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16 novembre 2014 7 16 /11 /novembre /2014 18:52

 

Tandis que les médias impérialistes occidentaux annoncent à cors et à cris une énième "invasion russe dans l'Est de l'Ukraine" (en réalité, la Russie qui joue son rôle de base arrière de la rébellion dans le Donbass comme depuis le début), nous avons déniché encore une fois du côté de Borotba ces quelques analyses très intéressantes quant à la NATURE DE CLASSE du mouvement "séparatiste pro-russe", qui confirment nos impressions depuis le début et notre léger penchant en faveur du mouvement en question (sans pour autant nous aveugler quant à ses plus-qu'importants aspects réactionnaires) :

Workers World [organisation marxiste-léniniste états-unienne très "campiste" et évidemment à fond sur le Donbass NDLR] : Une des principales revendications du mouvement de Maïdan était l'adoption d'un accord d'association avec l'Union européenne. Quelles forces en Ukraine poussaient en faveur d'une telle intégration à l'UE ? Quel impact vont avoir les mesures d'austérité impulsée par l'UE et le FMI sur la lutte en Ukraine ?

Victor Shapinov : Certaines personnes pensaient que la prétendue "intégration européenne" apporterait les standards de vie occidentaux en Ukraine. Mais pour voir la réalité en face, il faut regarder la situation en Grèce. L'UE n'apporte pas de hauts standards de vie mais un régime d'austérité coupant dans les dépenses sociales de l’État.

030314 borotbaBorotba a été l'une des principales forces politiques à prendre position contre l'intégration européenne. Nous avons publié une importante et profonde analyse des conséquences du traité d'association et de l'intégration dans le système économique de l'UE. Pour des pays comme l'Ukraine, cela signifie tout simplement livrer sur un plateau le contrôle de leurs marchés à l'impérialisme ouest-européen.

Prenez par exemple l'agriculture. L'Ukraine a une très importante et conséquente production agricole. Mais les produits agricoles venant d'Europe sont moins chers, car ils bénéficient de très grosses subventions de l'Union - entre 40 et 50% dans certains cas. L’État ukrainien ne peut tout simplement pas donner autant d'argent aux agriculteurs, et ces derniers seront acculés à la faillite.

C'est la même chose pour l'industrie. L'Ukraine va être inondée de produits bon marché importés de l'UE et, dans le même temps, elle aura perdu le marché russe et des autres pays de l'union douanière.

Des pays comme la Grèce, l'Espagne ou le Portugal qui vivent aujourd'hui sous des régimes d'austérité sont la périphérie des pays "centraux" de l'UE. L'Ukraine, elle, sera carrément la périphérie de la périphérie, comparable aux pays en développement du Tiers Monde.

Tout ceci est très mauvais pour l'économie ukrainienne, mais très bénéfique pour certaines branches de l'industrie et les gros oligarques. Du fait de la crise capitaliste, ils recherchent le soutien de l'Ouest et des garanties pour la sécurité de leur capital. Ils ont été très actifs pour promouvoir l'intégration européenne.

Quand le mouvement de Maïdan a commencé, toutes les chaînes de télévision étaient en sa faveur. Ianoukovitch était le mal incarné et Maïdan le camp du bien. Pratiquement toutes les chaînes de télé en Ukraine sont la propriété privée de groupes d'oligarques. Tous ont fait la promotion de Maïdan, une énorme propagande en sa faveur.

Lorsque le coup d’État maïdaniste a triomphé, ils ont milité pour l'accord de libre-échange et celui-ci a été signé par l'Ukraine et les Européens. Mais il n'entrera en vigueur qu'en 2016 : même pour l'Europe, les choses ne sont pas si faciles.

Mais si nous parlons des réformes néolibérales en échange des prêts du FMI, celles-ci commencent déjà à être mises en œuvre. La principale figure de ce processus est le Premier ministre Arseniy Iatseniouk, qui est très pro-occidental. Il a annoncé fièrement le plus vaste programme de privatisation du secteur public de toute l'histoire de l'Ukraine.

Nous assistons en Ukraine à la naissance d'une formule politique totalement nouvelle : fondamentalisme de l'économie de marché dans une main, nationalisme et fascisme dans l'autre. L'un et l'autre marchent maintenant main dans la main.

Au début, beaucoup de personnes ont pu dire que Maïdan était un mouvement populaire contre la corruption etc. Mais quelle était la direction politique de ce mouvement ? C'était ce bloc de néolibéraux et de fascistes.

Dès le début du mouvement de Maïdan, le pronostic de Borotba a été que la victoire de celui-ci amènerait ce bloc au pouvoir. Ce sont là comme les deux mains du Capital monopoliste qui tente de préserver son pouvoir politique et économique. Telle était la base politique et sociale du mouvement de Maïdan.

Ianoukovitch n'était pas très efficient pour les monopoles capitalistes. Auparavant ils devaient s'arranger avec lui, mais maintenant - depuis Maïdan - ils détiennent le pouvoir politique direct, comme les oligarques Igor Kolomoïsky (devenu gouverneur de Dniepropetrovsk) ou encore Serhiy Taruta, devenu gouverneur de Donetsk - ce dernier a cependant été chassé par la République populaire.

Certaines personnes de gauche ont qualifié Maïdan de mouvement populaire. Mais le peuple est divisé en classes. Ce n'est pas qu'une question de langue, qu'une partie de la population parle russe et l'autre ukrainien, mais aussi une question de classes. La classe moyenne et la ci-nommée "classe créative" (les petits entrepreneurs free lance, la "nouvelle économie" de start-ups des grandes villes etc.) ont été le noyau dur de Maïdan. Même dans les villes du Sud-Est, vous pouvez trouver des positions pro-Maïdan exprimées par ces couches sociales.

1MaiBorotbaEn Russie il y a eu une soi-disante "marche pour la paix" à Moscou le 21 septembre ; en réalité, pas vraiment pour la paix mais plutôt pour soutenir le pouvoir de Kiev. Elle était très inspirée par la propagande pro-occidentale et dirigée par les libéraux russes. Sa base sociale était là encore la "classe créative".

Ces couches sont liées au capitalisme occidental. Certains de leurs membres travaillent directement dans l'économie contrôlée par les entreprises occidentales, d'autres se tournent vers l'Ouest par leur mode de vie et de consommation. Ils adoptent cette idéologie et pensent que quiconque est contre eux ou n'est pas aussi pro-occidental qu'eux est quelqu'un d'arriéré et primitif.

WW : Quelles sont les forces de classe à l’œuvre dans la résistance au coup d’État - le mouvement anti-Maïdan et les Républiques populaires du Donbass ?

VS : Nous pouvons voir que les personnes qui sont liées à ce qu'on peut appeler l'activité productive réelle - les usines, les mines etc. - sont plutôt impliquées dans le mouvement anti-Maïdan ou partagent ses sentiments.

Nous ne pouvons bien sûr pas dire que c'est une pure contradiction de classe, que c'est simplement la bourgeoisie d'un côté et le prolétariat de l'autre. C'est plus compliqué que cela.

L'agenda politique de Maïdan ne met pas en avant une claire orientation de classe. Il parle plutôt d'un "choix de civilisation". Ils disent que l'Ukraine doit faire un "choix de civilisation" en faveur de l'Europe et de l'Ouest, contre l'Est et la Russie. Même des forces de gauche versent là-dedans et adoptent ce type de langage politique.

Lorsque Borotba était à la tête du mouvement anti-Maïdan à Kharkov, nous avons toujours dit que le mouvement était d'abord et avant tout un mouvement contre les oligarques, avant même d'être antifasciste, parce que ce sont les oligarques qui ont nourri les fascistes, qui les ont soulevé et appuyé, et maintenant nous les voyons même les armer et former des bataillons pour les envoyer dans le Donbass. Nous nous sommes toujours efforcés de mettre en avant un point de vue de classe.

Mais parfois, même sans l'influence de Borotba ou d'autres révolutionnaires, il y a un développement spontané de la conscience de classe.

Prenez Alexeï Mozgovoï, commandant du Bataillon Fantôme dans l'Armée populaire dans le Donbass. Il est très socialisant, anti-oligarques et anti-bureaucrates [NDLR SLP : après recherche internet sur son compte (et en tenant compte du fait que les informations trouvées sont pour beaucoup propagande contre propagande), son "progressisme" réel reste à démontrer (selon nos critères occidentaux en tout cas). Nous avons donc préféré traduire "leftist" par "socialisant" plutôt que "de gauche". Ce dont on est sûr c'est qu'il est violemment en conflit avec les autorités dirigeantes du Donbass qu'il considère comme des traîtres négociant avec Kiev et servant les oligarques et leurs propres intérêts financiers, ce qui peut effectivement être le point de départ d'une évolution politique intéressante]. Son idéal est l'auto-gouvernement du Peuple, comme - selon ses propres dires - dans les soviets (conseils ouvriers) des débuts de la Révolution soviétique.

redstardonbassCe n'est pas parce qu'il a lu des ouvrages, mais simplement parce qu'il a été inspiré par ce mouvement et qu'il a fait ses propres analyses. À présent il y a une bonne base pour travailler avec lui.

Il y a aussi bien sûr une forte influence de la Fédération de Russie et de ses forces. Dans un certain sens c'est une bonne chose, car sans le soutien russe la résistance dans le Donbass aurait déjà été violemment écrasée.

Au départ le mouvement n'avait pas de leaders, pas de structures, rien. C'est un miracle qu'ils aient survécu et construit une véritable armée capable de battre l'ennemi. Sans l'appui de la Russie cela n'aurait pas été possible. C'est une simple réalité.

Mais la Russie n'est pas un pays socialiste, pas même un pays démocratique. Elle tente d'utiliser le mouvement pour servir ses propres objectifs, et elle tente aussi d'imposer des points de vue idéologiques qui désarment les masses contre le capitalisme, comme la religion orthodoxe ou les idées nationalistes russes.

WW : Comment décririez-vous ce nationalisme russe dans le Donbass ?

VS : En Occident, si vous soutenez les Républiques populaires du Donbass vous vous retrouverez toujours face à l'argument que ce ne sont que des nationalistes russes, que le conflit en Ukraine n'est qu'une guerre entre deux nationalismes.

Mais si vous parlez avec des gens du Donbass qui se disent nationalistes russes, les choses sont assez différentes.

Si quelqu'un à Moscou vous dit être un nationaliste russe, il y a 90% de chances pour que ce soit un fasciste. Mais si quelqu'un à Donetsk vous dit être un nationaliste russe, cela veut simplement dire qu'il est pour plus de droits pour la population russophone, pour le droit à l'enseignement en langue russe, et ainsi de suite. Ou simplement qu'il est contre Bandera [nationaliste ukrainien et collaborateur nazi de la Seconde Guerre mondiale] devant sa porte. D'un point de vue économique, c'est un socialiste.

Pavel Gubarev [un leader de la résistance de Donetsk], par exemple, dit être un nationaliste russe mais il dit dans le même temps être un "socialiste orthodoxe" [NDLR : nous ignorons ici s'il fait référence à l'orthodoxie politique ou à la religion orthodoxe, comme on dirait "socialiste chrétien"]. Beaucoup de gens ont ainsi des conceptions hétéroclites et contradictoires.

La lutte idéologique n'en est qu'à ses tous premiers pas. Qui l'emportera et quelle idéologie claire va s'imposer est une question de travail politique, de lutte.

Il est vraiment très regrettable que Borotba ait toujours eu une faible implantation dans les régions de Donetsk et Lugansk. C'est là que le mouvement est le plus fort, si bien que nous n'avons pas eu une très grande influence sur celui-ci. Mais il y a des tendances de gauche dans la direction politique, par exemple le chef du Soviet suprême de Donetsk, Boris Litvinov. Il a dit vouloir "construire une république avec des éléments de socialisme". C'est un ancien membre du PC d'Ukraine [le 8 octobre, Litvinov est devenu président du nouvellement formé Parti communiste de la République populaire de Donetsk].

Nous savons que beaucoup de combattant et commandants de l'Armée populaire sont de gauche voire communistes, pas seulement Mozgovoï mais aussi d'autres qui sont membres du Parti communiste ou se définissent eux-mêmes communistes. Il y a des bataillons dont l'insigne est l'étoile rouge. Beaucoup d'unités combattent sous le drapeau rouge.

Ukr redflagburningC'est là toute la différence... Lorsque j'ai une discussion avec quelqu'un d'extrême-gauche qui me dit "Vous devez soutenir Maïdan ou alors ne soutenir aucun bord", je lui réponds : "Vous ne pouviez pas aller avec un drapeau rouge à Maïdan, par contre il y a des drapeaux rouges partout - et en nombre ! - dans les rassemblements anti-Maïdan". Et ce n'est pas seulement par nostalgie du passé soviétique : c'est aussi le point de vue politique des gens. Les pro-Maïdan ont toujours voulu détruire les monuments de Lénine, et les anti-Maïdan les ont protégés. Même des personnes se définissant comme "monarchistes" sont descendues dans la rue pour protéger les monuments de Lénine. Comme nous pouvons le voir, la situation est extrêmement complexe.

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La situation en effet, c'est le moins que l'on puisse dire, est complexe et cette analyse de classe du conflit par Borotba nous a amené les réflexions suivantes : de fait, la Russie et les territoires russophones de l'ex-URSS sont au jour d'aujourd'hui - de par leurs caractéristiques historiques et sociales - les terrains les plus favorables au monde à une mobilisation de masse de type national-socialiste.

Tous les "ingrédients" sont réunis : des pays autrefois deuxième superpuissance mondiale, vaincus et humiliés au terme de la Guerre froide et où s'est développé en réaction un très virulent nationalisme anti-occidental qui met souvent en avant les "valeurs slaves" contre la "décadence occidentale" (avec tout ce que cela peut impliquer de contraire à certaines valeurs que nous considérons progressistes ici : antisexisme, anti-homophobie, critique des religions etc.), accompagné d'un puissant rejet d'un capitalisme très durement subi ces 25 dernières années mais analysé de manière idéaliste-populiste (à grand et fréquent renfort de "socialisme des imbéciles" antisémite) et de la recherche d'une "voie intermédiaire" entre celui-ci et un socialisme que l'on aurait "connu pendant 70 ans" et qui n'aurait "pas marché"... Une figure typique de ce "national-socialisme" populaire semble être par exemple cet Alexeï Mozgovoï cité dans l'entretien, dont on peut voir un aperçu des positions ici (bien finalement dans l'"esprit cosaque" local, mêlant convictions égalitaristes radicales - il se réclame même de Makhno ! - et valeurs parfois conservatrices).

628x471Et lorsque l'on a compris en marxistes ce qu'est le national-socialisme, il faut alors évidemment s'attendre à voir émerger un ou plusieurs leaders "charismatiques" qui se mettront au service du Capital monopoliste russe, dans une démarche de "réaffirmation" impérialiste ultra-agressive (ce que l'on observe déjà, au demeurant, depuis une quinzaine d'années avec Poutine). D'ailleurs les fascistes des pays impérialistes ouest-européens déclinants, qui prétendent eux aussi "régénérer" ces derniers et en combattre la "décadence", ne s'y trompent pas en faisant généralement de la Russie et de son nationalisme leur modèle (comme potentielle alliée ou carrément maîtresse), quand bien même les fascistes ruthènes du Pravyi Sektor ont aussi leur fan club (et de fait, on a beau se pignoler sur les "rouges-bruns" et autres "NR" et leur "poutinophilie", la première fois que des nostalgiques ouverts du IIIe Reich accèdent à des postes de responsabilité en Europe depuis 1945 c'est bel et bien dans le cadre d'une "révolution" et d'un régime à fond pro-occidental, pro-UE et pro-FMI... c'est ballot hein ?).

Mais faut-il alors - pour autant - rejeter en bloc tout ce qui "bouge" dans ces pays, ou (du moins) tout en dehors d'une certaine "scène" plus ou moins anarcho-gauchiste très occidentalisée ?  Certainement pas : ce serait considérer que tout-e un-e chacun-e "sort" pour ainsi dire communiste ou fasciste "tout-e armé-e" de la cuisse de Jupiter. La réalité, c'est que les consciences politiques individuelles sont de la matière brute qui doit être travaillée en permanence par les deux "pôles", les deux intellectuels organiques collectifs que sont le Parti communiste et la fraction la plus agressive et réactionnaire du Grand Capital. Qui suivra ou pas les petits führer embauchés par le Grand Capital de Moscou dépendra PRINCIPALEMENT - en dernière analyse - de l'activité et du travail politique des communistes ;Entretien avec un responsable de Borotba : la guerre en Ukraine dans une perspective de classe et c'est en cela que Borotba a 100% RAISON dans son approche matérialiste dialectique de la situation en Ukraine, en recherchant et appuyant dans le mouvement populaire de résistance contre la junte de Kiev les tendances qui peuvent être gagnées à la conception communiste du monde et constituer un secteur d'avant-garde (tout en reconnaissant que malheureusement, leur capacité d'action dans le Donbass proprement dit est réduite).

Nous l'avons déjà dit et répété : nous ne soutenons pas les "Républiques populaires" du Donbass en tant que telles ; en revanche nous soutenons à 200% Borotba, nos camarades les plus proches là-bas, et leur position MATÉRIALISTE vis-à-vis de ces "Républiques" et de la situation en général. Et surtout - plus globalement encore, nous subordonnerons toujours la dénonciation de ce "national-socialisme" d'ex-URSS à la lutte implacable contre les premiers responsables de la situation : les "vainqueurs" de la Guerre froide qui ont plongé ces Peuples dans une misère et une désespérance sans nom !

Nous ne reproduirons pas l'erreur parfois commise par nos prédécesseurs communistes des années 30-40 du siècle dernier : nous ne nous rallierons pas à la défense du "bon" impérialisme "démocratique" occidental contre les "monstres" ("rouges-bruns" slaves ou "djihadistes" musulmans) qu'il a lui-même engendré par sa politique de pillage et de dévastation ; ce qui ne nous empêchera pas de combattre également ces derniers sans la moindre concession*, notamment - bien sûr - s'ils se convertissent en un nouveau phénomène de type hitlérien (comme c'est déjà un peu le cas "en miniature" avec l'"État islamique" au Proche-Orient, face auquel nous défendons la "Stalingrad kurde" de Rojava). C'est fini, de laisser l'impérialisme "démocratique" occidental se cacher derrière le petit doigt de sa docte bonne conscience** ! "Ni atlantistes ni 'eurasistes' ni neutres" : un seul camp, le CAMP DU PEUPLE pour le triomphe du drapeau rouge !

En définitive, il se peut bien qu'avec ce conflit en Ukraine nous soyons confrontés à l'occupation de la Ruhr de notre époque : de l'attitude de solidarité claire des communistes que nous sommes et de l'absence totale d'ambiguïté de notre part vis-à-vis de nos propres impérialismes qui ont appuyé le génocidaire social Eltsine et ses oligarques à la Berezovski hier et l'alliance des ultra-libéraux FMIstes et des nostalgiques de Stepan Bandera en place à Kiev aujourd'hui, dépendra la voie progressiste ou réactionnaire/fasciste que suivront les masses populaires ukrainiennes en résistance contre ces derniers.


À lire aussi absolument : Le marxisme et la guerre dans le Donbass (ou "De l'internationalisme à géométrie variable d'une certaine extrême-gauche"), par le même Victor Shapinov (septembre 2015).


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* En fin de compte, ce que perdent (ou font semblant de perdre) de vue les gauchistes à la "Révolution permanente", "mondialisme.org" (Yves Coleman) ou "lesmaterialistes.com" dans leur analyse des phénomènes réactionnaires (ou en tout cas bourgeois) du "Tiers Monde" (islamisme, nationalismes africains à la Gbagbo, populismes sud-américains à la Chavez etc.) ou d'Europe de l'Est ("eurasisme", "national-bolchévisme")... c'est la plus élémentaire notion de cause-à-effet : ces phénomènes sont les PRODUITS de la situation que l'impérialisme occidental impose à ces pays, et ils ne peuvent pas être critiqués et combattus sans tenir compte de cela ! Le Hamas est un produit de l'occupation sioniste en Palestine, l’"État islamique" est un produit de 10 ans de guerre impérialiste en Irak et les nationalistes russes "eurasistes"/"rouges-bruns" du Donbass sont le produit de 25 ans d'offensive occidentalo-FMIste pour dépecer et piller les anciennes républiques soviétiques, en encerclant la Russie suivant les thèses de l'impérialiste Brzezinski ! Mais que voulez-vous : pour cette "extrême-gauche" de petits bourgeois, l'impérialisme occidental c'est aussi son râtelier !! Alors, il est tellement plus commode de dénoncer ses adversaires...

