L’annonce a fait grand bruit dans le microcosme politico-médiatique bourgeois : jeudi soir, Jean-Louis Borloo a annoncé que sa formation, le Parti radical, allait quitter l’UMP à son prochain congrès. Il n’a pas exclu, dans la foulée, de se présenter à l’élection présidentielle de 2012, comme représentant de la « droite sociale et humaniste ».
Annonce aussitôt suivie par celle de Rama Yade (que les fascistes se plaisent à cibler en l’appelant « Ramtoulaye »), affirmant sa « rupture idéologique » avec le parti présidentiel. De son côté, celui qui était il y a encore 1 an le chef de file de la droite anti-sarkozyste, Dominique de Villepin, n’a pas exclu de soutenir la candidature éventuelle de Borloo.
Mais pour SLP, rien de bien surprenant. Rien de plus que la confirmation de notre analyse d’il y a quelques semaines, qui nous a d’ailleurs valu la visite d’un petit comique de « Contre-informations » en commentaires :
=> Sarkozy a été en 2007, et déjà entre 2002 et 2007 comme Premier flic, vice-Premier ministre de fait et idéologue du gouvernement, « l’homme de la situation ».
=> Mais fin 2008 a éclaté la phase terminale de la crise capitaliste commencée dans les années 1970. Avec tout ce que cela implique : contradictions inter-impérialistes décuplées à travers le monde, et besoin de réaction tous azimuts à l’intérieur.
=> Dès lors, Sarkozy n’est plus l’homme de la situation. Ne reste plus, aux yeux des médias porte-voix des monopoles qui font « l’opinion », que les défauts : bling-bling, langage de charretier, pro-américanisme débridé, girouette, manque d’ancrage dans la « France profonde » etc.
=> Ayant pratiqué la « mise à jour du logiciel idéologique » refusée pendant 30 ans par son père, « l’homme » de la situation est devenu une femme, Marine Le Pen. Son « recentrage » apparent a croisé le chemin de l’évolution du Grand Capital vers la solution fasciste.
=> Malgré tout, « l’opinion », patiemment forgée à coup d’éditoriaux et de JT de 20h, n’est pas encore prête au fascisme ouvert. On s’achemine donc, très probablement, vers une parenthèse de « gauche » de 5 ans, avec un DSK incarnant la cible parfaite du discours fasciste. Parenthèse durant laquelle l’extrême-droite acquerra totalement l’hégémonie intellectuelle, idéologique et culturelle sur les masses populaires, après déjà 20 ans d’hégémonie intellectuelle bien à droite. Les tendances « eurasiste » (Bouchet, Soral) ou « occidentaliste » (rebelles-info, Riposte laïque, Bivouac-ID), soutenant l’une et l’autre Marine Le Pen, domineront selon que la contradiction principale de l’impérialisme BBR sera avec les US ou avec le « nouvel Est » (Chine, djihadisme, Iran etc.). De même que les Identitaires, Marine Le Pen joue strictement le « non-alignement » sur ce point.
=> Enfin, malgré tout le « lissage » de Marine Le Pen, le FN ne pourra jamais arriver au pouvoir tout seul. Car il a besoin non seulement de cautions « républicaines » et bourgeoises « respectables », mais aussi d'un réseau de notables et de grands capitalistes qu’il n’a pas suffisamment pour le moment. On l’oublie souvent, mais Hitler n’est pas arrivé au pouvoir seul : le NSDAP n’avait que 33% des voix en novembre 1932. Il est arrivé au pouvoir avec l’alliance des conservateurs de Von Papen et Hindenburg (président de la République de Weimar)… De la même manière, Mussolini est arrivé au pouvoir appelé par le Roi, donc le parti conservateur, monarchiste, catholique (accord de 1929 avec le Vatican) etc.
Il faudra donc à Marine Le Pen des alliés conservateurs, « républicains ». Cela passe par un éclatement de l’UMP.
Et c’est exactement, alors même que l’échec de Sarkozy en 2012 n’est pas encore joué, ce à quoi nous sommes en train d’assister.
Sarkozy est désemparé comme un Jospin en 2000-2002, ne sachant plus où il doit donner de la tête. Tantôt il va « chercher le centre » (comme avec la guerre en Libye), tantôt la « droite de la droite ». Toutes ses gesticulations sont de toute manière vaines : il n’est plus l’homme de la situation, la bourgeoisie des monopoles l’a abandonné, c’est fini pour lui, point à la ligne.
