Servir le Peuple se joint aux camarades du PCmF et à la gauche populaire abertzale pour publier cette lettre de la militante Aurore Martin, sous le coup d'un Mandat d'arrêt européen de l'Etat "fasciste constitutionnel" espagnol.
Solidarité avec les camarades révolutionnaires et progressistes basques !
Libération nationale et sociale !
Euskal Herria askatuta ta sozialista !
Le coup de massue est tombé!
Me voilà amenée à vous écrire une lettre d'un genre particulier.
Je m'adresse à vous tous aujourd'hui pour vous exprimer toute mon indignation, mon inquiétude, ma peur, mais aussi toute ma détermination et ma volonté de me battre.
Il est l'heure de défendre nos droits civils et politiques avec force, ce précédent ne laisse rien présager de bon.
L'inacceptable est-il acceptable ? Bien sur que non ! Cependant l'histoire du Pays Basque nous a souvent démontré que l'inacceptable était possible : les extraditions, les multiples mandats d'arrêt européens délivrés à des dizaines de militants politiques (Segi, Askatasuna, Udalbiltza...), l'existence des législations et tribunaux d'exceptions à Paris et Madrid, la pratique de la torture dans les commissariats et casernes espagnoles, les partis politiques interdits, deux quotidiens fermés et ses journalistes torturés et incarcérés, les arrestations massives, la disparition et la mort de Jon Anza...Tout cela existe, cette répression est normalisée, c'est le lot quotidien du Pays Basque, des Basques. Cela est possible car les principales formations politiques en France et en Espagne, avec la complicité de leurs relais locaux, le permettent, le défendent et pour certains le laissent faire par leur silence coupable. Il est temps de prendre vos responsabilités !
Je n'ai pas été surprise par le verdict de la Cour de Cassation. Nous le savions depuis longtemps, dans les affaires basques, les justices espagnole et française sont là pour appliquer des décisions politiques. Depuis mon incarcération à Seysse, les dés étaient jetés, le reste n'était que de la mise en scène, une belle mascarade. Tout cela pour arriver à leur fin, l'illégalisation de fait de Batasuna par l'Etat français, de toute la gauche abertzale [en langue basque, patriote], et plus s'ils le jugent nécessaire. Une illégalisation sournoise menée main dans la main avec l'Espagne.
Une preuve de plus que l'Etat français est un acteur majeur et direct du conflit politique basque. En acceptant ce MAE, Paris ne fait que renforcer ses choix politiques : la répression et la négation du Pays Basque ; une négation qui est à l'origine de ce conflit. Il n'y aura pas de solution juste donc définitive tant que la France ne reconnaîtra pas l'existence politique du Pays Basque nord.
Ce nouveau saut répressif a lieu au moment où la gauche abertzale multiplie ses efforts en faveur d'un processus démocratique de résolution de ce conflit. Mon Mandat d'Arrêt Européen et le maintien dans l'illégalité de la gauche abertzale sont des obstacles à sa mise en place. Tous les acteurs du conflit doivent pouvoir participer à ce processus en toute normalité ; dans ce sens, la gauche abertzale doit être légalisée sur l'ensemble du Pays Basque et toutes les poursuites judiciaires à son encontre stoppées.
Malgré cette répression, ces provocations, Batasuna réaffirme son engagement en faveur de ce processus démocratique. Dans ce sens, nous mettrons tout en œuvre pour qu'il puisse aller jusqu'à son terme.
Je n'ai pas l'intention de me soumettre aux autorités espagnoles, ni de faciliter à la France l'exécution de mon Mandat d'Arrêt Européen. Depuis quelques jours, ma vie a quelque peu changé. En effet, mon activité politique est interdite en France, en Espagne et en Pays Basque. Je n'ai pas d'autre choix que de me cacher pour pouvoir continuer mon activité politique au sein de Batasuna. J'ai donc décidé d'arrêter mon contrôle judiciaire et de ne plus me montrer publiquement. Je suis en Pays Basque, parmi vous, grâce à vous, grâce aux nombreux amis et soutiens qui m'ont accueillie et ouvert leurs portes. En Pays Basque, il y a une valeur qu'on ne nous enlèvera jamais, c'est celle de la solidarité.
Merci à tous, proches, amis, militants, élus... pour tout le travail accompli. Sans vous tous, cela ne serait pas possible. Continuons ce travail, rassemblons-nous, créons entre tous un rempart contre la répression, créons les conditions de la résolution de ce conflit, créons les conditions de la reconnaissance politique du Pays Basque nord.
