Dans les nombreux textes des camarades italiens du (n)PCI traduits sur Servir Le Peuple, revient souvent la notion de Gouvernement de Bloc Populaire (GBP).
De quoi s’agit-il exactement ? Essayons de l’expliquer le plus simplement possible.
Il s’agit d’un gouvernement composé de personnalités progressistes sincères, mais aussi de personnes souhaitant réformer le capitalisme par peur de tout perdre (peur de la révolution), gouvernement appuyé par les organisations ouvrières (syndicats de base) et populaires, pour barrer la route à la mobilisation réactionnaire de la bourgeoisie de droite et des fascistes, et mettre fin aux effets les plus durs de la crise pour les masses populaires. Ce gouvernement doit permettre, selon le (n)PCI, aux révolutionnaires communistes de diffuser leur conception du monde et de montrer la justesse de celle-ci, de rassembler et organiser les forces révolutionnaires et (très important !) de préparer ces forces à l’inévitable contre-offensive de la bourgeoisie.
Un gouvernement qui ressemblerait finalement (comparaison confirmée par des camarades), dans des conditions différentes (l’Italie n’est pas un pays dominé, à souligner), au gouvernement Allende au Chili en 1970 (avec la contre-offensive tristement célèbre de 1973), ou encore à l’élection de Chavez (au Venezuela) en 1998 (avec la contre-offensive ratée de 2002, la bourgeoisie réactionnaire jouant maintenant le pourrissement et le retour par les urnes).
En effet, face à la montée des luttes du prolétariat, il y a toujours deux lignes dans la bourgeoisie : lancer une mobilisation réactionnaire de masse et aller vers la dictature terroriste ouverte (fascisme) ; ou alors, reculer temporairement, "lâcher du lest" avec un gouvernement social-démocrate et préparer un retour en force après l’échec des réformistes. Ce type de phase doit, selon les camarades italiens, être mis à profit par les communistes pour élever la conscience révolutionnaire dans les masses, mobiliser et organiser, avant de passer à une nouvelle étape de la lutte prolongée vers le pouvoir, vers la révolution socialiste.
Il s’agit pour eux, explicitement, d’une tactique, et non d’une stratégie pour instaurer le socialisme. "Fermeté dans la stratégie (guerre populaire révolutionnaire de longue durée), souplesse dans la tactique", tel est le mot d’ordre. Prôner le GBP aujourd’hui ne veut pas dire le prôner demain, ils le disent clairement.
S’ils prônent cette tactique, c’est sur la base d’une analyse de la situation dans l’État italien, qu’il ne s’agit pas de juger depuis ici. Il est vrai que l’on constate en Italie de grandes mobilisations populaires (500.000 personnes pour le No Berlusconi Day, 300.000 pour la journée antiraciste « sans immigrés », toutes les mobilisations contre la ligne TGV en Val de Suse, les grandes mobilisations ouvrières contre l’austérité, etc.) qui justement ne trouvent pas, voire rejettent, le chemin des directions de gauche "radicale", comme Refondation "communiste" etc… Les syndicats de base, les associations populaires de quartier, les centres sociaux, sont beaucoup plus nombreux et indépendants de l’État en Italie qu’en Hexagone, c’est un fait.
Ce ne sont là que des suppositions : c’est aux camarades italiens, et à eux seuls, d’analyser la situation politique dans leur pays.
La question que nous, communistes révolutionnaires dans l’État français, devons nous poser, c’est est-ce que cette tactique est applicable ici, dans nos propres conditions concrètes.
L’analyse de la plupart des communistes marxistes-léninistes et maoïstes, et de l’auteur de ces lignes, est que NON.
Ce qui semble ressortir de l’analyse du (n)PCI, c’est qu’en Italie le fossé idéologique et culturel qui sépare le prolétariat de la petite-bourgeoisie/"classes moyennes" (réunis par le (n)PCI dans les "masses populaires"), est beaucoup moins important qu’en France. En tout cas, ce qui est certain pour nous communistes de France, c’est qu’en France il est énorme (sans être non plus infranchissable…).