** Quelque part la Chine, l'Iran ou encore le Capital arabe suraccumulé du Golfe (qui finance le djihadisme) sont un peu dans la position du Japon de la première moitié du 20e siècle : des acteurs qui ÉMERGENT de manière agressive sur la scène internationale ; tandis que la Russie, ancien social-impérialisme soviétique vaincu et humilié au terme de la Guerre froide, serait plutôt dans la position de l'Allemagne du Traité de Versailles, cherchant à se RÉaffirmer. Dans tous les cas, nous voyons bien que face à ces "menaces" agressives dont les actions - en effet - sont souvent fort peu défendables, la tentation d'une "union sacrée" avec nos propres impérialismes occidentaux est une menace très concrète.

 

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31 août 2014 7 31 /08 /août /2014 14:45


030314 borotbaL'organisation communiste ukrainienne Borotba est désormais plongée dans la clandestinité, ses militants sont pourchassés sous l'accusation de soutenir le "terrorisme séparatiste" et son site internet ne répond plus. Quelques éléments parviennent toutefois, tant bien que mal, à communiquer avec l'extérieur ; ainsi le responsable Sergueï Kiritchouk qui s'est exilé et a donné cette interview à un journal allemand. D'autres ont pu gagner la Crimée qui (comme chacun-e le sait) a fait sécession en mars dernier avant de proclamer son rattachement à la Russie, et connaît depuis lors une relative "paix russe" (ceci renforcera bien sûr encore, jusque dans l'"extrême-gauche" ukrainienne et internationale, l'accusation d'être "à la solde de Moscou" ; mais faut-il pourtant s'en étonner lorsqu'ils peuvent trouver là, à deux pas de chez eux, une relative tranquillité alors qu'ils sont traqués comme des bêtes dans toutes les régions sous contrôle de Kiev ?).

Ils ont fait parvenir au site "Workers World" ce texte que nous avons traduit, annonçant le lancement d'un "Centre antifasciste" à Simferopol - dans la péninsule séparatiste. Nous avons trouvé ce texte hautement intéressant car il n'appelle pas à rejoindre les "glorieuses forces" de la République "populaire" séparatiste du Donbass (où les antifascistes se retrouveraient rapidement aux côtés de... fascistes pro-russes, y compris venus de France, le mouvement fasciste européen s'étant globalement partagé entre pro-russes et pro-ukrainiens comme hier entre pro-serbes et pro-croates en Yougoslavie) ; mais au contraire à allumer et développer la résistance populaire antifasciste dans TOUT L’ÉTAT UKRAINIEN, au Sud (Odessa) comme à Kiev, au Nord et même à l'Ouest où se développe çà et là une résistance à la mobilisation militariste de la junte contre les séparatistes du Donbass... Autrement dit il dénationalise les enjeux, tentant d'arracher les choses à un affrontement Ukraine-Russie et "Ukrainiens proprement dits" vs "Novorusses"* pour les amener sur un terrain DE CLASSE et de CONCEPTION DU MONDE : ouvriers et paysans contre oligarques, justice sociale contre botte du FMI et de la BCE et résistance populaire contre le fascisme ! 


Lancement d'un Centre antifasciste en Ukraine

borotba antifascist

Soutenez le Centre pour les antifascistes d'Ukraine créé à Simferopol en Crimée - Nous avons besoin de votre aide !

La nécessité objective d'un Centre de soutien aux antifascistes d'Ukraine à Simferopol :

En ce moment, il est extrêmement difficile aux forces qui s'opposent au fascisme en Ukraine de travailler sur le territoire contrôlé par le gouvernement de Kiev ; en particulier pour l'organisation de gauche la plus active : l'Union Borotba ("Lutte"). Dans les villes du Sud-Est ont eu lieu des arrestations massives de militants anti-Maïdan, et des centaines de personnes sont maintenant derrière les barreaux. Le Service de Sécurité ukrainien recherche et arrête à présent nos camarades pour le simple fait de poster sur les réseaux sociaux (Facebook, Vkontakte), ce qui est qualifié de "propagande séparatiste".

Dans ces conditions, les cellules de Borotba et d'autres organisations de gauche et antifascistes opèrent de manière semi-clandestine. Des dirigeants importants de ces organisations ont fait l'objet de représailles. Notre organisation ne peut plus désormais fonctionner que sur le principe du réseau - comme réseau de petits groupes autonomes menant l'agitation et la propagande et tentant d'organiser, tout en se protégeant des attaques des combattants néofascistes.

L'activité d'une direction centrale de l'organisation est devenue impossible sur le territoire contrôlé par les autorités de Kiev - il y a un trop grand risque d'exposition d'un tel centre et d'une destruction de tout le réseau.

urlCette situation engendre la nécessité d'un centre de coordination pour Borotba et autres organisations amies et groupes de gauche en dehors du territoire contrôlé par Kiev. Un exemple pour cela est le travail des sociaux-démocrates russes au début du 20e siècle, afin de créer un centre capable de coordonner l'action des cellules clandestines.

Les activistes impliqués dans la lutte antifasciste en Ukraine, qui risquent l'arrestation, la torture et même la mort, doivent savoir qu'ils ne seront pas laissés sans refuge ni moyens de subsistance si besoin est, afin qu'ils puissent continuer à participer à la lutte pour libérer l'Ukraine des nazis.

Conditions subjectives pour un Centre de soutien aux antifascistes d'Ukraine à Simferopol :

Du fait de la répression des autorités de Kiev contre l'Union Borotba et d'autres organisations de gauche et patriotiques, de nombreux activistes ont été obligés à fuir le territoire ukrainien. Actuellement, environ 20 membres de Borotba originaires d'Odessa, de Dniepropetrovsk, de Kiev et d'autres villes, qui ont quitté l'Ukraine sous la menace d'arrestation et de violences, se trouvent dans la République de Crimée à Simferopol.

Pour le moment, ces exilés antifascistes ne possèdent que leurs maigres ressources pour leur loyer et autres nécessités ; ils n'ont pas d'emploi d'autres sources de revenus. Dans le même temps, nos camarades ne veulent pas devenir des réfugiés ni recevoir la nationalité russe : il veulent retourner en Ukraine et vaincre le régime néofasciste.

L'Union Borotba, sous la direction du député au Conseil régional d'Odessa Alexeï Albu et du coordinateur Victor Shapinov, a déjà commencé à coordonner Borotba et d'autres forces de gauche en Ukraine. Du 5 au 8 juillet, la première école pour activistes politiques s'est tenue près de Simferopol, à laquelle ont assisté 30 personnes qui avaient quitté l'Ukraine.

Tâches pour le Centre de soutien aux antifascistes d'Ukraine :

1. Coordination et gestion des cellules de Borotba et des organisations de gauche amies.

2. Assurer des canaux de communication sûrs et faire parvenir des fonds aux antifascistes Ukraine.

3. Former de nouveaux activistes politiques venant du mouvement de résistance dans le sillage des protestations anti-Maïdan. Créer un cadre solide pour les forces politiques de gauche, qui sera un élément essentiel du système politique de la nouvelle Ukraine libérée du fascisme.

borotba 101800394 jpg 1 4. Créer un centre de presse des forces de gauche et antifascistes en Ukraine pour informer le public de la lutte sur le territoire contrôlé par les autorités de Kiev.

5. Créer des supports de communication (tracts, vidéos etc.) à l'usage des forces de gauche et antifascistes en Ukraine. Gérer un vidéoblog permanent pour les forces de gauche en Ukraine, qui pourrait devenir une véritable chaîne online.

6. Traduction des documents de la résistance antifasciste en langues étrangères. Permettre une prise de conscience internationale sur le combat des forces antifascistes en Ukraine. Diffuser une information précise sur la répression et les assassinats d'activistes.

7. Tenir un registre des crimes et des violations des droits humains commis par le gouvernement de Kiev et les unités d'ultra-droite sous son contrôle.

8. Faire le lien entre les forces de gauche en Ukraine et tout autour de la planète.

9. Assurer l'évacuation des camarades ukrainiens qui risquent persécutions ou violences là où ils vivent et travaillent.

Nous, les représentants du Centre de soutien aux antifascistes d'Ukraine, faisons appel à l'aide de tous les mouvements et de toutes les organisations progressistes comme des activistes individuels. TOUTE AIDE, même la plus modeste, sera appréciée dans toute sa valeur par les exilés antifascistes ukrainiens.

http://www.workers.org/<wbr>articles/2014/08/04/anti-<wbr>fascist-center-launched-<wbr>ukraine/

Le courant trotskyste de la Riposte, qui pratique l'"entrisme ouvert" au sein du PCF, a récemment publié un texte dans lequel nous retrouvons largement nos analyses : Thèses sur l’Ukraine

Preuve qu'au-delà des petites chapelles idéologiques, la CONCEPTION CORRECTE DU MONDE se cristallise petit à petit sous l'effet des forces de l'histoire !


[* Cette question de "Novorussie"/"Novorusses" a été très largement débattue, et non sans raisons. En effet, les cartes "ethnographiques" tendent à montrer que les véritables Russes (selon, sans doute, l'ancienne classification soviétique des nationalités) ne sont majoritaires qu'en Crimée (~ 60%) et dans quelques raïons (districts) du Donbass, de la région de Kharkov ou encore proches de la Moldavie (Boudjak). Mais alors, sur quoi (diable) repose donc cette (fichue) identité "novorusse" du Sud et de l'Est de l'Ukraine ? Eh bien, elle repose peut-être précisément sur cela : ni les Russes, ni les Ukrainiens ni qui que ce soit d'autre (Bulgares, Tatars, Roumains/Moldaves, Gagaouzes etc.) ne représentent une écrasante majorité de 90% ou plus dans ces régions. La caractéristique locale est justement le multiethnisme.

Le bandérisme, cet ultra-nationalisme ukrainien fondé sur une "pureté" ethnique ukrainienne "plus-vraie-que-vraie", n'y fonctionne donc pas (sans même parler du fait que sa collaboration passée avec le nazisme, dans des régions martyres de la guerre d'extermination lancée par Hitler contre l'URSS, ne plaide pas en sa faveur...). Des idéologies au service de l'impérialisme russe telles que l'"eurasisme", le "panslavisme" (unité plus ou moins fédérale de tous les Peuples slaves) ou encore un certain "néo-soviétisme" peuvent y fonctionner - et de fait y fonctionnent ; mais le bandérisme, la population du Sud et de l'Est de l'Ukraine le vomit. Si l'Ouest (à 90 ou 95% ukrainien "ruthène") en veut, "tant mieux" pour lui ; mais au Sud et à l'Est on n'en veut pas, c'est ainsi.

On notera que cette culture de coexistence nationale s'accompagne généralement d'un usage de la langue russe comme lingua franca ou plus localement (surtout le long du Dniepr - en orange sur cette carte) d'un dialecte populaire mêlant russe et ukrainien, le sourjyk ; d'où la confusion qui tend à s'installer entre russophones (notion linguistique), "pro-russes" (notion politique) et "Russes" au sens de la classification soviétique des nationalités (notion "ethnique"). La carte de l'usage principal du russe dans la vie quotidienne, ou encore celle des partisans de sa co-officialité (aux côtés de l'ukrainien) montrent ainsi des réalités notablement différentes de celle des pourcentages de Russes "ethniques".]

1MaiBorotba

Lire aussi (à titre informatif) le Manifeste du Front populaire de libération de l’Ukraine* qui donne une petite idée du niveau idéologique "moyen" de l'insurrection dans le Sud-Est ukrainien.

On notera que :

1°/ Il est sans doute permis de déplorer qu'une organisation marxiste révolutionnaire comme Borotba ait signé cet appel aux côtés de forces aux noms aussi peu engageants que "Garde slave", qui fleurent bon l'ultra-nationalisme russo-orthodoxe "cosaque" et "blanc", CEPENDANT

2°/ Il est difficile de se poser en petit juge de ce genre de choses lorsque l'on ne se trouve pas et que l'on a même pas (à vrai dire) dans son champ du concevable la situation que connaissent actuellement ces militant-e-s : à quand remonte la dernière fois qu'en Hexagone, une quarantaine de personnes identifiées comme "rouges" ont été (de ce seul fait) brûlées vives dans un immeuble par des fascistes ? Depuis quand est-on arrêté (puis bien entendu sauvagement brutalisé en détention) pour des simples publications sur Internet ? Quand donc des déluges de bombes se sont-ils abattus, faisant des milliers de mort-e-s civil-e-s, sur une région ouvrière refusant d'être "restructurée" (un peu comme la Lorraine des années 1980) ? Pour se permettre de donner des leçons il faudrait déjà, pour commencer, avoir vécu ne serait-ce qu'un quart du dixième de cela ; et admettre également au préalable le principe absolu que des personnes progressistes ou révolutionnaires ont le DROIT de résister face à un gouvernement tel que celui de Kiev (pour le moment et sans doute par tactique politique, les forces de "Nouvelle-Russie" mêlent allègrement imagerie soviétique et nationaliste russe et ne s'attaquent pas aux "rouges") - cf. l'excellent article du Comité Anti-Impérialiste au sujet de la Palestine.

3°/ Dans un tel contexte, des forces réactionnaires comme les "cosaques", "eurasistes" douguiniens, "nationaux-bolchéviks" et autres "panslavistes" deviennent de fait des "forces grises" intermédiaires, au même titre que les forces islamistes en Palestine : ce ne sont pas des "amis pour la vie", il faut garder sa méfiance (si une vraie question mérite d'être posée, c'est celle-là), mais elles ne sont pas pour le moment l'ennemi à combattre en priorité et peuvent même, dans certaines de leurs actions, servir objectivement le Peuple et les idées justes. Pour illustrer cela on signalera par exemple qu'à Zaporozhye, où elle est basée, la "Garde slave" a participé en février à la défense de la statue de Lénine - symbole que les nationalistes fascistes "EuroMaïdan" voulaient abattre avant de passer physiquement aux communistes eux-mêmes...

4°/ Dans un tel contexte comme en Palestine, cf. là encore l'article du Comité Anti-Impérialiste, "les idées qu’ont en tête ceux qui résistent ne constituent pas la question principale. Ce qui compte c’est ce qu’ils font. Ce qui compte, c’est leur lutte objective. C’est le point de vue du matérialisme historique comme l’a magnifiquement montré Engels dans La guerre des paysans en Allemagne. Il faut participer à cette lutte objective pour influencer le combat dans un sens progressiste ou révolutionnaire. C’est là une des grandes leçons du marxisme"... Borotba ne fait donc qu'appliquer un principe marxiste élémentaire - avec quel succès, cela seul l'avenir le dira. De fait, le texte de la déclaration est très "réformiste radical" et montre bien que ce qui est déterminant c'est la pression des masses, de leurs aspirations, et ce que telle ou telle force est OBLIGÉE de dire et faire face à cela bien plus que ce qu'elle est et pense réellement dans son "logiciel" politique organique [il semblerait en fait que les principaux auteurs du texte soient les camarades de Borotba, la question qui se pose alors étant celle de la sincérité des autres signataires, dont il est toujours permis de douter mais voilà : cela a pu en tout cas leur être imposé]. Borotba n'est d'ailleurs absolument pas aveugle ni a-critique quant aux forces, tendances et activités droitardes du camp "novorusse" : l'organisation a ainsi dénoncé l'inscription de l'orthodoxie comme religion officielle dans la Constitution séparatiste, ainsi que l'usage par les "républiques populaires" de symboles réactionnaires comme le drapeau tsariste noir-jaune-blanc, emblème courant de l'extrême-droite russe. Autrement dit, Borotba mène AU SEIN MÊME du camp anti-bandériste la bataille idéologique entre la ligne rouge socialiste-prolétarienne et la ligne "blanche" national-chauvine, grande-russiste, cléricale, parfois même néo-tsariste etc. etc. qui mène forcément la résistance populaire "novorusse" et de toute l'Ukraine à la faillite !

Un autre texte intéressant (bien qu'aux accents virulents et limite sectaires) est celui diffusé sous la forme d'un appel de plusieurs dizaines de groupes musicaux antifascistes de Russie, d'Ukraine même, d'Allemagne, de Biélorussie (soumise à un régime auquel un Donbass indépendant pourrait beaucoup ressembler), de Tchéquie etc. etc. : http://www.avanti4.be/actualite/article/ukraine-manifeste-de-groupes-de-musique-et-de

Dans l'absolu nous ne pouvons que souscrire à 100% à un tel texte qui rejette tous les ethno-chauvinismes, les manœuvres impérialistes, les grands capitalistes, les fachos des deux bords... et les opportunismes de "gauche" (marxistes ou libertaires) vis-à-vis d'un camp comme de l'autre. Mais il nous semble néanmoins faire gravement l'impasse sur les légitimes aspirations et inquiétudes populaires sur lesquelles "surfent" l'impérialisme russe et ses agents/mercenaires (celles qui s'exprimaient à Maïdan, sur lesquelles ont surfé les nazillons et les thatchériens de Kiev et de l'Ouest, sont quant à elles désormais hors-jeu et la mairie de Kiev a ordonné l'évacuation manu militari des derniers campeurs de la place). Ce point de vue, en somme, présente une vision idéale que n'importe quelle personne progressiste ne peut que partager ; mais IL N'EST PAS MATÉRIALISTE quant à la manière d'affronter concrètement la situation concrète telle qu'elle est (c'est-à-dire épouvantable), contrairement au texte du Comité Anti-Impérialiste si on le transpose de la Palestine à l'Ukraine. Nous avons été, à vrai dire, très proches d'un telle position au début (chute de Ianoukovitch, début de la partition du pays, annexion russe de la Crimée) mais désormais les choses ont évolué et quelle que soit l'activité réelle de l'impérialisme russe (à ne pas confondre avec ce que dit la propagande occidentale et de Kiev), il y a clairement selon nous un OPPRESSEUR et un OPPRIMÉ, à commencer par des militant-e-s se revendiquant comme nous du communisme et qui sont persécuté-e-s (et forcément, là où il y a oppression il y a résistance). La situation a suivi de fait l'évolution inverse de la Syrie, où il y avait au départ un soulèvement populaire tout à fait légitime (contenant des progressistes et même des marxistes) contre un régime réactionnaire (qu'il ait été "progressiste" il y a 40 ou 50 ans ne change rien), antipopulaire, assassin et corrompu, mais où il n'y a plus aujourd'hui aucune force en présence (régime, opposition "modérée" ou djihadistes) à défendre.

Si la situation en Ukraine, comme tout pouvait hélas le laisser craindre, a pris une tournure yougoslave et que les ethno-chauvinismes et leurs parrains impérialistes des deux bords sont également à rejeter et blâmer, c'est bien le Donbass qui apparaît dans la position de Sarajevo et la "Garde nationale" ("machine à recycler" les nazillons du Pravyi Sektor) dans celle des milices serbes plutôt que l'inverse. C'est bien du côté pro-Kiev que l'on observe au quotidien la volonté de "nettoyer" l'Ukraine d'une de ses nationalités, en l'occurrence la "russe" (voir ici cette députée de Svoboda visitant une école maternelle dans l'Ouest et disant aux enfants à nom "russe" qu'ils vont "bientôt devoir partir à Moscou" : https://www.youtube.com/watch?v=w3R3pMtL3eo) mais rien ne garantit guère (non plus) le sort des autres ; tandis que la déclaration du "Front populaire de libération" affirme et revendique la multinationalité de l’État. Et si l'on accueille favorablement l'argument (que l'on trouve par exemple sur un forum trotskyste) selon lequel "ce type d'alliance (avec des forces réactionnaires ou "fascistes") se retourne toujours contre les communistes et les travailleurs" qui s'y livrent, alors les marxistes et les progressistes ukrainiens qui auront été opportunistes ou "neutres" vis-à-vis du Pravyi Sektor et du nouveau régime de Kiev sont beaucoup plus proches de l'anéantissement que ceux qui "soutiennent" la rébellion "pro-russe" !

