Retrouver l'article en bon état ici : Le Royaume-Uni (suite)
3. La contradiction Nations/État et la lutte des classes
On notera ici que le processus (de 1530 jusqu'au milieu du 19e siècle) ‘parachevant’ le Royaume-Uni comme État moderne, puis assurant sa ‘transition’ révolutionnaire bourgeoise vers l’État contemporain, s’est donc déroulé sous le drapeau du ‘protestantisme’ (terme générique dans lequel les observateurs continentaux jettent, pêle-mêle, anglicanisme, calvinisme, puritanisme, presbytérianisme etc.) ; et que, parallèlement, c’est sous ce même drapeau que s’est instauré le règne de la bourgeoisie et de l'‘aristocratie capitaliste’ anglaise (avec sa fraction dominante londonienne) sur les masses populaires d’Angleterre, certes, mais aussi et surtout sur les nations celtiques (toutes classes confondues, avec bien sûr des éléments aristocratiques, cléricaux et bourgeois ‘collabos’), sans même parler des peuples colonisés d’outre-mer. C’est intéressant à relever, car il y a peut-être, dans le mouvement communiste ‘continental’, une tendance à la ‘déviation webérienne’ : une tendance à la simplification et à la systématisation de la dichotomie ‘protestantisme capitaliste donc progressiste’/’catholicisme féodal donc réactionnaire’ dans le processus mondial des révolutions bourgeoises (16e-19e siècles). Certes, le ‘protestantisme’ a été pendant plus de deux siècles une puissante force de progrès, favorisant le développement capitaliste des forces productives et les ‘idées nouvelles’ révolutionnaires bourgeoises ; et il a directement présidé à des révolutions bourgeoises, à des transitions vers l’État bourgeois contemporain et la révolution industrielle, comme en Angleterre, aux Pays-Bas, aux États-Unis ou dans certains cantons suisses. Mais dans le même temps, là où il a précisément dirigé ces processus, il s’est fait idéologie d’oppression, des masses populaires comme des nations niées par ces États modernes en transition vers l’État capitaliste contemporain ; au même titre que le catholicisme là où celui-ci était la religion d’État. Rappelons par exemple que la Prusse (protestante luthérienne), ‘despotisme éclairé’ au 18e siècle, ne fut pas, entre 1789 et 1850, précisément une force de progrès, mais au contraire une ‘forteresse’ de la réaction absolutiste, avec l’Autriche (catholique) et la Russie (orthodoxe) ; et qu’elle a ensuite ‘fait l’Allemagne’ (1850-71, il faut dire qu’elle avait annexé en 1815 les ‘moteurs’ économiques de celle-ci, Rhénanie et Westphalie) sur cette même base ultraconservatrice, non seulement anti-ouvrière et antipopulaire, mais aussi hostile à la bourgeoisie libérale et démocrate qui était alors plutôt... la bourgeoisie rhénane catholique ! C’est d’ailleurs pour le compte de cet Empire allemand prussien (en 1905) qu’écrivait le sociologue de régime Max Weber (probablement, pour être précis, dans une optique de ‘partage du monde’ entre ‘Germains’ et Anglo-Saxons, ligne qui sera, par la suite, celle d’un nazi comme Rudolf Hess par exemple).
En réalité, la Réforme protestante est née au 16e siècle comme idéologie, d’une part, de dénonciation de la corruption de la hiérarchie catholique (trafic des indulgences etc.), mais aussi et surtout, d’autre part, comme idéologie anti-absolutiste favorable à des républiques bourgeoises comme à Genève, aux Pays-Bas ou en Angleterre avec Cromwell. Mais, du moment qu’elle devenait idéologie d’État (en Angleterre, aux Pays-Bas, en Prusse, en Scandinavie, aux USA, ou dans les Républiques boers d’Afrique du Sud), elle devenait automatiquement une idéologie d’oppression pour les masses humaines sous l’autorité dudit État… De son côté, le catholicisme ultramontain (‘papiste’), la Contre-réforme, a été effectivement un mouvement réactionnaire, obscurantiste, combattant le progrès scientifique (Copernic, Bruno, Galilée) et intellectuel, qui privait l’Église de la base même de son existence : une société encore dominée par les forces de la nature. Mais, ‘derniers soldats’ d’un Pape qui n’était plus que l’ombre de son autorité universelle de l’An 1000, des courants comme les Jésuites, obscurantistes vis-à-vis des sciences et de la philosophie, étaient également anti-absolutistes (l’absolutisme rejetait l’autorité pontificale) et ont pu, dans cette logique, au même titre que les protestants radicaux, mettre en avant des idées démocratiques avancées comme le tyrannicide (lorsqu'un souverain ‘viole’ son ‘contrat’ avec le peuple, ou va à l’encontre de ‘Dieu’, c'est-à-dire des droits humains considérés comme ‘naturels’, il peut et même doit être éliminé – Juan de Mariana) ou mener des expériences très radicales pour l’époque, comme les ‘réductions’ guaranies du Paraguay, sur le principe que si chacun et chacune doit se soumettre devant ‘Dieu’, aucun être humain n’est ‘naturellement’ supérieur à un autre (pas même par la ‘grâce’ ou la ‘prédestination’ divine protestante, qu’ils rejettent) [l'ensemble de cette opposition protestante et ultra-catholique à la mise en place de l'absolutisme était qualifiée de mouvement monarchomaque ; concernant les Jésuites, l'origine basque des deux principaux fondateurs de l'ordre, Ignace de Loyola et François Xavier, contemporains (au demeurant) de l'exécution militaire du Royaume de Navarre par le jeune État moderne espagnol, n'est sans doute pas dissociable de ce catholicisme "populaire", "foi du charbonnier" et "républicain" anti-absolutiste ainsi que d'un certain esprit de syncrétisme avec les croyances ancestrales pré-chrétiennes que l'on retrouvera notamment dans les missions du Paraguay, puisque tout cela était caractéristique de la très catholique mais aussi très égalitaire et "républicaine paysanne" (dénuée de conception monarchique forte) société basque de l'époque].