Pour bien comprendre cela, il faut bien comprendre les différences historiques entre la France et l’Italie.
L’État français est un des impérialismes capitalistes les plus anciens au monde, après l’Angleterre et à peu près ex aequo avec les États-Unis. Il y a des traits caractéristiques qui ne trompent pas : l’importance des pays sous domination unique, véritables protectorats pseudo-"indépendants" (surtout en Afrique pour la France), l’importance et l’ancienneté de l’immigration de ces pays vers la métropole…
Et, sur le plan politique, l’importance des idéologies "radicales" petites-bourgeoises, en particulier le trotskysme, l’importance du "marxisme" intellectuel, l’importance du social-chauvinisme symbolisé par "l’Union sacrée" de 1914 ; alors qu’en Italie, Mussolini a quitté le Parti socialiste précisément parce que celui-ci refusait l’entrée en guerre du pays…
Tout cela s’explique tout simplement par l’importance et l’ancienneté des classes moyennes, aristocratie ouvrière et petite-bourgeoisie salariée, financées par les bénéfices (surprofits) de la domination impérialiste sur une grande partie du Monde ; et par l’importance des travailleurs intellectuels (en particulier dans l’administration et l’enseignement) et leur influence historique sur le mouvement marxiste (socialiste puis communiste).
Le France est un pays de révolution bourgeoise ancienne : un processus allant du 18e siècle (Lumières et Révolution de 1789) à 1848 (où le régime devient celui de toute la bourgeoisie, pas seulement des plus riches, et écarte le capital foncier, la propriété terrienne). Déjà les monarques absolus, d’Henri IV à Louis XV en passant par Louis XIII avec Richelieu et Louis XIV, avaient été des "rois bourgeois", jouant la bourgeoisie contre les féodaux pour asseoir leur pouvoir.
L’industrialisation est massive dans la première moitié du 19e siècle et, dans la seconde moitié, la France devient un pays impérialiste : colonisant de nombreux pays (en Afrique, en Indochine, dans le Pacifique) et dominant une grande partie du monde en y exportant des capitaux, tout en exploitant les ressources et la main d’œuvre.
À ce moment-là (entre 1870 et 1905), la bourgeoisie impérialiste (monopoles), fusion du capital industriel et du capital bancaire, mène une "deuxième révolution" contre la bourgeoisie traditionnelle de province, alliée aux résidus féodaux (propriétaires fonciers et Église catholique) dans le "parti catholique".
Elle s’est appuyée, pour cela, sur la petite paysannerie propriétaire (auparavant bonapartiste), les professions libérales et intellectuelles, une partie de la petite entreprise (commerce - artisanat), l’aristocratie ouvrière naissante, et le salariat d’État (employés administratifs), qui dès cette époque devient une spécificité française par son importance numérique.
L’Italie, au contraire, a mené une révolution bourgeoise tardive, qui commence avec la libéralisation du Piémont (années 1830) et s’achève avec la conquête de Rome (1870). Cette révolution s’est faite par compromis, et même fusion entre les classes féodales les plus libérales et la bourgeoisie industrielle et marchande la plus conservatrice (au détriment de la bourgeoisie républicaine "jacobine", comme Garibaldi). Le capitalisme italien est ancien (Moyen-âge) et pendant toute la période qui va jusqu’au 19e siècle, il s’est "féodalisé", formant une "aristocratie des villes". Ce trait marque encore le capitalisme italien aujourd’hui, qui est toujours "une affaire de famille".
L’industrialisation est tardive, pas avant le milieu du 19e siècle (au Nord) et elle s’est faite par ces fameuses entreprises familiales : certaines sont devenues des empires (comme FIAT ou Pirelli), mais le capitalisme national reste dominé par un tissu de moyennes entreprises de ce type. Enfin l’Italie est venue tard à la table des impérialismes, peu avant la Russie et le Japon, entre la toute fin du 19e siècle et les années du fascisme (1920-30). "Collectionnant les déserts", essuyant des défaites humiliantes contre l’Éthiopie féodale et les tribus libyennes, finalement écrasée par les Alliés en 1943, elle est restée un impérialisme faible, secondaire, sans véritable « chasse gardée » comme la France en Afrique.