 

* Fréquemment accusé d'être "un faf", l'auteur du site est en réalité proche du parti "rooseveltien"  Nouvelle Donne de Pierre Larrouturou.

 

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4 août 2014 1 04 /08 /août /2014 15:06

 

1280px-Krivak I class frigate, stern viewLe 8 novembre 1975, dans le Golfe de Riga (Lettonie, alors en URSS), l'officier en second Valery Sabline met aux fers le commandant de la frégate Storojevoï et d'autres officiers. Débute alors, 70 ans presque jour pour jour plus tard, la mutinerie du Potemkine du nouveau tsar Brejnev (la projection du film d'Eisenstein à l'équipage sera d'ailleurs le signal déclencheur de la révolte) : des marins fils du peuple contre le pseudo-"socialisme" capitaliste d’État et social-impérialiste soviétique.

Elle sera matée quelques heures plus tard (Sabline, arrêté et emprisonné au secret, sera exécuté d'une balle dans le nuque l'année suivante) et si elle a acquis une certaine notoriété (voir le documentaire ci-dessous), c'est parce qu'elle a inspiré le célèbre roman de l'américain Tom Clancy À la poursuite d'Octobre Rouge (1984, adapté au cinéma en 1990) où la frégate devient un sous-marin et les événements sont présentés comme une tentative de passage à l'Ouest... ce que pensaient effectivement les services occidentaux jusqu'à l'effondrement final de l'URSS, et pour cause : c'était la version officielle du Kremlin lui-même.

valery sablineMais la réalité était bien différente, et la connaître suffit à comprendre l'empressement du pouvoir brejnévien à la présenter comme une défection à l'ennemi. En réalité, l'objectif de Sabline (marxiste-léniniste authentique) et de ses camarades n'était pas de gagner la Suède (comme cela a été prétendu) mais bien, 40 ans après le début du processus contre-révolutionnaire néo-bourgeois dans le Parti et l'appareil d’État soviétique (sur le terreau des erreurs de la construction socialiste) et 20 ans après son triomphe total avec l'avènement de Khrouchtchev, de mettre le cap sur Leningrad pour y déclencher une révolution populaire qui aurait restauré les principes bafoués d'Octobre 1917.

On pourra évidemment juger que cette tentative était folle et suicidaire (elle le fut effectivement pour son instigateur), de type blanquiste, et que si l'objectif était (au sacrifice de sa vie) de "réveiller les consciences" des ouvriers et des paysans d'URSS, force est de constater que cela n'a pas été le cas. Mais elle lève le voile sur une réalité très (trop) souvent ignorée : le capitalisme bureaucratique d’État était loin d'être unanimement et passivement accepté par les masses populaires soviétiques, il ne rencontrait pas seulement l'opposition d'intellectuels et autres couches privilégiées et surtout, il n'était pas exclusivement combattu sur une ligne prônant la restauration totale du capitalisme et la "démocratie" bourgeoise occidentale (ligne qui finira malheureusement par l'emporter avec Gorbatchev puis Eltsine).

Il y avait également des gens qui voulaient ramener l'URSS aux principes d'Octobre qui l'avaient fondée : conduire les ouvriers et les paysans de cet immense territoire vers une société communiste sans classes ni exploitation ; chemin qui avait alors été abandonné depuis plusieurs décennies pour conserver en place les privilèges de ceux qui, depuis l'appareil de l’État et du Parti, avaient tout simplement pris la place de l'ancienne bourgeoisie et aristocratie tsariste.

La page Wikipédia de Valery Sabline présente un assez bon exposé factuel des événements : http://fr.wikipedia.org/wiki/Valery_Sabline

poursuite-storojevoiNous reproduisons ci-dessous un article consacré aux événements, traduit de l'anglais sur le site de La Riposte (courant trotskyste au sein du PCF). Bien évidemment, il est d'idéologie trotskyste (écrit par Alan Woods de la Tendance marxiste internationale, dont fait partie La Riposte) et doit donc être lu avec cela en tête. Il présente des analyses et des caractérisations des choses qu'en tant que maoïstes (et non trotskystes) nous ne partageons pas, voire qui pourraient en faire bondir certain-e-s. Dans la logique de petites chapelles idéologiques qui anime (malheureusement) la majeure partie de l'extrême-gauche occidentale, il est évident que trotskystes, "staliniens" hoxhistes et même maoïstes pourront toujours tenter de tirer à eux le cadavre d'un homme qui voulait, sans doute et avant tout, simplement en revenir aux principes du léninisme et que révoltaient les privilèges de la nouvelle caste d'appareil ; seul Alan Woods ayant toutefois pris le temps d'écrire un assez long texte sur le sujet pour dépeindre un Sabline écœuré de n'avoir pas pu lire la prose de Trotsky, dans laquelle rien n'est pourtant moins sûr qu'il aurait trouvé les réponses trotsky tueleskiaux questions qu'il se posait (puisque fondamentalement, pour Trotsky, la solution ne pouvait pas venir d'URSS elle-même mais seulement d'une révolution ouvrière dans les pays plus avancés) [de fait, à la vue du documentaire c'est plutôt une vision "chinoise" qui semble prédominer : "le communisme est inéluctable en URSS" selon Sabline, alors que pour Trotsky il est impossible si les pays impérialistes occidentaux ne font pas leur révolution ; il s'est simplement formé une nouvelle bourgeoisie d'appareil qu'une révolution populaire doit combattre ; ou à la rigueur une vision guévariste, le navire insurgé jouant le rôle de "foyer" révolutionnaire].

Nous serons cependant tous d'accord sur le fait qu'en 1975 l'URSS pouvait être caractérisée par à peu près tout sauf "socialiste", et l'article offre l'exposé des faits le plus approfondi qui soit trouvable en français :

Valery Sabline et la véritable histoire d’« À la poursuite d’Octobre Rouge »

Et voici le fameux (et très intéressant) documentaire dont il est question :
http://www.dailymotion.com/video/xkju3y_a-la-poursuite-d-octobre-rouge-un-film-une-histoire_webcam

 


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17 juin 2014 2 17 /06 /juin /2014 15:19


Voici une interview d'un leader en exil de l'Union Borotba ("Lutte"), Sergueï Kiritchouk, publiée sur Initiativ-online.org le 11 juin 2014, traduite de l'allemand par la revue Workers World et reprise sur Democracy and Class Struggle.

Elle permet de mieux connaître cette organisation et ses positions, les meilleures à ce jour et à notre connaissance en Ukraine, que nous avons maintes fois traduites et publiées et aussi parfois (gentiment) critiquées.

Depuis le début le mouvement Maïdan a soutenu l'accord de libre-échange avec l'Union européenne. Nous, au contraire, avons toujours été depuis le début contre l'UE, qui n'a d'autre objectif que de piller et détruire l'économie ukrainienne.”


sergeikirichuk


Initiativ : Quand et comment Borotba a-t-elle été créée ?

Sergueï Kiritchouk : Nous sommes une toute jeune, toute nouvelle organisation. Nous avons fondé Borotba en 2011 comme résultat d'une coalition de différents groupes d'extrême-gauche. Certains proviennent d'associations marxistes, d'autres viennent du Parti communiste d'Ukraine (KPU) ainsi que de son organisation de jeunesse.

Nous sommes des personnes différentes avec des parcours différents. Nous avons des stalinistes, des trotskystes, des maoïstes et des personnes d'autres parcours politiques dans notre organisation.

Nous en sommes arrivés au stade où nous avons réalisé que ces divisions n'étaient plus aussi importantes qu'elles ont pu l'être par le passé. Nous avons travaillé ensemble dans diverses campagnes et nous avons trouvé que ces différences n'étaient plus aussi significatives aujourd'hui.

Nous pouvons travailler ensemble pour construire quelque chose de neuf ; telle était l'idée fondamentale. Beaucoup de personnes ont participé à cette expérience. Pour être tout à fait honnête, ce sont principalement des personnes expérimentées et éduquées politiquement qui l'ont soutenue.

Mais des travailleurs sans expérience particulière l'ont aussi soutenue, ainsi que des figures extérieures au mouvement ouvrier. L'un d'entre eux vient de Kharkov. Il y a quelques jours, on a tenté de le kidnapper.

030314 borotbaBien que nous ayons été organisés et actifs depuis longtemps, nous étions numériquement une très petite organisation. Nous avions des bureaux régionaux dans toutes les grandes villes. Dans nos plus grands rassemblements il y avait plusieurs centaines de participants.

Lorsque la crise a commencé, que le mouvement Maïdan a débuté en novembre, nous avons été dès le départ contre ce mouvement.

C'était une position que beaucoup de personnes pouvaient facilement comprendre, en particulier des personnes de la classe ouvrière. Surfant sur cette vague, nous avons accru notre influence et sommes devenus l'une des forces de premier plan dans des villes comme Kharkov par exemple.

Après le coup d’État maïdaniste du 22 février, les fascistes ont détruit notre QG à Kiev.
Nos camarades de l'Ouest de l'Ukraine sont immédiatement entrés dans la clandestinité, tandis que nous continuions à mener des activités publiques dans l'Est, là où c'était encore possible.

La ville de Kharkov a été l'une des plus grandes cités industrielles de l'époque soviétique, après Moscou et Leningrad. C'est aujourd'hui encore l'un des principaux nœuds ferroviaires en Europe. C'est une ville avec une forte et ancienne tradition démocratique et de gauche. Il n'est donc pas surprenant que la mobilisation à Kharkov ait été et reste si forte contre le nouveau régime oligarchique putschiste.

Il y a eu d'immenses rassemblements, tous pacifiques, contre le nouveau gouvernement de Kiev et nous avons bien entendu gagné de nouveaux membres dans ce mouvement. Ainsi, par exemple, 300 personnes ont signé en un seul jour une déclaration comme quoi elles souhaitaient rejoindre notre mouvement. Ces personnes n'étaient évidemment pas toutes communistes, socialistes ou d'extrême-gauche : elles exprimaient leur accord avec une position politique particulière.

Mais ces 300 déclarations ont déjà une importance énorme. Elles montrent combien notre ligne est correcte.

Iv : Si quelqu'un vous demandait qu'est-ce que Borotba, que lui répondriez-vous ? Qu'est-ce qui vous différencie par exemple du KPU (PC d'Ukraine) ?

SK : Nous sommes une organisation communiste. Effectivement, l'organisation de gauche la plus connue en Ukraine est le KPU. Mais nous critiquons ce Parti très durement, nous sommes clairement contre leurs illusions parlementaristes.

Le KPU a fait partie du gouvernement oligarchique de Ianoukovitch. Mais bien entendu, si vous dites que vous êtes communistes, tout le monde pense que vous êtes du KPU.

1MaiBorotbaC'est pourquoi nous avons choisi le nom de Borotba. Ce nom signifie littéralement "Lutte" et évoque implicitement la tradition des communistes ukrainiens, qui avaient par le passé un journal nommé Borotba. Il y a aussi eu des organisations de ce nom autrefois.

Pour des Occidentaux, ce nom sonne étrangement mais il a d'authentiques racines ukrainiennes. Il est d'ailleurs ironique que ce soit un nom ukrainien. Dans les médias ukrainiens, nous sommes naturellement présentés comme des agents de Poutine et un parti pro-russe. Le problème est que nous militons aussi dans les régions majoritairement russophones sous le nom ukrainien de Borotba. Beaucoup auront du mal à expliquer pourquoi le parti pro-russe que nous sommes porte un nom ukrainien.

Iv : Dès le début vous avez pris position contre Maïdan. Pourquoi ?

SK : Dès le départ les manifestations de Maïdan n'avaient aucunes revendications sociales. Beaucoup de gens ont pu penser que Maïdan était une sorte de grand mouvement démocratique avec des revendications sociales.

Les forces fascistes sont apparues dans le mouvement comme une catastrophe naturelle, détruisant sa frange progressiste et se plaçant au premier plan.

Dès le commencement le mouvement Maïdan a soutenu l'accord de libre-échange avec l'UE, qui n'avait d'autre contenu que le pillage et la destruction de l'économie ukrainienne.

1391005999 984629 7D'un autre côté, l'idée de réussite individuelle a également exercé une grande emprise. Cela a culminé dans l'idée que le système ukrainien corrompu, dominé par les oligarques, pouvait être dépassé si nous entrions dans l'UE. Ceux qui veulent travailler dur pourraient réussir et devenir riches. Non seulement l'opposition libérale-nationaliste mais aussi le gouvernement Ianoukovitch lui-même ont répandu la même propagande dans les médias. "Regardez les Pays baltes", disaient-ils : ils ont fait des réformes, ils font partie de l'UE, ils sont prospères, ils sont riches. Nous devons suivre ce chemin nous aussi.

Mais les Ukrainiens sont capables de voir et de penser. Ils ont vu la crise dans l'Union européenne et, par exemple, ce qui est arrivé à la Grèce.

C'est ainsi qu'il y a eu une grosse campagne anti-grecque en Ukraine, avec ce genre d'arguments : en Grèce le socialisme est au pouvoir, les gens sont très riches et très paresseux, et maintenant ils doivent payer pour leur comportement. Je ne plaisante pas, ce sont vraiment les arguments qu'on entendait.

Pendant très longtemps, nous avons été la minorité d'une minorité. Par exemple lorsque j'ai pris part à un débat télévisé, j'étais le seul contre l'intégration européenne. Tous les représentants du régime Ianoukovitch comme de l'opposition étaient pour.

Et ils n'avaient évidemment aucun argument raisonnable contre ma position, car j'expliquais clairement ce que seraient les conséquences d'une zone de libre-échange. Ils ne pouvaient pas trouver un seul argument rationnel. Ils disaient "regardez l'UE, ils sont tous si riches" et lorsque j'ai clairement fait comprendre que je n'étais pas d'accord, ils ont rétorqué qu'ils ne voulaient pas entendre plus longtemps une telle propagande soviétique.

Iv : Pour quelles raisons Ianoukovitch a-t-il refusé de se soumettre aux diktats de l'UE ?

SK : Ianoukovitch a refusé de signé la déclaration avec l'UE parce qu'il y avait des pressions du côté russe. 

3484740777Le problème est que la Russie n'a pas été capable ni n'a eu la volonté de trouver un compromis qui aurait permis à l'Ukraine de coopérer avec elle aussi bien qu'avec l'UE.

D'un autre côté il y a eu de grandes pressions de la part des milieux d'affaires, en particulier ceux du secteur des hautes technologies, l'industrie qui produit des équipements pour les hélicoptères, les avions, les fusées spatiales ou les armes nucléaires : ils produisent pour le marché russe et non pour l'UE. La moitié du commerce extérieur ukrainien se fait avec la Fédération de Russie et l'autre moitié avec l'UE. Ianoukovitch était donc soumis à des pressions oligarchiques des deux côtés.

La différence est que l'Ukraine fournit beaucoup de matières premières à l'UE et que la valeur ajoutée de ces secteurs est faible, tandis que ce qui est vendu à la Russie est à haute valeur ajoutée, de la haute technologie. Le Grand Capital a exercé des pressions terribles et Ianoukovitch a finalement annoncé qu'il devait y avoir des négociations supplémentaires pour que l'Ukraine trouve un accord de libre-échange plus profitable. C'est la raison pour laquelle le mouvement Maïdan a débuté.

Ils ont tenté d'expliquer que la raison pour laquelle nous sommes si pauvres est que nous vivons en Union soviétique. L'URSS n'existe plus mais, ont-ils dit, nous avons toujours une mentalité soviétique et nous devons rompre avec cette mentalité pour rejoindre l'Union européenne. À Maïdan, ils ont bâti un mur symbolique : ils ont dit que nous vivions toujours en URSS et que si nous franchissions cette frontière pour faire partie de l'UE, nous romprions avec notre passé.

Iv : Quel était le programme politique concret de Borotba à ce moment-là ?

SK : Nous avons toujours, bien sûr, été fermement opposés au gouvernement Ianoukovitch. Mais nous avons aussi compris que l'opposition de Maïdan était tout aussi réactionnaire. Nous avons donc dirigé notre critique contre les deux bords. À cette époque, les camps politiques étaient encore très fortement polarisés entre Ianoukovitch et l'opposition pro-occidentale. Nous représentions alors la pensée d'une toute petite minorité de la société ukrainienne.

Certaines personnes ont alors commencé à comprendre ce qu'il se passait réellement lorsque le mouvement Maïdan a commencé à détruire les monuments de Lénine à travers tout le pays. Les gens ont alors pu très bien comprendre ce qu'il se passait : ces forces de Maïdan sont Ukraine-Crimea-pro-Russian-protestersréactionnaires, elles n'ont pas de revendications sociales progressistes, leur idéologie est d'extrême-droite et elles disent que la source de tous les problèmes peut être trouvée dans la personne de Lénine.

Après le coup d’État, les monuments de Lénine sont devenus d'importants symboles politiques. À Kharkov, par exemple, ils ont aussi tenté de détruire le monument ; mais des personnes de toute la ville sont venues pour le défendre, et seule une minorité était des militants communistes ou d'extrême-gauche. L'immense majorité étaient des gens ordinaires. Ils ont défendu le monument comme une expression de notre histoire, de notre histoire soviétique. C'est notre histoire et nous ne les laisserons pas nous l'enlever. [NDLR évidemment là les choses ne sont pas aussi "neutres" : ces symboles historiques ont une signification de classe, pour la conscience de classe et pour ce que Gramsci appelle le "bon sens" ou le "sens commun". Être attaché aux statues de Lénine est évidemment un signal intellectuel plutôt positif de conscience de ses intérêts de classe populaire et d'emprise du "bon sens". Il y a en "Espagne" des personnes opposées au retrait des symboles franquistes arguant elles aussi que "cela fait partie de leur histoire" ; mais là il s'agit d'un état d'esprit beaucoup plus négatif sous l'emprise du "sens commun" (suprématie idéologie de la classe dominante, "conscience" des intérêts... de ses exploiteurs et oppresseurs, l'"exploité heureux" en quelque sorte).]

Par exemple, il y avait une vieille dame à une manifestation avec une pancarte faite par elle-même où elle avait écrit : "Allez-vous détruire notre maison parce qu'elle a été construite à l'époque soviétique ?".

Iv : Quelle est la situation aujourd'hui ?

SK : Tous nos locaux ont été saccagés et détruits par la soi-disante "Garde nationale", qui est la couverture légale des groupes néo-nazis. Quand nos militants ont tenté d'y accéder ils ont vu des hommes en uniforme noir, armés d'AK-47 qui en empêchaient l'accès.

Ukr_redflagburning.jpgIls ont tout pris : drapeaux, sonos, ordinateurs et même les journaux. Il est facile de comprendre que dans ces conditions plus aucun travail légal et ouvert n'est possible.

Il y a deux semaines, il y a eu une tentative de kidnapper deux de nos camarades après une manifestation contre la guerre à Kharkov. À la fin de la manifestation des personnes armées d'AK-47 ont tenté d'entraîner nos camarades à bord d'une véhicule. Les passants ont réussi à les en empêcher.

La totalité de notre direction est désormais clandestine. Certains de nos membres ont dû quitter le pays. Les nazis ont par exemple attaqué le journaliste révolutionnaire très connu et membre de Borotba Andreï Mantchouk, rédacteur en chef du quotidien internet Liva.

Au final, nous avons été illégalisés et la direction a été contrainte à l'exil. Mais il y a quelques jours il y a eu un rassemblement improvisé à Kharkov, des personnes ordinaires se sont rassemblées sur une place et l'on a pu y voir de nombreux drapeaux de Borotba.

Iv : Vous parlez de solidarité avec la lutte de libération kurde, que voulez-vous dire par là ?

SK : Il faut clarifier cela. Si nous regardons le drapeau de Borotba, il présente en effet une grande similarité avec celui du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). Il n'avait pas été imaginé comme cela au départ, mais nous avons effectivement quelques membres d'origine kurde.

Et ce sont finalement des étudiants pro-capitalistes, néolibéraux, hostile envers nous qui par leurs pressions nous ont amené à choisir ce drapeau.

