Initialement publié sur le site de L'Humanité, ce reportage décrit le quotidien des masses populaires sur un territoire particulièrement relégué de la "région Aquitaine" (concentration de chômage, d'emploi précaire et sous-payé, de très bas revenus, de désocialisation etc.) : un "couloir" allant du Haut-Médoc (pointe de Grave à l'embouchure de la Gironde) jusqu'au nord d'Agen. Cette région occitane, après avoir été longuement disputée, a été globalement rattachée à l'entité-système "France" au milieu du 15e siècle (bataille de Castillon etc.) ; et d'après un récit de l'époque "ceux qui furent trouvés de la langue de Gascogne furent décapités et eurent leurs têtes tranchées"... De fait, ces territoires girondins au nord de Bordeaux (entre Blaye et Libourne, globalement) subirent une telle extermination de population lors de cette conquête (que l'histoire officielle retient comme la "fin victorieuse de la Guerre de Cent Ans"...) qu'il fallut les repeupler de paysans et autres travailleurs amenés du Poitou (entre autres), ce qui conduisit à une importante "oïlisation" de ce territoire jusque-là de langue et culture gasconne (Pays gabay ou "Gavacherie") - la toponymie (noms des lieux) continuant toutefois à trahir l'occitanité originelle.
La résistance se poursuivra cependant encore tout au long des siècles suivants (aux cris de "Vive Guyenne !", nom de la région alors) avec notamment la fameuse (et très démocratique) République de l'Ormée et même l'opulente bourgeoisie bordelaise mettra du temps avant de "rentrer dans le rang" (on pense aux fameux Girondins, députés hostiles au centralisme parisien pendant la Révolution) même si avec le commerce colonial, et notamment la sinistre traite esclavagiste, on peut considérer sa couche supérieure comme acquise - achetée - dès le 17e siècle (le grand patriciat mettra tout en œuvre pour écraser l'Ormée, mouvement populaire à direction petite- et moyenne-bourgeoise) ; la ville devenant alors le "centre-relais" BBR du "Sud-Ouest" qu'elle est actuellement (et que l'on voit bien en blanc sur la carte ci-dessus, "bavant" jusqu'à ses villégiatures du Bassin d'Arcachon mais comptant aussi, bien sûr, ses ghettos "ZUS").
Un "centre-relais" APPUYÉ sur l'immense "couloir de relégation" (en bleu sombre sur la carte) que nous allons découvrir ci-dessous ; un "couloir" où sont pourtant produits rien de moins que... les vins les plus chers de la planète, autre source (depuis l'époque gallo-romaine) de la prospérité des notables locaux !
Bien entendu, 90% de l'"extrême-gauche" du système-France nous rétorquera que "cela n'a rien à voir" et que nous "fantasmons sur de vieilles chimères" moyenâgeuses et "anticapitalistes romantiques"... C'est bien connu, quand un territoire et une population (autrement dit des FORCES PRODUCTIVES) sont rattachés à un système capitaliste de production de plus-value, "ce n'est pas" pour s'y voir attribuer et assigner une PLACE qui déterminera ensuite l'oppression subie par ladite population*.
LA VÉRITÉ c'est que l'entité francouille a conquis (pro vincia) et soumis dans le sang la Gascogne et la Guyenne comme tant d'autres terres et peuples, qu'elle les a PÉRIPHÉRISÉES dans le cadre de son État au service de la valorisation du Capital tout en faisant de Bordeaux l'un de ses grands ports transatlantiques et le siège d'une bourgeoisie-relais francouillisée qui se pâme aujourd'hui sur son Juppé et son tramway, et que ce "couloir" qui va du Haut-Médoc au Réolais (comme tant d'autres Terres d'Òc et d'ailleurs) est désormais une CAMPAGNE, une FUTURE BASE ROUGE de la Guerre populaire révolutionnaire que nous devons et voulons livrer contre le Capital !
Tout près de là, du côté de Lacanau ou de Royan, certain-e-s d'entre vous auront peut-être la chance de passer quelques agréables vacances. Vous aurez alors, n'en doutons point, une pensée pour ces hommes et ces femmes prolétaires qui n'ont même pas 14 euros pour se rendre à la ville voisine...
