Comme nous l'avions bien dit, le vote OUI massif au référendum anti-minarets en Suisse n'est pas une curiosité du "pays des Hélvètes",
entre les edelweiss, les vaches dans les prés et les fromages à trous.
Il n'y a que les Suisses les plus chauvins et réactionnaires pour se croire une "île", un pays "à part" en Europe.
Le vote anti-minarets s'inscrit bien, au contraire, dans une tendance de fond
européenne.
Au Pays-Bas, l'extrême-droite populiste de Geert Wilders a immédiatement salué le résultat. Et à présent, avec un autre parti
nationaliste calviniste, elle milite au Parlement pour l'organisation d'un référendum dans ce sens aux Pays-Bas.
En Flandre belge, en Autriche, les réactions des puissants partis fascistes (autour de 25% de
l'électorat) sont du même acabit.
En Italie, la Ligue du Nord a également salué le vote des Suisses et lancé un appel à référendum, tout en appelant, pour les fêtes de
Noël, les citoyens à la chasse aux immigrés.
Il est intéressant de noter, au passage, qu'après avoir été évoquée dans le Plan "espoir" Banlieue en 2008, l'idée de mettre en place
en France des "rondes citoyennes" sur le modèle italien ("rondes" fascistes bien sûr : quel "citoyen" galérant pour joindre les deux
bouts irait participer à un truc pareil, sinon des militants d'extrême-droite ?) refait surface depuis quelques jours...
En France, la première réaction a été celle du Front National, par la bouche de Marine Le Pen. Le vieux parti d'extrême-droite, après sa
tentative de "draguer les basanés" sous l'influence idéologique d'Alain Soral en 2007, a trouvé là un thème idéal pour aller au choc
des régionales en mars prochain. Régionales où le parti joue à quitte ou double : retour en force sur le devant de la scène, ou
non-survie programmée à son fondateur et leader historique. [NDLR : c'est finalement ce qu'il s'est passé... et même bien pire.]
Le Bloc Identitaire qui, lui, mobilise depuis ses débuts sur le thème du "choc des civilisations" et de "l'incompatibilité de l'islam
avec la civilisation européenne", salue l'évolution du vieux FN sur la question, par la bouche de son porte-parole Fabrice Robert : "Depuis quelques semaines, on voit comme une évolution du
discours de Marine Le Pen sur l'islam, l'immigration clandestine. On se sent beaucoup plus proche d'elle que d'un Bruno Gollnisch (l'autre vice-président du FN). Je pense qu'elle est en train de faire évoluer sa ligne. On analyse avec intérêt ce qu'elle propose, on ne veut pas
insulter l'avenir. Il est possible que dans quelques mois, quelques années, on puisse travailler ensemble". Avant d'ajouter : "On a souvent parlé de "lepénisation des esprits". Si on
peut parler un jour d'"identitarisation des esprits", pourquoi pas...". CQFD...
Bien entendu, dans notre bon vieil Hexagone, le débat va tourner autour de la "laïcité" et des "valeurs républicaines" - en pleine
offensive idéologique réactionnaire sur "l'identité nationale".
C'est l'argument qui revient dans les réactions de la droite "républicaine" UMP, même si Marine Le Pen vient également de s'en emparer
(se présentant comme "l'une des dernières défenseures de la laïcité en France").
Cela ressort nettement dans la réaction de Dominique Paillé, porte-parole de l'UMP : "Il y a évidemment des clochers sur les
églises, mais c'est un héritage historique", a-t-il noté, avant d'opérer une distinction entre les "religions qui étaient là avant l'avènement de la République" et "celles qui
sont arrivées après". Ou encore, de Frédéric Lefebvre : "Les règles de notre pays doivent être respectées par tous les cultes, y compris par les musulmans", appelant au respect des
"règles d'urbanisme", avant toutefois de déraper ("nos us et coutumes", "nos racines judéo-chrétiennes", "la place qu'a prise ensuite la religion musulmane dans
notre pays" etc.). (Voir aussi la réaction de la "Droite Libre" des islamophobes Del
Valle et Kaci)
Mais enfin, tout cela reste bien "politiquement correct" - plus, en tout cas, que les propos d'un maire UMP de la Meuse lors d'un débat sur "l'identité nationale". Les élus locaux UMP sont très instructifs... ils représentent la "vox
populi(ste)" du parti, alors que les hauts dirigeants ont évidemment "lissé" leur discours.
C'est qu'en Suisse, au moins, les choses sont claires. Le vote a été nettement majoritaire (57,5%), mais également
polarisant.
Ceux qui ont voté pour l'interdiction des minarets (il y a 4 minarets dans tout le pays !) ont clairement affirmé que les musulmans
n'avaient rien à faire en Suisse. Ils se sont clairement déclarés xénophobes - résultat, bien sûr, d'une culture ultra-chauvine inculquée dès le plus jeune âge dans ce pays.