Pour ces raisons, la France a développé beaucoup plus anciennement et profondément, non seulement des classes moyennes (aristocratie ouvrière, petite-bourgeoisie salariée des petits cadres, travailleurs intellectuels et salariés d’État), mais une véritable culture et idéologie propre des ces classes.
Alors qu’en Italie le (n)PCI semble considérer que les masses populaires (dans lesquelles ils incluent des personnes gagnant de 2.000 à 4.000 € par mois !) sont partagées, comme le prolétariat lui-même, entre l’influence réactionnaire ou fasciste de la bourgeoisie et l’influence du prolétariat révolutionnaire (progressisme), en France il y a une véritable idéologie petite-bourgeoise des classes moyennes.
Les classes intermédiaires peuvent produire de l’idéologie, il est faux de dire le contraire. Un grand nombre d’aspects du fascisme, le social-chauvinisme, le réformisme démocrate-légaliste ou le marxisme intellectuel sont des productions idéologiques petites-bourgeoises/"classes moyennes". Ce qui est vrai, c’est qu’elles ne sont pas capables d’une lutte de classe autonome : soit elles se rangent dans le camp de la bourgeoisie, soit elles se rangent dans le camp du prolétariat.
Et l’idéologie classe-moyenne de France, même lorsqu’elle se présente comme "anticapitaliste", se place clairement dans le camp de la bourgeoisie, qui en a synthétisé les courants. Pour aboutir, globalement, soit à une pensée réformiste social-démocrate (attachée à la démocratie bourgeoise) soit à une pensée populiste social-fasciste (tendant vers le fascisme). La frontière entre l’une et l’autre étant parfois imprécise (et poreuse).
Entre les deux, il y a un ciment, produit par l’histoire, par la fusion idéologique de la révolution bourgeoise de 1789-1848 et de la "deuxième révolution" monopoliste de 1870-1905 : c’est l’idéologie républicaine.
L’État français repose donc sur une véritable idéologie touchant toutes les classes, jusqu’au prolétariat, en l’absence d’avant-garde révolutionnaire faisant son travail d’éducation politique...
La République bourgeoise avec ses valeurs républicaines, son drapeau, son hymne etc., est une véritable religion d’État, une divinité : dire que le France est un pays laïc est une escroquerie intellectuelle.
Il y a en France un véritable culte de l’État, comme entité "au dessus des classes", neutre et arbitrale, "au service de tous"… sauf lorsque l’État touche au portefeuille (impôts, amendes pour excès de vitesse), ou lorsqu’obtenir quelque chose nécessite des démarches administratives interminables : là peut surgir une certaine grogne anti-État.
Et toute la social-démocratie et la gauche "radicale" petite-bourgeoise baignent littéralement là-dedans !
La différence qualitative, dans le mouvement communiste, entre la France et l’Italie, s’explique en grande partie par là : le PC de France a toujours baigné dans l’idéologie républicaine, depuis sa création (1920). Le régime fasciste de Vichy, en abolissant formellement la République (ne sachant pas trop quoi mettre à la place, les opinions allant d’un régime présidentiel autoritaire au rétablissement des Bourbons…), n’a pas arrangé les choses. Après la victoire sur le fascisme en 1945, le Parti communiste s’est alors présenté en champion de l’idéologie républicaine, en "sauveur de la République" [exemple particulièrement significatif : en 1945 la Jeunesse communiste devient l’Union de la Jeunesse républicaine de France…].
De manière complètement anti-matérialiste, le PCF n’a pas compris que l’État profond était resté inchangé entre la IIIe République et Vichy... et entre Vichy et la IVe puis la Ve (!), inchangé depuis 1870 voire depuis Napoléon Ier ! Même l’aspect pseudo-laïc de l’idéologie nationale n’avait pas été remis en cause sous Vichy, en dehors du court passage du catholique intégriste Jacques Chevalier à l’Éducation (sept. 1940 – fév. 1941) [ceci sans même parler de la présence en son sein d'innombrables éléments venus de la "gauche" et assumant totalement l'héritage de la révolution bourgeoise de 1789].