OCCITÀNIA, LIBERTAT, SOCIALISME ; per tots mejans necessaris !
L'ORA ES VENGUDA !
Bonne lecture.
Alors que le gouvernement a reçu le huitième rapport annuel de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, l’Humanité est allée à la rencontre de ceux qui font face quotidiennement à la crise et au chômage en Aquitaine. Nous avons ainsi parcouru « le couloir de la pauvreté », territoire qui s’étend du Haut-Médoc jusqu’au Réolais, où 30% des habitants de moins de 65 ans survivent avec le RSA.
De Lesparre-Médoc...
« Je suis prête à travailler dans tous les rayons, boucherie, poissonnerie, caissière mais je ne veux pas finir ma vie comme ça », dit Émilie, 21 ans, à une conseillère de la mission locale de Lesparre-Médoc. « Quelles sont vos priorités ? Est-ce que vous souhaitez rester sur ce territoire ? ». Émilie répond : « Je n’ai aucun objectif à part trouver du travail ». La conseillère lui suggère les emplois saisonniers. Émilie résiste : « Deux mois ici, deux mois là, ça ne m'intéresse pas trop». « Vous cherchez le CDI ? », lui rétorque la conseillère. « Oui, comme tout le monde », répond Émilie. « Bon, là, il va falloir se calmer... Chez Carrefour, Leader Price ou la vigne, c'est les CDD de deux mois ou rien ». Justement, Émilie vient de perdre son CDD de caissière à Leclerc, puis radiée par Pôle emploi. Dans cette région mondialement réputée pour ses vignobles d’exception, nombreux sont les jeunes qui, comme elle, se sentent pris au piège.
« La vigne, ça détruit. Ma mère s’est fait opérer plusieurs fois. Je connais, c’est très dur. Mais, je n’ai pas le choix, il va falloir que je dépose des CV dans les châteaux. Je calcule tout au centime près : essence, loyer et nourriture… Je me prive en permanence», lâche Émilie, fille de viticulteurs, native de Lesparre-Médoc. C’est dans cette petite ville située au cœur de la presqu’île du Médoc que commence le « couloir de la pauvreté ». Un territoire baptisé par l’Insee, la CAF et la MSA (Mutuelle de santé agricole) qui s’étend de la pointe du Médoc jusqu’à Agen, sur plusieurs départements bordant la Garonne et ses affluents. Ce couloir, qui alterne petites villes et zones rurales, a la particularité d’abriter une population faiblement qualifiée et peu rémunérée, soumise aux contrats saisonniers. Qu’il s’agisse de la vigne, soit près de 80 % de l’activité économique, ou du tertiaire, tous les voyants sont au rouge. Entre 2010 et 2013, le nombre de personnes percevant le RSA socle est passé de 90 000 à 98000. Résultat : plus d'un Aquitain sur huit vit sous le seuil de pauvreté, l’équivalent de moins de 950 euros disponibles par mois. Sur les 226 jeunes suivis par la mission locale à Lesparre et Gaillan-en Médoc, 41 % sont sans qualification et seuls 32 % possèdent le permis de conduire. « Ici on peut être sûr d’avoir du travail toute l’année avec la vigne, mais il faut le permis. Or, la plupart des jeunes n'ont pas les moyens de payer 1500 euros. La question de la mobilité est centrale dans une région où il n'y a qu'un train qui relie à Bordeaux et où les bus ne relient pas les villages entre eux », témoigne Vina Seedoyal, conseillère emploi.
Sous une chaleur pesante, à quelques pas d'un centre-ville où un magasin sur deux affiche « bail à céder » ou « à louer », le local de l'association SOS emploi accueille une douzaine de chômeurs en formation. Son objectif : l'insertion durable dans le service à la personne, le bâtiment, la voirie, l'aménagement d'espaces verts... Durable mais souvent précaire. « Depuis quelques années, la crise est palpable. Il y a moins de CDI et une recrudescence de gens qui touchent les minima sociaux, qui n'ont pas le permis et qui manquent de formation, estime Daniel Keromnes, directeur de la structure. 80 % de la population est en dessous du niveau CAP. Le Médoc est une région enclavée. Certains jeunes n'ont jamais mis les pieds à Bordeaux. Et puis, il y a un côté seigneur ici... Qui aurait intérêt à ce que les ouvriers agricoles fassent plus d'études ? Sûrement pas les propriétaires des châteaux... ». Parmi le groupe en formation, Vanessa, 24 ans, mère célibataire, ne trouve pas d'emploi avec son CAP coiffure. Reste la restauration, la grande distribution ou la vigne... Comme toujours. « Je suis au RSA, seule avec deux enfants de 3 et 5 ans. J'ai fait les saisons avec des contrats de deux mois mais tout mon salaire passe dans le loyer et la nounou. Je n'arrive pas à me projeter. Et puis, les châteaux préfèrent embaucher des Marocains ou des Espagnols qui leur coûtent moins cher», témoigne-t-elle.