Ils ont écrit dans une déclaration que Borotba avait des liens avec le PKK et que celui-ci est considéré comme une organisation terroriste par l'Union européenne. Ils ont affirmé que l'un et l'autre formions un front terroriste contre l'UE. Nous assumons avoir toujours été solidaires de la lutte de libération des Kurdes.

Iv : D'où viennent les Kurdes ? Ont-ils immigré en Ukraine à l'époque de l'URSS ?

borotba antifascistSK : La majorité des Kurdes en Ukraine vivent dans le Sud, dans la région d'Odessa. Certains sont des étudiants, d'autres travaillent comme commerçants sur les marchés. Le gouvernement ukrainien a toujours travaillé en étroite coopérations avec l’État turc. Ce dernier fait pression sur lui pour prendre des mesures contre les Kurdes.

Auparavant, les autorités n'arrêtaient pas vraiment les Kurdes, ni ne voulaient déployer une grande répression contre eux. Mais les autorités universitaires faisaient pression, par exemple, sur les étudiants en disant qu'ils devaient seulement étudier et ne pas prendre part à des activités politiques. Les étudiants kurdes ont néanmoins organisé des meetings politiques.

La principale propagande répétée par les médias ukrainiens est que les Kurdes ne peuvent tout simplement pas vivre en paix, et que tant que la Turquie serait un pays si “démocratique” et “pacifique” les Kurdes commettraient des actes terroristes. Les médias demandent tout le temps “pourquoi viennent-ils en Ukraine ? ils ne savent pas vivre en paix”.

Iv : Que pensez-vous du concept de fédération démocratique ? Notamment en relation avec la situation concrète en Ukraine ?

SK : Le Peuple kurde doit décider par et pour lui-même quelle forme doit prendre l'autodétermination. En Ukraine, nous sommes pour un fédéralisme démocratique. Cela signifie l'autonomie budgétaire, politique et sociale pour le Sud-Est, qui doit être une partie de la Fédération ukrainienne. Et il faut évidemment la pleine égalité des communautés linguistiques.

Les gens sont fortement choqués par les mystifications historiques. Des collaborateurs des nazis deviennent soudainement des héros nationaux de l'Ukraine. Cette période est désormais considérée comme des pages positives de notre histoire. S'ils veulent maintenant élever des monuments à Bandera [collaborateur ukrainien d'Hitler], s'il vous plaît laissez-moi en dehors de ça. Les gens du Sud-Est ne veulent rien de tel. Ils disent qu'ils sont en train de construire à Lvov, dans l'Ouest, des urlmonuments pour les collaborateurs des nazis et nous, nous défendons nos monuments à l'Armée rouge soviétique.

Que cela se produise dans un même État ou dans deux États différents est maintenant la dernière question en date. Dans le Sud-Est, dans la République populaire du Donbass, il y a maintenant un débat : que doit-on faire ? Doit-on entrer dans une fédération avec l'Ukraine ou doit-on en être séparé ?

Iv : Comment la lutte va-t-elle se poursuivre, compte tenu de la nouvelle situation ?

SK : Nous avons toujours critiqué le KPU pour leur focalisation sur la lutte parlementaire. Nous nous sommes toujours concentrés sur la mobilisation de masse des travailleurs et de la jeunesse, des agents des services publics etc.

Mais nous étions dans l'illusion que nous allions encore vivre de nombreuses années sous une démocratie libérale bourgeoise, avec liberté de réunion et d'association.

Nous ne sommes pas aujourd'hui et nous n'avons jamais été préparés à cette nouvelle situation de guerre civile, de lutte armée. Nous n'avons pas d'infrastructure adaptée, ni d'armes ni d'expérience.

Cela a été une grande erreur de notre part.

Iv : La majorité des personnes qui luttent dans le Sud-Est du côté des Républiques de Donetsk et Lugansk est-elle constituée de Russes, comme l'affirment et le répètent les médias à l'Ouest ?

SK : L'immense majorité de ces personnes vient évidemment de la région elle-même. De même qu'il y a des personnes du Sud-Est qui luttent aux côtés de la junte de Kiev, il y a aussi quelques personnes venues de Russie qui luttent aux côtés des Républiques populaires.

Antifascist-Ukr - CopieIl n'y a pas d'influence russe significative dans le Sud-Est. Par exemple, il y a un citoyen russe qui est le leader de la résistance à Slaviansk. Kiev a évidemment clamé que c'était un membre des services secrets russes. Mais d'après l'enquête menée par des journalistes il ressort à présent qu'il s'agit d'un membre du mouvement “Rekonstructer”. Ce sont des gens qui portent des uniformes de l'époque tsariste, ils se retrouvent pour des démonstrations publiques et organisent des spectacles, etc.

Bref : il est devenu une figure dirigeante de la résistance à Slaviansk et de cela on a fait une influence russe. Mais il n'y a pas d'officiers expérimentés des services secrets russes qui dirigeraient et contrôleraient tout comme le présentent les médias.

D'autre part il y a des ressortissants russes dans le Sud-Est mais là encore, pas tels que les dépeint la propagande médiatique pro-occidentale : beaucoup ont une position clairement anti-Poutine.

Iv : Maintenant une dernière question au sujet de la Crimée. Quelle est la situation générale là-bas, et en particulier celle des Tatars ?

SK : Poutine avance maintenant ses pions. Il a donné quelques droits nationaux aux Tatars de Crimée. Ceux-ci sont représentés au Parlement local et au gouvernement. C'est exactement ce que les Tatars demandaient au gouvernement ukrainien depuis 20 ans.

140315231140-ukraine-donetsk-pro-russia-rally-scenes-from-tLorsque l'armée ukrainienne a quitté la Crimée, personne n'a voulu se battre contre l'armée russe. Tout le monde a plus ou moins accepté la nouvelle situation. Seuls les Tatars ont exprimé leur réticence. Les nationalistes ukrainiens ont appelé les Tatars à se joindre à eux dans cette lutte. Mais personne ne les a rejoint, ni les Tatars ni les autres.

Tout le monde en Crimée n'était pas satisfait de l'annexion à la Russie. Mais maintenant ils regardent la télé et voient le massacre d'Odessa, la guerre civile et les bombardements de barres d'immeubles à Donetsk, et ils se disent : "Dieu merci nous sommes en dehors de tout ça"...

 


Annexe

De même qu'existe sur la question palestinienne, depuis de nombreuses années, toute une pseudo-"extrême-gauche" pro-israélienne ou israélo-complaisante, force est de constater que le conflit en Ukraine a vu émerger toute une "extrême-gauche" pro-Maïdan basée exactement sur les mêmes méthodes de terrorisme intellectuel en mode "chasse aux (soi-disantes) connivences rouges-brunes", "celui qui a été vu avec untel qui a relayé le bouquin d'untel" etc. etc. L'Ukraine est donc manifestement devenue (après la Palestine) le second grand "théâtre d'opérations" de cette engeance qui dissimule à grand-peine son pro-impérialisme occidental sous un "ni-ni" dont la mince couche se craquelle à chaque détour de phrase (pour ce qui est du vrai "ni-ni" authentique et sincère nous le considérons comme une position schématique et abstraite mais pas comme une position antagonique ; nous ne traçons pas de ligne de démarcation entre ses tenants et nous).

Pour être l'organisation révolutionnaire la moins inconséquente au sujet de ce conflit qui déchire son propre pays (pays qui vivait en paix, rappelons-le, depuis 1944 !), Borotba a été tout particulièrement la cible de ces manœuvres. Celles-ci sont même parvenues jusqu'aux oreilles du grand parti de la "gauche de gauche" allemande, Die Linke, et ont conduit de sa part à un début de boycott de Sergueï Kiritchouk (réfugié en Allemagne).

Celui-ci a néanmoins eu (serait-ce là une vraie différence entre la fRance et l'Allemagne ?) l'occasion de s'expliquer dans une entrevue avec un blogueur député du parti :

http://www.andrej-hunko.de/7-beitrag/2120-they-hate-us-because-we-are-communists

Nous en avons traduit ci-dessous quelques passages, d'abord (bien que nous ayons déjà maintes fois abordé la question) sur la question de ce qu'il faut entendre par "pro-russe" et ensuite au sujet des accusations lancées depuis plusieurs mois contre l'organisation :

Dans les médias allemands, les forces des autoproclamées "Républiques populaires" de Donetsk et Lugansk sont dépeintes comme des "séparatistes pro-russes". Comment analysez-vous les différents acteurs politiques et quelles sont vos relations avec eux ?

Nous devons avoir à l'esprit que la contestation dans le Sud-Est s'est développée de manière très similaire à ce qu'il s'est passé à Maïdan. Les gens ont organisé de grandes manifestations dans les principales villes, exigeants droits et respect. Lorsque le gouvernement a ignoré leur contestation, ils ont occupé des bâtiments administratifs. La réponse du gouvernement "démocratique" issu de Maïdan a été d'envoyer la police anti-émeute et les forces spéciales. Des centaines de militants ont été arrêtés et emprisonnés alors même que les contestataires de Maïdan occupaient toujours des bâtiments administratifs à Kiev. Nous avons vu là un gouvernement faisant montre d'un terrible deux poids deux mesures.

Il est vrai que certaines personnes dans l'Est se sentent pro-russes. Mais ceci ne peut pas être simplement réduit à un sentiment criminel ! Il y a de nombreuses et très diverses raisons de se sentir pro-russe en Ukraine. Certaines personnes ressentent très fortement la communauté de langue et d'histoire, d'autres pensent simplement à une communauté de culture et de religion, mais beaucoup de gens sont simplement inquiets pour leurs emplois. Les régions du Sud-Est produisent par exemple beaucoup de haute technologie qui n'est pas autorisée à l'exportation vers l'Europe, et ne peut donc être exportée que vers la Russie et le marché asiatique. Beaucoup de jeunes travailleurs et ingénieurs hautement qualifiés veulent travailler dans ce secteur.

Les vrais séparatistes sont ceux qui siègent au gouvernement de Kiev. Ils ont divisé le pays avec leur décision de signer un accord de libre-échange (avec l'UE) dont la moitié du pays ne veut pas, avec leur abolition de la loi linguistique qui donnait quelques droits aux personnes de langue russe, et avec leur glorification des anciens collaborateurs du nazisme dans un pays dont un habitant sur cinq a perdu la vie sous l'occupation allemande.

Ainsi par exemple, à Kharkov, le mouvement de protestation a commencé comme une campagne pour protéger la statue de Lénine locale. Des milliers de personnes hommes et femmes, vieux et jeunes, travailleurs, chômeurs, étudiants et ingénieurs montaient la garde autour du monument jour et nuit. Les fascistes les ont parfois attaqués avec des gourdins et même des balles en caoutchouc. C'était le devoir de Borotba d'être avec eux et parmi eux.

La défense de la statue de Lénine a été un important moment de résistance. Nous avons ensuite appelé à une grande assemblée générale de toute la ville. Des milliers de personnes sont venues sur la grande Place de la Liberté et tous les groupes politiques ont tenté de faire valoir leur ligne. Nous avons ouvertement parlé de socialisme, d'internationalisme et de lutte anticapitaliste. À ce moment-là les nationalistes russes étaient une petite minorité au sein d'un vaste mouvement populaire. Ils ont pris beaucoup plus d'importance après que le gouvernement et les gangs néo-nazis aient attaqué et écrasé les forces progressistes.

Nous avons des conceptions politiques en tout point différentes des nationalistes, et nous avons même plus d'une fois croisé le fer avec eux. Russki Vostok (organisation nationaliste) a émis un communiqué nous accusant de la défaite du mouvement populaire à Kharkov. Certaines forces pro-russes disent que c'est une erreur de parler de lutte contre les oligarques. Mais notre position a toujours été très claire : il n'y a pas de lutte antifasciste sans lutte pour le socialisme.

Des groupes comme le "Syndicat des Travailleurs autonomes" (AST) accusent Borotba d'être "pro-russe" et affirment également que vous collaborez avec des organisations conservatrices, chauvines et même fascistes telles que Kommuna, le Shturmovoï Komitet ou Avtonomyi Opir. Que répondez-vous à ces accusations ?

L'AST est une petite secte invisible en Ukraine mais active sur la scène internationale. Je les décrirais comme des nationaux-libéraux mais ils se disent anarchistes. Ils ont soutenu Maïdan et tenté d'utiliser leur anticommunisme pour se faire accepter par les éléments d'extrême-droite du mouvement. Sur Maïdan ils avaient des pancartes montrant Lénine comme un boucher massacrant les révolutionnaires et ils ont fait la fête lorsque des activistes ont détruit le monument de Lénine à Kiev.

Comme les libéraux qu'ils sont, ils détestent tout ce qu'ils considèrent de gauche : la révolution bolivarienne au Venezuela, la Révolution cubaine et en Allemagne les communistes du DKP, ainsi que très certainement Die Linke à cause de son passé sous la RDA. Ils disent que l'Armée rouge qui a libéré l'Europe du fascisme était une armée d'occupation. Pour eux bolchévisme est égal à nazisme. Vous pouvez donc imaginer le genre de personnes qu'ils sont. L'un de leurs leaders était membre du "conseil civil" du Ministère de la Police !

Leur seul objectif est de discréditer les autres forces de gauche. Il faut savoir que Kommuna, le Shturmovoï Komitet et Avtonomyi Opir ont soutenu Maïdan et ont attaqué nos militants à Kiev lors des manifestations contre la guerre.

Nous avons une ligne politique totalement opposée à celle de l'AST, nous pensons que nous sommes déjà en guerre civile en Ukraine alors qu'ils pensent qu'il y a un conflit entre le gouvernement et des "terroristes". Comme je l'ai dit précédemment nous sommes membres de la Déclaration de Minsk contre la guerre [traduite ici en deuxième partie d'article NDLR] ; alors qu'ils soutiennent l'"opération anti-terroriste" du gouvernement.

L'un de leurs principaux activistes, Serhii Kutnii, a affirmé soutenir l'opération anti-terroriste et même qu'il soutenait l'idée d'un "petit incendie" à Donetsk en écho au massacre d'Odessa...

Des gens qui soutiennent l'idée d'un "petit incendie" à Odessa ne peuvent être pris sérieusement pour des critiques de gauche des mouvements progressistes.

Par rapport aux accusations lancées contre nous : nous ne sommes pas une organisation "pro-russe", nous nous battons pour les droits des travailleurs, des femmes et des jeunes. Ni le nationalisme russe ni le nationalisme ukrainien ne sont acceptables pour nous. Notre idéologie est l'internationalisme prolétarien. Nous détestons aussi bien les oligarques de Russie que d'Ukraine. Notre partenaire en Russie est le Front de Gauche, beaucoup de ses militants sont en prison à l'heure actuelle et nous avons montré notre solidarité avec eux.

Dans le même temps nous soutenons les droits démocratiques des citoyens d'origine russe en Ukraine. Ils ont le droit d'utiliser leur langue et de protéger leurs valeurs culturelles. Nous défendons l'idée d'égalité linguistique et nous nous opposons à celle d'un État ukrainien ethnique. Nous soutenons l'idée d'une fédération démocratique pour les Russes et les Ukrainiens, avec une large autonomie des régions, et nous voulons aussi des garanties pour les droits des minorités roumaine, moldave, grecque, bulgare, rom etc. 

Borotba a-t-elle participé à des évènements publics avec des organisations réactionnaires ? Par exemple, un article vous accuse d'avoir attaqué des manifestants pro-Maïdan à Kharkov aux côtés de "nationalistes russes" le 1er mars.

Nous avons toujours eu des affrontements avec des partisans de droite de Maïdan. Ils ont toujours tenté de nous attaquer. Certains camarades étaient dans la rue lors des affrontements du 1er mars, mais nos militants n'ont pas commis de violences. Nous avons émis par la suite un communiqué condamnant la violence politique de tous bords. Mais le Secteur Droit et les autres gangs néo-nazis ont poursuivi dans leur terreur politique contre nous. Nous n'avons pas commencé cette guerre, mais nous avons le droit de nous défendre !

Un autre supposé évènement public aurait été avec le Parti socialiste progressiste ukrainien (PSPU), accusé par les critiques d'être "antisémite, clérical et raciste". Quelles sont vos relations avec ce parti ?

Nous n'avons pas de relations avec le PSPU. Je ne sais pas s'ils sont racistes ou antisémites, mais ils sont en effet très religieux. Ils étaient par le passé une force politique assez importante, mais aujourd'hui ce n'est qu'une petite secte. Leurs conceptions politiques sont voisines de celles de Brigitte Queck [militante allemande proche du Réseau Voltaire NDLR]. Comme cette dernière, qui vient parfois à des meetings de Die Linkedes militants du PSPU sont parfois venus à des meetings où nous étions présents pour exposer leur point de vue. Mais nous ne travaillons pas sur une base politique avec eux.

Est-il vrai que vous avez des contacts politiques avec Alexandre Chalenko, qui serait selon vos critiques "en faveur du chauvinisme grand-russe" ?

Alexandre Chalenko est un des journalistes les plus connus en Ukraine. En tant que membre du cercle de journalistes autorisés de la Présidence [sous Ianoukovitch], il avait des liens avec les plus importants journalistes ukrainiens (pro-gouvernement comme d'opposition). Il y a beaucoup de photos de lui avec des ministres de Ianoukovitch ainsi qu'avec de futurs leaders de Maïdan. Il a organisé des centaines d'interviews avec des politiciens de tous les bords politiques. Nous avons souvent eu des débats avec lui. En règle générale, il nous a toujours fortement critiqués. Mais Borotba n'entretient pas de relations avec lui au-delà de ce type de débats.

Au sujet des alliances politiques en Ukraine, Borotba a été accusée de de coopérer avec l'"organisation séparatiste militante" Oplot qui serait "homophobe et antisémite". Qui sont-ils et quelles sont vos relations avec eux ?

Nous n'avons ni n'avons jamais eu aucune coopération ni lien avec Oplot. Je ne suis même pas sûr que cette organisation existe toujours à l'heure actuelle. Concernant les accusations d'homophobie contre nous, n'importe qui d'un peu familier avec la gauche en Ukraine sait que Borotba a toujours critiqué de telles positions conservatrices, y compris de la part du Parti communiste.

À Berlin vous avez invité deux auteurs russes, Stanislav Byshok et Alexeï Kochetkov, à présenter leur ouvrage "Maïdan et les néo-nazis". Il est apparu plus tard qu'ils avaient fait partie ou en tout cas eu des liens avec les néo-nazis russes par le passé, ce pourquoi la présentation a été annulée. Pourquoi avez-vous invité ces personnes et pourquoi n'avez-vous pas remarqué d'où elles venaient politiquement ?

En réalité je ne les ai pas invités. Ils m'ont contacté, m'ont dit qu'ils étaient en tournée en Europe pour présenter leur livre et m'ont demandé de les aider à en faire la promotion. Je leur ai demandé de m'en envoyer un exemplaire, ce qu'ils ont fait. J'y ai lu un très professionnel travail d'investigation sur le rôle des néo-nazis dans le mouvement Maïdan.

Lorsque j'ai reçu la lettre les accusant d'avoir un passé néo-nazi, j'ai annulé la présentation. Des militants ont par la suite mené leurs propres investigations sur les auteurs. Ils ont découvert et publié que l'un d'entre eux avait eu des liens avec l'extrême-droite par le passé.

Lorsque nous les avons confrontés à ces accusations, ils ont expliqué avoir rompu avec ces positions politiques et avoir dédié dès lors leurs connaissances et leur expérience à enquêter sur les structures néo-nazies de manière scientifique.

Je suis vraiment désolé de ne pas avoir enquêté sur le passé de ces personnes. C'est une erreur que j'ai commise, mais je ne m'attendais à quelque chose comme cela.

Il y a une photo de vous aux côtés d'un groupe de personnes incluant Israël Shamir. Il a été dit que cette photo prouvait vos liens avec cet antisémite et négationniste notoire. Travaillez-vous politiquement avec lui ?

