Article écrit en octobre 2009 : certains éléments ne sont plus valides ! L'article a donc subi des retoquages, ce qui n'est pas la pratique habituelle...
Ce titre est une allusion volontaire au livre du philosophe ex-maoïste, reconverti en dandy social-démocrate "radical", Alain Badiou.
Sarkoléon, Sarkolini, Sarkonazy, Sarko l'ami des fascistes sionistes et des néo-cons américains...
Pendant toute la "résistible ascension" de l'actuel président de la République bourgeoise, de fin 2003 à avril 2007, toute une partie - pour ne pas dire la totalité - de la gauche plus ou moins radicale petite-bourgeoise (dont Badiou) a agité le spectre du fascisme.
Il va de soi qu'une telle analyse est totalement anti-matérialiste, coupée des réalités de fond de la société de la part de personnes coupées, justement, de cette réalité, de la réalité quotidienne des classes populaires.
Nous ne considérons pas Sarkozy comme le représentant du fascisme (qu'il soit un fasciste lui même est un autre débat). Libre à certains de caricaturer ainsi notre position, sous leur responsabilité bien sûr.
Nous considérons Sarkozy, déjà comme ministre de l'Intérieur, comme le représentant d'un passage de la dictature bourgeoise sur un mode autoritaire répressif, glissement de fond depuis le début des années 90 après le mode "libéral" des années 80, qui s'inscrit dans une fascisation généralisée des sociétés capitalistes occidentales - face à la crise générale et terminale du capitalisme.
Un pourrissement réactionnaire généralisé du régime "démocratique" bourgeois de contre-révolution préventive, construit depuis 1945 dans tous les pays impérialistes, sur la prospérité des "Trente glorieuses" (et le pillage des pays dominés !), et aujourd'hui (depuis les années 80, à part une légère "reprise" après la "conquête" des anciens pays révisionnistes), rendu impossible (tout simplement... financièrement !) par la crise ; condamné à la liquidation du modèle "démocratique-social" keynésien et des concessions arrachées par les masses travailleuses, à la fuite en avant militaire pour le contrôle et le partage des ressources planétaires, etc. Une "fascisation rampante de déclin", typique des vieux pays impérialistes qui se savent entrés dans une longue et irréversible décadence...
Un jour ou l'autre (si on ne lui barre pas la route), l'accumulation de politiques réactionnaires et fascisantes amènera le saut qualitatif : le fascisme ouvert, le fascisme tel qu'on le conçoit couramment. Comme le rappelle Dimitrov dans "Le Fascisme et la classe ouvrière", "avant l'instauration de la dictature fasciste, les gouvernements bourgeois passent ordinairement par une série d'étapes préparatoires et prennent une série de mesures réactionnaires contribuant à l'avènement direct du fascisme".
Ainsi, si le "sarkozysme" n'est certes pas "le fascisme", il est évident qu'il le prépare, qu'il lui prépare le terrain.
En réalité, quand Badiou parle de "pétainisme transcendantal", il n'a pas tout à fait raison, ni tout à fait tort. Sarkozy lui-même est un homme de formation "libérale-démocrate de droite" à l'anglo-saxonne ; admirateur de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher, des gouvernements "à poigne" brisant les acquis populaires des "Trente glorieuses", mais homme moderne, divorcé et remarié deux fois, peu baigné dans la naphtaline de la vieille fRance... EN REVANCHE, parmi les "éminences grises" de sa "résistible ascension", l'on trouve un Patrick Buisson, homme d'extrême-droite et maurrassien revendiqué, ancien directeur de Minute puis de Valeurs Actuelles, maître d’œuvre du positionnement "à droite toute" de Sarkozy en 2005-2007 (et à nouveau pendant la campagne 2012) ; ou encore un Claude Guéant, un de ces "hommes d'ordre" à la Fouché, ancien haut-fonctionnaire à la "droite de la droite", ayant tout à fait le profil du "vichysto-résistant" qui peuplait les allées de l’État dans les années 1950-70, s'il était né en 1915 et non en 1945. Par ces "éminences grise", Sarkozy se rattache donc bien, en effet, à la tradition "légitimiste maurrasso-pétainiste" de la Réaction française ; s'opposant, en effet, à la tradition "bonaparto-gaulliste" comme le lui reproche tout un courant de la droite, de l'extrême-droite et même de la "gauche".
Mais cette fascisation, en France en tout cas (on ne peut pas vraiment en dire autant en Italie par exemple), est encore pour l'instant beaucoup plus du domaine des idées que des actes - même si depuis 2002 les choses s'aggravent.
Nous considérons Sarkozy comme le produit de la rencontre de deux facteurs :
- D'abord, l'aggravation de la lutte de classe, sous une forme inorganisée, orpheline d'une théorie et d'une direction, mais bien présente, la montée de la haine de classe prolétaire, de la peur de classe bourgeoise et "moyenne", traduite par le matraquage médiatico-politique "sécuritaire" de 2000-2002, avec pour résultat la présence de Le Pen au second tour de la présidentielle, la victoire écrasante de la droite à celle-ci et aux législatives consécutives.