Mardi matin, c'est jour de marché à Lesparre-Médoc. On aperçoit les étals de légumes. Sur une des rues adjacentes, l'association Envols distribue ses colis alimentaires. Les chariots défilent. Un groupe de femmes marocaines arrive avec les enfants. Farida, 33 ans, raconte dans un espagnol parfait une vie d'exil. Celle de ses parents, celle de son mari, la sienne et celle de milliers d'autres. « Nous vivions à Bilbao depuis douze ans. Mon père y est arrivé bien avant nous pour chercher du travail et une vie meilleure. Je l'ai rejoins, je ne parlais pas espagnol. J'y ai rencontré mon mari qui travaillait dans le bâtiment et la restauration. La crise, on la regardait de loin et puis elle nous est tombée dessus vers 2007. Les salaires ont baissé. Les emplois sont devenus rares, on a tenu grâce aux aides. Mais au bout de deux ans, elles ont été supprimées. Par le bouche à oreille, on a appris qu'il y a avait du travail dans la vigne à Lesparre. On est ici depuis huit mois. La vigne, c'est très dur. C'est grâce aux aides qu'on ne meurt pas de faim. Grâce à la solidarité d'ici ». Dans les locaux de l'association Envols, les nouveaux migrants côtoient une classe moyenne ayant quitté Bordeaux il y a une vingtaine d'années pour devenir propriétaire et vivre aisément. C'est le cas de Kamel, professeur de danse, de sa femme, fonctionnaire territoriale et de leurs trois enfants. « Il y a quelques années, j'ai perdu mon emploi, dit Kamel avec son sac rempli de lait et de légumes. Mais les traites de la maison sont restées identiques, 1000 euros par mois. Ma femme gagne 2000 euros. Il faut payer l'essence, les charges, les études des enfants. À cinq, on ne s'en sort pas. L'été, je tiens un stand de kebab sur les marchés. Sinon, je ne sais pas comment on ferait».
à Pauillac...
Nous quittons Lesparre-Médoc vers le sud. À une vingtaine de kilomètres, Pauillac, la ville des grands crus, fait partie du couloir de la pauvreté. Ici, l'union locale CGT croule sous les dossiers et les permanences juridiques. Licenciements, harcèlement au travail, maladies professionnelles, heures supplémentaires non payées, ruptures conventionnelles, droits syndicaux bafoués... Alain Curot, responsable de l'union locale CGT, a un agenda de ministre. « On a de plus en plus de dossiers à traiter, 800 personnes de plus en trois ans. Les licenciements pour inaptitude sont le gros du bataillon. La vigne oui, mais on a aussi les caissières et les salariés du commerce ». Fille d'un ouvrier de la vigne et d'une femme de ménage marocains arrivés en France dans les années 60, Khadija, maman célibataire, s'est adressée au syndicat lorsqu'elle a été confronté à du harcèlement dans la clinique où elle était agent d'entretien. Toujours en procès avec son employeur, elle cumule aujourd'hui neuf emplois pour à peine 1000 euros par mois. « Je travaille dans une maison de retraite de nuit, je fais des ménages, des extras dans la restauration et je suis aide à domicile. Mais je ne suis pas un cas isolé à Pauillac», s'empresse-t-elle de préciser. Khadija est née dans le salon bourgeois du château Fonréaud à Listrac, alors que sa mère lavait le parquet. « J'ai grandi dans les logements attenants au vignoble avec les Maghrébins et les Portugais que les patrons sont allés chercher dans les villages. Moi aussi j'ai travaillé très tôt dans la vigne. C'était l'esclavage, les cadences, le chaud, le froid. Mes parents sont déglingués. Et ça continue avec en plus les pesticides qui provoquent des cancers et des maladies d’Alzheimer».