Pour terminer cette lettre je vous demande d'avoir une pensée pour les militants incarcérés ou réfugiés, et leurs familles, qui, comme moi, vont passer les fêtes de fin d'année loin de leurs proches.
Merci.
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Une phrase de la lettre de la camarade est particulièrement intéressante : "Ce nouveau saut répressif a lieu au moment où la gauche abertzale multiplie ses efforts en faveur d'un processus démocratique de résolution de ce conflit". Cette phrase à elle seule résume parfaitement la situation en ce moment. Usé-e-s par des années de lutte, d'illégalisation (depuis 2003), de harcèlements, de prison et des lourdes tâches de la solidarité avec les emprisonné-e-s, les militant-e-s de la gauche abertzale, derrière leur leader Arnaldo Otegi, ont depuis cette année évolué vers l'idée d'une solution "démocratique", négociée, à la question démocratique du Peuple basque. Une solution, selon Servir le Peuple, qui se fait au prix d'un grand nombre de renoncements, notamment (d'après les interviews d'Otegi) sur la question sociale (et de nombreux aspects de la revendication démocratique)...
Or, en réponse, l'Etat espagnol et son allié (tuteur, même !) français décuplent la répression ! Comme SLP, avec des camarades communistes abertzale, l'a annoncé depuis le début... A présent, l'Espagne peut faire arrêter des militant-e-s en France, même si les faits reprochés (comme l'appartenance à une organisation) ne sont nullement pénalisés de ce côté des Pyrénées... C'est la plus haute autorité judiciaire bleu-blanc-rouge qui le dit !
Ceci, au contraire de ce qu'avaient fait John Major et Tony Blair en Irlande, au milieu des années 90, face à l'offre de "négociations" de l'IRA/Sinn Fein, lui aussi usé par des décennies de lutte sans succès.
Il y a selon nous plusieurs raisons à cela :
- Le milieu des années 90 était une période de relative "reprise" de l'accumulation capitaliste, après la défaite du révisionnisme soviétique et de son "bloc" (passé aux impérialistes occidentaux) ;
- L'impérialisme britannique repose sur une métropole (l'Angleterre, et surtout le Sud de celle-ci avec Londres) entourée d'un ensemble de possessions aux statuts variés. L'Angleterre peut très facilement modifier le statut de ces possessions, "décoloniser" pour néo-coloniser, sans perdre sa domination...
- Le Home Rule (gouvernement autochtone) est culturellement très ancré dans l'impérialisme britannique, ils l'appliquent même pour leurs minorités nationales en Angleterre même ("leaders communautaires").
Au contraire :
- Nous sommes maintenant (depuis 2 ans) dans la phase terminale de la crise générale du capitalisme, commencée au début des années 70 ;
- L'Etat espagnol, ou devrait-on dire le "système Espagne", a accordé le maximum d'autonomie qu'il pouvait au Pays Basque, comme à la Catalogne. Il ne peut pas aller plus loin. Tout simplement, parce que son capitalisme même repose sur un PACTE entre plusieurs bourgeoisies, dont les capitalismes basque et catalan sont les moteurs...
- Côté "français", les raisons sont plus subjectives mais non moins importantes : la "République une et indivisible" est un pilier de l'idéologie nationale. Développée par la bourgeoisie lors de la Révolution industrielle et renforcée à l'époque impérialiste (IIIe République), cette idéologie s'est muée en force matérielle. Elle assure la position du Grand Capital monopoliste face à la moyenne bourgeoisie "locale" et aux masses populaires (prolétariat, paysannerie, petite-bourgeoisie).
Donc, il n'est pas possible aux "systèmes" France et Espagne de négocier sur la question basque : il en va de leur existence même. La main tendue de la gauche abertzale est condamnée à ne recevoir que des coups de bâton.
Au contraire, il faut assumer l'antagonisme, la ligne populaire sous direction prolétarienne, le Pouvoir du Peuple contre le Pouvoir de la bourgeoisie BBR et de la "coalition bourgeoise" rouge-jaune-rouge, il faut assumer non pas le nationalisme mais le "libérationisme" : la libération TOTALE, nationale, démocratique ET sociale du Peuple basque, en lien dialectique avec celle de toute l'humanité opprimée/exploitée.
Ceci n'est pas une "critique", mais au contraire le plus grand service à rendre, en tant que communistes solidaires, à la GLORIEUSE ET JUSTE cause basque, à Aurore Martin et tou-te-s ses camarades.