Un cran dans le glissement autoritaire-répressif de la dictature bourgeoise a été franchi à cette époque, traduit par l'arrivée tonitruante de Sarkozy à l'Intérieur, ministère qui fut on le sait son ascenseur pour l'Elysée. C'est que, de 2002 à 2007 (en dehors d'une courte parenthèse aux Finances), Sarkozy aura incarné (finalement) un figure bien française : celle du "Fouché", du super-premier-flic-de-France ; figure incontournable de l'État bourgeois depuis l'époque napoléonienne (le véritable Fouché en question) en passant par Morny (Second Empire), le "tigre" Clémenceau au début du 20e siècle, Jules Moch dans les troubles de l'après-guerre, Mitterrand pendant la guerre d'Algérie, Raymond Marcellin de 1968 à 1974, Pasqua dans les années 1980 et 90, etc.
Ce processus de durcissement de la dictature bourgeoise, de la contre-révolution préventive, va encore se préciser avec la révolte populaire de novembre 2005, l'aggravation croissante durant tout le quinquennat 2002-2007 de la lutte de classe non-organisée. C'est la première raison de l'ascension de Sarkozy et de son "clan" au pouvoir suprême.
- Ensuite, un changement de la conjoncture internationale inter-impérialiste.
Lorsque Chirac commence son 2e mandat, la France est aux prises depuis plus de 10 ans avec les monopoles américains, anglais, canadiens etc. en Afrique, pour le contrôle de ce continent poumon de matières premières de la planète. Des conflits atroces, qui feront plus de 7 millions de morts, dont un million de rwandais et 5 millions de congolais.
De plus, Chirac représente les monopoles attachés à la "politique arabe" gaulliste, hostile aux visées US sur le Proche/Moyen-Orient. Ceci va conduire, début 2003, à l'opposition frontale sur la question irakienne.
D'autant que quelques mois plus tôt, les Américains ont "retourné" le président social-démocrate ivoirien Gbagbo, orphelin de ses appuis socialistes à Paris. La France va réagir immédiatement en fomentant une rébellion militaire, via son laquais burkinabé Compaoré (déjà l'homme de Chirac pour assassiner Sankara en 87).
Bref, les relations transatlantiques sont au plus bas, et appuyée sur l'Allemagne et la Russie, la France va aller plus loin que jamais dans la confrontation avec les États-Unis.
Mais dans la bourgeoisie impérialiste, qui n'est pas exempte de contradictions (comme toutes les classes), il y a un courant pro-US, atlantiste, pour un partenariat "loyal" avec les États-Unis, et qui n'a pas apprécié l'attitude de Chirac et Villepin, considérant qu'elle a mis en péril les intérêts de la France. D'autant que les Américains rencontrent, initialement, quelques succès : invasion courte et victorieuse, capture de Saddam Hussein...
Connu pour être américanophile, et ultra-populaire dans le petite-bourgeoisie par sa politique répressive, Nicolas Sarkozy sera leur homme. La candidature est posée dans une émission de France 2 restée célèbre, en novembre 2003.
Jusque là rien n'est joué, mais autour du milieu de la décennie la configuration internationale change sensiblement.
Restructuré, le capitalisme russe flambant neuf se pose à nouveau comme une puissance mondiale de premier plan.
Avec une croissance à deux chiffres ou presque, la Chine affirme également son rang, commence à prendre son autonomie du capital étranger et à exporter ses propres capitaux. Ses conditions généreuses sont particulièrement appréciées des potentats africains (pour les peuples par contre, l'exploitation est encore plus dure).
Ces deux pays se rapprochent à partir de 2003, formant le "groupe de Shangaï".
Parallèlement, un réveil nationaliste bourgeois en Amérique latine (alliance "bolivarienne") et en Orient (axe Iran-Syrie, + Hezbollah et Hamas) va venir s'agréger au bloc russo-chinois, dans un front "anti-occidental".
Les médias bourgeois parlent de nouvelle guerre froide... Le rapprochement transatlantique devient inévitable. Les Américains mettent de l'eau dans leur vin unilatéraliste.
Et en France, c'est la deuxième lame de fond en faveur de Sarkozy.
Le NON au référendum de 2005, qui dynamite le PS et le chiraquisme (et dans lequel les Américains, comme dans tout ce qui "bloque" une éventuelle puissance impérialiste européenne, ont joué un rôle) ; l'affaire Clearstream et le CPE qui mettent hors-jeu Villepin, dauphin de Chirac, feront le reste... Mais on rentre là dans l'anecdotique de la politique bourgeoise.
Ces "deux sarkozysmes" ne se recoupent pas parfaitement : il y a des "contre-révolutionnaires" pas forcément "atlantistes" forcenés, et inversement.
Mais leur conjonction a conduit au 6 mai 2007.