Véronique Lalanne exerce comme assistante sociale depuis 2009 à la Maison des solidarités de Pauillac. Elle pointe la question de l'habitat insalubre et du surendettement. « Les gens trouvent à se loger facilement dans le privé mais il s'agit d'un habitat énergivore qui entraîne des charges qu'ils ne peuvent pas assurer. Du coup, ils déménagent mais ne font que déplacer les problèmes », explique-t-elle. Depuis un ou deux ans, cette professionnelle voit de plus en plus de travailleurs pauvres venus de Bordeaux, envoyés par les bailleurs sociaux. Mais sans emplois, les nouveaux arrivants plongent encore un peu plus. « On est dans une zone sinistrée où l'emploi est rare et où la mobilité est un problème grave. Ce sont des familles entières qui touchent à peine le SMIC qui arrivent dans la région par nécessité et qui ne sont pas éligibles aux aides. Cela renforce automatiquement les poches de pauvreté déjà existantes ». Une réalité sourde qui tranche avec des paysages majestueux, les grands châteaux et les jardins soignés où des cars de touristes stationnent. Et puis, des pieds de vigne à perte de vue qui poussent silencieusement au soleil. Quelques fois, en bordure des champs, des camionnettes stationnées indiquent la présence d'ouvriers. On descend le long de l'estuaire. Nous roulons dans le couloir de la pauvreté.
en passant par Sainte-Foy-la-Grande
Passé Libourne et Castillon-la-Bataille, nous entrons à Sainte-Foy-la-Grande, 2500 habitants, classée zone de sécurité prioritaire en février dernier par l'ex-ministre de l'intérieur Manuel Valls. Dans cette petite ville considérée comme un nouveau « ghetto urbain », 30% d'habitants dépendent du RSA et plus de 40 % des allocataires dépendent de la CAF pour plus de la moitié de leurs ressources. C'est le cas de Marie-Claire, maman célibataire de quatre enfants, vivant dans un petit HLM, à Pineuilh, à quelques minutes de Sainte-Foy. De contrats aidés en emplois à mi-temps, elle n'a cessé d'enquiller les boulots saisonniers dans la vigne et dans le maraîchage pendant dix ans. « Depuis 2006, je n'ai plus d'emploi. Que ce soit l'usine de pommes ou la vigne, c'est très physique, il faut se lever aux aurores et faire garder les enfants. À Sainte-Foy, on est peu aidés, il faut dire que trois quart des gens ici sont au chômage. On vit dans une ville en faillite qui s'enfonce dans la pauvreté », tranche-t-elle. À 34 ans, Marie-Claire survit avec 1000 euros tout net. « Vous enlevez les factures, le loyer, la nourriture, il ne reste plus grand-chose. Je suis obligée de garder des enfants la nuit pour d'autres mamans qui travaillent très tôt. C'est la débrouille permanente ». Chaque mois, le surendettement la guette. Il suffit d'une fois où un des enfants est malade et là voilà dans le rouge au 20 du mois. « J'ai la CMU mais il y a toujours des frais à avancer. L'orthodontie coûte très cher. Mes deux aînés auront un appareil dentaire. Sur 580 euros, le mois dernier, il a fallu que je paie de ma poche 170 euros. Les semelles orthopédiques ne sont pas remboursées non plus », détaille Marie-Claire.