Je n'ai pas de contacts avec Israël Shamir. Cette photo a été prise lors de la présentation de presse d'un film sur Julian Assange. Israël Shamir, moi-même et plusieurs centaines de personnes étaient invités par les organisateurs. Des journalistes très pro-Maïdan l'étaient également. Je pense donc que vous pouvez trouver des photos de moi "avec" à peu près tout le spectre politique ukrainien. Je pense qu'il n'est pas éthique d'utiliser des photos pour semer le doute quant aux conceptions politiques d'une personne sur une photographie donnée. Si quelqu'un est vraiment intéressé par mes idées politiques, il ou elle peut m'interroger et je répondrai de manière totalement ouverte.

En parlant d'antisémitisme, Borotba est aussi accusée d'avoir toléré l'antisémite Alexeï Blyuminov, qui est un éditeur de Vechernyi Lugansk. Quelles sont les relations de Borotba avec cette lui ?

Alexeï Blyuminov a aussi créé des problèmes dans d'autres organisations politiques. Il a été dans notre organisation un court moment, puis il a soutenu Maïdan et quitté notre mouvement, et maintenant il soutient les "séparatistes". Lorsqu'il était avec nous et par la suite, je n'ai jamais entendu parler de déclarations antisémites de sa part. Nous avons une tolérance zéro envers l'antisémitisme.

Certains camarades ont pu avoir une sous-culture nationaliste par le passé, mais ils sont désormais totalement dévoués aux idées du communisme et de l'internationalisme. Nous suivrons toujours une ligne politique prolétarienne et l'antisémitisme, la xénophobie ou le sexisme ne sont pas acceptables pour nous.

Nous faisons face à des accusations de la part du gouvernement, des médias et des libéraux-nationalistes. Ils nous détestent parce que nous sommes communistes, parce que nous défendons Marx, Lénine et le socialisme ! Nous nous tenons aux côtés de la classe ouvrière et de la jeunesse contre le racisme et le fascisme. Même dans des conditions de terreur nous avons organisé des actions de soutien aux syndicats de travailleurs.

Quelle est votre analyse sur le mouvement de Maïdan ?

Nous avons dit qu'il s'agissait d'un mouvement totalement réactionnaire dès le début. Nous étions totalement opposés à l'accord de libre-échange avec l'Union européenne, car cela menait droit à un scénario grec. Les manifestations de Maïdan développaient une culture de la réussite individuelle, il n'y avait aucune idée de gauche dans tout cela.

Bien sûr la totalité du mouvement n'était pas fasciste, mais dans tous les cas très anticommuniste : ils détruisaient les monuments de Lénine dans tout le pays. Ils proclamaient qu'une soi-disante "mentalité soviétique" nous empêchait de devenir libres et riches. Ils avaient même mis en place une frontière symbolique : lorsque vous entriez sur Maïdan, vous pouviez voir un panneau annonçant que vous quittiez l'URSS pour entrer dans l'Union européenne.

Mais leur compréhension des valeurs européennes était très particulière. Les fascistes étaient une minorité sur Maïdan au début, mais ils étaient tolérés par la majorité des contestataires. Ils sont ensuite devenus une minorité active et ont imposé leur agenda politique à tout le mouvement. Un mouvement sponsorisé par les personnes les plus riches du pays, à qui la victoire de Maïdan a largement bénéficié.

Ils ont appelé cela une "révolution de la dignité", mais maintenant les partisans de Maïdan à Kharkov ont créé un site internet pour collecter les données personnelles des militants anti-gouvernementaux, y compris les adresses personnelles et leurs lieux de travail.

Le résultat de la victoire de ce mouvement ce sont les armées privées des oligarques, un oligarque président, des oligarques et des fascistes au gouvernement, une faillite économique et la guerre civile en Ukraine.

L'on pourra encore lire ici (en anglais) la réponse d'une organisation trotskyste de Grande-Bretagne - Workers' Power - à ce type d'attaques par amalgame et raccourci que nous ne connaissons que trop bien en Hexagone, et dont les champions là-bas sont notamment l'organisation (également trotskyste) Workers' Liberty (qui est finalement - un peu - au trotskysme d'outre-Manche ce que le 'p''c''mlm' est au marxisme-léninisme et au maoïsme ici, ou "Confusionnisme.info" à l'"extrême-gauche" en général) : http://www.workerspower.co.uk/2014/11/smears-and-social-imperialism-the-politics-of-the-third-camp-on-ukraine/. Un simple passage mérite selon nous la traduction, car ne pouvant pas dire les choses plus clairement : "Pourquoi disons-nous des révélations soi-disant 'fracassantes' de Workers' Liberty qu'elles sont insignifiantes ? Pour la bonne et simple raison qu'aucun d'entre nous ne vit dans un 'vide interstellaire' politique. Toute organisation de gauche radicale sauf peut-être la plus sectaire, isolée et propagandiste passive dans sa pratique politique peut être amenée à entrer en relation (et par conséquent à discuter) avec toutes sortes de personnes, qui sont elles-mêmes en relation et parlent avec toutes sortes d'autres personnes"... CQFD.


***********************************

Comme nous l'avons dit plus haut, nous ne considérons pas les tenants d'un "ni-ni" révolutionnaire sincère comme des ennemis. Nous nous considérons (à vrai dire) nous-mêmes comme des "ni-ni" ; mais des "ni-ni" subtils et non schématico-abstraits, tentant de baser notre réflexion sur la réalité concrète des masses en nous mettant (ne vivant pas cette situation directement) à la place de ces dernières, y compris (même) à la place des partisans non-fascistes de Maïdan puis du nouveau régime. Nous considérons que le conflit a un clair aspect inter-impérialiste entre Russie et bloc atlantique occidental, aspect avec lequel nous n'avons rien à faire et surtout pas de parti à prendre ; mais qu'il a aussi - sur le terrain populaire concret des évènements - des "niches", des "poches" où se logent d'autres aspects : un certain esprit "soviétique" de coexistence des nationalités et de nostalgie pour la protection sociale d'avant 1991 s'opposant à une vision aussi violemment national-identitaire qu'ultra-libérale thatchérienne ; un affrontement non pas tant entre "Russes" (qui ne sont majoritaires nulle part sauf légèrement en Crimée) et Ukrainiens qu'entre un programme d'"Ukraine aux 'purs' Ukrainiens", qui ferait des non-Ukrainiens et des Ukrainiens "impurs" (ethniquement mixtes, principalement russophones ou encore "sales rouges") des citoyens de seconde zone voire des gibiers de "purification ethnique"... et les non-Ukrainiens et Ukrainiens "impurs" en question, qui ont le droit tout à fait légitime de s'autodéfendre !

Notre "solution idéale" pour l'Ukraine serait exactement la solution fédérative démocratique et anti-nationaliste que prône Sergueï Kiritchouk dans l'interview ci-dessus.

Ce qui est amusant c'est que si nous étions en 1993 ou 1994 et que nous écrivions sur la Bosnie, c'est très certainement dans le camp bosniaque que nous verrions (en partie) ces mêmes aspects dont nous venons de parler : l'idée "yougoslaviste" de défense d'une "Yougoslavie modèle réduit", de coexistence démocratique des nationalités contre le dépeçage ethnique orchestré par Milosevic et son frère ennemi croate Tudjman... Autrement dit dans le "camp du Nouvel Ordre Mondial américano-européo-otano-sioniste BHL" pour les "anti-impérialistes" campistes dont on nous accuse de faire partie aujourd'hui !

Telle est notre position et nous ne considérons pas les camarades qui s'arrêtent à l'aspect le plus visible et apparent des choses - celui d'un pur conflit entre impérialisme russe et impérialismes occidentaux - comme des ennemis politiques. En revanche nous considérons comme des ennemis les faux "ni-ni" suppôts de l'impérialisme et des fascistes pro-Kiev ; et le camp du terrorisme intellectuel n'est définitivement pas le nôtre.

 

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10 juin 2014 2 10 /06 /juin /2014 11:14


Un mois après le massacre d'Odessa, c'est désormais et depuis une quinzaine de jours dans le Donbass (qui s'est proclamé indépendant par référendum le 11 mai dernier) que les troupes ou plutôt les hordes du nouveau pouvoir ultralibéral-nazi (néo-bandériste) de Kiev sont à l’œuvre (devant les innombrables défections pro-russes, parfois de régiments entiers, les forces armées ukrainiennes ont enrôlé des milliers de miliciens d'extrême-droite du Pravyi Sektor ou autres et même quelques 400 mercenaires de la société privée Academi, ex-Blackwater).

Les morts se comptent d'ores et déjà par centaines et les blessés par milliers ; et le nouveau président élu le 25 mai, l'oligarque Porochenko, a promis d'écraser les régions séparatistes "d'ici une semaine". Si la situation prend de plus en plus une tournure comparable à celle de la Yougoslavie des années 1990,  le fait est qu'en termes de crimes contre le Peuple ce sont bel et bien les néo-bandéristes de Kiev (équivalents des néo-oustachis croates) qui sont dans le rôle des néo-tchetniks serbes de Milosevic et Mladic en Bosnie : attention à ne pas céder au schématisme !

Au sujet de l'impérialisme russe (qui a au demeurant très vite reconnu l'élection de Porochenko), nous pouvons en quelque sorte dégager la position suivante :

1°/ Il est l'ennemi principal des Peuples à l'intérieur de sa sphère d'influence, désormais plus ou moins consolidée dans l'Union eurasiatique qui a vu le jour le 29 mai ;

2°/ Dans les pays - on va dire - "disputés", comme typiquement au Proche/Moyen-Orient (Syrie, Iran, Irak via l'Iran) ou dans le Caucase, il n'y a pas d'ennemi principal ni secondaire entre les impérialistes occidentaux et l'impérialisme russe (et les forces qu'ils soutiennent respectivement) ; la position des communistes est celle du "ni-ni" ;  

3°/ Dans les pays fort éloignés de Moscou (comme typiquement en Amérique latine) où des forces nationalistes bourgeoises cherchent à s'appuyer sur l'impérialisme russe (ou chinois) pour s'arracher à l'emprise impérialiste occidentale (principalement US), sans préjudice pour la nécessaire et impitoyable critique de ces forces, l'ennemi principal est et ne peut être que l'impérialisme occidental principalement US et les forces d'ultra-droite à sa solde ;  

4°/ Dès lors qu'un pays sort clairement et nettement de la sphère russe pour passer dans celle de l'Union européenne et des USA, comme c'est le cas en Ukraine depuis la chute de Ianoukovitch le 22 février dernier, le Kremlin cesse instantanément et quoi qu'il arrive d'être l'ennemi principal pour les populations concernées : celui-ci ne peut être que les forces nostalgiques de l'Europe hitlérienne soutenues par les impérialistes US et UE. 

Servir le Peuple vous informera et encouragera toutes les initiatives de solidarité révolutionnaire non pas avec l'impérialisme russe de Poutine, ni avec ses agents irrédentistes de "Nouvelle Russie" (l'État séparatiste du Donbass) ou de Crimée, mais avec les masses populaires et les antifascistes du Sud et de l'Est de l'Ukraine (ainsi que des autres régions !), y compris l'envoi de combattants internationalistes contre les hordes nazies de Svoboda et du Pravyi Sektor*.

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* Nous n'ignorons pas, bien sûr, que de telles initiatives pourraient également émerger du côté des forces d'extrême-droite qui en Europe de l'Ouest soutiennent très majoritairement la position russe ; nous ne les soutiendrons évidemment pas mais une très grande majorité de l'extrême-droite considère aussi que le ciel est bleu et nous n'allons pas dire pour autant qu'il est orange ; par ailleurs la majorité de l'extrême-droite est avant tout sur la ligne de Guillaume Faye considérant que si l'impérialisme US et ses "valets de Bruxelles" sont responsables du "bordel" et que globalement Poutine a raison, les affrontements en eux-mêmes sont d'abord une "guerre fratricide entre Européens" "comme en Irlande du Nord" et qu'il ne faut pas aller y ajouter du sang au sang. Certains même, célébrant l'"internationalisme" réactionnaire aux côtés des phalangistes libanais dans les années 1970 ou des néo-oustachis croates dans les années 1990, semblent "mûrs" pour aller combattre aux côtés de la junte bandériste de Kiev tandis que des néo-nazis suédois auraient déjà "sauté le pas" depuis plusieurs mois, ainsi que des Italiens de Casapound - lire ici en anglais et ici en français (attention site fasciste !) la position de leur idéologue tutélaire Adinolfi (lire aussi ici : Ukraine, l'internationale noire aux ordres des putschistes). Dans la "fachosphère" francophone farouchement pro-nationalistes ukrainiens, on peut aussi citer le blog "Vers la révolution" (sic) qui appelle carrément aux dons financiers pour le Pravyi Sektor.

MàJ 12/06 : côté séparatiste pro-russe ce sont d'autres Italiens, "eurasistes" cette fois, qui ont fait leur arrivée à Donetsk où ils sont présentés comme des "volontaires antifascistes" et posent avec le drapeau de la Résistance italienne (vert-blanc-rouge avec une étoile rouge dans le blanc) devant celui de la "Nouvelle Russie". En réalité le groupuscule "Millennium" est animé par Claudio Mutti, ancien néofasciste des années 1970-80 de tendance nationaliste-révolutionnaire (se définissant lui-même comme "nazi-maoïste" !), tiers-mondiste, pro- et même converti à l'islam et rallié dans les années 2000 à Alexandre Douguine, prenant la tête de la revue Eurasia en Italie. Nous n'apportons évidemment pas le moindre soutien à une telle initiative pro-impérialiste russe (Douguine est connu pour être une "éminence grise" géopolitique de Poutine) qui de toute façon, connaissant les tendances mythomanes et poseuses de ces courants eurasistes et nazbols ouest-européens, n'ira sans doute pas au-delà d'une photo à faire buzzer sur Internet. Il y a clairement un problème eurasiste, "panslaviste" et chauvinard grand-russe dans la résistance populaire du Donbass contre la junte de Kiev, mais ce problème relève de gens et de forces beaucoup plus conséquentes et sérieuses (à commencer par le Kremlin lui-même) que ces quatre pitres. [Fin août 2014 c'est l'équipée de Victor Lenta, ex-dirigeant (sous l'étiquette identitaire puis Jeunesses nationalistes) de l'extrême-droite toulousaine mis en cause dans l'agression de l'étudiant chilien Andrés Pardo (au soir de la manif occitane le 31 mars 2012), avec trois comparses aux côtés des "pro-russes" du Donbass qui est complaisamment mise en avant par tous les médias ; lesquels "oublient" généralement de signaler qu'un autre 'vieux briscard' fasciste, Gaston Besson, combat avec une dizaine d'autres du côté pro-Kiev... (lire aussi ici)]

Quoi qu'il en soit, ce qui est certain c'est que si la résistance du Donbass et de la Mer Noire persiste dans cette voie pro-russe et à la botte de Poutine, quand bien même ils et elles seraient des Russes dont on peut discuter si la place est (ou non) en Russie, cela ne va pas faciliter la convergence avec les innombrables personnes progressistes et révolutionnaires, socialistes ou communistes, marxistes ou libertaires qui à Kiev, au Nord ou à l'Ouest ne veulent pas d'un avenir sous la double botte du Pravyi Sektor et du FMI et qui sont des alliées objectives contre l'ennemi commun, le gouvernement de l’État qui les renferme tou-te-s (en d'autres termes, la résistance des populations du Sud et de l'Est ne l'emportera pas si l'"Ukraine ukrainienne" fait bloc autour du régime bandériste). On pourra nous contredire en nous parlant des "nécessaires alliances tactiques contre l'ennemi principal néo-nazi et impérialiste euro-US" ; nous rétorquerons que c'est effectivement ce qu'a fait le PCF de Thorez avec les gaullistes (parfois royalistes !) et autres républicains bourgeois contre le nazisme et ses kollabos mais aussi ce que N'A PAS FAIT le PC chinois de Mao avec le Kuomintang et les Américains contre les Japonais, préservant farouchement l'indépendance politique, militaire, idéologique et de classe du Peuple révolutionnaire... or nous sommes justement maoïstes et pas thoréziens !

Selon cet article en castillan on signale la venue (ou promesse de venue) de forces issues de toute la nouvelle Union eurasiatique (Russie, Biélorussie, Kazhakstan etc.) et notamment un bataillon d'ex-forces spéciales russes et tchétchènes ayant mené la guerre d'extermination contre la volonté d'autodétermination de ce pays (1994-96 et 1999-2002), d'anciens militaires est-allemands ayant formé une "Brigade Thälmann" (du nom du dirigeant communiste et antifasciste allemand assassiné par les nazis en 1944) ainsi que des membres d'une "Phalange polonaise" nationale-"bolchévique" et à fond pro-russe (sans doute parmi les rares Polonais pro-impérialisme russe sur la surface de la Terre, les "volontaires internationaux" de ce pays devant certainement être beaucoup plus nombreux dans le camp d'en face...). De fait, malheureusement mais comme prévisible, c'est pour le moment toute "l'Internationale Douguine" qui semble s'être donnée rendez-vous dans le Donbass sous l'œil bienveillant du Kremlin... Pour autant, comme nous l'avions déjà évoqué, on relève aussi d'ores et déjà des frictions avec le pouvoir russe (certainement lui-même traversé de tendances plus ou moins enthousiastes ou méfiantes envers les évènements) et ces contradictions entre la volonté populaire locale et les intérêts impérialistes et realpoliticiens du grand voisin pourraient plus tôt que tard générer de grandes ruptures intellectuelles dans l'endoctrinement chauviniste grand-russe actuellement dominant ; ces ruptures étant chargées d'un grand potentiel de mobilisation dans un sens communiste révolutionnaire (ce qui ne dépend pas, contrairement à ce que croient beaucoup de "communistes", de l'idéologie et de la composition présente des forces en question mais bel et bien de l'action concrète des communistes en leur direction : c'est cela qui est décisif et non le fait qu'actuellement untel soit "nazbol", untel "douguiniste" etc. etc.).

Enfin, dans l'État espagnol où (forcément) le souvenir des Brigades internationales de 1936 est une référence politique très forte, ont fait leur apparition des initiatives de ce type : https://www.facebook.com/internacionalistas36 ou encore https://www.facebook.com/pages/Solidaridad-con-la-Ucrania-Antifascista/513357248793321.

                           L'Ukraine toujours plus dans la course à la boucherie impérialiste

Globalement, notre position serait que 1º/ les initiatives EN LIEN DIRECT avec l'État séparatiste du Donbass sont politiquement dangereuses et idéologiquement confuses, lourdes de tendances opportunistes et nous les considérons comme des erreurs (enfin bon, c'est toujours mieux que de donner des leçons derrière un clavier !) ; MAIS 2º/ les initiatives en lien avec des ORGANISATIONS révolutionnaires et antifascistes locales (on pense évidemment à Borotba), qui se chargeraient de les aiguiller dans un esprit progressiste au plus près des nécessités populaires, nous semblent tout à fait envisageables et devraient être envisagées.

Ceci, quoi qu'il en soit, n'enlève rien à ce que nous pouvons penser de certains petits connards "antifascistes" pour qui les néo-nazis, dès lors qu'ils sont pro-occidentaux, ne semblent tout à coup plus vraiment être un problème ("Ooooh faut pas exagérer non pluuuus, ils n'étaient que 30% sur Maïdan, c'était loin d'être la majorité", par contre 10 identitaires qui déploient une banderole à Quimper et voilà le mouvement des ouvriers et des paysans bretons immédiatement catégorisé "fasciste")...

Cependant, dans ce déluge d'horreur fasciste, un autre évènement - positif celui-là - est venu marquer les derniers jours : la Déclaration de Minsk.

Au terme d'une rencontre organisée les 7 et 8 juin dans un petit village près de Minsk (Biélorussie) ; rencontre parfois qualifiée de "Zimmerwald du conflit ukrainien" par certains ; diverses organisations et collectifs d'information oppositionnels progressistes et marxistes d'Ukraine (Borotba, revues Spilne et Liva), de Russie (Mouvement socialiste russe, Front de GaucheParti communiste unifié, revue Skepsis etc.) et de Biélorussie (magazine de gauche Prasvet) ont rendue publique la déclaration que nous reproduisons traduite ci-après.

