Article de Bruno Jaffré sur le Thomas Sankara Website
Thomas Sankara, leader d’un authentique processus révolutionnaire
Bruno Jaffré
Cet article est la première version de l’article écrit pour publication dans le Monde Diplomatique d’octobre 1987, avant les coupures dues aux contraintes de la presse qui font que la longueur est imposée et peut changer au fur et à mesure que s’élabore le journal notamment. On trouvera l’article effectivement publié sous le titre ’Thomas Sankara et la dignité de l’Afrique" sur le site du Monde Diplomatique à l’adresse http://www.monde-diplomatique.fr/2007/10/JAFFRE/15202
Le 15 octobre 2007, sera commémoré le 20ème anniversaire de la mort de Sankara dans de nombreux pays. Si Sankara reste largement méconnu hors de l’Afrique, il reste sur le continent dans bien des mémoires, comme celui qui disait la vérité, celui qui vivait proche de son peuple, celui qui luttait contre la corruption, celui qui donnait espoir que l’Afrique renoue avec la confiance, qu’elle retrouve sa dignité bafouée. Mais il était bien plus que cela : un stratège politique ayant dirigé jusqu’à la victoire un processus révolutionnaire, un président créatif, porteur de révolte, d’énergie, qui s’est engagé jusqu’au sacrifice suprême et enfin une voie qui porta haut et fort les revendications du tiers monde.
Une longue préparation
Sankara est né le 21 décembre 1949. Son père est revenu infirmier gendarme de la deuxième guerre mondiale dont il lui a rapporté l’horreur. Sa mère lui raconte les injustices dont se rendent responsables les Naabas, les chefs que les révolutionnaires appelleront les "féodaux". Aîné des garçons dans une lignée de douze frères et soeurs, il acquiert vite des responsabilités. A l’école où il côtoie les fils de colons et découvre l’injustice. Il sert la messe mais refuse in extremis de faire le séminaire et opte pour le collège puis entre au Prytanée militaire du Kadiogo en seconde.
C’est paradoxalement dans cette école militaire que Sankara va s’ouvrir à la politique. Adama Touré militant du PAI, parti africain de l’indépendance, marxiste convaincu y enseigne l’histoire avant d’être le directeur des études. Il poursuit sur sa formation à l’école militaire inter-africaine d’Anstirabé à Madagascar. En plus des cours de stratégies militaires et tout ce qui a trait à la formation d’officiers, l’enseignement y est pluridisciplinaire : sociologie, sciences politiques, économie politique, français, connaissance de la culture malgache, "sciences agricoles". Militaires les civils ensemble entreprennent dans ce pays des changements radicaux et notamment la rupture avec la France. Il effectue une année supplémentaire de service civique et effectue de nombreux séjours en zone rurale au milieu de la population et y découvre une nouvelle fonction de l’armée au service des populations.
En 1974, lors de la première guerre avec le Mali, son nom commence à circuler après un exploit militaire. A sein de l’armée il entreprend de regrouper les jeunes officiers de sa génération, d’abord pour défendre leur conditions de vie, leur dignité d’officier alors que tout leur manque pour effectuer leur commandement dans de bonnes conditions, parfois jusqu’à l’eau potable. Puis la politique prend le dessus et ils créent avec ses amis une organisation clandestine au sein de l’armée. Dès 1977, il demande au PAI d’organiser une session de formation politique d’une semaine, tout en entretenant des relations étroites avec des militants d’autres organisations. Il lit beaucoup, de tout, questionne, approfondit, prend goût au débat politique. Son charisme joue le rôle de rassembleur. Son réseau s’étend au sein de l’armée plus souvent par la sympathie que dégage le personnage que par conviction politique.
Sankara, à force de persévérance, obtient la création et le commandement d’une unité de commandos d’élite à Po.
Un pays en crise
Après l’indépendance, se succèdent des périodes d’exception et de démocratie parlementaire. Ainsi, la Haute Volta est le seul pays de la région à élire un président, le général Lamizana, au deuxième tour en 1978. Il procède d’une gestion paternaliste et bon enfant de l’armée comme du pays mais doit affronter plusieurs fois une classe politique composée pour l’essentiel de partis issus du RDA A gauche, seul le parti de l’historien Ki Zerbo participe aux élections, parfois aussi au pouvoir, tout en étant implantés dans les syndicats.
C’est durant cette période que vont être créées les conditions des évènements qui aboutiront à la révolution : une exacerbation de contradictions, un puissant mouvement populaire et la montée en puissance d’un militaire révolutionnaire charismatique.
Plusieurs phénomènes vont en effet évoluer en parallèle pour produire une situation explosive.
Les politiciens se complaisent dans les joutes parlementaires, délaissant les débats sur les moyens de sortir de la pauvreté et se coupent petit à petit des forces vives du pays constituées alors de la petite bourgeoisie urbaine, tandis les campagnes restent sous la coupe des différentes chefferies. L’armée se divise coupée en deux entre une jeune génération montante ambitieuse et des officiers plus âgés moins éduqués. Les officiers supérieurs qui dans un premier temps rétablissent les finances publiques après 1966 et imposent une rigueur dans la gestion, vont finir d’une part par prendre goût au pouvoir se déconsidérer dans les scandales financiers.