Des situations de pauvreté comme la sienne, Marie-Claire en rencontre souvent aux Restos du Cœur où elle est bénévole. Là, elle a fait la connaissance d'Estelle, 27 ans, maman de deux enfants, dont une handicapée. Pour trouver du travail, elle a tout tenté : l'aide à domicile, le Mc Do, Lidl, Leclerc... Mais à chaque fois, c'est négatif. « Les caméras de vidéo-surveillance ne nous ont pas changé la vie ou amené du travail... La délinquance et les trafics se sont déplacés. L'hôpital a fermé des services entiers pédiatrie, chirurgie, maternité. On se sent lâchés de partout», poursuit-elle. À Sainte-Foy-la-Grande, il n'y a pas de Pôle emploi. Le plus proche est à Libourne, 14 euros l'aller-retour en train. « Je n'ai pas cet argent et je ne suis pas la seule dans ce cas. Les gens qui sont dans les villages autour, c'est pire. Du coup, on se fait radier et on abandonne». Ancien élu communiste, Claude Mirande a vu sa ville « dégringoler ». Pendant une dizaine d'années, il s'est battu pour empêcher la fermeture de l'hôpital, qui était le plus gros employeur de la ville et de ses environs. « L'argument, c'est qu'il n'y avait pas assez de fréquentation. Résultat aujourd'hui, l'hôpital fonctionne à minima et manque de personnel. Les femmes vont accoucher à Bergerac alors qu'on avait tout sur place. Depuis peu, on voit arriver des gens sans moyens de la banlieue bordelaise qui atterrissent chez les marchands de sommeil, dans des taudis. Au lieu de faire venir les flics, Valls aurait mieux fait de se préoccuper de l'emploi et des services publics ».
jusqu'à La Réole
Aller de Sainte-Foy-la-Grande à La Réole, c'est quitter la Dordogne pour rejoindre la Garonne. S'enfoncer dans les terres du Réolais. Dernière étape de notre périple, ici encore, tout semble calme et même charmant. « On a beau avoir le label Ville d'art et d'histoire, on est une ville très pauvre », lance une des bénévoles des Restos du Cœur, dont le local est à quelques kilomètres du joli petit centre-ville. À La Réole, il reste une gare qui a failli fermer il y a quelques années parce que « soit-disant pas rentable », poursuit une autre. En augmentation constante, le nombre de familles ayant recours à l'association a doublé en cinq ans, alors que les barèmes se sont durcis. Comme à Pauillac ou Saint-Foy, les nouveaux arrivants viennent chercher des loyers modérés et une qualité de vie. « En fait, ils sont pris au piège parce qu'il n'y a pas de travail », explique Élisabeth Margot, présidente de l'association. Une fine silhouette sort du hangar où se fait la distribution de denrées. Sonia, 50 ans, ancienne secrétaire médicale n'a pas eu le choix. « Je suis tombée gravement malade et ma vie a basculé. J'ai perdu mon travail et je ne pouvais plus assurer le loyer. Je vis à La Réole depuis cinq ans dans une petite maison un peu humide. Je ne fais aucun extra, je n'ai pas de voiture car je ne pourrais pas payer l'essence. Les aides au logement sont bloquées alors que tout augmente. Jamais je n'aurais imaginé qu'à mon âge, je doive venir ici pour me nourrir... ».
Sous une pluie fine, Maria, 25 ans, s'empresse de ranger les légumes et les couches dans le coffre de sa voiture. Les yeux cernés, elle raconte comment les difficultés ont commencé : « Mon mari est parti. Je me retrouve seule avec un petit salaire et la garde des enfants. C'était pas prévu ». Ouvrière en CDI dans un abattoir, elle commence à 5 heures du matin et débauche à midi. Impossible avec les enfants. « Je me suis mise en congé parental et je touche 400 euros par mois. J'essaie d'être rigoureuse dans ma gestion, je ne veux pas me morfondre à mon âge. Je me dis que c'est une mauvaise passe et que ça ira mieux plus tard ». Les ménages monoparentaux sont très nettement sur-représentés, soit 30 % des ménages usagers et deux tiers des personnes qui ont recours sont des femmes. Le chassé-croisé continue. Un couple avec des jumeaux vient d'apprendre qu'il n'est pas éligible aux aides de l'association. « On dépasse de quelques euros. On est pourtant au RSA à 468 euros avec quatre enfants », explique la maman. En location dans une maison insalubre, ils ont du débourser près de 1800 euros en quatre mois pour l'électricité. Un gouffre. Le père, lui, a travaillé dans le gardiennage et ne trouve pas de travail dans cette branche. « Quand je dépose mes CV dans la manutention ou le BTP, on me dit que je suis trop qualifié. Depuis deux ans, on ne s'en sort pas ». Dans un mois, ils quitteront La Réole pour « tenter » Paris, dans l’espoir de trouver du travail.