C’est ainsi qu’à partir du milieu du 17e siècle, les Jésuites seront vigoureusement combattus par les États absolutistes et les ‘despotismes éclairés’, y compris de religion d’État catholique comme l’Espagne, l’Autriche ou le Portugal ; bien plus tard, au 20e siècle, ils fourniront – notamment en Amérique latine – le gros des troupes du christianisme social-révolutionnaire et de la théologie de la libération. Dans la même veine, lorsque le roi de ‘France’ Henri III voulut asseoir son pouvoir absolu (et celui de son ‘clan’ aristocratique et grand-bourgeois) sur l’’équilibrisme’ entre catholiques et ‘huguenots’, il fut rejeté comme ‘tyran’ par les uns comme par les autres, et devinrent des ‘républiques bourgeoises’ aussi bien les cités protestantes du ‘Midi’ (‘Provinces de l’Union’), que le Paris de la Ligue, qui préfigurait à bien des égards celui des ‘sections sans-culotte’. Seule la dialectique marxiste permet de comprendre de telles choses, en comprenant qu’à partir du moment (13e, 14e siècle) où l’on sort de la féodalité au sens strict, la religion quelle qu’elle soit perd sa base matérielle et donc son assise idéologique ; à partir de là, le clergé ne peut plus être une classe sociale autonome, il éclate et chacun de ses fragments servira la cause de la classe qui parviendra à le capter…
Donc, la mutation du Royaume-Uni en État contemporain (bourgeois, capitaliste) est un processus globalement achevé avec le règne de Victoria (1837-1901). La révolution industrielle triomphe et la population a plus que triplé (de 7 à 23 millions) entre 1750 et 1830 ; d’immenses cités industrielles (comme Manchester) surgissent de la verte campagne. Le Reform Act de 1832 intègre cette réalité en supprimant les ‘bourgs pourris’ (circonscriptions dépeuplées alors que des ‘villes nouvelles’ immenses, surgies en quelques décennies, n’ont pas de représentants) ; en revanche, il n’élargit le suffrage (censitaire) que de 300.000 à 600.000 électeurs[1] : cette ‘trahison whig’ donnera naissance au mouvement chartiste, qui réclame le suffrage universel masculin (il ne sera totalement accordé qu’en… 1918, en même temps qu’aux femmes de plus de
30 ans – et à toutes en 1928, 16 ans avant les ‘françaises’ pour le coup). Les Premiers ministres issus de la Chambre des Lords se ‘clairsèment’ sous le règne : quatre seulement (cinq avec Disraeli, anobli à la fin de sa vie), le dernier étant Robert Gascoyne-Cecil, 3e marquis de Salisbury (1895-1902) ; tous ensuite viendront des Communes (même si c’est une ‘tradition’ : rien n’y oblige légalement). Le Royaume et l’Empire sont alors au sommet de leur splendeur, l’époque victorienne deviendra un ‘symbole’ de la Grande-Bretagne à travers le monde entier. On notera toutefois que, vers l’État contemporain au sens où nous l’entendons, la transition est longue et progressive, depuis le milieu du 17e siècle jusqu’au début du 20e : c’est le fameux ‘évolutionnisme britannique’, célébré par les courants politiques ‘libéraux’ qui l’opposent à la ‘culture française des révolutions’… Mais la condition ouvrière et populaire, elle, est
effroyable ; comme la lecture de l’écrivain Charles Dickens suffit à s’en donner une idée : des millions de prolétaires de toutes les nations constitutives (privés, comme on l’a vu, des tous droits civiques jusqu’en 1918) s’entassent dans les slums (taudis misérables) des cités industrielles du Nord ou de Londres (East End), baignés dans la boue et dans le smog (littéralement : ‘brouillard de fumée’) des cheminées d’usine.
Parallèlement, on l’a dit, en même temps que l’Angleterre achevait de soumettre à son État l’ensemble des nations (celtiques) de l’archipel britannique, elle développait également un immense empire colonial ultra-marin qui, malgré la perte (1783) des Treize Colonies américaines qui formeront les États-Unis d’Amérique, sera la base, lorsque l’exportation de capitaux deviendra principale, de la première puissance impérialiste mondiale (première chronologiquement, et par l’étendue de son influence). Dans cet Empire, l’Angleterre adoptera une attitude assez différente de celle de la ‘France’ dans le sien. Non pas qu’il y ait eu moins d’oppression et de massacres – encore que cela soit fort possible, en tout cas, il n’y a pas eu de grande guerre d’extermination contre un mouvement d’indépendance, comme en Indochine et en Algérie. Mais l’Angleterre a toujours cherché à appliquer ce que l’on appelle l’indigenous rule. L’impérialisme bleu-blanc-rouge, dans l’optique de ses théoriciens (Victor Hugo, Jules Ferry), se voyait dans un rôle d’’éducateur’ mondial : ‘nous sommes les Grecs du monde’, disait Hugo au génocidaire Bugeaud. La ‘France’ était vue comme investie d’une ‘mission historique’, d’une ‘destinée manifeste’ : apporter la ‘civilisation’ française aux peuples ‘mineurs’, ‘sauvages’ ou ‘barbares’, dans une forme de ‘tutorat international’. Une fois que les peuples colonisés seraient ‘majeurs’, ‘civilisés’, le régime colonial ne s’appliquerait plus (il n’était pas, alors, précisé s’ils deviendraient des États ‘indépendants’ sous influence étroite, ou des départements ‘français’ comme le sont devenues les Antilles). Bien sûr, la base économique était la même que pour tout impérialisme : la domination des monopoles. Mais telle était l’idéologie dont les monopoles se sont emparés pour servir leurs intérêts – n’était-ce pas là, finalement, qu’une transposition outre-mer de la vision que la bourgeoisie révolutionnaire parisienne (et déjà les ‘éclairés’ de la fin de l’Ancien Régime) avaient des ‘provinces reculées’ ?
Pour l’impérialisme ‘britannique’, en revanche, l’’aventure coloniale’ repose sur un seul mot d’ordre : business as usual. Tant que les peuples colonisés font et fournissent ce que le capitalisme et les monopoles britanniques attendent d’eux, ils conservent leur ‘civilisation’, leurs langues, leurs traditions, et même leurs ‘élites’ et leurs institutions. Là où l’Empire ‘britannique’ veut créer une ‘Nouvelle Grande-Bretagne’ (comme au Canada, en Australie ou en Nouvelle-Zélande), il la peuple d’Européens (de préférence du Nord…). À partir du 19e siècle, ne souhaitant pas refaire les erreurs des Treize Colonies d’Amérique du Nord (et une nouvelle violente révolte – Mackenzie et Papineau – ayant secoué le Canada en 1837-38), le Royaume-Uni offrira à ces territoires (dominions) un statut d’autonomie à élargissement progressif, qui débouchera après la 2e Guerre mondiale sur une indépendance totale
(militaire, diplomatique etc.) tout en restant bien sûr des alliés étroits de la métropole (et de l’impérialisme US) ; donnant naissance à des impérialismes de petit ou moyen rang : Canada, Australie, Nouvelle-Zélande ; sans compter l’’émergent’ sud-africain. Ils ne sont plus rattachés à Londres que par le chef de l’État, qui reste officiellement la reine d’Angleterre, représentée par un ‘gouverneur’ (‘proposé’ par le Parlement national ; la reine ne fait qu’entériner, elle ne le choisit pas).