Une crise des finances publiques se développe à la fin des années 70, d’une part du fait de scandales financiers, d’une gabegie de dépense lors de campagne électorale, mais aussi à la suite de mouvement sociaux puissants qui veillent ce que les promesses d’augmentation de salaires soient tenues.
Cette période est celle aussi d’une intense activité politique extra parlementaire. Le PAI reste clandestin. Mais il profite des périodes de liberté d’expression pour mettre en place en 1973 une organisation autorisée, la LIPAD, Ligue Patriotique pour le développement, qui développe une activité publique : conférences, diffusion d’un organe de presse, animation en direction de la jeunesse dans les quartiers ou durant les vacances scolaires. Par ailleurs de nombreux étudiants ayant été formés dans les débats politiques passionnés de la puissante FEANF, ou s’affrontent les différentes obédiences se réclamant du marxisme léninisme rentrent au pays. Des scissions successives issues du PAI vont créer d’autres mouvements clandestins, notamment l’ULC, l’Union des Luttes Communistes et le PCRV (Parti Communiste révolutionnaire). Les syndicats, traversés par les luttes de tendance, prennent la tête de puissants mouvements revendicatifs ou politiques, comme par exemple pour lutte contre une constitution jugée trop liberticide.
Un premier coup d’Etat militaire intervient en novembre 1980, avec le soutien d’une majeure partie de l’armée après une succession de grèves. Il reçoit le soutien de l’opposition politique légale en particulier du parti du Ki Zerbo. Mais le nouveau pouvoir, bénéficiant pourtant d’une certaine popularité va rapidement découvrir un visage répressif obligeant des dirigeants syndicaux à entrer dans la clandestinité. Des officiers vont être mêlés à des scandales. Sankara qui a été nommé secrétaire d’Etat à l’Information démissionne en direct à la télévision prononçant cette phrase devenu célèbre : "malheur à ceux qui bâillonnent le peuple".
Une situation révolutionnaire
Lorsqu’intervient le coup d’Etat du CSP (Conseil du Salut du Peuple) en 1982, c’est une nouvelle fraction de l’armée qui se trouve déconsidérée mais aussi le parti de Ki Zerbo. Le clivage va rapidement se faire sentir entre ceux qui souhaitent le retour à des anciens politiciens en avançant comme objectif une vie constitutionnelle normale et les officiers révolutionnaires regroupés autour de Sankara qui fustigent l’impérialisme et les ennemis du peuples. Ces deux groupes d’affrontent d’abord politiquement au sein de l’armée et la nomination de Sankara comme premier ministre est une première victoire. Il en profite pour exacerber les contradictions au cours de meetings publics où il exalte la foule et dénonce "les ennemis du peuple" et "l’impérialisme".
Il est arrêté le 17 mai 1983, alors que Guy Penne conseiller Afrique de Mitterrand atterrit à Ouagadougou. Blaise Compaoré arrive à rejoindre les commandos à Po dont il a pris le commandement en remplacement de Sankara. Les civils entrent en scène, en particulier le PAI qui organisent des manifestations demandant la libération de Sankara et redoublent d’activité, et dans une moindre mesure l’ULC de Valère Somé en voie de reconstitution. Sankara a su se faire respecter non sans mal par des organisations civiles qui se méfient des militaires mais aussi par les militaires qui reconnaissent en lui l’un des leurs, un militaire fier de l’être, et ce bien au-delà de ses proches qui se sont organisés autour de lui depuis plusieurs années. Sankara libéré, toutes ces forces bien organisées restent en contact permanent et préparent la prise du pouvoir.
Après plusieurs reports, les commandos de Po, dirigé par Blaise Compaoré, montent sur la capitale le 4 août 1983. Les employés des télécommunications coupent les lignes, des civils attendent les soldats pour les guider dans la ville et participent à différentes missions.
Un programme simple et ambitieux
Sankara a longuement préparé son accession au pouvoir. Il s’y est longuement préparé sans jamais oublié son objectif principal : "Refuser l’état de survie, desserrer les pressions, libérer nos campagnes d’un immobilisme moyenâgeux ou d’une régression, démocratiser notre société, ouvrir les esprits sur un univers de responsabilité collective pour oser inventer l’avenir. Briser et reconstruire l’administration à travers une autre image du fonctionnaire, plonger notre armée dans le peuple par le travail productif et lui rappeler incessamment que sans formation patriotique, un militaire n’est qu’un criminel en puissance. Tel est notre programme politique.[1]"
Et la tâche est immense, la Haute Volta est alors parmi les pays les plus pauvres du monde[2] : " Le diagnostic à l’évidence, était sombre. La source du mal était politique. Le traitement ne pouvait qu’être politique.", après avoir donné quelques chiffres : "un taux de mortalité infantile estimé à 180 pour mille, une espérance de vie se limitant à 40 ans, un taux d’analphabétisme allant jusqu’à 98 pour cent, si nous concevons l’alphabétisé comme celui qui sait lire, écrire et parler une langue, un médecin pour 50000 habitants, un taux de scolarisation de 16 pour cent, et enfin un produit intérieur brut par tête d’habitant de 53356 francs CFA soit à peine plus de 100 dollars.[3]"
La théorie et la pratique
Sankara cache à peine ses influences marxistes mais il va vite comprendre que ceux qui se pressent autour de lui et se réclament du marxisme sont souvent bien loin de partager ses préoccupations de placer comme priorité l’amélioration des conditions de vie de la population.