Ainsi, le PC s’est mis à la remorque d’une idéologie bourgeoise, et même bourgeoise monopoliste, puisque l’idéologie républicaine qui s’est construite entre les années 1860 et 1900 s’est construite comme l’idéologie des monopoles (de l’impérialisme), contre la propriété foncière, l’Église catholique et la bourgeoisie familiale traditionnelle (pré-monopoliste) de province.
Et toutes les formations (LO, LCR-NPA) qui ont tenté depuis 1990 d’occuper la "niche électorale" laissée par l’effondrement du PC en ont fait de même.
En Italie, l’État profond repose sur "l’aristocratie industrielle" du Nord, comme les Agnelli ou les Pirelli, la grande propriété agraire semi-féodale du Sud (dont les mafias sont la face noire) et le Vatican (qui est un véritable empire financier et réseau politique souterrain, en plus de contrôler les esprits). Les communistes italiens s’y sont historiquement toujours opposés (avec Gramsci en particulier).
L’erreur des communistes, en 1945-48, est d’avoir cru que la Constitution antifasciste et la proclamation de la République renverseraient cet État profond, alors qu’il ne s’agissait que d’une restructuration.
Le PCI de Togliatti s’est alors laissé institutionnaliser et transformer en aile gauche de la République bourgeoise, la "République pontificale". Mais lorsque les masses comprirent, dans les années 1960, que rien n’avait changé, un puissant mouvement révolutionnaire resurgit alors pour ne s’éteindre qu’au début des années 1980, après une violente répression… L’influence de cette lutte frontale contre l’État profond (années 1919-45 et 1960-80) imprègne encore une grande partie des masses populaires.
Il y a donc en Italie des réformistes petits-bourgeois, profondément idéalistes et ultra-démocrates (ne comprenant pas le caractère de classe de la démocratie, soit bourgeoise, soit prolétarienne), mais qui se placent néanmoins en rupture avec ces piliers de l’État profond (en particulier LE pilier idéologique du Vatican, ainsi que les organisations criminelles, "visage sombre" de la semi-féodalité du Sud). C’est fondamental.
On peut parler de progressistes sincères, c'est-à-dire qu’ils veulent sincèrement changer l’ordre établi mais par une méthode fausse (des réformes), contrairement aux sociaux-traîtres qui veulent réformer l’ordre existant pour le maintenir.
C’est sur eux que le (n)PCI pourrait s’appuyer, à travers les organisations ouvrières et populaires, pour établir ce fameux Gouvernement de Bloc Populaire ; avec "l’accord tacite" de la bourgeoisie "de gauche", la bourgeoisie qui pense qu’il faut faire des concessions pour sauver l’essentiel – et revenir en force plus tard.
En France, le problème est que les réformistes, jusqu’au NPA et à LO, ne sont pas en rupture avec l’État profond et son idéologie républicaine… ils en font même parfois partie ! On pense notamment aux innombrables profs qui dirigent ces organisations, l’Éducation nationale ayant en France une véritable fonction d’Église républicaine (malgré son "Vatican 2" post-68 ).
Certains sont clairement des social-traîtres, qui ne veulent réformer et "réguler" le capitalisme français que pour le sauver ("éviter l’explosion, l’anarchie"…), tandis que beaucoup d’autres, plus prosaïquement, ne font que défendre leur bifteck (la gauche de la démocratie bourgeoise étant historiquement plus favorable aux fonctionnaires et aux petits-bourgeois salariés du secteur public).
Il ne s’agit pas, bien sûr, des troupes : quand on dit que l’on préfère 20% de NPA-Front de Gauche, en Limousin, que 20% de FN, on parle bien sûr de l’électorat, montrant un terreau populaire progressiste où la mobilisation réactionnaire n’a pas marqué beaucoup de points (sans compter que beaucoup de gens on voté par défaut, pour "le plus à gauche", tout en étant beaucoup plus avancés politiquement que cela). Non, il s’agit des directions.