Ceux qui ont voté contre (ou auraient voté, car il y a quand même eu 40% d'abstention, et 25% d'étrangers qui n'ont pas le
droit de vote) se disent en revanche "écœurés", "honteux d'être suisses"... C'est très net dans tous les micro-trottoirs de tous les
JT.
En France, par contre, il y a encore et toujours la possibilité d'exprimer son rejet d'une population en se camouflant sous un
discours progressiste, de "laïcité", de "valeurs démocratiques" ou "républicaines", de "droit des femmes" contre "l'obscurantisme" et "l'oppression patriarcale"... Et même d'attirer sur
ce discours des personnes sincèrement progressistes !
Ce volet "progressiste" est absolument primordial pour la mobilisation réactionnaire de masse du fascisme
! Mais il n'est, bien évidemment, qu'une mascarade comme tous les "progressismes" populistes fascistes
("anti-impérialisme" de Soral et compagnie)...
Car évidemment, les 350 burqas de France - et les quelques milliers, peut-être, de niqabs, en tout cas moins de 1% des musulmans
pratiquants de ce pays - ne sont pas le problème [l'affiche suisse est particulièrement frappante à cet égard : pour dénoncer "l'obscurantisme" musulman, ce n'est pas un "barbu"
menaçant... mais une femme en niqab qui est mise en avant, donc une victime du patriarcat islamiste. Ce qui montre bien que les fascistes islamophobes se
foutent de la condition des femmes musulmanes, qui ne sont que des instruments de leur propagande !]. Pas plus que ne l'étaient dans les années 1900 ou 1930, pour l'antisémitisme de Drumont, Maurras ou Hitler, les quelques % de
Juifs ultra-religieux communautaristes réactionnaires ou sionistes (surtout pas ! bien au contraire, les antisémites encourageaient ce "retour" des Juifs "là d'où
ils venaient"...) ; ou la poignée de grands capitalistes, banquiers ou spéculateurs, assurément ennemis du peuple, se trouvant être juifs (argument "social" phare de l'antisémitisme à
l'époque)...
Cela, les démagogues fascistes le savent parfaitement bien. Leur discours anti-musulman "progressiste" (comme le discours antisémite
"social" d'hier) n'est qu'un instrument de leur panoplie idéologique.
La VRAIE question est que les "musulmans" aujourd'hui, comme les Juifs hier, forment une
minorité opprimée (ou récemment libérée, pour les Juifs français ou allemands du début du 20e siècle) et en tant que tels, représentent une force potentiellement
radicale voire révolutionnaire, souvent à la pointe des combats démocratiques et/ou sociaux.
Les aspects culturels les plus réactionnaires (résultant d'une origine de pays
économiquement - et aux rapports sociaux - arriérés, semi-féodaux), même s'ils peuvent choquer les consciences progressistes dans certains cas, sont absolument secondaires.
Et puis bien sûr, il y a la question de "l'autre" contre lequel pousser la mobilisation chauvine réactionnaire par-dessus les antagonismes de classe, soudant exploiteurs et exploité-e-s dans une même "identité" "nationale", "républicaine", "de civilisation" etc. Enfin, il y a le lien "ethnique" des "musulmans" avec les régions du monde où se situent les principales menaces - et les principaux champs de bataille - pour l'ordre impérialiste, dans la course à la guerre indissociable de la crise générale du capitalisme.
Tout cela a fini, dans les années 2000, par se synthétiser dans des thèses comme "Eurabia" de la sioniste anglo-égyptienne Bat Ye'or, thèse reprise aujourd'hui par tous les tribuns et miliciens fascistes du vieux continent, de Geert Wilders aux Identitaires en passant par l'English Defence League ; fantasme typique d'Empire déclinant cerné par les "barbares"...
En synthèse : l'antisémite du siècle dernier, la France juive de Drumont ou Mein Kampf d'Adolf Hitler en livre de chevet, haïssait dans le Juif ce qu'il restait à la bourgeoisie d'idées démocratiques avancées, humanistes et universalistes, et bien sûr les idées réformistes sociales ou révolutionnaires du mouvement ouvrier... mais il feignait d'y dénoncer le "Grand Capital" affamant l'honnête homme de labeur, la "banque", la "finance" et le "règne de l'argent". L'islamophobe d'aujourd'hui hait dans le musulman celui qui vient au "cœur du monstre" impérialiste récupérer son dû (ce que des siècles de colonialisme et de néo-colonialisme ont volé à son peuple) et qui, parfois, remet en cause et défie le "monde blanc", le monde impérialiste dominé par l'Europe et l'Amérique du Nord chrétiennes et capitalistes ; mais il feint d'y dénoncer l'obscurantiste religieux "incompatible avec nos sociétés démocratiques", voilant, battant voire brûlant vives ses femmes (forcément plusieurs, il est polygame !), "terroriste" en puissance rêvant de massacres et d'égorgements en masse d'"infidèles" occidentaux, de juifs et de "musulmans modérés" (successeurs de l'"indigène évolué" dans l'idéologie impériale), d'avions s'écrasant dans des gratte-ciels, bref de mettre à feu et à sang notre chère "civilisation"... Dans l'un comme l'autre cas, il y a et avait bien sûr quelques pourcentages de réalité à cela, un certain nombre de "preuves vivantes" de ces affirmations/cache-sexes "progressistes" de la pire idéologie réactionnaire. Mais l'aspect principal pour les communistes et les révolutionnaires reste évidemment (et doit rester) la mobilisation réactionnaire de masse.