Il regroupe autour de lui à la présidence près de 150 collaborateurs qu’il a minutieusement choisis, quelques idéologues mais surtout les meilleurs cadres du pays les plus motivés. Les projets ne vont cesser de fuser tandis qu’il impose en permanence des délais d’étude de faisabilité jugés souvent irréalisables. Sans doute faut-il voir là, l’origine du "pouvoir personnel" dont on l’accuse alors que d’autres reconnaissent la difficulté à argumenter contre lui. C’est qu’il était par ailleurs un bourreau de travail et qu’il préparait avec minutie ses dossiers avec ses collaborateurs.
Au-delà de ses influences idéologiques qui vont surtout le guider dans l’analyse du mouvement de la société et des rapports de domination au niveau international, la révolution s’entendait pour lui comme l’amélioration des conditions de vie de la population. Au plus fort de la crise politique il déclare à l’encontre de ceux qui prennent prétexte de divergences idéologiques pour comploter contre : "Notre révolution est et doit être en permanence l’action collective des révolutionnaires pour transformer la réalité et améliorer la situation concrète des masses de notre pays. Notre révolution n’aura de valeur que si, en regardant derrière nous, en regardant à nos côtés et en regardant devant nous, nous pouvons dire que les Burkinabè sont, grâce à la révolution, un peu plus heureux, parce qu’ils ont de l’eau saine à boire, parce qu’ils ont une alimentation abondante, suffisante, parce qu’ils ont une santé resplendissante, parce qu’ils ont l’éducation, parce qu’ils ont des logements décents, parce qu’ils sont mieux vêtus, parce qu’ils ont droit aux loisirs ; parce qu’ils ont l’occasion de jouir de plus de liberté, de plus de démocratie, de plus de dignité. Notre révolution n’aura de raison d’être que si elle peut répondre concrètement à ces questions… La révolution, c’est le bonheur. Sans le bonheur nous ne pouvons pas parler de succès. Notre révolution doit répondre concrètement à toutes ces questions"[4].
Une rupture profonde, une authentique révolution
La Révolution s’analyse avec le recul comme une véritable rupture dans tous les domaines : transformation de l’administration, redistribution des richesses, lutte sans merci contre la corruption, action concrète tout autant que symbolique pour la libération de la femme, responsabilisation de la jeunesse, mis à l’écart de la chefferie quand elle n’est pas combattue en tant que responsable de l’arriération des campagnes et de soutien des anciens partis politiques, tentative presque désespérée de faire des paysans un classe sociale soutenant activement la révolution, transformation de l’armée pour la mettre au service du peuple en lui assignant aussi des taches de production, car un "militaire sans formation politique est un assassin en puissance", décentralisation et recherche d’une démocratie directe à travers les CDR, contrôle budgétaire et mise sous contrôle des ministres et la liste n’est pas exhaustive tant l’action engagé a été multiple et diverse.
Développement auto centré
Dès le début de la révolution, le CNR lance le Plan Populaire de Développement. Les provinces déterminent leurs objectifs et doivent trouver les moyens nécessaires pour les atteindre, une méthode que Sankara décrit ainsi : "Le plus important, je crois, c’est d’avoir amené le peuple à avoir confiance en lui-même, à comprendre que, finalement, il faut s’asseoir et écrire son développement ; il faut s’asseoir et écrire son bonheur ; il peut dire ce qu’il désire. Et en même temps, sentir quel est le prix à payer pour ce bonheur."[5]
Au point de vue économique, le CNR va pratiquer l’auto ajustement, les dépenses de fonctionnement diminuent au profit de l’investissement mais aussi la rationalisation des moyens. Mais le prix à payer va être lourd. L’effort Populaire d’Investissement se traduit par des ponctions sur les salaires de 5 à12%, une mesure tempérée cependant par la gratuité des loyers décrétée pendant un an. Une zone industrielle en friche a ainsi par exemple pu être réhabilitée à Ouagadougou.
Il s’agit de promouvoir le développement autocentré, ne pas dépendre l’aide extérieure : "ces aides alimentaires qui nous bloquent, qui inspirent, qui installent dans nos esprits cette habitude, ces réflexes de mendiant, d’assisté, nous devons les mettre de côté par notre grande production ! Il faut réussir à produire plus, produire plus parce qu’il est normal que celui qui vous donne à manger vous dicte également ses volontés"[6].
Les mots d’ordre "produisons, consommons burkinabé" constituent une des traductions majeures de cette politique.