Le problème, ce sont les directions, les idéologues des ces organisations - et, plus encore, l'idéologie qu'ils portent. Sans une véritable rupture idéologique avec l’État profond patriote-républicain-"laïc", il n’est absolument pas possible de s’appuyer sur ces éléments qui de toute façon une haine féroce (ou un mépris profond, ce qui revient au même) aux véritables révolutionnaires et aux prolétaires conscients.
Le réformisme, en France, est pour ainsi dire historiquement une composante de l’État profond, un système immunitaire de celui-ci, faisant partie du paysage.
Si l'on veut résumer tout ce qui vient d'être dit : en Italie la "gauche" bourgeoise est une force politique marginale et instable, velléitaire et pusillanime, qui n'a joué de rôle réellement significatif qu'avec le P'c'I "eurocommuniste" de Berlinguer (1969-84, sous Togliatti le PCI était perclus de révisionnisme jusqu'à la moëlle mais c'est avec Berlinguer qu'il devient réellement une "gauche" bourgeoise), et dans une certaine mesure avec l'alliance entre le PSI et l'aile gauche de la démocratie-chrétienne au milieu des années 1980 (ère Craxi). Ceci parce que dès l'époque du Risorgimento (fondation de l’État), comme l'écrit le (n)PCI lui-même dans son Manifeste Programme, "À cause de sa contradiction d'intérêts avec les paysans [qui formaient alors l'immense majorité de la population faute de véritable révolution industrielle, de très grande ville comme Paris ou Londres etc.], la bourgeoisie unitaire dut renoncer à mobiliser la masse de la population de la péninsule pour améliorer ses conditions matérielles, intellectuelles et morales. Elle renonça donc aussi à établir son hégémonie, sa direction morale et intellectuelle sur la masse de la population. Cette réforme morale et intellectuelle de masse était cependant nécessaire pour un développement important du mode de production capitaliste. Mais l'intention de la réaliser se réduisit à des tentatives et efforts velléitaires de groupes bourgeois marginaux".
Autrement dit son hégémonie sur les masses populaires est toute relative ; et le mouvement communiste qui "dès l'époque du Risorgimento et ensuite (a assumé) le rôle de promoteur de l'initiative pratique des masses populaires et donc, également, de leur émancipation d'une conception superstitieuse et métaphysique du monde" (encore le Manifeste Programme), s'il est suffisamment puissant, peut effectivement (peut-être) l'amener à agir dans le sens de ses objectifs révolutionnaires.
Dans l’État français au contraire, si elle est confrontée comme partout dans le monde (depuis les années 1970-80 et le triomphe du "néolibéralisme") au problème du "réformisme sans réformes", et a par conséquent considérablement décliné, la "gauche" bourgeoise est historiquement une force politique fondamentale dans son rôle constant de contrôle et d'encadrement des masses... et de REMPART de l'ordre bourgeois, dans l'établissement duquel elle a toujours assuré (depuis le 18e siècle) une fonction de premier plan. Il n'est tout simplement possible de rien faire sans faire sauter cette digue ; il n'est pas possible d'avancer sans dénoncer et affronter, déconstruire et écraser la "gauche" (et plus largement "la Républiiiiique" dont elle est la gardienne absolue du temple, la droite ne faisant depuis la fin du 19e siècle que suivre le mouvement, ayant compris - dixit Thiers - que "c'est le régime qui nous - la bourgeoisie - divise le moins"), son discours et ses "mythes fondateurs" qui sont autant de PRISONS MENTALES pour les masses.
Donc voilà. Il est permis de tenir compte des contradictions au sein de la bourgeoisie, en particulier sur le rythme de la marche vers le fascisme, et le plus il y en a, le mieux c’est pour nous communistes. Mais aucune caution ne peut être donnée à la social-démocratie, aussi "radicale" soit-elle !