En attendant, il essaye de réchauffer sa vieille recette de 2007 : récupérer les électeurs du FN. Ce sont les rafles de Roms de l’été dernier. Ce sont les propos accumulés par le nouveau Ministre de l’Intérieur, Guéant. C’est le débat sur « la laïcité et l’islam », énième resucée sur le thème de « l’identité nationale ». C’est le refus (historique !) du « front républicain » aux cantonales. Tout cela, sans doute, en pure perte : les électeurs que perd l’UMP, et que gagne le FN, sont déjà ceux et celles que Sarkozy avait soustraits au FN en 2007, et qui y retournent… Par définition, ils ne reviendront pas vers celui qui les a « déçus », « trahis ».
Au sein même de la majorité, le « lobby de l’alliance » avec le FN se structure et se fait entendre. C’est la « Droite populaire » de Mariani, Luca et Vanneste. C’est la « Droite libre » (très islamophobe, mais aussi très voire trop atlantiste) de Del Valle et Kaci.
Et ces milliers d’élus locaux, qui sont autant de petits barons de villages, de bourgades, de cantons : accepteront-ils indéfiniment de « perdre leur siège plutôt que leur âme » ? Soyons sérieux… Aucun politicien bourgeois, même animé des meilleures « convictions républicaines », ne peut arrêter la marche du fascisme, qui est un mécanisme inéluctable du monopolisme en crise. Seule la riposte populaire antifasciste, conçue comme première étape de la révolution socialiste (et non comme défense des « institutions républicaines », conception thorézienne), le peut !
De l’autre côté, donc, les « centristes » font défection. Il y a déjà eu Bayrou, avant 2007. Puis Villepin. Et maintenant Borloo, Yade, Morin (Nouveau Centre). Même Fillon prend ses distances avec le coup de barre à droite de Sarkozy. C’est la droite de la démocratie bourgeoise, la droite « sociale et humaniste » dont se réclame aujourd’hui Borloo, incarnée à la perfection par Chirac en 1995 (et pendant ses deux mandats) et avant lui par Chaban-Delmas, Servan-Schreiber ou Simone Veil, etc.
Mais cette droite est complètement dépassée historiquement pour la bourgeoisie des monopoles, puisqu’on l’a dit, même Sarkozy n’est plus assez réactionnaire… Sa seule perspective politique, c’est de quasiment assurer que Sarkozy soit exclu du 2e tour en 2012. A moins qu’elle ne soit choisie, plutôt que la « gauche », pour la « parenthèse social-libérale » en attendant de préparer l’opinion au fascisme. Mais c’est peu probable…
On voit donc bien, comme prévu et même avec de l’avance, la « droite républicaine » éclater en deux. En 2017, le processus sera terminé. Il y aura la « gauche » bourgeoise, la bourgeoisie qui pense qu’il faut concéder des miettes (mais lesquelles ? nous sommes en crise terminale !) aux masses du Peuple pour sauver l’essentiel ; celle qui aime le « droit international » en politique extérieure, etc. Cette « gauche » sera ralliée en « front républicain », pour « sauver la démocratie », par la « droite sociale et humaniste » de Borloo.
Et puis il y aura le fascisme, derrière son front électoral FN, rallié par la droite « dure », celle pour laquelle « être juste » (discours social) n’est que le préalable à « être ferme » (la dictature de classe tous azimuts).
Et bien sûr, le fascisme l’emportera (avec ses nouveaux Von Papen). Car avec la crise en phase terminale, l’heure n’est plus à concéder des miettes, ce qui est une politique de périodes de croissance capitaliste (comme pendant les Trente Glorieuses, ou à la fin des années 90). Ce n’est plus soutenable. La bourgeoisie monopoliste doit aujourd’hui assumer la concurrence inter-impérialiste par tous les moyens, dont la guerre, comme on le voit en Libye et en Côte d’Ivoire (même si, sur la Libye, on voit que la guerre de Sarko ne fait pas l’unanimité) ; et en métropole, la répression sans pitié de tout mouvement des classes populaires « sortant des clous », comme on a pu le voir fin octobre à Lyon, avec la « souricière » de Bellecour, garde-à-vue géante en plein air pour des centaines de personnes, encadrées par les fusils du GIPN.
Cela, c’est dans 6 ans. En n’excluant pas (et en nous préparant à ce) que ce soit plus tôt, dès 2012 ou lors d’une « crise » entre 2012 et 2017. Car, disons-le clairement, en 2007, on voyait bien Sarkozy au pouvoir pour 10 ans, reprenant peu à peu le programme du FN pour finir en pure copie (mais « présentable ») de celui-ci. Or, les évolutions de la crise capitaliste ont précipité les choses. De nouvelles « accélérations » du processus ne sont donc pas à exclure.