Ixchel Delaporte
photos Olivier Coret
À retrouver sur le site de Humanite.fr, l'intégralité du reportage photo d'Olivier Coret
* En lien avec l'actualité, et sans comparer le moins du monde l'État français à Israël et les classes populaires occitanes périphérisées aux Palestiniens (nous savons bien que la spécialité de certain-e-s est de faire dire aux autres ce qu'ils n'ont pas dit), il est d'ailleurs intéressant de remarquer comment les négateurs et les "moqueurs" de cela, ceux pour qui évoquer ces conquêtes-massacres d'il y a 5 ou 8 siècles relève du "romantisme identitaire", sont souvent les MÊMES qui nient la très actuelle oppression sioniste en Palestine (en renvoyant, par exemple, les deux camps dos à dos) et "antisémitisent" ceux qui la dénoncent. C'est que nous avons tout simplement là le reflet d'une IDENTITÉ MATÉRIELLE ET (donc) INTELLECTUELLE totale dont eux-mêmes n'ont pas conscience en raison (justement) du "différé" historique entre les deux situations, du caractère actuel du sionisme en Palestine et du caractère passé de la Conquista de l'Occitanie (et des autres "provinces"). L'État sioniste (colons venus principalement d'Europe, construction historique subjective) a prétendu, au 20e siècle et encore aujourd'hui, refonder le royaume hébraïque de Salomon (son mythe fondateur) en soumettant et niant le Peuple palestinien (produit objectif de l'histoire) qui vivait là. L'État français (construction historique subjective) a prétendu, de la monarchie capétienne des 12e-13e siècles jusqu'à la "Révolution" bourgeoise et aux régimes du 19e siècle, refonder la Gaule romaine (son mythe fondateur : celui d'une Gaule "fécondée" par Rome à travers la défaite héroïco-sacrificielle de Vercingétorix, et bien sûr le mythe des "frontières naturelles", leitmotiv de sa politique d'expansion qui n'échouera qu'au Nord) en soumettant et niant les Peuples (produits objectifs de l'histoire) qui l'habitaient. Dans un cas comme dans l'autre, la véritable question n'est pas celle du "mythe fondateur" et de ses élucubrations et contre-vérités historiques diverses et variées, mais simplement que toute classe dominante exploiteuse cherche à se constituer une BASE D'ACCUMULATION géographique par la soumission et la négation des masses populaires, quelles que soient les "subtilités" idéologiques et pratiques qui accompagnent le processus.
D'ailleurs si un certain sionisme religieux, messianique s'est développé depuis quelques années sous l'influence des milieux fondamentalistes chrétiens US, le sionisme est historiquement une idéologie LAÏQUE, "éclairée" et "civilisatrice" totalement fille de l'idéologie coloniale francouille de Jules Ferry & co (et les Juifs ultra-religieux, historiquement, y étaient plutôt hostiles).
Bien sûr, les milieux "antisionistes" réactionnaires BBR (national-catholiques, gaullistes, "souverainistes" de tout poil) sont eux aussi très hostiles à nos affirmations de Peuples niés ("destination Babel" comme dit leur icône Pierre Hillard... qui est au demeurant un fondateur et contributeur de Boulevard Voltaire et trouve plutôt grâce aux yeux de certains sur "Riposte laïque" 1 - 2, sites pourtant pas vraiment fans de l'"antisionisme" soralien, ce qui montre bien comment toute cette merde baigne dans les mêmes latrines !) ; mais nous avons également montré comment en Hexagone l'antisémitisme est indissociable de la construction de l'entité étatique, notamment aux dépens de l'Occitanie. De fait, il n'y a pas une idéologie francouille "philosémite" et une autre "antisémite" ; il y a, depuis un peu plus de deux siècles que le "débat" fait rage, deux écoles antisémites : ceux qui acceptent d'intégrer au monde franco-blanc les Juifs qui en assimilent les valeurs ET/OU, depuis la Seconde Guerre mondiale, les partagent via le sionisme ; et ceux qui refusent catégoriquement d'intégrer les Juifs au monde franco-blanc européen-chrétien (et a fortiori que des Juifs, en Palestine occupée, se retrouvent investis des attributs de la puissance étatique : les Palestiniens ne servent ici que de simples faire-valoir).