Bien qu'elle prenne la forme de "demandes" dont tout-un-chacun sait parfaitement qu'elles ne seront jamais entendues par ceux à qui elles s'adressent, nous en partageons à 100% l'esprit et le point de vue qu'elle exprime sur cette sanglante guerre réactionnaire. Nous voyons d'ailleurs mal comment des marxistes-léninistes conséquents et des maoïstes pourraient ne pas le partager, et certains se sont d'ailleurs déjà exprimés en ce sens (PCmI, PCmF). 

Pour autant, nous pensons que la réalité (les tenants et aboutissants concrets) de la crise ukrainienne exigent de préciser un peu les grandes idées-forces et positions de principe exprimées là (ce qui s'est traduit par notre position que les abrutis de service se sont empressés de qualifier de "pro-russe"). Un bon condensé de ces bémols a été exprimé par l'un des signataires de Minsk, le représentant russe de la Tendance marxiste internationale (TMI, "bon trotskysme" comme il y a un bon et un mauvais cholestérol, La Riposte ici en Hexagone) Artem Kirpichenko : son point de vue traduit (que nous partageons à 99,9%) est reproduit à la suite du texte de la déclaration elle-même.


Déclaration de Minsk contre la guerre en Ukraine 

http://www.counterfire.org/news/17268-stop-the-war-in-ukraine-a-statement-by-the-left-in-russia-ukraine-and-belarus

Nous, participants à la rencontre internationale de groupes de gauche et marxistes de Biélorussie, Russie et Ukraine, considérons que notre tâche primordiale est de mettre fin à la guerre civile en Ukraine. Le conflit militaire qui a suivi la victoire des néolibéraux et des nationalistes au terme du mouvement Euromaïdan de Kiev a déjà coûté des centaines de vies et a contribué à une montée sans précédent du chauvinisme et de la xénophobie dans les sociétés ukrainienne et russe. Cette guerre a permis à la classe dominante de souder la société ukrainienne autour du nouveau régime, de détourner les travailleurs de l'Ouest comme de l'Est du pays de la lutte pour leurs droits sociaux et politiques et de les pousser dans les bras des intérêts de la bourgeoisie. Le gouvernement russe, l'Union européenne et les États-Unis utilisent la guerre civile en Ukraine dans le même but. Les hommes et les femmes qui meurent dans le Donbass ne sont rien de plus que des pions sur l'échiquier de leurs rivalités impérialistes.

Nous exprimons notre solidarité avec tous les mouvements progressistes ukrainiens qui luttent contre la guerre, le nationalisme et la xénophobie. Nous considérons nécessaire de leur fournir tout le soutien politique, matériel et médiatique possible. Nous nous opposons à l'oppression de la part de toutes les parties au conflit, aux pogroms, aux tortures et aux enlèvements dont les progressistes, les antifascistes et tous les citoyens ukrainiens quelles que soient leurs conceptions politiques sont victimes. Nous nous opposons également aux persécutions politiques en Crimée.

Arrêter la guerre est la tâche première de tous les mouvements démocratiques et de gauche, quelles que soient leurs différences sur divers autres sujets politiques. Nous croyons donc nécessaire de coordonner les efforts de tous les opposants à la guerre en Ukraine pour construire un grand mouvement de masse contre la guerre.

Nos demandes sont :

- Que le gouvernement de Kiev mette immédiatement fin à son "opération anti-terroriste", retire ses troupes des régions de Donetsk et Lugansk et conclue une trêve avec les milices des Républiques populaires.

- Que toutes les parties au conflit signent un accord de paix pour une complète cessation des hostilités, la libération de tous les prisonniers politiques et de guerre et la dissolutions de tous les groupes armés.

- Que le gouvernement ukrainien démobilise les forces armées régulières, constituées de soldats mobilisés contre leur gré et dont les familles organisent en ce moment même des manifestations dans différentes régions d'Ukraine.

- Que la Russie, l'UE et les USA cessent totalement d'interférer dans le conflit ukrainien et ne soutiennent plus les différentes parties.

- Qu'il soit mis fin aux campagnes chauvinistes dans les grands médias russes et ukrainiens, que leurs discours de haine ont placé parmi les principaux instigateurs de la guerre.

- L'adoption d'une nouvelle constitution ukrainienne, l'élection libre des autorités régionales de Donetsk et Lugansk et un vrai droit à l'autodétermination pour le Donbass et toutes les régions d'Ukraine.

Nous pensons que la convergence organisationnelle et informative des groupes de gauche de l'espace ex-soviétique est une condition nécessaire à la construction d'un fort mouvement anti-guerre. Dans ce but, nous avons mis en place conjointement une initiative de "Secours rouge" pour aider les militants de gauche et les insoumis à la conscription militaire, et nous avons établi un réseau d'information pour les groupes de gauche et marxistes de Biélorussie, Russie et Ukraine.


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Commentaires critiques sur la Déclaration de Minsk - par Artem Kirpichenko (TMI de Russie)

http://www.marxist.com/ukraine-critical-comments-on-the-minsk-anti-war-declaration.htm

La signature de la Déclaration de Minsk a été un pas très important dans la formulation d'une position communiste et marxiste au sujet du conflit ukrainien. Ceci a été démontré par le vif débat international qui a suivi l'adoption du document, ainsi que par le grand nombre de déclarations de contenu similaire qui ont été publiées par des forces communistes, anarchistes et social-démocrates au cours de la dernière semaine écoulée.

Toutefois, lorsque nous parlons de la Déclaration de Minsk, nous devons bien avoir à l'esprit qu'il s'agit d'un document adopté dans une certaine urgence et résultant d'un compromis politique. La conférence au cours de laquelle elle a été élaborée se jouait "contre la montre" et n'a pas eu le temps de discuter d'actions concrètes au regard de a situation Ukraine, quand bien même ce point était à l'ordre du jour. La position des différents groupes, y compris des libéraux de gauche et des pacifistes qui voulaient utiliser la déclaration pour créer une large coalition anti-guerre, a été prise en compte au cours de la préparation du texte. De surcroît, l'évènement était hébergé par des organisations qui avaient initialement vu Maïdan comme un "mouvement démocratique et autoritaire" et mettaient l'accent sur le rôle de l'impérialisme russe, se basant sur le principe que "l'ennemi principal du prolétariat est dans son propre pays". L'influence de ces idées se reflète également dans le document.

Pour cette raison, nous jugeons nécessaire de clarifier certains points au regard du texte de la Déclaration de Minsk.

La responsabilité de la guerre et de la catastrophe humanitaire en Ukraine repose ultra-principalement sur les épaules de l'actuel gouvernement de Kiev, qui s'est installé au pouvoir au printemps dernier porté par la vague du mouvement réactionnaire de masse "Euromaïdan". Le régime Poroshenko représente les de la grande bourgeoisie ukrainienne ainsi que des grandes multinationales [le Capital impérialiste occidental]. Il trouve une base de masse dans la petite bourgeoisie d'Ukraine centrale et de l'Ouest, dans les couches lumpenisées de la société ainsi que parmi les étudiants réactionnaires. Des gangs de militants néo-nazis et des groupes de mercenaires financés par les oligarques sont les instruments entre ses mains. Tous ces points concernant les structures sociales et de classe du nouveau régime auraient dû être abordés dans le document de Minsk.

Par ailleurs, nous constatons que le régime Maïdan-Poroshenko a déclaré la guerre aux communistes et au mouvement ouvrier d'Ukraine. Ceci se traduit par des politiques visant à bannir le Parti communiste de l'espace public, des attaques contre les militants de Borotba et un strict contrôle des groupes "anarchistes" dont l'activité n'est autorisée que dans le cadre strictement défini du discours nationaliste dominant [NDLR de fait ces groupes participent activement à la propagande du régime et de ses maîtres occidentaux contre l'opposition marxiste-léniniste à celui-ci (en particulier Borotba) par les mêmes procédés d'amalgame, procès d'intentions, déformation ou carrément falsification de faits (voire... méthodes barbouzardes - un comble pour des "anars" - telles que le soi-disant "hacking" de mails, dont la seule source est le hacker lui-même...) que nous connaissons bien ici lorsque resurgit dans l'actualité la question de la Palestine - non tant par rapport à celle-ci en elle-même ni par rapport à Israël, mais en raison du catalyseur que représente cette cause pour les colonies intérieures]. Le régime issu de Maïdan a totalement accepté les diktats du FMI visant à désindustrialiser le pays et à reporter le fardeau financier d’une banqueroute de fait sur les Ukrainien-ne-s ordinaires.

Il ne fait aucun doute que pour les communistes et les progressistes d'Ukraine le régime en place est l'ennemi principal, l'ennemi mortel et que l'activité de tout communiste conséquent doit être vouée à l'abattre.

Ceci ne peut être accompli en s'adressant à des gouvernements bourgeois, mais seulement en faisant appel à la classe ouvrière ukrainienne. Les mineurs de Donetsk et Lugansk qui meurent sous les bombardements et les travailleurs du Centre et de l'Ouest, dont les enfants sont envoyés sans aucun entraînement militaire comme chair à canon dans l'Est, doivent s'unir et renverser ce régime pour qui ils ne sont, selon les mots du Premier ministre Iatseniouk, que des "sous-hommes".

Nous ne pouvons que partager l'opinion des camarades de Borotba que le droit à l'autodétermination du Peuple de l'Est ukrainien doit être au centre de tout accord de paix. Le Peuple des régions de Donetsk et Lugansk a gagné ce droit de haute lutte contre les gangs punitifs du gouvernement de Kiev. Le régime Poroshenko reproduit les crimes d'Eltsine en Tchétchénie, détruisant des villes et des villages entiers de son propre pays sous les bombes et les missiles.

L'attitude de la Russie demanderait elle aussi une analyse plus détaillée. Nous ne reconnaissons pas l'annexion de la Crimée, qui n'a fait qu'affaiblir la résistance anti-Maïdan [NDLR sur ce point il diverge de Borotba pour qui l'annexion a maintenu le Peuple de Crimée à l'écart des horreurs de la guerre et a préservé l'"harmonie" de la société - ce qui n'est d'ailleurs pas totalement faux, Poutine semblant avoir joué une curieuse carte démocratique en accordant par exemple aux Tatars, dont l'agitation et la dure répression étaient à craindre, les droits démocratiques nationaux qu'ils réclamaient... depuis 70 ans]. Nous notons toutefois qu'à l'heure actuelle le régime de Poutine semble avoir pris ses distances avec les évènements dans l'Est ukrainien. La victoire de la résistance à Donetsk et Lugansk créerait en effet des territoires qui seraient source de tensions permanentes dans les relations entre le Kremlin et l'Ouest, et qui pourraient devenir un bastion pour l'opposition en Russie elle-même. Le régime de Poutine a de fait donné carte blanche à Kiev pour écraser le soulèvement.

Dans le même temps les impérialistes européens et américains appuient activement la fuite en avant militaire du régime de Kiev, y compris par des fonds financiers, des rations alimentaires et de l'équipement pour l'Armée ukrainienne ainsi qu'en formant les escadrons paramilitaires des oligarques. Les grands médias capitalistes fournissent un soutien médiatique aux opérations punitives contre le Peuple de l'Est ukrainien, dissimulant les informations relatives à la suppression des droits démocratiques, aux massacres et autres destructions.

En conclusion, il ressort bel et bien que l'Ukraine est devenue le front le plus important dans la lutte contre l'avancée du néolibéralisme et du fascisme en Europe. L'enjeu de cette bataille est de la plus haute importance pour le continent tout entier. Les dirigeants bourgeois d'Europe et des États-Unis jouent un jeu dangereux avec le fascisme est-européen, faisant fi du danger que leur bête d'attaque puisse devenir incontrôlable et se retourner de l'Est vers l'Ouest. Ils récoltent aujourd'hui ce que leurs expéditions ont semé en Irak et demain, peut-être auront-ils à payer le prix de leurs actions en Europe.

Parallèlement à cela, la solidarité internationale envers la classe ouvrière ukrainienne doit unir et renforcer les forces communistes et progressistes à travers le monde.

 

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14 mai 2014 3 14 /05 /mai /2014 08:54

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La Bosnie-Herzégovine et les récents évènements qui s'y sont déroulés peuvent-ils être compris de manière correcte, sans commettre d'erreur dans l'évaluation ; et ces évènements peuvent-ils contredire nos découvertes et rendre notre analyse fausse ?

Pourquoi la Bosnie et les processus qui s'y déroulent sont-ils tant imprévisibles et difficiles à analyser ?

Il y a de nombreuses raisons à cela ; nous nous limiterons à en énumérer quelques-unes.

1 maj 2014 5La première et la plus connue est que la Bosnie est l'épicentre où trois cultures et trois religions se rencontrent : celle de l'Ouest (catholique), celle de l'Est (orthodoxe) et celle d'Orient (islamique). Elle est partagée (ou plutôt mélangée) entre ces trois racines. Et toute distorsion de cet équilibre conduit à une escalade du conflit ethnique. Il faut souligner que les distorsions de cet équilibre, de cette coexistence, sont toujours venues de l'extérieur. Le facteur externe a toujours été décisif, en creusant ces différences pour servir ses intérêts. C'est ce qui s'est produit dans les années 1990, lorsque les nationalistes serbes et croates ont tenté de se partager la Bosnie-Herzégovine [NDLR cette tentative de partage aux dépens des "Musulmans" bosniaques est l'aspect principal du conflit jusqu'en mars 1994, lorsque la pression impérialiste US oblige les Croates à s'allier avec leurs ennemis de la veille...]. Le résultat en a été la guerre, dont le terrible coût est bien connu de tous, et il faudra sans doute encore longtemps pour surmonter toutes les divisions causées.

Une autre raison est que la Bosnie-Herzégovine a toujours été un puissant foyer d'idées supranationales. La Bosnie-Herzégovine durant la Seconde Guerre mondiale, au sein du mouvement partisan, et plus tard durant la période du soi-disant "socialisme" a engendré l'idée d'une Nation yougoslave transcendant les divisions religieuses et ethniques. Cette synthèse a laissé une profonde empreinte jusqu'à ce jour dans l'esprit des masses, plus comme une nostalgie que comme une force réelle, mais elle existe encore bel et bien.   

1 maj 2014 7La troisième raison est son retard historique : la Bosnie a conservé de profonds rapports sociaux patriarcaux, sans avoir le temps de bâtir sa société bourgeoise et de former clairement les classes de celle-ci, bourgeoisie et prolétariat [NDLR rappelons que pour SLP ceci est plutôt un "atout" : la vague révolutionnaire ne se déploie selon nous pas à partir des endroits où la société bourgeoise est la plus ancienne et "ancrée", hégémonique, ce que nous appelons les Centres, mais au contraire à partir de là où le capitalisme a le plus "fraîchement" pénétré et commencé à (très violemment) briser l'organisation sociale "traditionnelle" (communautaire/"solidaire" pré-capitaliste), les Périphéries "campagnes" de chaque continent et du monde, dont fait partie la Bosnie]. La bourgeoisie n'a pas eu le temps d'apparaître en tant que classe différenciée, pas plus que la classe laborieuse n'a eu le temps de devenir un prolétariat au strict sens du terme. La classe travailleuse a largement conservé son caractère rural : un pied à la campagne, un pied à la ville (à l'usine). Les processus qui ont suivi la dernière guerre (des années 1990) ont débouché sur une plus grande polarisation de la société et davantage d'appauvrissement et de marginalisation pour les travailleurs. Le chômage élevé et la paupérisation qui en résultent ont conduit à la création d’une nouvelle classe. Cette classe a surgi des élites des partis politiques ayant profité de la guerre ; elle n'est pas une bourgeoisie au sens classique du terme mais une mixture de népotisme politique et de forme primitive de mafia : autrement dit, il s'agit de crime organisé [NDLR il s'agit en fait d'une oligarchie bureaucratique-compradore de pays dominé, une "bourgeoisie" oligarchique marquée par le caractère féodal-patriarcal-clientéliste de tuzla protest 9la société (expliqué plus haut), ainsi que par les caractéristiques propres aux "pays de l'Est" où sous le "socialisme" capitaliste d’État c'était dans l'appareil politique que se formait la nouvelle bourgeoisie, devenue ensuite ouvertement capitaliste sous une forme gangstero-oligarchique].

Aujourd'hui en Bosnie-Herzégovine, seule environ la moitié de la population en âge de travailler est sur le marché du travail et le taux d'emploi est à peine de 20%. Cela signifie que les 3/4 de la population active sont sans emploi. Plus de la moitié de la population est au seuil de la pauvreté, et un cinquième au-dessous de ce seuil.

La quatrième raison est que les impérialistes, de par leurs intérêts, ne sont pas prêts à tolérer une radicalisation de la situation en Bosnie. Pour eux le problème est actuellement "gelé" ou "balayé sous le tapis", comptant que le temps qui s'écoule engendrera la forme étatique appropriée pour une pleine intégration dans le monde impérialiste moderne. Ils sont donc pour le moment satisfaits de maintenir la Bosnie sous protectorat.

La cinquième raison est justement que la Bosnie-Herzégovine est plus ou moins un protectorat sous un statut colonial, particulièrement en raison de la présence militaire occidentale. Les masses manquent de confiance en leur propre force, tout en étant animées d'un profond sentiment d'hostilité envers la présence impérialiste.

tuzla18Nous avons déjà parlé de la récente révolte sociale en Bosnie. Il s'agissait d'une rébellion en réponse aux conditions dans lesquelles sont plongées les masses populaires de ce pays, dont la position sociale se détériore à grande vitesse. La Bosnie-Herzégovine est le premier pays de la région balkanique en termes de chômage, de bas revenus et de corruption. L'arrogance pure des représentants gouvernementaux, des magnats et des criminels a allumé la mèche de la révolte du peuple.

Les manifestations ont montré la force éblouissante des masses, mais aussi leur incapacité à élever la révolte à un niveau supérieur. C'est à ce moment-là que leur lutte a débouché sur la formation de plenums. Ces plenums ont vite montré leurs limites ; ils ont montré que sans une force révolutionnaire organisée, ils ne pouvaient pas évoluer en institutions parallèles au pouvoir officiel. Ceci débouchera certainement sur leur effondrement.

Devant les quelques groupes révolutionnaires de Bosnie-Herzégovine se dresse une tâche historique : mettre à profit la situation actuelle et créer une organisation révolutionnaire. Ce que ce mouvement révolutionnaire apportera est clair : la libération du Peuple des chaînes du capitalisme !

bosna podrska 01Devant toutes les forces révolutionnaires en Europe se dresse dans le même temps une mission : AIDER la situation actuelle en Bosnie à devenir révolutionnaire. Les évènements en Grèce ont été une leçon pour tous. Le réformisme et la capitulation du soi-disant mouvement révolutionnaire en Grèce est évident pour tout observateur. La différence entre la Bosnie et la Grèce, au regard du mouvement de révolte de masse, est essentielle pour comprendre les tendances futures dans les Balkans et, au-delà, dans toute l'Europe. En Grèce, les masses ont formé des organisations pour les diriger, tandis qu'en Bosnie-Herzégovine il n'existe pas de telles organisations. Mais en Grèce, les masses se sont révoltées parce qu'elles sont appauvries, tandis qu'en Bosnie elles se révoltent parce qu'elles ne peuvent pas tolérer plus longtemps la pauvreté et l'humiliation. C'est une différence fondamentale. Il n'y a pas en Bosnie d'organisation ou de mouvement révolutionnaire, mais il y a en revanche toutes les autres conditions pour permettre le début d'un processus qui aurait une portée incommensurable pour l'ensemble du mouvement révolutionnaire en Europe. Il y a en Bosnie-Herzégovine les conditions pour commencer à construire un mouvement anti-impérialiste. Il ne semble cependant pas, hélas, y avoir une grande conscience de cela dans le mouvement marxiste-léniniste européen qui, et pas seulement dans l'exemple bosniaque, ne se situe même pas à la remorque des masses mais complètement à côté.

Peut-être les réponses du passé peuvent-elles être une partie des réponses d'aujourd'hui, pour comprendre la Bosnie-Herzégovine.

Lorsqu'on lui demandait pourquoi la révolution avait éclaté en Russie, l'écrivain Ilya Ehrenbourg répondait : "Peut-être parce que nous avions tellement de cœur, et si peu de pain".