Bien sûr, une fois au pouvoir, Sarkozy ne s'est pas révélé le dictateur fasciste que redoutait la petite-bourgeoisie intellectuelle de gauche, incapable d'une analyse matérialiste du fascisme.
Il ne s'est pas révélé non plus le "gouverneur US" de ses détracteurs aux relents chauvins : il reste le président de la bourgeoisie impérialiste française et quand celle-ci est menacée par les Américains, il s'oppose à eux.
Cela montre bien, d'ailleurs, l'inanité de la thèse (minoritaire dans le mouvement MLM) qui fait de Sarkozy un représentant d'on-ne-sait-quelle "bourgeoisie industrielle" opposée à la bourgeoisie impérialiste... Dans quel pays impérialiste a-t-on vu un président, un gouvernement OPPOSÉ aux intérêts de la bourgeoisie impérialiste ?!!!!?
Armés du matérialisme dialectique, de la science marxiste, les révolutionnaires communistes doivent donc éviter deux écueils, qui sont le naufrage garanti :
- Nous ne devons pas considérer Sarkozy comme LE fascisme, consolidé, synthétisé, du 21e siècle ; et du coup considérer comme des "résistants" des personnes ou des groupes qui sont des fascistes.
On pense à Alain Soral et ses "antisionistes", nébuleuse de nationalistes, d'islamistes et de négationnistes antisémites, plutôt islamophiles alors que l'extrême-droite est en principe islamophobe, et qui infiltrent la solidarité palestinienne et l'anti-impérialisme sur le thème des "sionistes" (comprendre "les juifs") qui dirigent le monde (et dont Sarkozy est bien sûr le "fondé de pouvoir" en France), thèse à l'absurdité facilement démontrable : Israël n'est bien entendu qu'une "place forte" US au Proche-Orient, et non la "véritable capitale" des États-Unis et de la planète...
Que ces personnes soient en contradiction avec le gouvernement en place, plutôt (encore que relativement) pro-israélien, ne doit pas tromper et en faire des amis du peuple.
Au contraire, même s'ils n'ont pas la main sur l'orientation de la politique bourgeoise, ils jouent quand même leur rôle d'agents de l'impérialisme, en bon fascistes : diviser, semer le trouble, discréditer le combat anti-impérialiste, combat central de notre époque, en donnant corps aux accusations d'antisémitisme, de nationalisme, d'islamisme.
Il suffit d'aborder la question des banlieues (véritable marqueur des révolutionnaires de notre époque) ou des sans-papiers (marqueur de l'internationalisme de classe), pour les démasquer immédiatement. Les musulmans qui les soutiennent sont le "parti de l'Ordre" de novembre 2005, le parti de la fatwa anti-émeutiers. Et les sans-papiers sont pour eux des "envahisseurs" et des "casseurs du modèle social"...
- Mais nous devons également éviter l'erreur de croire que le fascisme est "AILLEURS", dans les personnes citées plus haut par exemple, alors qu'il est AUTOUR du phénomène Sarkozy (même si en contradiction apparente avec lui), lequel s'inscrit pleinement dans la fascisation rampante des sociétés capitalistes occidentales.
C'est l'erreur de beaucoup de réformistes, mais aussi de ML insuffisamment armés politiquement, qui croient que le "durcissement" des luttes économiques syndicales est le "long fleuve tranquille" de la révolution. Pour eux, "non, franchement, aujourd'hui ce n'est pas le fascisme, le fascisme ce n'est pas ça...". Non, en effet, ce n'est pas ENCORE ça. Mais rien ne tombe du ciel. Hindenburg et Von Papen avant Hitler, Dollfuss avant l'Anschluss, l'internement des "apatrides" antifascistes étrangers et des réfugiés espagnols "rouges" avant Vichy...
Mais c'est aussi l'erreur de ceux qui voient dans Sarkozy on-ne-sait-quelle "bourgeoisie industrielle".
On aurait presque l'impression que, face au bond quantitatif que représente Sarkozy dans la dictature bourgeoise et les politiques réactionnaires et répressives, certains se perdent en conjectures abracadabrantes pour refuser le combat, pour ne pas assumer la nouvelle nature (beaucoup plus dure) de la lutte de classe...
Se contentant, au chaud derrière leur clavier, d'applaudir épisodiquement les exploits de ceux ("Contis", jeunes des quartiers, défenseurs des sans-papiers) qui affrontent concrètement sur le terrain la répression bourgeoise... Et qui, eux, ne se posent pas de question sur la nature de classe de Sarkozy !
Pire, le fascisme est "ailleurs", non seulement chez Soral & co, mais chez ceux-là même qui combattent Sarkozy et sa dictature bourgeoise répressive, les crimes et les projets de l'impérialisme US et de son allié sioniste (auxquels sont associés les 3/4 du temps l'impérialisme français), etc. etc. !!!
En résumé, contre la fascisation rampante au service de la contre-révolution préventive et de la guerre impérialiste, une seule ligne de démarcation : LE CAMP DU PEUPLE EST NOTRE CAMP !!!