Ainsi les fonctionnaires sont incités à porter le Faso Dan Fani, l’habit traditionnel, fabriqué à l’aide de bandes de coton tissées de façon artisanale. Une mesure qui a joué un véritable effet d’entraînement, puisque la production du coton a augmenté, mais surtout de très nombreuses femmes se sont mises à tisser dans les cours, leur permettant ainsi d’acquérir un revenu propre les rendant moins dépendantes de leur mari. Les importations de fruits et légumes ont été interdites dans la dernière période pour inciter les commerçants à faire plus d’efforts pour aller chercher la production dans le sud-ouest du Burkina, difficilement accessible plutôt que d’emprunter la route goudronnée allant en Côte d’Ivoire. Des circuits de distribution ont été mis en place grâce à une chaîne nationale de magasins nationale, mais aussi pour atteindre via les CDR les salariés jusque dans leur services.
Précurseur
La défense de l’environnement fait aujourd’hui la une de l’actualité. Déjà à cette époque, Sankara avait pointé les responsabilités humaines de l’avancée du désert dans le Sahel. Le CNR lance dès avril 1985, les trois luttes : lutte contre la coupe abusive du bois, accompagnée de campagnes de sensibilisation pour le développement de l’utilisation du gaz pour la cuisine, lutte contre les feux de brousse et lutte contra la divagation des animaux, reprises non sans parfois quelques mesures coercitives par les CDR
Par ailleurs, partout dans le pays, les paysans se sont mis à construire des retenues d’eau souvent à mains nues pendant que le gouvernement relançait des projets de barrages qui dormaient dans les tiroirs. Sankara interpellait tous les diplomates ou hommes d’Etat leur soumettant inlassablement se projets, pointant les insuffisances de l’aide de La France en la matière alors que les entreprises françaises étaient les principales bénéficiaires des marchés des gros travaux. Il faudrait encore citer les campagnes de popularisation des foyers améliorés économisant la consommation du bois, tandis que le commerce en était régulé, les campagnes de reboisement dans les villages qui devaient prendre en charge l’entretien d’un bosquet sans oublier les plantations d’arbre comme un acte obligé à chaque évènement social ou politique.
La mondialisation, le système financier international, l’omniprésence du FMI et de la Banque Mondiale, la question de la dette des pays du tiers monde sont aujourd’hui des thèmes de combat au niveau international depuis le développement du mouvement dit altermondialiste. Dans un discours sur la dette[7], Sankara développe une analyse largement reprise aujourd’hui : la dette trouve son origine dans les « propositions alléchantes » des « assassins techniques ». Elle est devenue le moyen de « reconquête savamment organisée de l’Afrique, pour que sa croissance et son développement obéissent à des paliers, à des normes qui nous sont totalement étrangers ». Et il appelle ses pairs à ne pas la rembourser rappelant au passage la dette de sang due après l’envoi des milliers d’africains envoyés combattre l’armée nazie lors de la seconde guerre mondiale. Si le Burkina Faso est effectivement entré en discussion avec le FMI pour obtenir des prêts, la décision a finalement été prise au cours d’une conférence nationale de ne pas signer avec le FMI qui souhaitait imposer ses conditionnalités. Le Burkina s’est alors lancé seul dans la "bataille du rail", la population étant invitée à tour de rôle à venir poser des rails avec les moyens dont disposait le pays.
Construire la démocratie
Lorsqu’on demande à Sankara ce qu’est la démocratie il répond : "La démocratie est le peuple avec toutes ses potentialités et sa force. Le bulletin de vote et un appareil électoral ne signifient pas, par eux-mêmes, qu’il existe une démocratie. Ceux qui organisent des élections de temps à autre et ne se préoccupent du peuple qu’avant chaque acte électoral, n’ont pas un système réellement démocratique. Au contraire, là où le peuple peut dire chaque jour ce qu’il pense, il existe une véritable démocratie car il faut alors que chaque jour l’on mérite sa confiance. On ne peut concevoir la démocratie sans que le pouvoir, sous toutes ses formes, soit remis entre les mains du peuple ; le pouvoir économique, militaire, politique, le pouvoir social et culturel".
Les CDR créées très rapidement après le 4 août 1983 sont chargés d’exercer le pouvoir du peuple. S’ils ont été à l’origine de nombreuses exactions, et servi de faire de lance contre les syndicats, il n’en reste pas moins qu’ils ont assumé de nombreuses responsabilités bien au-delà de la seule sécurité publique : formation politique, assainissement des quartiers, gestion des problèmes locaux, développement de la production et de la consommation des produits locaux, participation au contrôle budgétaire dans les ministères. Et la liste n’est pas exhaustive. Ils ont même rejeté après débats, plusieurs projets comme celui de "l’école nouvelle" jugée trop radical Quant à leurs insuffisances, souvent dues aux querelles que se livraient les différentes organisations soutenant la révolution, Sankara était souvent le premier à les dénoncer[8].