La situation actuelle donne lieu à diverses analyses antifascistes, dont celle de « Contre-informations » dont il a été question plus haut.
Passons sur le ton, comme à l’ordinaire arrogant, règlement de comptes et donneur de leçons. Quelques points de l’analyse sont justes : ainsi le rappel que la marche au fascisme est irrésistible dans le cadre du capitalisme en crise, de la chute tendancielle du taux de profit ; ou lorsque la revue libertaire RéflexeS dit que « Marine Le Pen a séduit les médias », à quoi CI répond très justement que ce sont au contraire les médias, porte-voix de la bourgeoisie impérialiste, qui lui ouvrent les allées du pouvoir, fermées à son père pendant 30 ans en raison de son archaïsme idéologique.
Mais la colonne vertébrale de l’analyse repose sur 2 postulats traditionnels de CI, qui sont FAUX :
1°/ Il y a en France une lutte entre la bourgeoisie impérialiste et une bourgeoisie « traditionnelle » dont Sarkozy serait le représentant… Impossible : à l’époque de l’impérialisme, AUCUN pays impérialiste ne peut être dirigé par autre chose que la bourgeoisie impérialiste. Sarkozy ne représente pas la « bourgeoisie traditionnelle soumise aux USA », curieux écho au « gouverneur US de la France » des social-chauvins ; il représente la sensibilité atlantiste de l’impérialisme BBR, venue à l’ordre du jour en 2005-2006 avec la poussée mondiale de la Chine. Atlantisme qui ne l’a pas empêché de diligenter un violent coup d’Etat à Madagascar, contre un homme (Ravalomanane) de l'impérialisme US… La bourgeoisie impérialiste BBR est ainsi traversée de tendances et de « traditions » : plus ou moins pro- ou anti-US, orléaniste ou bonapartiste (et à « gauche » jacobine ou girondine), « sociale et libérale » ou « conservatrice répressive » etc.
2°/ Le fascisme n’est pas la « réaction immunitaire », ultra-réactionnaire, du capitalisme monopoliste face à la crise générale et/ou la menace révolutionnaire (en l’occurrence, celle-ci est encore faible, d’où le fascisme moderne dont parle le PCmF) ; mais le « passage à la dictature des monopoles »… Absurdité ! La dictature des monopoles, nous y sommes déjà : Lénine a expliqué, il y a plus de 90 ans, que l’époque de l’impérialisme était précisément celle de la dictature des monopoles, y compris sur la bourgeoisie non-monopoliste. En France, nous sommes donc sous la dictature des monopoles, depuis 1900 au moins, et sans équivoque depuis 1945. Le fascisme, c’est la mutation ultime, ultra-brutale et ultra-réactionnaire (aspect principal ; le paravent « social » populiste est totalement secondaire) de cette dictature des monopoles, face à la crise et/ou la menace révolutionnaire, rendant nécessaire la caporalisation de la bourgeoisie sous la houlette de sa frange la plus réactionnaire, pour la guerre impérialiste et la contre-révolution terroriste. Point barre : cette analyse des ML des années 30 (comme Dimitrov) a toujours été vérifiée par l’histoire ; elle n’a pas à être remise en cause. L’erreur du KPD allemand n’est pas celle-là, mais d’avoir placé la contradiction avec les progressistes sincères prisonniers du SPD (pas les ordures à sa tête, bien sûr !) au même niveau que la contradiction avec le NSDAP. Faisant ainsi le jeu de l’anticommunisme des social-traîtres. Cela, tout le monde le sait et la ligne de Front populaire, adoptée par l’Internationale communiste en 1934, en est la reconnaissance claire et nette ; mais ce n’est pas le "p""c""mlm", avec son sectarisme vis à vis des autres révolutionnaires et progressistes, qui va l’admettre !
Mais peu importe, en vérité. Le mouvement communiste renaît en Hexagone et surtout, plus important et plus rapide et massif encore, la poussée révolutionnaire des masses populaires et de leur noyau le plus exploité, le prolétariat. Le Parti ne sera pas le groupuscule qui se proclamera tel avec le plus d'assurance, mais celui qui naîtra, ou rencontrera, et dans tout les cas prendra la tête de cette soif populaire de révolution. Sans quoi, celle-ci ira grossir la démobilisation, l'apathie, voire le courant "social" du fascisme...
Le fascisme est en marche, mais entendez-vous le cri là sur la barricade ? La classe prolétaire l’attendra en armes !
RIPOSTE POPULAIRE ANTIFASCISTE !