Il est surprenant et attristant, sur ce point, de voir que certains retombent aujourd'hui dans les mêmes erreurs que les marxistes d'il y a un
siècle sur l'antisémitisme.
"L'islamophobie ça ne veut rien dire, les musulmans ça n'existe pas, c'est une religion, il y a des Africains, des Arabes, des Turcs
qui n'ont rien à voir entre eux, il y a des athées etc."... Mais quelle était la réalité des "Juifs" en 1900 ou 1930, entre Juifs "franco-français", immigrés ashkénazes ou séfarades d'Algérie
naturalisés par le décret Crémieux, entre religieux observants, "libéraux" sécularisés et socialistes ou anarchistes athées ? La réalité des Juifs, comme la réalité des musulmans aujourd'hui, est
dans le regard des autres, des réactionnaires/fascistes.
"Les islamistes, les leaders communautaires etc. sont des bourgeois, la question de l'islamophobie est une contradiction entre
bourgeois...". Là, nous nageons en plein dans l'erreur des marxistes au début du 20e siècle. Les "leaders communautaires"
juifs (comme les Rotschild) étaient des grands bourgeois, pas franchement progressistes - tout au plus "libéraux". Le capitaine Dreyfus était un officier de carrière de l'armée, sûrement aussi
détestable pour ses soldats que n'importe quel officier de carrière. Les marxistes de l'époque furent donc, très largement,
"neutres" dans l'affaire Dreyfus, voire anti-dreyfusards. "C'est un règlement de compte entre bourgeois juifs et catholiques, qui n'intéresse pas la classe ouvrière", disaient-ils. De fait, la
lutte contre l'antisémitisme fut une affaire de bourgeois et d'intellectuels "libéraux", "de gauche" - évidemment désarmés face à "l'appel au peuple silencieux" des nationalistes réactionnaires
de Maurras, Drumont, Barrès et consorts.
Ils (les marxistes) ne voyaient pas, ou ne voulaient pas voir (vieux restes
d'antijudaïsme "social" ou encore "anticlérical" - à la Anatole France - du siècle précédent, rappelant immanquablement
l'islamophobie "de gauche" actuelle) que l'antisémitisme était un instrument (un instrument en France, l'instrument principal dans d'autres pays) de mobilisation chauvine et réactionnaire, contre la lutte des classes et la révolution
sociale, pour le "patriotisme" et la guerre impérialiste.
Mobilisation réactionnaire qui conduira aux pires atrocités du 20e siècle : la Grande Boucherie "patriotique" de 14-18, le fascisme et
le nazisme, la Seconde Guerre mondiale et son Holocauste...
Aujourd'hui, l'islamophobie joue exactement le même rôle ! Mobiliser la "communauté", "l'identité" nationale contre un "autre"
étranger, "incompatible avec nos valeurs", pour faire oublier les luttes de classe, et préparer les guerres impérialistes - qui, par un "heureux" hasard, ont les pays à majorité musulmane pour
principaux champs de bataille !
Bien sûr, nous ne disons pas que les musulmans vont finir dans des chambres à gaz, la haine des Juifs et la haine des musulmans n'ont
pas la même dimension - les Juifs étaient vus comme une "race parasite", un "cancer social" ; les musulmans comme une "civilisation ennemie"... Mais il est plus que probable, sinon déjà le cas,
que les crimes contre l'humanité (comme récemment à Gaza) vont se multiplier, en Afrique, au Proche et au Moyen-Orient, dans l'indifférence tranquille des "opinions" occidentales.
Et les violences, voire les crimes racistes, dans l'impunité - voire la justification - générale. Depuis le 11 septembre 2001, la
recrudescence des actes anti-musulmans (profanations de cimetières, dégradations de lieux de cultes ou de commerces, agressions) fait penser à une Nuit de Cristal rampante...
Derrière l'islamophobie, il y a la mobilisation réactionnaire de la bourgeoisie impérialiste : démasquons-la
! Combattons-la !
Moins de 70 ans séparent ces 2 affiches...
Aujourd'hui comme il y a 70 ans (et même MIEUX), organisons la riposte populaire !