Le complot
Ce président d’un type nouveau dont tout le monde veut bien louer aujourd’hui le patriotisme et l’intégrité, l’engagement personnel et le désintéressement était à l’époque devant gênant. Son exemple menaçait le pouvoir des présidents de la région et plus généralement la place de la présence française en Afrique. Le complot va s’organiser inéluctablement. Le numéro deux du régime, le président actuel du Burkina Faso, Blaise Compaoré[9] va s’en charger avec le soutien probable de la France, de la Côté d’Ivoire et de la Lybie. Ainsi selon François Xavier Verschave : Kadhafi et la Françafrique multipliaient les causes communes. Cimentées par l’antiaméricanisme. Agrémentées d’intérêts bien compris. L’élimination du président burkinabé Thomas Sankara est sans doute le sacrifice fondateur. Foccart et l’entourage de Kadhafi convinrent en 1987 de remplacer un leader trop intègre et indépendant au point d’en être agaçant, par un Blaise Compaoré infiniment mieux disposé à partager leurs desseins. L’Ivoirien Houphouët fut associé au complot"[10]. On connaît la suite, l’alliance qui se fait jour via les réseaux françafricains mêlant des personnalités politiques, des militaires ou des affairistes de Côte d’Ivoire, de France, de Libye et du Burkina Faso, pour soutenir Charles Taylor responsable des effroyables guerres civiles qui se dérouleront au Libéria puis en Sierra Leone. Blaise Compaoré participera encore à des trafics de diamants et d’armes pour contourner l’embargo contre l’UNITA de Jonas Savimbi. Aujourd’hui, après avoir abrité les militaires qui créeront les "forces nouvelles", Blaise Compaoré est présenté comme l’homme de la paix dans la région. Entre temps il est vrai c’est créé une Association Française d’Amitié Franco-Burkinabé, présidée par Guy Penne, dans laquelle on retrouve Michel Roussin, ancien des services secrets, condamnés pour des affaires de la mairie de Paris où il officiait aux côtés de Jacques Chirac et le numéro de Bolloré en Afrique, mais aussi Jacques Godfrain, présenté par Verschave comme un proche de Foccart[11]. Avec Pierre André Wiltzer, lui aussi ancien ministre de la coopération, mais membre de l’UDF, et Charles Josselin, lui aussi ancien ministre de la coopération mais socialiste, et nous avons là la françafrique reconstitué.
Tout a été fait pourtant pour effacer Thomas Sankara de la mémoire dans son pays. Rien n’y fait. Inéluctablement, Sankara revient, par le son, les images, les écrits. Internet ne fait qu’amplifier le phénomène. Une nouvelle génération est née qui cherche l’information, questionne, apprend, se mobilise très régulièrement aussi depuis l’assassinat de Norbert Zongo toujours impuni. Et qui commence à demander des comptes à ceux qui ont suivi sans état d’âme Blaise Compaoré jusqu’à aujourd’hui, devenu entre temps un fidèle exécutant des thèses libérales et le successeur d’Houphouët Boigny comme le meilleur allié de la France dans la région.
Cette génération, quelque peu désemparée devant le manque d’alternatives politiques internes, les partis d’opposition n’en finissant pas de se déchirer, souvent d’ailleurs grâce à quelques millions savamment distribués, conserve intact les traditions de lutte de son pays. Et puis une expérience nouvelle se renforce en Amérique Latine. Le Vénézuela multiplie les initiatives en direction de l’Afrique et reprend certains thèmes de la révolution burkinabé mais avec les moyens de son pétrole en plus. L’espoir doit revenir mais il convient auparavant de bien s’imprégner des réalités et des difficultés auxquelles a été confrontée la révolution burkinabé.
Bruno Jaffré
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Du même auteur, en octobre 2014 :
De l’Islande à l'Amérique latine des Chavez et Maduro (Venezuela), Evo Morales (Bolivie) et José Mujica (Uruguay), en passant par les pays arabes, les révolutions sont à l’ordre du jour, prenant des formes différentes, des contenus différents, évoluant vers des victoires ou des échecs, sans que rien ne soit jamais acquis. Dans d’autres pays, à travers tous les continents, les peuples se mettent en mouvement, s’organisent, résistent et luttent pied à pied. Ce que nous proposons ici, c’est de prendre un peu de recul sur cette actualité et de nous plonger dans les paroles de Thomas Sankara, le leader de la révolution africaine qui a marqué la fin du 20ème siècle, la Révolution démocratique et populaire. Car ce sont les mêmes ennemis qu’affrontait le peuple du Burkina Faso : les multinationales, le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et leurs complices locaux.
La révolution du Burkina est, en réalité, mal connue, si ce n’est à travers la personnalité de Thomas Sankara, très prisée sur le continent africain. Les T-shirts à son effigie ont fait leur apparition, les artistes de toute discipline s’en inspirent, la jeunesse s’en réclame de plus en plus. Internet a bien sûr favorisé ce phénomène, tout en le confinant dans une imagerie superficielle. Il importe de transformer cette popularité, dont on ne saurait se plaindre, en une appropriation progressive plus approfondie de sa pensée et des leçons de son action, de ses échecs et de ses réussites.