Ailleurs, telle n’est pas la vocation de la domination coloniale : il est ouvertement assumé que l’Angleterre est là pour se fournir en matières premières, écouler sa production nationale, et éventuellement utiliser la force de travail lorsque celle-ci est jugée assez productive. Ce qui ne va pas sans un lourd sous-entendu raciste : les ‘races’ sont et restent ce qu’elles sont ; un Africain, un ‘Peau-Rouge’, un Bengali ou un Maori, pas plus d’ailleurs qu’un Irlandais ou un Écossais (qui leurs sont tout de même ‘supérieurs’) ne sera jamais un Anglais, pas même un ‘demi’. Il est illusoire de prétendre, comme le font les ‘Français’, ‘européaniser’ des peuples non-européens, comme les Romains prétendaient ‘romaniser’ tous les peuples de leur Empire mais celui-ci, au faîte de sa puissance, s’est finalement brutalement effondré – les ‘Français’, en cela, sont bien leurs dignes héritiers et ils connaîtront le même sort. Ainsi raisonnait l’impérialiste anglais ‘moyen’ de l’époque victorienne, et encore dans la première moitié du 20e siècle…
Pareillement, dans les nations celtiques de l’archipel, la domination de type colonial ne s’est jamais accompagnée d’une réelle volonté d’assimilation, de négation nationale au plan socio-culturel, quand bien même les institutions politiques nationales ont été supprimées par les différents Actes d’Union (Galles 1536, Écosse 1707 et Irlande 1800, la Cornouaille n’ayant jamais eu pour sa part d’institutions parlementaires modernes et Man et les îles ‘anglo-normandes’ n’ayant pas été intégrées au Royaume-Uni). Il a certes été tenté, à partir de Georges III (après l’indépendance américaine, face à la Révolution française et à Napoléon puis dans l’expansion coloniale et face à l’Allemagne pendant les deux guerres mondiales) de développer un certain ‘patriotisme britannique’ avec le fameux chant Rule Britannia , le terme de ‘Briton’ (descendant des (Grands-)Bretons), la mise en avant de la reine celte Boadicée résistant aux légions romaines (1er siècle après J-C.) alors que Napoléon (ce ‘nouveau Néron’) planifiait l’invasion du pays ; mais globalement les nations constitutives sont toujours restées reconnues comme telles. Même dans l’armée, colonne vertébrale de l’État selon les marxistes, les régiments restent nationaux (comme les célèbres régiments écossais défilant en kilt avec leurs cornemuses). Au football et au rugby, sports britanniques par excellence, les quatre grandes nations ont chacune leur sélection dans les compétitions internationales, situation unique au monde alors qu’il est impossible de faire reconnaître une équipe basque par la FIFA ; au rugby, l’Irlande est même… réunifiée (au football par contre il y a une équipe d’Irlande du Nord, car c’est là-bas surtout un sport de ‘protestants’ – les Irlandais ‘catholiques’ nationalistes jouant au football gaélique – qui ne ‘peuvent’ donc jouer avec les rares ‘catholiques’ le pratiquant au Sud). Cela tient au fait que, comme on l'a dit, la classe dominante d'Angleterre a historiquement toujours plus assumé une véritable conquête coloniale des autres nations (mais maintenant tout cela "serait du passé" et "on est potes" comme après une bagarre dans un pub...), donc le fait qu'il s'agisse bien de NATIONS différentes de la Nation anglaise ; mais aussi que (comme dans toutes les constructions d’États modernes) elle a pu faire valoir une part de "volonté" (dominante, grande-bourgeoise et aristocratique) autochtone dans ces rattachements : c'est bien un roi d'origine galloise (Henri VIII Tudor) qui a formellement uni le Pays de Galles à l'Angleterre ; c'est bien une dynastie écossaise (les Stuart) qui a uni les deux couronnes puis des parlementaires bourgeois et aristocrates écossais qui ont voté l'Acte d'Union en 1707 ; ce sont (dans une large mesure) des possédants irlandais (protestants ou non) qui en ont fait de même en 1801 et c'est bien - depuis 1920 - en vertu d'une majorité unioniste que les 6 comtés d'Ulster demeurent 'britanniques'... Cette part de volonté autochtone a bien sûr été également essentielle en "France" ; mais elle a été formulée autrement et notamment, en 1789, par l'affirmation d'une fausse "Nation française" (résultat d'un "formatage" culturel des "élites" très fort, dès la Renaissance et encore plus après Richelieu) : c'est donc derrière ce mythe de la "Nation française" (affirmée par des couches sociales qui ne représentaient pas, à l'époque, 10% de la population...) que s'abrite le Grand Capital bleu-blanc-rouge. Au Royaume-Uni, en revanche, les démarches "rattachistes" des élites locales se sont faites en assumant les nationalités réelles et celles-ci sont donc historiquement reconnue ; ce qui n'empêche pas le pouvoir central londonien de tout mettre en œuvre contre la moindre velléité séparatiste (cf. le référendum écossais de 2014).
Bien sûr, il y a eu la suppression - pendant longtemps - de toute institution et gouvernement local. En Irlande, sous la pression du mouvement national qui renaît avec Wolfe Tone (1798), le Parlement londonien finit par céder et accorder le Home Rule… en 1914, mais son application est repoussée à la fin de la guerre mondiale, trop tard pour éviter la guerre de libération qui éclate en 1916 (l’institution se ‘réfugie’ alors dans le Nord, resté occupé) ; les Parlements écossais et gallois n'étant rétablis quant à eux que par les ‘dévolutions’ de la toute fin du 20e siècle, sous Tony Blair. Et depuis le 18e siècle (extinction du cornique, qui ne sera ‘ressuscité’ qu’au 20e) jusqu’à nos jours, les langues nationales ont considérablement reculé au profit de l’anglais – qui profite, aussi, de son statut de lingua franca internationale. Aujourd’hui, pour plus de 6 millions d’habitant-e-s au total (Sud et Nord), le gaélique irlandais est parlé par seulement 70.000 personnes dans la vie de tous les jours, 260.000 en ont une maîtrise ‘courante’ et 1,8 millions (200.000 au Nord) une certaine connaissance. Le gaélique écossais des Highlands et des îles (pour plus de 5 millions d’Écossais-es) n’a plus que 60.000 locuteurs courants, et une centaine de milliers de ‘personnes de plus de 3 ans’ qui le comprennent. Le gallois résiste – et a toujours résisté historiquement – un peu mieux, avec plus de 600.000 locuteurs courants en Cymru même (plus de 60% de la population dans les comtés du Nord-Ouest) et plus de 150.000 en Angleterre ; ainsi que le scots des Lowlands écossais (1,5 millions en Écosse et 30.000 en Irlande du Nord), mais c’est une langue anglo-saxonne, très proche de l’anglais et totalement intercompréhensible (ce que nos républicains BBR appelleraient un ‘patois’), ce qui explique cela – à noter, ici, que l’Écosse est une autre nation bilingue, comme la Bretagne, ce qui contredit encore une fois le ‘monolinguisme absolu’ posé par Staline dans La Question nationale. De leur côté, à Man et dans les îles ‘anglo-normandes’, il reste moins de 2% de locuteurs courants du mannois et des langues d’oïl normandes insulaires, même si jusqu’à 15% peuvent en avoir une certaine connaissance. Dans ces dernières, le normand insulaire a aussi souffert de la concurrence… du français ‘standard’, académique, toujours langue officielle des ‘baillages’ et bien maîtrisé par beaucoup de personnes (tourisme ‘continental’ oblige). Bien entendu, dans toutes ces nations, ce n’est jamais l’anglais d’Oxford qui est parlé par les masses populaires, pas plus qu’en Angleterre d’ailleurs : c’est un anglais populaire, mêlé de vocabulaire et d’expressions nationales, avec souvent un fort accent (comme les ‘r’ roulés écossais) qui rend, généralement, immédiatement identifiable la nation constitutive (et la classe sociale) de l’interlocuteur…
Pour les besoins, et de par l’organisation territoriale du capitalisme britannique (centré sur le Grand Londres, le Grand Birmingham et le triangle Liverpool-Leeds-Sheffield avec Manchester), une très importante force de travail a été importée des nations celtiques périphériques vers l’Angleterre, où elle forma rapidement – et forme encore, en tout cas parmi les ‘blancs’ – la fraction du prolétariat la plus exploitée et, en même temps, la plus combattive ; jouant un rôle de premier plan dans le mouvement chartiste (démocratique, pour le suffrage universel), syndical (trade-unions), socialiste et communiste. Ceci contribua cependant, dans le même temps, au recul des langues nationales face à l’anglais. À partir des années 1920-30, vinrent s’ajouter des travailleurs venus de l’Empire colonial et des pays ‘sous influence’ (sous-continent indien, Afrique, Caraïbes, Proche/Moyen-Orient), ainsi que d’Europe centrale-orientale et méditerranéenne (dont la condition s’assimila rapidement à celle des ‘celtiques’). Les extra-européens formèrent, comme dans tous les pays impérialistes, des ‘indigénats métropolitains’, des ‘colonies intérieures’ (qui représentent aujourd'hui, par exemple... quelques 44% des 8,6 millions d'habitants du Grand Londres !). Celles-ci ont la caractéristique de s’être vues transposer l’esprit d’indigenous rule qui était appliqué dans l’Empire, vis-à-vis des peuples colonisés : regroupées dans des quartiers largement ‘mono-ethniques’, elles y ‘font leur vie’ sous l’égide d’autorités ‘communautaires’, ‘à leur manière’ du moment qu’elles ne
contreviennent pas de manière flagrante aux lois britanniques (évidemment, depuis le 11-Septembre 2001 et plus encore depuis les attentats de Londres en 2005, les communautés de culture musulmane sont nettement plus ‘surveillées’). Elles continuent, dans leurs quartiers, à parler largement leurs langues nationales d’origine, et parlent anglais avec un net accent qui les identifie immédiatement. Il n’y a pas de politique d’assimilation (issue, là encore, de la ‘logique’ appliquée outre-mer) comme en ‘France’.