PARTIJA RADA

2014

branioci tuzlezavno bihpartijarada

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14 mai 2014 3 14 /05 /mai /2014 08:54

 

2014-04-13-19-52-08-72636L'ironie du titre est bien sûr 100% fraternelle : c'est à travers des prises de conscience de ce type que la juste compréhension révolutionnaire des choses avance ; aucune situation révolutionnaire ne tombe du ciel "pure" contrairement à ce que croient les dogmato-gauchistes. De fait, la "République de Donetsk" fait transparaître là ses penchants idéologiques "eurasistes", "panslavistes" et grand-russes, idéologies dont la religion orthodoxe est un pilier.
Il faut d'ailleurs préciser que le terme de "république populaire" là-bas n'implique pas forcément une référence "communisante", et même plutôt le contraire : le régime nationaliste bourgeois anti-bolchévik de l'ancien menchévik Simon Petlioura, sous lequel furent massacrés près de 150.000 juifs et dont se réclameraient plutôt (pour le coup) les nationalistes de l'Ouest, portait ainsi ce nom (République populaire d'Ukraine).

Autre point (beaucoup plus immédiat et important) à signaler, l'organisation Borotba a été la cible ces derniers jours d'une dure vague de répression : http://borotba.org/ukraine-_junta_launches_repressions_against_borotba_activists_statement_of_the_union_borotba_struggle.html

Contre le tournant réactionnaire de la République populaire de Donetsk - Déclaration de l'Union Borotba

Borotba

http://democracyandclasstruggle.blogspot.fr/2014/05/against-conservative-turn-by-peoples.html

D'après l'ébauche de constitution de la République populaire de Donetsk (RPD) publiée dans la presse, la loi fondamentale du nouvel État s'apprêterait à inclure le Patriarcat orthodoxe de Moscou comme religion officielle.

L'Union Borotba proteste fermement contre l'institution d'une religion d’État dans la république créée par le peuple. Nous insistons sur l'intégration dans la constitution de la RPD de la liberté de conscience et de religion, la séparation de l’Église et de l’État et la séparation de l'école de l’Église. Cette norme démocratique est le résultat de la lutte de nombreuses générations de nos ancêtres contre le régime clérical réactionnaire et il était garanti par les lois de la République de Donetsk-Krivoy Rog, dont la RPD se considère l'héritière, ainsi que dans les constitutions de la RSFSR (Russie soviétique) et de l'URSS.

Patriarche Kirill et PoutineNous croyons qu'un État créé par le Peuple ne doit pas s'incliner devant les éléments cléricaux et imposer une religion publique obligatoire.

Tout aussi troublant dans l'ébauche de constitution est la disposition sur l'égalité entre toutes les formes de propriété, dans laquelle la propriété privée vient en tête de liste. Ne découle-t-il pas de l'expérience même de notre lutte que la grande propriété privée (oligarchie) a conduit le pays au désastre et à la décomposition ? Ne sont-ils pas, ces grands propriétaires privés, ceux-là mêmes qui ont financé et organisé les gangs néo-nazis et autres groupes qui sèment la terreur dans le Sud-Est ?

De notre point de vue, la priorité du nouvel État doit être la propriété nationalisée d’État et le contrôle ouvrier. Seul le Pouvoir populaire sur la richesse nationale et l'économie peut empêcher l'oligarchisme parasite.

La République populaire de Donetsk doit véritablement devenir un État socialiste. Sans cela, elle ne deviendra rien d'autre qu'une seconde édition de l'Ukraine que nous avons connue depuis 1991, le nationalisme ukrainien étant simplement remplacé par le nationalisme russe. L'Union Borotba conjure la RPD de ne pas suivre les forces cléricales réactionnaires soutenues par une minorité. Ceci mène droit à une voie sans issue : c'est le chemin de la défaite.

***************************** 

La réalité est que la République "populaire" de Donetsk ne "doit" et ne va pas "devenir" socialiste... La République "populaire" de Donetsk repose sur le Peuple en armes, sans lequel elle n'existerait certes pas, mais elle reste pilotée par la BOURGEOISIE russophone et pro-Poutine du Donbass : si l'on veut tracer (peut-être hâtivement) des parallèles historiques, s'être séparé du régime fasciste de Kiev revient à avoir renversé le Tsar, mais maintenant la "République populaire" est un régime à la Kerenski ! C'est aux forces communistes conséquentes sur place qu'il appartient de proclamer la République SOCIALISTE SOVIÉTIQUE du Donbass, le Pouvoir du Peuple, pour instaurer une situation de DOUBLE POUVOIR !!!

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12 mai 2014 1 12 /05 /mai /2014 12:01


Ce texte d'un militant intellectuel marxiste, opposant de gauche au régime de Vladimir Poutine, a été publié sur le site camarade Democracy & Class Struggle : http://democracyandclasstruggle.blogspot.fr/2014/05/donetsk-peoples-republic-and-russias.html

Il s'agit là pour nous de poursuivre notre travail d'enquête sur la situation dans ce pays qui fait la Une des JT quotidiens ; de donner un point de vue (venant du cœur de l'un des principaux protagonistes, la Russie) sur cette situation sans forcément en partager jusqu'à la moindre virgule.

Ce que dit le texte en substance : pour les progressistes et les antifascistes d'Ukraine qui luttent contre la junte de Kiev, la Russie de Poutine n'est pas un soutien fiable ; pas plus que ne l'étaient les impérialismes français ou anglais pour les antifascistes de l’État espagnol en 1936, l'URSS pour la révolution cubaine et d'autres révolutions autour du monde dans les années 1960 ou 1970, ou encore la même Russie de Poutine et la Chine ultra-capitaliste de Xi Jinping pour les peuples des pays "bolivariens" d'Amérique du Sud aujourd'hui. Il faut savoir compter sur ses propres forces.

kagarlVoici un article de Boris Kagarlitsky, intellectuel et dirigeant politique de la gauche russe. Nous en publions ces extraits afin d'essayer de saisir le caractère du mouvement populaire du Donbass (région de Donetsk, sud-est de l'Ukraine) et de montrer la peur du Kremlin face à un véritable mouvement de masse.       

Les politiciens occidentaux savent parfaitement qu'il n'y a pas d'invasion russe, et ceci est précisément le principal problème international pour eux. Admettre cela serait admettre que le gouvernement de Kiev est parti en guerre contre son propre peuple. Parler de la République populaire de Donetsk comme d'un phénomène politique indépendant leur est impossible : cela imposerait de poser la question des raisons de ce soulèvement populaire, et d'examiner ses revendications. Le discours sur les agents du Kremlin et les 'omniprésentes' troupes russes — impossibles à découvrir, mais ayant occupé près de la moitié de l'Ukraine sans tirer un coup de feu ni même se montrer sur le territoire ukrainien — joue contre la République de Donetsk un rôle exactement similaire à la propagande anti-bolchévique de 1917, avec ses histoires d'agents allemands et de financements par l’État-major du Kaiser.

La question ici n'est pas tant de discréditer les opposants au pouvoir en place, en les dépeignant comme des traîtres à leur pays, que de dissimuler l'essence de classe, la base sociale du mouvement qui s'est levé. Une peur à demi-inconsciente s'est emparée de l'opinion libérale, depuis les intellectuels et les politiciens jusqu'aux presque progressistes bourgeois bon teint, et les force à croire les divagations les plus flagrantes, à répéter les plus manifestes âneries du moment que la lutte de classe n'est pas mentionnée ni même envisagée de quelque sérieuse manière. La lutte de classe c'est-à-dire, non pas comme celle décrite dans les ouvrages appris par cœur ou dépeinte par le cinéma d'avant-garde, mais comme celle qui existe dans la vraie vie et qui y devient un fait politique pratique. (...)

Bien plus importantes que les ressemblances entre les deux mouvements [de Maïdan et de Donetsk], sont les différences.

628x471Les distinguos essentiels à faire ne sont pas même idéologiques, bien que la comparaison entre les slogans dominants (fascistes dans le cas de Maïdan, revendications sociales accompagnées au chant de L'Internationale dans le cas de Donetsk) mérite incontestablement d'être faite. Les différences idéologiques reflètent en dernière analyse les différences fondamentales de nature sociale et de base de classe des deux mouvements. Bien entendu, la révolte du Sud-Est n'est pas simplement la négation de Maïdan mais aussi son résultat et sa continuation, tout comme Octobre 1917 était à la fois le résultat et la continuation de Février et sa négation. La caractéristique d'une crise révolutionnaire, une fois qu'elle a échappé à tout contrôle, est d'attraper dans son orbite de nouvelles couches de la société, des groupes et des classes qui n'y avait pas pris part auparavant.

Il faut reconnaître que l'expérience de Maïdan n'a pas atterri à la poubelle. En se soulevant contre les autorités de Kiev, les habitants du Sud-Est ukrainien ont repris les mêmes méthodes par lesquelles les radicaux d'extrême-droite ont forcé le précédent régime à se soumettre à leur volonté. Les manifestations de rue ont évolué rapidement vers l'occupation des bâtiments administratifs. Mais les activistes de Donetsk et Luhansk, refusant de se limiter à la prise de ces bâtiments, ont annoncé la création de leurs propres républiques populaires. Tandis qu'à la mi-avril la République de Luhansk restait largement un slogan du mouvement de masse, à Donetsk elle a bientôt pris le tour d'un pouvoir alternatif. La prise des postes de police locaux et d'autres installations étatiques a aidé à cela. Certaines de ces occupations ont été le fait de la foule révoltée, mais dans beaucoup de cas des groupes armés disciplinés ont été impliqués : anciens membres des forces spéciales de police Berkut et d'autres forces de sécurité ukrainiennes qui ont été démises par le nouveau gouvernement de Kiev ou ont déserté (certaines unités ont quitté le service en tant que telles, avec armes et munitions).

La propagande officielle de Kiev a répondu en décrivant les anciens officiers de leurs propres forces de sécurité comme des forces spéciales russes spetsnaz. Mais parmi la population du Sud-Est, aux sympathies pro-russes marquées, ces accusations n'ont pas servi à discréditer la révolte mais ont au contraire eu l'effet d'un panneau publicitaire en sa faveur. Le plus les autorités 74084395 adf38118-34b6-48ed-b9ff-942f357ee9c5de Kiev et leurs partisans parlaient d'intervention directe et même d'"occupation" russe dans la région, le plus les gens des localités concernées rejoignaient le mouvement.

Le principal détonateur de la révolte, cependant, n'a pas été les sympathies pro-russes de la population locale, ni même l'intention affichée des dirigeants de Kiev d'abroger la loi donnant au russe le statut de "langue régionale". Le mécontentement s'est longuement développé dans le Sud-Est, et la goutte d'eau qui a fait déborder le vase a été l'aggravation dramatique de la crise économique qui a suivi le changement de gouvernement à Kiev. Après avoir signé leurs accords avec le FMI, les autorités ont décrété des augmentations brutales dans les tarifs du gaz ou de la santé, et une explosion sociale est devenue inévitable.  Dans l'Ouest du pays et dans la capitale, l'indignation grandissante a pu être canalisée pour un temps grâce à la rhétorique nationaliste et à la propagande anti-russe. Mais appliquée aux habitants de l'Est, cette méthode a eu l'effet inverse. En tentant d'éteindre le feu dans l'Ouest, les autorités ont jeté de l'huile dessus dans l'Est.

L'avenir de la République de Donetsk demeure indécis, et ceci représente une immense opportunité historique dont on ne trouvait pas la moindre trace lors des manifestations de Maïdan, dont les leaders n'étaient pas toujours capables de contrôler la foule mais gardaient ferme et effectif le contrôle de l'agenda politique.

Au contraire, la République de Donetsk formule son agenda par en bas, littéralement au fil de l'eau, en réponse à l'état d'esprit de la population et au cours des évènements. Strictement parlant cette république n'est pas vraiment un État, mais plutôt une coalition de différentes localités, pour la plupart auto-organisées. En fait, elle est la parfaite incarnation du concept anarchiste d'ordre révolutionnaire [Servir le Peuple oserait ici un autre parallèle historique : cette "République de Donetsk" a définitivement quelque chose de "l'utopie pirate" de Fiume (Rijeka) avec D'Annunzio en 1919, dans ses aspects "plébéiens" égalitaristes/socialisants et ses aspects nationalo-chauvinistes militarisés, aux idées parfois détestables du style "l'Adriatique est un lac italien" et les populations slaves présentes n'ont rien à faire là ; bref dans sa "radicalité" potentiellement porteuse du meilleur (mobilisation/conscience révolutionnaire) comme du pire (fascisme) : de fait plus ou moins la moitié des Arditi de 1919 (de Fiume et d'ailleurs en Italie) s'engageront dans les Chemises Noires de Mussolini et l'autre moitié dans la résistance armée contre celui-ci (l'on trouvera notamment parmi eux Alceste De Ambris, syndicaliste révolutionnaire co-rédacteur de la "Charte du Carnaro" - la "constitution" de Fiume) ; tandis que D'Annunzio salué alors par Lénine comme le "seul véritable révolutionnaire d'Italie" deviendra un soutien "anticonformiste" du régime mussolinien, mais un soutien quand même...].

946766770Curieusement, les anarchistes en question refusent d'avoir quoi que ce soit à voir avec elle, préférant répéter comme des perroquets la rhétorique patriotique d’État des nouveaux maîtres de Kiev.

Il n'est pas difficile de comprendre que les raisons pour lesquelles l'auto-organisation de la République de Donetsk fonctionne relativement bien sont que l'ancien appareil administratif continue à expédier les affaires courantes comme si rien de particulier n'était arrivé, tandis que les questions de gouvernement se résument à organiser la défense. Mais ceci est-il tellement différent de la Commune de Paris (non pas la Commune idéalisée et romancée d'aujourd'hui, mais celle qui a concrètement existé) ? Si la République populaire de Donetsk survit plus longtemps, elle sera inévitablement amenée à se transformer, et il est loin d'être sûr que ce sera pour le meilleur. Mais en livrant actuellement sa première bataille, elle a déjà démontré un grand potentiel d'auto-organisation des masses. Des personnes sans armes ont réussi à stopper des unités de l'armée ukrainienne et même à mener l'agitation auprès des soldats, repoussant l'opération "antiterroriste" lancée par Kiev. Cette résistance pacifique ne sera pas purement et simplement enterrée dans l'histoire, mais deviendra un élément important de l'expérience sociale collective des travailleurs russes et ukrainiens.

Donetsk dans l'ombre de Moscou

Ce n'est un secret pour personne que les masses en rébellion du Sud-Est de l'Ukraine ont pu compter sur le soutien de Moscou. Agitant les drapeaux tricolores russes et scandant des slogans sur leur amour de la Russie, elles ont sincèrement espéré amener l’État frère de leur côté. Cet espoir a uni des personnes qui rêvent d'unification avec la Russie, d'autres souhaitant plutôt une Ukraine fédérale, et d'autres encore espérant simplement que la Russie les défendrait contre la répression de Kiev. Mais dès le début, les officiels de Moscou ont tenu un discours ambigu sur les évènements. Tout en soutenant clairement un mouvement dirigé contre le gouvernement ouvertement hostile de Kiev, ils sont tout sauf prêts à sponsoriser une révolution populaire quand bien même celle-ci servirait à étendre le territoire russe. Les fonctionnaires du Kremlin ne goûtent guère l'idée d'accueillir comme nouveaux citoyens une masse de population rebelle organisée, souvent armée et habituée à lutter activement pour ses droits. Ceci est imageparticulièrement vrai dans le contexte de crise sociale et économique grandissante en Russie même. Les révolutions parfois s'exportent, mais il existe peu de dirigeants d’État qui souhaitent en importer une.

Moscou n'a jamais voulu conquérir l'Ukraine ni la démembrer. Non pas parce que le Kremlin respecterait les intérêts d'un État voisin, mais tout simplement parce que la direction russe n'a aucun plan stratégique. Deux concours de circonstances ont exacerbé la situation. Dans le premier cas, il s'est avéré impossible de consolider les résultats obtenus en Crimée. L'annexion de la Crimée à la Russie a été indiscutablement improvisée, non tant du côté de Moscou que des élites criméennes qui ont réagi au changement de situation et l'ont exploité pour servir leurs intérêts. Mais une fois la Crimée annexée, la principale tâche pour la diplomatie russe est de défendre l'acquisition. Ceci implique en partie de sacrifier les intérêts du Sud-Est ukrainien. Dans le même temps, la société russe, contrairement à l'intelligentsia libérale, a massivement soutenu les insurgés de Donetsk ce qui a mis le Kremlin dans une situation très difficile : encourager ouvertement un tel mouvement signifierait diffuser une culture de résistance et de révolte dans les masses mais un brutal changement de cap, impliquant un refus de soutenir les rebelles, serait également risqué : l'esprit patriotique cultivé par les autorités russes elles-mêmes pourrait prendre un caractère de contestation. 

Dans une telle situation, la politique du Kremlin est nécessairement ambigüe et contradictoire ; mais nous avons assisté à un curieux moment de vérité avec l'accord signé par la Russie, l'Ukraine et l'Ouest à Genève le 17 avril. De prime abord tout semblait absolument propre et conventionnel : appels à la réconciliation, désarmement et concessions mutuelles. Mais avant même le début de la rencontre, soi-disant pour des raisons techniques, la partie russe renonça à sa demande que des représentants du Sud-Est de l'Ukraine prennent part aux discussions.

2014-04-13-19-52-08-72636Il a été affirmé plus tard que la délégation russe à Genève avait représenté le point du vue des organisations de l'Est ukrainien, en particulier le Parti des Régions et autres structures oligarchiques. La République populaire de Donetsk, seule force réellement capable d'unir la population et de contrôler la situation au niveau local, n'a pas même été mentionnée.

Le texte de la résolution finale indiquait clairement que Moscou ne s'opposera pas à la liquidation de la République de Donetsk : "Parmi les étapes dont nous appelons à la mise en œuvre, se trouvent les suivantes : toutes les organisations armées illégales doivent être désarmées, tout bâtiment occupé illégalement doit être retourné à ses détenteurs légitimes, tous les rues, les places et autres lieux publics occupés en Ukraine doivent être dégagés. Un amnistie devra être mise en place pour tous les protestataires, à l'exception de ceux ayant commis de graves crimes".

Il apparaît clairement que l'idée principale qui sous-tend le document et a uni ses différents signataires est le refus de reconnaître la République de Donetsk comme un fait politique. Ce point faisait consensus et a servi de base réelle au pacte. La sous-section sur le désarmement des "formations illégales" a été rédigée de manière calculée pour complaire aux autorités de Kiev. Sur le principe, la sous-section propose le désarmement des deux bords. Mais le gouvernement de Kiev va forcément conserver, comme tout gouvernement, ses forces armées et de sécurité ; tandis que la République de Donetsk n'a pas d'autre formation armée que sa milice "illégale". Lavrov a déclaré plus tard que par "formations illégales" il avait également la Garde nationale ukrainienne à l'esprit, mais ceci n'apparaît nulle part dans le texte de l'accord. Le côté ukrainien et l'Occident pourront interpréter l'accord différemment et, en termes juridiques, cela sera parfaitement correct : la Garde nationale a été mise en place par une décision officielle du gouvernement avec l'accord de la Rada [Assemblée] suprême ukrainienne. Tandis que concernant les centuries "sauvages" et les éléments du Secteur Droit qui n'ont pas encore 140315231140-ukraine-donetsk-pro-russia-rally-scenes-from-tété incorporés à la Garde nationale, le gouvernement de Kiev rêve lui-même de les désarmer, étant donné que des problèmes commencent à surgir avec eux.

Plus importante encore est la demande de libérer les bâtiments occupés et de démonter les barricades dans les rues et sur les places. Si cette stipulation est satisfaite, cela signifiera tout simplement l'auto-liquidation des républiques de Donetsk et Luhansk et le retour à leurs postes des administrateurs nommés par Kiev ; en dépit du fait que ce sont précisément ces nominations qui ont provoqué le soulèvement. Pour gouverner les provinces du Sud-Est, Kiev a désigné des oligarques haïs par le peuple étant donné qu'ils cumulent l'autorité politique avec leur pouvoir économique.