La tâche des communistes de France est donc, parallèlement à la lutte contre les politiques réactionnaires et la fascisation larvée de la bourgeoisie majoritaire, de briser l’idéologie républicaine et de démasquer l’imposture social-démocrate et réformiste petite-bourgeoise, qui est l’aile gauche (et le REMPART !) de cette idéologie : l’aile sociale-républicaine en quelque sorte.
C’est seulement à cette condition de briser l’idéologie républicaine de la "gauche" réformiste que nous pourrons réunir, organiser et renforcer (et finalement constituer en Parti) les forces révolutionnaires communistes, dont certaines sont fourvoyées dans ces organisations réformistes, et d’autres restent inorganisées car désabusées ; et dégager de ces organisations les progressistes sincères*, pour les agréger autour du Parti dans un Front uni.
[*Un bon exemple est la LCR du début des années 1970, en rupture avec le PC thorézien révisionniste mais aussi avec le trotskisme "orthodoxe" gauchiste-réactionnaire, évoluant plutôt dans le bon sens et que le puissant mouvement communiste maoïste de l’époque (Gauche prolétarienne et PCMLF notamment) avait réussi à entraîner derrière lui, la poussant vers une pratique comme (par exemple) l’opération antifasciste de la Mutualité (menée avec le PCMLF). Le mouvement communiste maoïste avait réussi à influer sur cette organisation "marxiste anti-stalinienne" et sur ses contradictions internes, radicalisant la gauche (Bensaïd, Recanati), neutralisant le centre (les frères Krivine) et isolant la droite (Frank, Filoche) - même pas tenue au courant de l'opération. Mais depuis, la LCR est revenue au trotskisme "antitotalitaire" (contre la dictature du prolétariat) et finalement à la social-démocratie (NPA), occupant en définitive la niche politiquequi était celle du PSU dans les années 1960-70]
Suite à cet article, le (n)PCI avait réagi pour souhaiter apporter quelques précisions et rectifications : Rectificatif sur le Gouvernement de Bloc Populaire
[Finalement, une grande partie de tout ce que nous venons de dire au sujet de la "gauche" social-républicaine française à la Mélenchon pourrait être résumée dans le concept de social-chauvinisme : http://www.contretemps.eu/interventions/social-chauvinisme-injure-concept... En définitive, la grande différence que nous essayons d'expliquer pourrait se situer là : malgré les grandes limites et les atermoiements réformistes de son mouvement socialiste, l'Italie n'a pas connu dans la même mesure ce phénomène social-chauvin dont l'"apogée éclatante" en Hexagone aura été l'"Union sacrée" de 1914 ; les socialistes italiens pro-guerre de cette époque faisant rapidement scission autour de Benito Mussolini pour devenir quelques années plus tard le mouvement fasciste ; alors que leurs homologues français sont restés socialistes sans le moindre problème ni la moindre remise en question, certains rejoignant même sans encombre (sans autocritique) le PC lors de sa création en 1920 (et par la suite, outre cette question du positionnement face à la guerre de 1914-18, il y a eu toute celle de l'attitude par rapport à l'impérialisme colonial, sujet sur lequel le socialisme puis le communisme italiens ont également toujours été beaucoup plus clairs...) ! Ceci est lié, comme nous l'avons expliqué, au caractère beaucoup plus (historiquement) fort et solide de la bourgeoisie tricolore qui lui a permis de prendre dans sa "force d'attraction" une partie considérable du mouvement ouvrier, ce que la bourgeoisie transalpine a toujours été beaucoup trop faible pour faire (quoi qu'elle y ait pas mal réussi avec le PCI à partir de 1960, jusqu'à sa dissolution en 1991).]
ET POUR FINIR, si le problème de la "gauche de la gauche" dans l’État français est ce que nous avons longuement expliqué supra, celui de son équivalente italienne est sa grandissante inexistence en termes de résultats électoraux et de représentation parlementaire, ce qui dans le cadre d'une stratégie totalement fondée sur cela a fini par conduire le (n)PCI à soutenir en "substitution" le très populiste et de plus en plus réactionnaire "Mouvement 5 Étoiles" de Beppe Grillo (ce que nous avons vivement critiqué).