Après la Seconde Guerre mondiale, au terme d’un processus commencé au lendemain de la Première (malgré le triomphe apparent…), la ‘superpuissance’ impérialiste ‘britannique’ entrera en déclin, supplantée définitivement par son ‘fils prodigue’, l’impérialisme US avec lequel elle fera le choix de l’alliance inconditionnelle, au même titre que les dominions devenu à peu près complètement indépendants. Elle retire l’administration coloniale directe de son Empire, dès 1947-48 dans le sous-continent indien, dans les années 1955-70 des possessions d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie, et jusqu’aux années 1980 des Caraïbes et du Pacifique ; tout en veillant bien sûr à contrer la prise de pouvoir communiste (Malaisie 1948-60) et à combattre les velléités nationalistes les plus affirmées (Kenya 1952-56), sans toujours rencontrer le succès (le Yémen du Sud devient ‘marxiste’ et prosoviétique en 1969, la Tanzanie prochinoise avec Nyerere en 1964) ; et à maintenir sa domination indirecte à travers l’instrument du Commonwealth.
Le Royaume-Uni n’en reste pas moins une puissance impérialiste de premier plan, membre du G8 et du G20. Au classement Forbes Global des grands monopoles pour 2012, parmi les 60 premiers groupes monopolistes mondiaux, quatre ont leur siège au Royaume-Uni (HSBC, BP, Vodafone et Barclays), plus l’anglo-néerlandais Shell dont le siège est à La Haye ; ce dernier et BP (4e et 11e) étant loin devant leur premier concurrent BBR (Total, 18e), et le groupe financier HSBC (6e) également (BNP Paribas, 20e). Deux autres se trouvent dans le Commonwealth (Commonwealth Bank et BHP Billiton, en Australie). On peut également signaler la ‘multinationale’ Rio Tinto (anglo-australienne, 69e au classement, écocide de premier ordre), ou la célèbre (par l’actualité) Mittal Steel, siégeant aux Pays-Bas (Arcelor Mittal au Luxembourg), mais avec beaucoup de capitaux du Royaume-Uni, où Mittal lui-même réside (il est la 8e fortune du pays).
Il est important de souligner, ici, que depuis la ‘3e Guerre de Cent Ans’ (1688-1815) jusqu’à nos jours, le chauvinisme BBR s’est largement construit dans l’hostilité à l’Empire britannique, puisque la ‘France’, bien que souvent son alliée (Crimée, 1914-18, 1939-45) et jamais en conflit direct et ouvert depuis Waterloo, est devenue impérialiste dans un monde dominé par celui-ci (1815-1940), avant que ne lui succède l’impérialisme US (dont le Royaume-Uni serait aujourd'hui, selon nos chauvins, le ‘51e État’, le 52e étant sans doute Israël). De ceci résulte, parfois, une ‘célébration’ de notre ‘modèle’ colonial ‘civilisateur’, face à un impérialisme british qui serait ‘de pur pillage’ et ‘n’apporterait rien aux populations’ ; ou encore, une certaine ‘celtophilie’ réactionnaire qui se berce dans le souvenir de l’Auld Alliance et du soutien de la ‘France’ du Directoire à Wolfe Tone, allant parfois jusqu’à soutenir la résistance populaire armée irlandaise sur une ligne anti-anglo-saxonne, 100% impérialiste et n’ayant rien à voir avec la libération révolutionnaire des peuples : le ‘Celte’ (surtout l’Irlandais catholique) est considéré comme l'individu ‘ancré’ dans ‘la terre et les morts’, tandis que l’Anglo-Saxon est le ‘thalassocrate’ dominateur, soldat de la City et de la franc-maçonnerie internationale… On retrouve cette ‘celtophilie’ dans toute l’extrême-droite fasciste BBR, mais aussi, culturellement, jusque dans une chanson comme le Connemara de l’artiste de droite Sardou...
Le Royaume-Uni revêt une grande importance dans l’histoire du mouvement communiste international : c’est là, en effet, à Londres, que vécurent exilés Marx et Engels, de 1849 jusqu’à leurs morts respectives (1883 et 1895). C’est là, donc, qu’est pour ainsi dire née la théorie socialiste révolutionnaire scientifique, même si le premier ouvrage de référence, le Manifeste, a probablement été rédigé à Bruxelles (pendant l’hiver 1847-48). C’est là (à Londres) que se tint le 2e congrès de la Ligue des communistes (novembre 1847, lors duquel fut demandée la rédaction du Manifeste), et que fut officiellement créée, en 1864, la 1ère Internationale socialiste, l’Association internationale des Travailleurs (AIT). C’est évidemment en observant la société capitaliste industrielle britannique que fut écrit l’ouvrage phare de la science marxiste, le Capital. C’est aussi dans les îles Britanniques que Marx et Engels eurent l’occasion d’affiner leur matérialisme historique, puisqu’ils purent y voir non seulement toute l’horreur de la condition des peuples celtiques dominés et du prolétariat importé de ces nations en Angleterre, mais aussi combien cette question et le ‘privilège national’ dont jouissait la classe ouvrière anglaise, la division des opprimés ainsi permise, étaient un frein considérable au développement de la conscience ouvrière de classe et de la lutte révolutionnaire : Marx finira par dire que « Ce qui est primordial, c'est que chaque centre industriel et commercial d'Angleterre possède maintenant une classe ouvrière divisée en deux camps hostiles : les prolétaires anglais et les prolétaires irlandais. L'ouvrier anglais moyen déteste l'ouvrier irlandais en qui il voit un concurrent qui dégrade son niveau de vie. Par rapport à l'ouvrier irlandais, il se sent membre de la nation dominante et devient ainsi un instrument que les aristocrates et capitalistes de son pays utilisent contre l'Irlande. Ce faisant, il renforce leur domination sur lui-même. Il se berce de préjugés religieux, sociaux et nationaux contre les travailleurs irlandais. Il se comporte à peu près comme les blancs pauvres vis-à-vis des nègres dans les anciens États esclavagistes des États-Unis. L'Irlandais lui rend avec intérêt la monnaie de sa pièce. Il voit dans l'ouvrier anglais à la fois un complice et un instrument stupide de la domination anglaise en Irlande. Cet antagonisme est artificiellement entretenu et développé par la presse, le clergé et les revues satiriques, bref par tous les moyens dont disposent les classes dominantes. Cet antagonisme est le secret de l'impuissance de la classe ouvrière anglaise, malgré son organisation’. » (Lettre à Siegfried Mayer et August Vogt – socialistes allemands émigrés aux USA ; avril 1870)[2].