Car, en réalité, Thomas Sankara était un précurseur des luttes d’aujourd’hui. Sur deux thèmes centraux, on peut même dire vitaux de notre époque, la préservation de la planète et la lutte contre la dette illégitime, que l’on veut faire supporter par les peuples.
Ainsi, le Conseil national de la révolution (CNR) lance, dès avril 1985, trois luttes : lutte contre la coupe abusive du bois, accompagnée de campagnes de sensibilisation pour le développement de l’utilisation du gaz pour la cuisine, lutte contre les feux de brousse et lutte contre la divagation des animaux. Les Comités de défense de la révolution (CDR) se chargent de traduire ses mots d’ordre dans la réalité, non sans parfois quelques mesures coercitives.
Par ailleurs, partout dans le pays, les paysans se sont mis à construire des retenues d’eau, souvent à mains nues, pendant que le gouvernement relançait des projets de barrages qui dormaient dans les tiroirs. Sankara interpellait tous les diplomates ou hommes d’État, leur soumettant inlassablement ses projets, pointant les insuffisances de l’aide de la France, alors que les entreprises françaises étaient les principales bénéficiaires du marché des gros travaux. Parmi les autres trains de mesures, signalons les campagnes de popularisation des foyers améliorés, économisant la consommation du bois, ou les campagnes de reboisement dans les villages, qui doivent prendre en charge l’entretien d’un bosquet. Par ailleurs, chaque évènement social ou politique devait être accompagné de plantations d’arbres[1].
La mondialisation, le système financier international, l’omniprésence et les diktats du FMI et de la Banque mondiale, la question de la dette des pays du Tiers Monde sont aujourd’hui aussi au centre des problèmes internationaux et des mobilisations citoyennes, atteignant maintenant les pays européens.
En précurseur, Sankara développe, dans un discours sur la dette publié plus loin, une analyse largement reprise aujourd’hui. Et il appelle ses pairs à ne pas la rembourser, rappelant au passage la dette de sang due après l’envoi, par dizaines de milliers, d’Africains pour combattre l’armée nazie lors de la Seconde Guerre mondiale. Si le Burkina Faso avait entamé des discussions avec le FMI, il déclinera la conclusion d’un accord. Le Fonds refusa de financer la construction du chemin de fer vers le nord. Le pays s’est alors lancé seul dans la « bataille du rail », avec l’aide de Cuba et les moyens dont disposait le pays, la population étant invitée à tour de rôle à venir poser des rails.
Thomas Sankara rappelait à qui voulait l’entendre que les premiers objectifs étaient de donner à la population de l’eau potable, une alimentation saine, la santé, l’éducation, des loisirs, des logements décents, etc. Des objectifs pragmatiques, alors que la direction de la révolution se déchire en 1987 sur des querelles idéologiques. On réalisera plus tard, lorsque fut retrouvée l’intervention que devait prononcer Thomas Sankara le jour où il a été assassiné, qu’il s’agissait pour certains de ces idéologues dogmatiques de pouvoir surtout bénéficier de leurs positions aux plus hautes sphères de l’État, pour s’enrichir.
Au début des années 1980, le Haute-Volta, ancienne colonie française, traverse une grave crise des finances publiques, doublée d’une crise politique. Différents régimes se sont succédé depuis l’indépendance sans remettre en cause le système néocolonial. L’écrasante majorité de la population, en ville comme à la campagne, survit dans la pauvreté. La tâche est immense, la Haute-Volta figure parmi les pays les plus pauvres du monde.
Sur quelles forces s’appuyer ? Thomas Sankara regroupe par son charisme personnel et sa clairvoyance politique une nouvelle génération de jeunes officiers, aspirant à un changement radical, tout en développant des relations avec des cercles de jeunes intellectuels marxistes. Ceux-ci, anciens étudiants ayant souvent milité au sein de la FEANF (Fédération des étudiants d’Afrique noire en France), contribuent à la création d’organisations clandestines. Les salariés des villes se mobilisent dans les syndicats, où s’aguerrissent les militants de ces organisations susmentionnées, qui en prennent, ici ou là, la direction. Pour le reste, pays rural à 90%, souvent sous l’influence de la chefferie, la population était jusqu’ici spectatrice et plutôt fataliste, après avoir constaté combien les différents pouvoirs qui s’étaient succédé ne s’intéressaient guère à leurs difficultés.
Sans la participation active de la population, rien n’était donc possible, car le budget de l’État ne permettait que peu d’investissements, et le pouvoir était décidé à ne pas céder aux diktats du FMI et de la Banque mondiale.
Pour Thomas Sankara, gagner la confiance de son peuple était une des tâches primordiales du début de la révolution, un gage de son succès.
Le plus important, je crois, c’est d’avoir amené le peuple à avoir confiance en lui-même, à comprendre que, finalement, il faut s’asseoir et écrire son développement ; il faut s’asseoir et écrire son bonheur ; il peut dire ce qu’il désire. Et en même temps, sentir quel est le prix à payer pour ce bonheur[2].
Cette citation, extraite d’un film, révèle en quelque sorte la pédagogie de Thomas Sankara, une qualité peu soulignée. Or il exprime ici une démarche qui l’a guidé dès la prise du pouvoir. Il l’avait déjà exprimée, en des termes voisins, quelques jours avant qu’il ne prenne le pouvoir[3].
