existe toujours à différents degrés : il faudrait donc rejeter l'existence de nations sur ces continents.
Il est évident que ces thèses proclamant que les Kurdes ne forment pas une nation sont clairement absurdes de A à Z, contraires à la réalité des faits ainsi que nuisibles en pratique. Nuisibles, car de telles thèses ne servent que les classes dominantes des nations exploiteuses et oppresseuses. En effet, celles-ci trouvent là-dedans une justification à tous les privilèges et inégalités en leur faveur, et une légitimation à l'oppression nationale et à toutes les souffrances qu'elles infligent aux minorités nationales opprimées et subjuguées.
La lutte que le prolétariat doit livrer pour l'égalité des nations et pour en finir avec toute oppression nationale, privilèges etc. devrait être jetée par dessus bord. Le droit des nations à l'autodétermination devrait être enfoui aux oubliettes.
La colonisation impérialiste des nations moins avancées, l'intervention dans leurs affaires internes et autres violations perfides du droit des nations à l'autodétermination devraient toutes être légitimées, partant du postulat que celles-ci ne constituent pas des nations. De même que devraient être légitimées, dans les États multinationaux, toutes les formes d'oppression et d'humiliation des minorités nationales par la nation dominante.
CQFD…
* Regardez par exemple ici le gribouillis du site d'extrême-droite (républicard, ultra-jacobin, "anti-communautariste" et islamophobe) Riposte Laïque : c'est assez ressemblant en effet, sauf... euh... comment dire... quelque chose... ben les drapeaux, en fait. Les vraies manifs des Bonnets rouges sont 100% gwenn ha du et bon courage pour y entrevoir un BBR... Il y a quelques temps une égérie de la mouvance, Christine Tasin, ultra-jacobine au point que l'on peut se demander si elle plaisante (ou pas), avait participé à un meeting contre "l'islamisation" en Bretagne avec notamment Adsav, extrême-droite... indépendantiste ! Autant dire que cela valait son pesant de grotesque, tant du côté république-une-et-indivisible que du côté "celtomaniaques descendus d'Avalon sur le cheval du roi Arthur"... Vous pouvez voir un compte-rendu de l'épisode ici, page 12.
** Combien n'a-t-on pas entendu, par exemple (et pas seulement du 'p''c''mlm'), que "Maurras et l'Action française, c'est le rejet des Lumières"... ? ARCHI-FAUX : Maurras et l'Action française se revendiquaient du POSITIVISME (dont on dit souvent, en "France", que "le marxisme s'inspire" alors que dans toute son œuvre Marx consacre peut-être trois paragraphes à Auguste Comte pour dire que c'est un triple crétin...) ; autrement dit des "Lumières", de la pensée bourgeoise et du "scientisme" du 19e siècle. À l'origine RÉPUBLICAINS de tendance conservatrice, anti-socialiste et chauviniste revancharde, souvent agnostiques (comme Maurras) ou en tout cas très "séculiers", ils se tourneront par pur pragmatisme vers l'idéologie national-catholique (comme "ciment" du "nationalisme intégral") et le principe monarchique... mais choisiront pour monter sur le trône la branche d'Orléans, celle de Louis-Philippe (Monarchie de Juillet) et du régicide Philippe "Égalité" (qui avait voté la mort de son cousin Louis XVI à la Convention), autrement dit la branche capétienne acquise aux "idées nouvelles" et aux "Lumières". Ce que voulaient simplement les maurrassiens, c'était un État fort et même "en acier trempé" au service du Capital ; et ils pensaient qu'aucun système républicain (forcément parlementaire dans leur esprit) ne pouvait l'assurer en termes de légitimité : il fallait donc un roi (comme en avaient d'ailleurs tous les États européens à l'époque où naissait l'AF, sauf la France et la Suisse). Ils n'avaient absolument aucun projet d'"effacer" toute la pensée bourgeoise produite au long des 16e, 17e et 18e siècles (celle qu'apprécie tant le 'p''c''mlm')... De même, parmi les théoriciens racialistes du 19e siècle qui seront repris sous toutes les coutures par le fascisme au siècle suivant, Joseph Arthur de Gobineau, certes légitimiste à l'origine, était un protégé de Tocqueville, tandis que Paul Bert était profondément "libre-penseur", positiviste, républicain et anti-clérical ; il est même considéré comme l'un des "pères fondateurs" de "notre" école républicaine publique et laïque... Comme "hommes des Lumières", il est difficile de faire mieux !