L’île de Grande-Bretagne comptait à cette époque, et de loin, le plus important prolétariat ouvrier de la planète - le Royaume-Uni était appelé, à juste titre, ‘l’atelier du monde’, car à l’époque, les colonies et semi-colonies étaient encore (avant tout) des débouchés commerciaux et des fournisseurs de matières premières et agricoles, mais la transformation industrielle de la matière s’effectuait quasi-exclusivement dans les pays en révolution industrielle comme l’Angleterre. C’est ainsi que, au-delà du seul marxisme, c’est aussi là que le mouvement ouvrier au sens large s’est développé en premier. Tout au long du 19e siècle et jusqu’au début du 20e, il s’articule autour de deux axes essentiels : le chartisme, qui réclame le suffrage universel (obtenu, on l’a dit, seulement en 1918 pour les hommes et 1928 pour les femmes) et le bénéfice le plus large des ‘libertés anglaises’ pour les classes populaires ; et le trade-unionisme, qui vise à unir (union) les travailleurs pour l’obtention des meilleurs salaires, droits, conditions de travail etc. possibles dans les entreprises. Le Royaume-Uni voit aussi (toujours sur la question électorale) l’apparition du premier mouvement féministe contemporain : les suffragettes, qui réclament le droit de vote pour les femmes.Malheureusement, il est facile de voir (pour un marxiste) qu’avec des telles revendications, ces mouvements ne réussiront jamais à franchir les limites du réformisme, en lien avec les éléments les plus ‘radicaux’ et ‘sociaux’ de la ‘gauche’ libérale bourgeoise, et finiront par confluer en 1900 dans le Parti travailliste (Labour), ‘aile gauche’ assumée de la politique des monopoles, rejetant ouvertement le marxisme, et qui commencera à gouverner en 1924 avec les libéraux (puis 1929-31, puis seuls en 1945-51, 1964-70, 1974-79 et enfin 1997-2010 avec Blair et Brown : autant dire que le travaillisme aura présidé à bon nombre des pires saloperies de l’État britannique et de son Empire !). Le marxisme, s’il est ‘né’ pour ainsi dire en Grande-Bretagne, y restera toujours très marginal ; et a fortiori le marxisme-léninisme (le PC ‘historique’ de Grande-Bretagne, celui de 1920, n’aura jamais que quelques dizaines de milliers de membres) et le maoïsme, malgré des organisations parfois de qualité. Ceci contrairement, d’ailleurs, à bon nombre d’autres pays de culture ‘anglo-saxonne’ : USA (où il a toujours été beaucoup plus important qu’on ne le pense, donnant des personnalités
‘phares’ du MCI comme Harry Haywood et des expériences lumineuses comme celle des Black Panthers), Canada (bien qu’il y soit surtout présent au Québec) ou Nouvelle-Zélande (où la majorité du PC choisît la Chine dans les années 1960, héritage maoïste aujourd’hui poursuivi par le PC d’Aotearoa - le nom maori de l’île). La gauche révolutionnaire d’outre-Manche est, en réalité, dominée historiquement par le trotskysme, qui en a fait son autre ‘bastion’ international après la ‘France’ (mais pour des ‘tendances’ sensiblement différentes de l’héritage du barbichu), avec des organisations comme le Socialist Worker’s Party (SWP de Tony Cliff, sans doute l’une des plus importantes organisations trotskystes au monde), le Socialist Party qui ‘dirige’ internationalement le CWI/CIO (auquel se rattache en Hexagone la ‘Gauche révolutionnaire’ qui a rejoint le NPA), et le siège de la Tendance Marxiste Internationale (Ted Grant, Alan Woods) à laquelle se rattache ici la bien connue ‘Riposte’ qui milite au sein du PCF. Un trotskysme qui, dans sa logique d’‘entrer’ les forces politiques et syndicales réformistes du système (au Royaume-Uni, c’est la même chose : le Labour est LE parti des syndicats), pour les 'pousser en avant’ jusqu’à la 'rupture révolutionnaire’, ne pouvait évidemment guère trouver un terrain plus propice (les trade-unions comptent encore 7 millions de membres, et le Labour 450.000). Globalement, la Grande-Bretagne et particulièrement l’Angleterre se sont caractérisées au cours du 20e siècle, par opposition au continent, par une très forte ‘paix sociale’ qui reste un modèle pour beaucoup d’idéologues bourgeois, malgré - évidemment - une certaine agitation lors de la crise de 1929, la contestation démocratique de la jeunesse dans les années 1960-70, et les fortes luttes (mais dont la défaite, là encore, est restée un ‘modèle’ pour la bourgeoisie mondiale) des années 1980, contre la politique thatchérienne de destruction des ‘acquis sociaux’ des gouvernements travaillistes successifs. C’est pourquoi, par exemple, la grande explosion de rage populaire de l’été 2011 a pu être considérée là-bas comme du ‘jamais vu’, avec des forces de répression parfois débordées (de même avec le mouvement étudiant quelques mois auparavant, contre l’augmentation délirante des frais universitaires).