Et, sur cet aspect comme sur beaucoup d’autres, il fait ce qu’il dit ou en tout cas tente de le faire. Dès les pouvoirs provinciaux mis en place, après une réforme administrative de décentralisation rondement menée, la population est amenée à se réunir et à se fixer des objectifs réalistes en recherchant d’abord ce qu’elle peut elle-même réaliser, en grande partie par ses propres moyens.
C’est ainsi qu’est conçu l'ambitieux Programme populaire de développement (PPD), dès octobre 1984, dont la réalisation est programmée jusqu'en décembre 1985. L'objectif affiché est d'améliorer les conditions de vie de la population et d'augmenter les infrastructures du pays : barrages, retenues d'eau, magasins populaires, dispensaires, écoles, routes, cinémas, stades de sport, etc.
Une fois bouclé le PPD, le gouvernement travaille sans attendre à la conception du premier plan quinquennal en s’appuyant sur les enseignements tirés de ce premier plan expérimental. Réalisé entre 70 et 80%, son principal mérite, en dehors de ses nombreuses réalisations, aura été d’inventorier les besoins, de mieux évaluer les coûts, mais aussi la capacité d’autofinancement.
Les succès de la révolution sont certes dus en partie à la créativité, au charisme, à la vision politique, aux qualités de dirigeant de Sankara, mais aussi à cette démarche, osons le mot, « participative », en réalité les prémices d’une véritable démocratie. Il s’en est suivi de multiples réalisations, en termes de production, de construction d’infrastructures de toute sorte, barrages et retenues d’eau, écoles, dispensaires, etc. Au-delà des preuves qui n’ont pas tardé à être avancées quant à la volonté du pouvoir révolutionnaire de stopper la corruption, à travers notamment les tribunaux populaires, le pouvoir a convaincu par cette démarche et ses premiers succès de son engagement à vouloir améliorer les conditions de vie de la population. On pourrait citer aussi les dégagements de fonctionnaires corrompus ou champions de l’absentéisme, mais ceux-ci ont aussi donné lieu à quelques excès, notamment au plus fort des luttes politiques entre les différentes organisations engagées dans la révolution, ou contre certains opposants.
Le pays a pu ainsi résolument s’engager dans son auto-développement ou développement autocentré. Les dépenses de fonctionnement diminuent au profit de l’investissement, en même temps qu’une rigueur implacable s’attache à rationnaliser les maigres ressources. L’économie ne doit pas s’appuyer sur les exportations – rajoutons pour payer la dette –, ce que cherche à imposer le FMI et la Banque mondiale et que refuseront les révolutionnaires burkinabè, mais sur l’exploitation des ressources internes. La production agricole va considérablement augmenter, alors que le gouvernement lance des tentatives de réindustrialisation. Il s’agit de produire la valeur ajoutée dans le pays, créer des filières, s’appuyer sur la transformation des matières premières au lieu de les exporter brutes, ce qui passe par la sollicitation, souvent volontariste, du marché intérieur. Tel est le sens du mot d’ordre « produisons, consommons burkinabè ». Les importations de fruits et légumes sont interdites dans la dernière période pour obliger les commerçants à prendre les pistes de villages burkinabè dans le sud-ouest du Burkina, difficilement accessibles, plutôt que d’emprunter la route goudronnée allant en Côte d’Ivoire. Des circuits de distribution ont été mis en place grâce à une chaîne nationale de magasins sur tout le territoire, mais aussi pour atteindre, via les CDR, les salariés jusque dans leurs services.
L’Effort populaire d’investissement se traduit par des ponctions sur les salaires de 5 à 12%, une mesure tempérée cependant par la gratuité des loyers décrétée pendant un an. Il s’agit de ne pas dépendre de l’aide extérieure car « il est normal que celui qui vous donne à manger vous dicte également ses volontés[4]. »
Ce qui ne va pas manquer de créer des contradictions, puisque ce sont les salariés qui sont sollicités en premier. Les fonctionnaires sont incités à porter le faso dan fani, l’habit traditionnel, fabriqué à l’aide de bandes de coton tissées de façon artisanale. Une mesure qui a joué un véritable effet d’entraînement, puisque la production du coton a augmenté. Mais surtout de très nombreuses femmes se mettent à tisser chez elles, accédant ainsi à l’indépendance économique.
Aux critiques concernant ces retenues sur salaires et autres cotisations, Thomas Sankara répond qu’il est injuste que ceux-ci reçoivent régulièrement un salaire, contrairement aux agriculteurs. Là encore, dans la redistribution des richesses, la révolution est rapidement passée de la parole aux actes. En plus des salariés, les commerçants et quelques entrepreneurs seront dans l’obligation de contribuer au développement du pays.