Il en va sensiblement différemment dans les nations celtiques, et particulièrement en Irlande. Là, tout au long du 19e siècle, comme l’expliquait Marx dans sa lettre à Mayer et Vogt, la question sociale fut essentiellement paysanne, nationale et démocratique : les landlords anglais installés depuis le 17e siècle avaient pour fonction sociale de transformer l’île en ‘grenier de proximité’ de la Grande-Bretagne industrielle, au détriment total de la population gaélique qui, ‘après tout’, n’avait qu’à aller ‘voir ailleurs’ - ce qu’elle fit, massivement, principalement vers les États-Unis, ou encore le Canada ou l’Australie, et bien sûr vers les centres industriels anglais (Londres, Manchester etc.) ou bas-écossais
(Glasgow). Le summum des conséquences de cet ordre colonial barbare, tombant d’ailleurs ‘à point nommé’ pour favoriser le ‘nettoyage’ voulu par les landlords d’une île qui commençait à se ‘surpeupler’[3], fut la tristement célèbre Grande Famine de 1845-51, suite à une maladie de la pomme de terre (base de l’alimentation insulaire), dont les conséquences sanitaires (on y mourut peu ‘de faim’ à proprement parler, mais des conséquences de la sous-alimentation) se chiffrent à plus d’un million de mort-e-s, provoquant l’émigration de millions d’autres Irlandais-es vers (principalement) les États-Unis - au total, la population de l’île tombera de 8,5 millions au début de la famine à 4,5 millions en 1911, soit le niveau de 1800. La question ouvrière irlandaise se trouvait essentiellement, comme l’explique Marx, ‘expatriée’ dans les centres industriels anglais ; bien que, dès cette époque, une industrie et donc une classe ouvrière se développe en Irlande même, autour de Dublin ou - particulièrement - de Belfast (où fut construit, par exemple, le célèbre Titanic).
À partir de la fin du 18e siècle, le mouvement national irlandais renaît ; il tourne le dos au ‘passéisme’ jacobite (et, côté ‘protestant’ parfois, à un ‘nationalisme colonial’ sur le modèle américain : des ‘droits’... mais pour les colons seulement), pour s’emparer des idées démocratiques avancées de la révolution bourgeoise ‘française’. Il repose sur une union de la bourgeoisie libérale et démocratique ‘protestante’, dont la figure la plus connue est Theobald Wolfe Tone (1763-98), et des masses paysannes et populaires ultra-majoritairement catholiques : de là, on l’a dit, le drapeau irlandais que nous connaissons, symbolisant de manière idéaliste la concorde (blanc) entre les catholiques (vert) et les protestants (orange). Le soulèvement de Wolfe Tone recevra l’aide du Directoire ‘français’ en guerre, lui aussi, contre l’Empire britannique ; il sera néanmoins écrasé et sauvagement réprimé (Wolfe Tone lui-même sera condamné à mort, il se suicidera avant son exécution). Cette première tentative donne néanmoins subjectivement naissance au nouveau mouvement national, animé d’un contenu progressiste - elle en restera une ‘référence’ jusqu’à nos jours. Le mouvement se ‘relance’ à partir du milieu du 19e siècle (Grande Famine), notamment au sein de l’émigration en Amérique du Nord : Irish Republican Brotherhood (IRB, née en 1858 à Dublin et New York), mouvement Fenian (plus large, désigne tou-te-s celles et ceux qui luttent par la violence contre la domination anglaise), et militantisme (plus pacifiste, de concert avec les ‘libéraux avancés’ anglais) pour le Home Rule - l’autonomie, le retour d’un
Parlement et d’un gouvernement autonome irlandais. Au début du 20e siècle naît le Sinn Féin (1905), fondé par Arthur Griffith, qui est au départ plutôt un mouvement de renaissance culturelle, ne prônant pas vraiment l’indépendance, mais plutôt une semi-indépendance en union personnelle via le souverain britannique, sur le ‘modèle’ austro-hongrois. Mais, avec le développement d’une classe ouvrière irlandaise (et la grande importance des Irlandais-es dans le prolétariat de Grande-Bretagne et d’Amérique du Nord), le mouvement national va bientôt voir naître un courant socialiste, avec notamment James Connolly, qui fonde en 1896 le (premier) Parti socialiste républicain irlandais (ISRP). Celui-ci est le premier parti irlandais à revendiquer, clairement, une République indépendante (ce n’est pas encore le cas du Sinn Féin). Il devient en 1912 l’Irish Labour Party et crée dans la foulée une armée populaire, l’Irish Citizen Army (ICA). Cette ICA converge finalement avec des éléments de l’IRB et les Irish Volunteers (milice née
pour défendre le Home Rule face aux Ulster Volunteers unionistes, farouchement opposés à celui-ci) pour déclencher l’insurrection de Pâques 1916 (en 1919, ces forces donneront officiellement naissance à l’IRA). Connolly sera également l'un des premiers marxistes à affirmer, à l'ère de la révolution prolétarienne, le caractère indissociable de la libération sociale et de la libération nationale : "si dès demain vous chassiez l’Armée anglaise et hissiez le drapeau vert sur le Château de Dublin, à moins que vous ne proclamiez la République socialiste, vos efforts auraient été vains. L’Angleterre continuerait à vous dominer. Elle vous dominerait par l’intermédiaire de ses capitalistes, de ses propriétaires fonciers, de ses financiers, de toutes les institutions commerciales et individualistes qu’elle a plantées dans ce pays et arrosées des larmes de nos mères et du sang de nos martyrs". L'insurrection de Pâques est brutalement réprimée par le pouvoir 'britannique' (500 mort-e-s) ; Connolly, avec d'autres (Patrick Pearse de l'IRB, sir Roger Casement), est fait prisonnier, condamné à mort et exécuté. La lutte ne tarde cependant pas à reprendre, dès la fin de la guerre mondiale. On ne rentrera pas, ici, dans les détails de la guerre de libération nationale irlandaise : rien que la période des ‘Troubles’ de 1969-98 fait l’objet d’un ouvrage entier du camarade Liam O’Ruairc. On dira simplement que c’est un processus, depuis 1916 jusqu’à nos jours, marqué par une succession de ‘ruptures’ qui amènent systématiquement une partie – une droite – du mouvement à trahir la cause de la libération nationale et sociale au nom de ses intérêts de classe (bourgeois, petits-bourgeois), et une autre à poursuivre la lutte, ‘tirant’ l’’idéal' républicain de libération toujours plus vers la gauche... La guerre d’indépendance de 1919-21 débouche sur le ‘fameux’ Traité de Londres, qui conserve au Royaume-Uni les 6 comtés du Nord-Est et crée dans les 26 restants l’’État libre’ qui deviendra la ‘République d’Éire’ ; et qui voit la division et l’éclatement d’une guerre civile (1922-23) entre ses partisans (Griffith, Michael Collins etc.) et ses adversaires résolus (Eamon De Valera), qui conservent les appellations IRA et Sinn Féin. En 1926, De Valera adopte à son tour une position plus ‘conciliante’ vis-à-vis des institutions de l’’État libre’ (il représente la fraction ultranationaliste de la bourgeoisie irlandaise, liée aux monopoles US et allemands), et fonde le Fianna Fáil, qui est aujourd’hui l'un des deux grands partis bourgeois de droite de la ‘République d’Éire’ (les pro-Traité, eux, donneront naissance au Fine Gael et même, dans les années 1930, à un mouvement fasciste, les ‘chemises bleues’ du général O’Duffy : ce sont les forces grandes-bourgeoises, cléricales et même aristocratiques ‘nationales’ les plus compradores vis-à-vis de l’impérialisme). Le Sinn Féin et l’IRA poursuivent de leur côté mais leur
activité devient alors très marginale. À la fin des années 1960 éclatent, au Nord, les ‘Troubles’ pour l’égalité des droits des ‘catholiques’, citoyens de seconde zone. L’armée ‘britannique’ intervient, les institutions ‘nord-irlandaises’ sont ‘suspendues’ et l’IRA prend en main la résistance populaire. Dans ce contexte, un courant Officiel de l’IRA et du Sinn Féin rejette le principe d’abstentionnisme électoral (qui exprime la non-reconnaissance des institutions britanniques, ‘nord-irlandaises’ et d’’Éire’), puis la lutte armée (1972) et fait passer la libération nationale au 18e plan, pour se transformer en gauche ‘radicale’ électoraliste ; tandis qu’un courant Provisoire, peut-être moins ‘socialiste’ mais plus intransigeant sur la question nationale, poursuit la lutte ainsi qu’une scission des Officiels, l'Irish Republican Socialist Party (IRSP) (1-2-3-4) avec l’Armée de Libération nationale irlandaise (INLA). Mais l’Empire britannique et son valet d’’Éire’ (avec l’appui US et UE), très habilement et tout en réprimant sans pitié (assassinats, emprisonnements sans procès dans les ‘H-blocks’, grévistes de la faim abandonnés jusqu’à la mort, etc.), vont favoriser au sein de ce MLN une droite capitulationniste (Adams, McGuinness & co) qui va dès les années 1980 renoncer à l’abstentionnisme, et s’engager dans des ‘pourparlers’ qui conduiront finalement à l'‘Accord du Vendredi Saint’ (10 avril 1998), ré-entérinant la partition de l’île, ‘refondant’ des institutions ‘nord-irlandaises’ fantoches etc., mais cette fois avec la complicité de ceux-là mêmes qui étaient le ‘Grand Satan’ de la propagande britannique et
impérialiste mondiale quelques années auparavant… Les éléments qui refusent cette dérive liquidatrice sont appelés les ‘dissidents’ : Republican Sinn Féin, 32CSM, IRA ‘véritable’ et ‘continuité’, etc. (l’IRSP/INLA a pour sa part déposé les armes, à son tour, en 2009). Pour s’informer sur tout cela, et c’est très volontiers que pub leur sera faite, il y a le site des camarades de Libération Irlande, unique média de solidarité francophone ‘non-aligné’ avec la capitulation ‘Provo’. En tout cas, la guerre de libération irlandaise a donné lieu à des expériences fascinantes comme les quartiers ‘catholiques’ libérés où les forces étatiques ne pouvaient mettre les pieds qu’à leurs risques et périls (voire pas du tout), notamment le ‘Free Derry’ du quartier Bogside (début des années 1970), les maoïstes ou ‘maoïsants’ Jim Lynagh de la brigade Provo IRA de l’East Tyrone (abattu par les SAS en 1987), Jim Lane, John O’Reilly et Thomas ‘Ta’ Power de l’IRSP/INLA, les ‘maos de Cork’, etc. etc. ; expériences extrêmement instructives sur la question de la Guerre populaire en pays capitaliste avancé.
Les autres nations, nettement plus (et plus précocement) industrialisées (Pays de Galles minier, Lowlands écossais), ont vu très tôt se développer un mouvement ouvrier ‘socialisant’ : en 1831, le drapeau rouge est ainsi hissé au cours d’un soulèvement gallois à Merthyr Tydfil. Le mouvement socialiste écossais est également conséquent (même si le travaillisme a rapidement fait des Lowlands un de ses bastions, Gordon Brown en étant par exemple originaire) ; Connolly y fait notamment ses premières armes avant d’aller fonder l’IRSP en Irlande. Il faut cependant un certain temps pour que, sans jamais en avoir perdu conscience (la conscience nationale ne fut, de toute façon, jamais réellement niée), ce mouvement fusionne avec l’affirmation de la question nationale dans un véritable MLN socialiste (NB : le terme ‘socialiste’ reste dans les pays anglo-saxons très radicalement ‘connoté’, loin de la gestion ‘de gôche’ du capitalisme qu’il peut signifier en Europe ‘latine’). Nous avons ainsi un mouvement républicain socialiste écossais (SRSM), né en 1973, ainsi qu’un Parti socialiste écossais anticapitaliste et indépendantiste (SSP) membre de la Gauche anticapitaliste européenne, proche du NPA, du SWP, de Syriza etc., très influencé par le SRSM qui en est (depuis 1999) un courant, et même un Parti communiste qui a scissionné du PC ‘historique’ de
Grande-Bretagne lorsque celui-ci s’est débandé en ‘gauche démocratique’ à l’italienne (1991), soutient l’indépendance et fait souvent liste commune avec le SSP. L’idée d’un PC d’Écosse autonome est ancienne : John MacLean, socialiste révolutionnaire marxiste, figure de la Red Clydeside (région 'rouge' de Glasgow) dans les années 1910 et parmi les tous premiers membres ‘britanniques’ de la 3e Internationale, la défendit en effet dès 1919-20 face aux ‘unionistes rouges’ du PC de Grande-Bretagne. Il prônait une République indépendante des travailleurs d’Écosse et il est intéressant, au regard des analyses de SLP sur la question, de remarquer qu’il voyait cette République socialiste écossaise comme un rétablissement de la civilisation communautaire clanique médiévale ‘sur une base moderne’, autrement dit à un niveau supérieur [exactement la manière dont SLP voit l'Occitanie socialiste par rapport à l''Andalousie du Nord' arago-catalo-occitane du 12e siècle ; et que disait d'autre Mariátegui lorsqu'il faisait de l'ayllu - communauté agraire - inca, 'à un niveau supérieur', la base du futur socialisme rural au Pérou ?]. Il est une référence du SRSM. Cependant, aucun de ces courants ne suit une réelle stratégie de Guerre populaire pour la libération sociale et nationale : ils se situent clairement sur un terrain légaliste et électoraliste, visant l’indépendance de l’Écosse par une majorité séparatiste au Parlement et un référendum, ensuite de quoi ils formeraient la ‘gauche de transformation sociale’ du nouvel État indépendant… Il y a, enfin, une Armée de Libération nationale (SLNA)
qui se dit ‘maoïsante’ et agit militairement – essentiellement – par colis piégé. Au Pays de Galles un mouvement socialiste-républicain a existé quelques années dans les années 1960-80, signant notamment avec le groupe Cymru Gosh ("Pays de Galles rouge") la Charte de Brest en 1974 ; et aujourd’hui un Great Unrest Group, levant le drapeau rouge de Merthyr Tydfil et le drapeau libérationniste révolutionnaire vert et blanc à l'étoile rouge, milite pour la reconstruction d’un Parti socialiste républicain de Galles ; il est en lien avec le collectif des camarades de Democracy & Class Struggle.