Au-delà des questions économiques, la révolution va se traduire comme une véritable rupture dans tous les domaines. Citons, en plus de ce qui a déjà été relevé : transformation de l’administration, lutte sans merci contre la corruption, action concrète tout autant que symbolique pour la libération de la femme, responsabilisation de la jeunesse, ce qui libérera toute son énergie, mise à l’écart de la chefferie, quand elle n’est pas combattue en tant que responsable de l’arriération des campagnes et soutien des anciens partis politiques, tentative presque désespérée de faire des paysans une classe sociale soutenant activement la révolution, transformation de l’armée pour la mettre au service du peuple en lui assignant aussi des tâches de production, car un « militaire sans formation politique est un assassin en puissance », décentralisation et recherche d’une démocratie directe à travers les CDR, contrôle budgétaire et mise sous contrôle des ministres. Et la liste n’est pas exhaustive, tant l’action engagée a été multiple et diversifiée.
Lorsqu’on demande à Sankara ce qu’est la démocratie il répond :
La démocratie est le peuple avec toutes ses potentialités et sa force. Le bulletin de vote et un appareil électoral ne signifient pas, par eux-mêmes, qu’il existe une démocratie. Ceux qui organisent des élections de temps à autre et ne se préoccupent du peuple qu’avant chaque acte électoral, n’ont pas un système réellement démocratique. Au contraire, là où le peuple peut dire chaque jour ce qu’il pense, il existe une véritable démocratie, car il faut alors que chaque jour l’on mérite sa confiance. On ne peut concevoir la démocratie sans que le pouvoir, sous toutes ses formes, soit remis entre les mains du peuple ; le pouvoir économique, militaire, politique, le pouvoir social et culturel[5].
Les CDR sont chargés d’exercer le pouvoir du peuple. S’ils ont été à l’origine d’exactions et servi de fer de lance contre les syndicats, il n’en reste pas moins qu’ils ont assumé de nombreuses tâches, bien au-delà de la seule sécurité publique : formation politique, assainissement des quartiers, gestion des problèmes de voisinage, développement de la production et de la consommation des produits locaux, participation au contrôle budgétaire dans les ministères, etc. Ils ont même rejeté, après débats, plusieurs projets comme celui de « l’école nouvelle » jugée trop radical. Quant à leurs insuffisances, souvent dues aux querelles que se livraient les différentes factions soutenant la révolution, Sankara était souvent le premier à les dénoncer.
Dernier élément et non des moindres, Thomas Sankara portait haut la voix des opprimés dans les instances internationales, redonnant fierté à son peuple, rappelant sans cesse l’oppression que subissaient les Noirs d’Afrique du Sud et les Palestiniens, avec la complicité des puissances occidentales, dénonçant sans répit l’impérialisme, comme le montre son discours à l’ONU publié en partie ci-après. Il fit campagne pour l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, un affront que les dirigeants français ne lui pardonneront pas.
Ce président d’un type nouveau était à l’époque devenu gênant pour les puissances occidentales. Son exemple menaçait les pouvoirs des présidents de la région et plus généralement la présence française en Afrique.
Le complot va s’organiser inéluctablement. Le numéro deux du régime, le Président actuel du Burkina Faso, Blaise Compaoré, va s’en charger avec le soutien de la France, de la Côte d’Ivoire et de la Libye. On connaît la suite : l’alliance qui se fait jour via les réseaux françafricains mêlant des personnalités politiques, des militaires ou des affairistes de Côte d’Ivoire, de France, de Libye et du Burkina Faso, pour soutenir Charles Taylor, responsable des effroyables guerres civiles qui vont éclater au Libéria puis en Sierra Leone.
Tout a été tenté pour effacer Thomas Sankara de la mémoire dans son pays. Rien n’y fait. Inéluctablement, Sankara revient, par le son, les images, les écrits. Internet ne fait qu’amplifier le phénomène. Aujourd'hui son rayonnement, de par sa vision de précurseur, notamment sur les questions de l’environnement, le système financier international et la dette, atteint désormais les militants écologistes et anticapitalistes des pays occidentaux.
Puisse ce modeste recueil d’extraits de discours, douloureusement choisis, permettre de leur donner un rayonnement à la mesure de leur importance.
Bruno Jaffré, auteur d’ouvrages sur la révolution burkinabè, est un des animateurs du site thomassankara.net et de la campagne « Justice pour Sankara. Justice pour l’Afrique ».
[1] Nombre de ces mesures semblent issues du rapport « La République Populaire et Démocratique de Haute-Volta n’est pas ‘en voie de développement’ mais ‘en voie de destruction’ », rapport de René Dumont et Charlotte Paquet, PNUD, janvier avril 1984. René Dumont est le précurseur de l’écologie politique et était « persona non grata » en Afrique tropicale francophone, pour ses livres très critiques sur le développement en Afrique.
[2] Extrait d'une interview dans le film Fratricide au Burkina, Sankara et la Françafrique de Thuy-Tiên Ho et Didier Mauro, production ICTV Solférino, France, 2007.
[3] Voir l’annexe de Biographie de Thomas Sankara, la patrie ou la mort de Bruno Jaffré, L’Harmattan, Paris, 2007, p. 333.
[4] Discours prononcé devant 1ère conférence nationale des CDR le 4 avril 1986.
[5] Idem.
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