Il faut bien comprendre que, dans des pays qui n’ont JAMAIS connu que la monarchie (hormis la courte période 1649-60 en Angleterre, mais associée à une politique génocidaire dans les nations celtiques), monarchie entourée d’un véritable culte de masse y compris, depuis les années 1970-80, à travers la fameuse presse tabloids, la mise en avant de la République revêt encore une signification progressiste-radicale et révolutionnaire incontestable, comme dans l’État espagnol d’ailleurs ; à des années-lumière de ce que l’invocation 'républicaine’ peut revêtir de réactionnaire en 'France’. C’est ce qu’expliquait fort bien un camarade de Libération Irlande, dans un entretien avec les camarades de la Cause du Peuple, fin 2010 : « Alors pour résumer, je te dirai que c’est le contraire d’être républicain en France. Ici, ceux qui mettent en avant la république, ce sont les flics et les profs, c’est l’idéologie de l’État bourgeois. En Irlande, c’est une idéologie révolutionnaire anti-coloniale, un truc qui vient du peuple, qui cherche la confrontation avec l’État et les institutions. Les républicains sont ceux qui se revendiquent de Wolfe Tone, un protestant de l’époque de la révolution bourgeoise en France, qui a voulu faire pareil en Irlande et chasser le colonialisme anglais, les nobles propriétaires terriens et bien sûr la monarchie. La base de l’idéologie, c’est la démocratie, le pouvoir pour tout le monde, protestants et catholiques et autres. Rien que ça, c’est révolutionnaire là-bas, il y a des aspects très médiévaux en Irlande. Avec le développement de la classe ouvrière au 20e siècle, le républicanisme a évolué, en incorporant les besoins et les exigences de la classe ouvrière. D’ailleurs, l’IRA vient de l’insurrection de 1916 à Dublin, où il y a eu la fusion d’une milice ouvrière et des détachements armés patriotes qui avaient une idéologie nationaliste petite-bourgeoise. Donc les républicains aujourd’hui se disent socialistes, ils se définissent comme un mouvement de libération national ».
De son côté, l’Empire britannique, concomitamment avec les ‘accords du Vendredi Saint’, a inauguré le long gouvernement de Tony Blair par les ‘dévolutions’, c’est-à-dire le retour d’institutions autonomes en Écosse (1997) et au Pays de Galles (1999), et l’intégration dans le ‘système UK’ des forces nationalistes bourgeoises (Scottish National Party (SNP), Plaid Cymru etc.). Ces réformes, comme le Vendredi Saint et, dans une vision beaucoup plus large, comme les accords d’Oslo sur la Palestine (1993), la ‘transition’ sud-africaine (1990-95) ou les divers ‘accords’ et ‘réconciliations nationales’ en Amérique latine à la même époque, s’inscrivent dans un vaste contexte de ‘ravalement de façade’ des impérialismes occidentaux, principalement anglo-saxons, consécutivement à leur victoire sur l’URSS révisionniste et à la restauration capitaliste en Chine.
Tel est le panorama que l’on peut dresser en cette fin d’année 2012. En Angleterre, où la lutte des masses du peuple n’a jamais été à un très haut niveau révolutionnaire depuis le début du 20e siècle, et a de plus – et du coup – subi la dure défaite des ‘années Thatcher’, on observe depuis le début de la décennie un regain de radicalité, avec des mobilisations étudiantes d’une violence jusque là inconnue ; et bien sûr les émeutes prolétariennes d’août 2011, avec pour pointe avancée les colonies intérieures (bien que des personnes de toutes les ‘couleurs’ y aient participé), là encore un ‘tremblement de terre’ qui a fait vaciller l’État britannique sur ses bases qu’il croyait solides. En Irlande, le mouvement de libération nationale et sociale se relève lentement du ‘coup de poignard’ de la trahison provo des années 1990, mais la crise qui ravage l’île au Nord comme au Sud, faisant s’écrouler le mythe du ‘tigre celtique’, apporte de l’eau au moulin des ‘dissidents’, dont l’activité militaire reprend du ‘poil de la bête’. En Écosse et au Pays de Galles, les courants nationalistes bourgeois et petits-bourgeois ont été ‘intégrés’ à la construction ‘Royaume-Uni’ par les ‘dévolutions’ de
la fin des années 1990, le SNP venant même de remporter les élections dans cette nation constitutive, ouvrant la voie à un possible référendum d'indépendance (ici un article du NPA, pas inintéressant d'un point de vue factuel) ; néanmoins, des courants indépendantistes ‘républicains-socialistes’, ainsi que des groupes marxistes conscients de la question nationale, émergent et se développent.
Quoi qu’il en soit, comme dans tout grand État impérialiste plurinational, le ‘pilote’ du processus révolutionnaire à travers la Guerre populaire est le prolétariat révolutionnaire avec son avant-garde organisée ; et les ‘campagnes’, moteur de la Guerre populaire prolongée, sont les ‘Périphéries’ qui sont, ici, très clairement les nations celtiques opprimées, leurs ‘représentants’ au sein des classes populaires d’Angleterre, et les colonies intérieures de travailleurs issus de l’ex-Empire colonial (qui représentent notamment près de la moitié de la population londonienne).
[1] Un nouveau Reform Act de 1867 l’élargira à 2,25 millions (élargissement concernant uniquement l’Angleterre et le Pays de Galles…), un autre de 1884 (fixant le cens à 10£) à 5,5 millions, inégalement répartis entre les nations (2/3 des Gallois et des Anglais, 3/5 des Écossais, et seulement 1 irlandais sur 2).
[2] Autres passages : « Après que je me suis préoccupé, durant de longues années, de la question irlandaise, j'en suis venu à la conclusion que le coup décisif contre les classes dominantes anglaises (et il sera décisif pour le mouvement ouvrier du monde entier) ne peut pas être porté en Angleterre, mais seulement en Irlande. (…) L'Irlande est la citadelle de l'aristocratie foncière anglaise. L'exploitation de ce pays ne constitue pas seulement l'une des sources principales de sa richesse matérielle, en même temps que sa plus grande force morale. De fait, elle représente la domination de l'Angleterre sur l'Irlande. L'Irlande est donc le grand moyen grâce auquel l'aristocratie anglaise maintient sa domination en Angleterre même. D'autre part, si demain l'armée et la police anglaises se retiraient d'Irlande, nous aurions immédiatement une révolution agraire en Irlande. Le renversement de l'aristocratie anglaise en Irlande aurait pour conséquence nécessaire son renversement en Angleterre, de sorte que nous aurions les conditions préalables à une révolution prolétarienne en Angleterre »
La notion d’encerclement du centre par la périphérie semble ici commencer à être effleurée, mais dans une situation tout de même très particulière, coloniale en Europe même, avec les grandes plantations des landlords, une infime minorité (de l’ordre de 10%) de la population bénéficiant du droit de vote, etc.
Et un autre ‘grand’ argument anticolonial qui sera récurrent dans l’argumentaire marxiste de la première moitié du 20e siècle : « De plus, l'Irlande est le seul prétexte du gouvernement anglais pour entretenir une grande armée permanente qui, en cas de besoin, comme cela s'est vu, est lancée sur les ouvriers anglais, après avoir fait ses études soldatesques en Irlande » (circulaire du CG de l’AIT à la Fédération de Suisse romande, 1er janvier 1870).
[3] La ‘surpopulation’ est une notion bourgeoise, visant à ‘disculper’ le mode de production dominant des catastrophes humaines qu’il entraîne et de la misère en général, et qui n’a aucune existence réelle. Aucun territoire de la planète n’est ‘surpeuplé’ en soi : l’Irlande de 1845 ne comptait qu’un peu plus de 100 habitants au km², ce qui est moins que l’État français métropolitain (territoires européens) aujourd’hui, qui est l'un des moins denses d’Europe. Il n'y a ‘surpopulation’ que par rapport au niveau des forces productives et - surtout - au ‘frein’ à celles-ci que représente un mode de production et une organisation sociale donnée.