Il est notable que ce point ne fait l'objet d'aucune concession en contrepartie [côté Kiev et Occident]. Rien n'est dit, par exemple, au sujet d'un abandon officiel par Kiev de sa campagne soi-disant "antiterroriste" dans l'Est, et il n'est pas plus suggéré que les unités militaires soient retirées vers leurs lieux de cantonnement habituel. Ceci serait pourtant parfaitement logique, vu l'échec évident des opérations et l'état de décrépitude de l'armée.

En somme, Moscou a signé un accord proposant au soulèvement de capituler en échange d'une vague promesse de processus constitutionnel "ouvert" et "inclusif", et n'a même pas proposé des pourparlers directs avec les insurgés ! Naturellement, les représentants ukrainiens n'ont été appelés à donner aucun engagement clair sur la manière dont ces réformes seraient engagées.

Les diplomates russes étaient tellement pressés de signer l'accord de Genève avec Kiev qu'ils ne se sont même pas embarrassés de demander le retrait de la scandaleuse interdiction d'entrer en Ukraine pour les citoyens russes de sexe masculin, en dépit du fait que cette interdiction contredise toutes les normes internationales et cause une violation flagrante des droits humains, ce que les négociateurs russes auraient dû pointer du doigt en présence des représentants occidentaux.

5350-05-donetsk1Les autorités de Kiev n'ont pas perdu de temps pour profiter des opportunités qui leur étaient données. Le Premier ministre Arseni Iatseniouk a commencé à déverser les menaces sur les rebelles de Donetsk et Luhansk, exigeant leur reddition immédiate et se référant à l'accord de Genève, dans le cadre duquel la Russie aurait été "forcée à condamner l'extrémisme".

L'arrestation de Constantin Doglov, l'un des leaders de la coalition de centre-gauche Unité populaire à Kharkov, les attaques du Secteur Droit sur les checkpoints de la République de Donetsk et les actes de répression contre les activistes qui ont immédiatement suivi la signature de l'accord confirment que Kiev n'a jamais eu à l'esprit le moindre dialogue démocratique ni le moindre règlement pacifique du conflit. Quand bien même le gouvernement de Turchinov et Iatseniouk aurait été prêt à faire des concessions, il en aurait été empêché par les nationalistes radicaux, sans le soutien desquels il ne peut pas rester en place.

De leur côté, les dirigeants de la République de Donetsk ont déclaré qu'ils étaient heureux de voir l'expression, dans l'accord de Genève, d'un "changement de position des pays de l'Ouest vis-à-vis des évènements" ; mais que leurs représentants n'ayant pas été invités à la rencontre et n'ayant pas signé le document, ils ne se considéraient pas liés par celui-ci : "Nous sommes forcés de constater que notre avertissement concernant l'absence de valeur et l'absurdité politique d'un dialogue 'pan-ukrainien' excluant la participation des représentants de l'Est du pays et de la République populaire de Donetsk s'est avéré totalement justifié. Ignorer la volonté populaire du Donbass a eu un triste mais prévisible résultat : le résultat des discussions ne peut être qualifié autrement que d'ensemble d'appels vains et incohérents, impossibles à réaliser en pratique, dictés par quelques obscurs personnages à une population jamais nommée et devant être mis en œuvre sur une période indéterminée et par des moyens inconnus. Ces appels ne sont le reflet ni de la réalité politique actuelle ni de la nouvelle situation institutionnelle qui Pro-Russian-activists-out-008a émergé depuis la proclamation de la République populaire souveraine de Donetsk, sur le territoire de laquelle n'opèrent aucunes forces institutionnelles".

L'accord de Genève ne sera jamais appliqué. Comment qui que ce soit pourrait-il forcer des gens à accepter un tel accord, lorsque ces gens ont tout juste commencé à prendre conscience de leur force ? Lorsque des chars d'assaut prennent leurs jambes à leur cou et s'enfuient ? Lorsque des colonnes militaires sont arrêtées par de simples sifflets et insultes ? Ces gens ne vont pas abandonner leurs positions simplement parce que des messieurs importants à Genève, sans demander l'avis de personne sur le terrain, ont pris sur eux de décider du sort des autres.

Pour quiconque ayant eu, à Donetsk ou Luhansk ou Odessa ou Kharkov (ou même Kiev), quelques espoirs que la Russie de Poutine résolve tous les problèmes par son intervention, les récents évènements auront été une amère déception. Mais cette déception ne peut en réalité que profiter au mouvement. La révolution ne doit pas seulement compter sur ses propres forces : elle a DÉJÀ suffisamment de force pour être couronnée de succès. C'est particulièrement vrai du fait que sans considération aucune pour la position du Kremlin, la sympathie de la société russe reste du côté du peuple insurgé de ce pays frère.

La Russie étant elle-même concernée, les couches dirigeantes risquent de rester coincées dans l'ornière qu'elles ont patiemment creusée elles-mêmes. En capitulant sur la question ukrainienne, elles retourneraient contre elles-mêmes les sentiments patriotiques qu'elles ont attisés de toutes les manières possibles tout au long des derniers mois.

Aucun fait, bien sûr, ne convaincra jamais les personnes qui considèrent Poutine comme un chevalier sans peur et sans reproche ou, à l'opposé, comme un affreux méchant de conte de fées. Mais ces personnes, bien que spammant 70% de l'internet avec leurs divagations, sont tout sauf une majorité...

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Source et article complet : http://links.org.au/node/3838

Cet article et la situation en Ukraine dont il traite appellent de notre part les réflexions générales suivantes :

- Nous sommes revenus au début du 20e siècle ce qui signifie qu'en dehors de quelques cas de Guerres populaires (Asie du Sud, Philippines, ce qu'il en reste au Pérou ou en Turquie) et de luttes de libération relativement oubliées (Delta du Niger), tout évènement conflictuel dans le monde a principalement un aspect inter-impérialiste : si le conflit n'est pas piloté dès le départ par l'affrontement entre puissances et/ou 'blocs' impérialistes (comme c'est le cas en Ukraine), il le devient au bout de quelques semaines ou mois (Libye, Syrie) dès lors qu'une solution de "tout changer pour que rien ne change" (Tunisie, Égypte) n'a pas été trouvée par l'oligarchie locale et la "communauté internationale" impérialiste.

- Les évènements potentiellement intéressants pour nous communistes sont forcément secondaires ; forcément à rechercher AU-DESSOUS de cet aspect principal ; et généralement de nature ambivalente et contradictoire. Si nous nous arrêtons à l'aspect inter-impérialiste et inter-réactionnaire principal, nous ne pouvons pas les voir ; exactement comme quelqu'un qui se serait arrêté à l'affrontement entre l'Allemagne du Kaiser (avec ses alliés austro-hongrois et turcs) et les impérialistes franco-britanniques avec leur allié russe, pendant la Première Guerre mondiale, n'aurait pas pu voir la naissance de la Guerre de Libération irlandaise ou de la Guerre de Libération arabe (au Machrek) qui se poursuivent encore au jour où nous écrivons, ni même de la Révolution bolchévique ("coup" des Allemands selon la propagande de la bourgeoisie russe et des Alliés). Nous sommes comme face à un lac gelé dont il faut briser la glace pour aller voir sous la surface.

- Nous devons savoir évaluer les résultats concrets d'une action concrète en dépit des intentions et motivations idéologiques premières de leurs initiateurs, étant donné le flou artistique idéologique dans lequel le grand reflux du mouvement communiste international (1975-2000) a plongé les choses. Ceci est typiquement le cas dans l'Est et le Sud de l'Ukraine mais peut aussi s'appliquer aux "Bonnets rouges" (mouvement des ouvriers et des paysans bretons de l'automne 2013) ou aux Forconi du Mezzogiorno italien, ou encore à la victoire psychologique du Hezbollah libanais sur l'entité sioniste en août 2006 (immense victoire pour tout le Peuple arabe du Machrek). Comme l'explique magistralement le Comité Anti-Impérialiste dans un excellent texte, rappelant ni plus ni moins que les fondamentaux du marxisme, "dans une situation d’oppression, les idées qu’ont en tête ceux qui résistent ne constituent pas la question principale : ce qui compte c’est ce qu’ils font. Tel est le point de vue du matérialisme historique comme l’a magnifiquement montré Engels dans La guerre des paysans en Allemagne".

- Nous ne devons pas pour autant oublier les intentions et revendications légitimes premières sous prétexte que le résultat concret d'un mouvement est négatif : ceci s'applique à la Syrie mais peut aussi s'appliquer au mouvement EuroMaïdan de l'hiver dernier en Ukraine, ou ici en Hexagone aux mouvements populaires (colonisés intérieurs) de rejet de l'idéologie républicarde dominante et de ses "religions" ("laïcité", "Lumières", Droits de l'Homme BLANC, soutien indéfectible au sionisme en manipulant honteusement la mémoire de la Shoah) quand bien même ils déboucheraient sur des positions politiques réactionnaires comme le dieudonnisme ou le salafisme antisémite assassin d'un Mohamed Merah.

- Nous ne devons pas ignorer les résultats positifs mineurs d'évènements concrets sous prétexte que les résultats négatifs prédominent : cette prédominance est certes une réalité à court terme, mais les aspects positifs aujourd'hui mineurs peuvent être les "graines" de développements ultérieurs très positifs à moyen et long terme. Nous ne devons pas oublier que les classes dominantes (bourgeoisies impérialistes, oligarchies expansionnistes régionales et bureaucrates-compradores locaux) "font" peut-être l'histoire dans l'immédiat, mais que les masses font l'histoire sur la longue durée.

- Nous devons (ré)apprendre à analyser les évènements mondiaux dans TOUTE LEUR COMPLEXITÉ. Nous devons rejeter les dogmatiques et les révisionnistes qui veulent, vers tous les Orients compliqués de la planète, "voler avec des idées simples". Nous devons nous débarrasser des vieilles habitudes de la Guerre froide ce qui signifie ne pas se faire les thuriféraires aveugles des impérialismes russe et chinois, des "BRICS", de l'expansionnisme iranien ou de l'ALBA cubano-vénézuélienne dans lesquels certains cherchent à voir désespérément le bloc pseudo-"socialiste" soviétique dont ils sont orphelins, mais aussi ne pas "clôturer" les dossiers internationaux d'un revers d'un main sur un simple "c'est un affrontement inter-impérialiste entre factions locales bureaucratiques-compradores fascistes", comme c'était "tout simplement" hier "l'impérialisme occidental contre le social-impérialisme de Moscou" : ce maoïsme-là est précisément un maoïsme qui n'est pas sorti des réflexes de la Guerre froide (typiquement le maoïsme péruvien "pensée Gonzalo" de ce qu'il reste du PCP, et ses partisans internationaux). Les masses en mouvement sont le facteur historique déterminant en dernière instance et la révolution prolétarienne mondiale est inéluctable, quand bien même sembleraient prédominer pour le moment les manœuvres des impérialistes, des expansionnistes régionaux et des clans oligarchiques concurrents : JAMAIS ceux-ci ne pourront contrôler éternellement TOUTES les mobilisations de masse qu'ils auront suscitées. Dans la "matière brute" des forces révolutionnaires mondiales de demain se trouvent actuellement des partisans de la "République de Donetsk", de Nicolas Maduro au Venezuela ou du président déchu Zelaya au Honduras autant que des partisans déçus d'EuroMaïdan à Kiev ou de la révolte populaire initiale en Syrie. En dehors des quelques Guerres populaires sous la conduite d'un Parti communiste maoïste comme en Inde, nous sommes à l'heure de la crise générale du capitalisme, de ses conséquences socialement destructrices et parfois guerrières-meurtrières pour les masses et des RÉSISTANCES à cela, des "radicalités" populaires et des "utopies pirates" bourrées d'ambivalences comme cette République du Donbass qui fait tant penser au Fiume de D'Annunzio en 1919 ; "radicalités" mathématiquement porteuses d'autant de fascisme que de réformisme démocratique bourgeois... ou de conscience révolutionnaire ; tout dépendant du rôle que pourront et sauront jouer les forces révolutionnaires marxistes avancées dans l'affaire.  

C'est cela, être des matérialistes dialectiques. Libre à qui le souhaite de nous traiter d'opportunistes... et BONNE CHANCE pour faire la révolution du haut de leur groupuscule "gardien du Temple" de la "Vérité révolutionnaire", qui sera sans doute (n'en doutons point !) rallié spontanément et in extremis par des masses qu'ils auront couvertes d'injures jusque-là !

 

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5 mai 2014 1 05 /05 /mai /2014 14:09


L'affaire évoque un "Oradour-sur-Glane miniature" où plus de 40 personnes (militant-e-s progressistes/antifascistes et/ou pro-russes contre le nouveau régime de Kiev, mais surtout progressistes/antifascistes dans cette région...) ont atrocement trouvé la mort. Signe de l'atmosphère de terreur fasciste et de guerre civile réactionnaire fratricide qui s'est emparée du pays depuis la chute du régime corrompu de Ianoukovitch ; au moment même où les affrontements font rage dans l'Est pro-russe, où l'impérialisme du Kremlin joue lui aussi ses cartes...


Terreur nazie à Odessa : plus de 40 mort-e-s, des centaines de blessé-e-s

Borotba

Le 2 mai, sous le prétexte d'une soi-disante marche "Pour l'unité de l'Ukraine" (le même jour que le match de foot entre le Tchernomorets d'Odessa et le Metalist Kharkov), des escadrons paramilitaires de nationalistes ukrainiens ont été amenés à Odessa de tout le pays. Ils sont arrivés par bus et par train. Dès le départ, alors qu'ils commençaient à se rassembler sur le square de Sobornaya, on a pu voir parmi les traditionnels hooligans d'extrême-droite beaucoup de paramilitaires bien équipés : boucliers, casques, battes et autres armes contondantes voire à feu. La plupart, des hommes d'environ 30 à 40 ans, n'étaient manifestement pas des supporters de football. Certains portaient des boucliers où était écrit "14e centurie d'autodéfense de Maïdan". Ces paramilitaires nationalistes ont été la principale force de frappe du massacre d'habitants d'Odessa sur le "pôle de Kulikovo".

030314 borotbaAu total, plus de 1.000 nationalistes ont participé à la marche et au massacre qui a suivi. Les habitants d'Odessa étaient une minorité parmi eux, tandis que la majorité étaient des paramilitaires d'extrême-droite amenés là ensemble. Ils étaient reconnaissables en particulier au dialecte (non typique de la région d'Odessa), certains d'entre eux reconnaissant et disant même ouvertement d'où ils venaient. Les supporters locaux du Tchernomorets d'Odessa ont quitté la marche lorsque les affrontements ont débuté : ils étaient seulement là pour la marche traditionnelle vers le stade et lorsqu'ils ont réalisé que des "visiteurs" et des provocateurs voulaient les conduire à frapper les habitants de la ville, la majorité d'entre eux (identifiables à leurs écharpes bleues et noires du club) a immédiatement quitté la soi-disante marche "pacifique".

Au même moment, les "militants d'importation" ne se rendaient pas au stade. Leur but était de terroriser les habitants de la ville et de déchaîner la violence contre les activistes du mouvement d'opposition à la junte de Kiev. L'action des nationalistes n'a nullement eu, dès le commencement, un quelconque caractère pacifique ; ce qui s'explique vu le massacre qu'ils préparaient.

Il n'y avait que peu de policiers, bien que le personnel de la seule police locale d'Odessa eut été capable de contrôler une foule d'un millier de personnes et, par conséquent, d'empêcher les pogroms et les meurtres. Il s'est avéré que la majorité des effectifs avait reçu l'ordre de garder le bâtiment administratif du Ministère de l'Intérieur. Par conséquent, la ville entière a été livrée aux mains des paramilitaires néo-nazis. Ceci n'est pas surprenant lorsque l'on connait les liens anciens et étroits de l'actuel Ministre de l'Intérieur, Arsen Avakov, avec les groupes néo-nazis - y compris le "Secteur Droit".

Tandis que la colonne de nationalistes remontait la rue Grecheskaya, quelques militants (200-250 personnes) de la milice locale d'Odessa ont tenté de lui barrer la route. Mais très vite ils se sont retrouvés sous une volée de jets de pierres, de bouteilles et de grenades assourdissantes. Des coups de feu ont éclaté. Le camarade Ivan de Borotba a reçu une balle dans le ventre par une arme de guerre... Les militants et activistes de la milice d'Odessa ont alors tenté de s'échapper par le centre commercial "Athena" situé dans le Quartier grec. La foule de web ukr odessa--672x359nationalistes d'extrême-droite a alors crié haro sur eux. Les paramilitaires ont commencé à préparer des cocktails molotovs afin de mettre le feu au centre commercial avec les membres de la milice d'autodéfense barricadés à l'intérieur. Des policiers ont alors sauvé la vie des activistes en amenant leurs véhicules directement à l'entrée du centre commercial.

Les nationalistes sont alors remontés jusqu'au "pôle de Kulikovo" où se trouvait le campement des opposants à la junte de Kiev. Des militants de Borotba, aux côtés d'autres activistes et de simples habitants d'Odessa, étaient à la tâche dans le campement. Au total environ 200 personnes étaient là et plus de la moitié étaient des femmes ou des personnes âgées.

Les néo-nazis ont alors commencé à bombarder le chapiteau de cocktails molotovs et l'ont réduit en cendres. Les militants du campement ont été forcés à battre en retraite dans le bâtiment tout proche de la Maison des Syndicats.

Afin de tuer le maximum d'Odessites, les fascistes ont alors mis le feu au rez-de-chaussée de l'édifice. Le feu s'est répandu très rapidement dans le bâtiment.

Des personnes ont commencé à sauter par les fenêtres des étages supérieurs pour tenter d'échapper aux flammes, mais une fois au sol elles étaient rouées de coups par les paramilitaires nationalistes. Notre camarade (membre de Borotba) Andrew Brazhevsky a ainsi trouvé la mort. Le député au Conseil régional (et ami du dirigeant de Borotba à Odessa Alexeï Albu) Viatcheslav Markin a 10299172 813884311973362 2891681924930624601 négalement été tué de la sorte après avoir sauté par la fenêtre. Plus de 40 activistes ont ainsi péri brûlés vifs, asphyxiés par les fumées ou tués par les nazis en tentant de s'échapper du bâtiment en feu. Par chance, un certain nombre de nos camarades a réussi à s'échapper sain et sauf. Certains, y compris le dirigeant de Borotba Odessa et élu au conseil municipal Alexeï Albu, ont été sévèrement frappés à coups de battes et de pieds. Ils souffrent de nombreuses contusions, fractures et blessures à la tête.

Le massacre d'Odessa a été organisé par la junte de Kiev afin d'intimider la population mécontente du nouveau régime et de liquider ceux qui le combattent activement. Le fait que les militants d'extrême-droite soient venus en nombre et très bien équipés en est la preuve ; et l'inaction de la police d'Odessa ou encore la simultanéité des évènements avec l'opération "anti-terroriste" à Slaviansk concordent également en ce sens.

La junte de Kiev est ouvertement en pleine fuite en avant dans la violence et le carnage contre ses opposants. Et les instruments de cette violence aveugle sont les militants néo-nazis, ceux-là mêmes qui travaillent en lien étroit avec la police secrète, qui sont bien armés et financés par l'oligarchie.

Le massacre d'Odessa montre que le régime des nationalistes et des oligarques de Kiev est en marche à vitesse grand V vers la dictature terroriste ouverte de type fasciste.

Le Conseil de Borotba, 3 mai 2014 

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Lire aussi : http://www.secoursrouge.org/Ukraine-Un-ancien-prisonnier

Ukraine : Un ancien prisonnier politique blessé à Odessa

Les affrontements entre fascistes et nationalistes ukrainiens d’une part, militants pro-russes et antifascistes d’autre part ont débouché sur un massacre à Odessa. Les nationalistes ukrainiens ont mis le feu à la Maison des Syndicats, où s’entassaient leurs opposants. 31 personnes sont mortes des suites d’une intoxication à l’oxyde de carbone ou en sautant par les fenêtres, parmi lesquelles des militants connus de la gauche révolutionnaire ukrainienne comme Andrew Brazhevsky, membre du mouvement Borotba.

Un ancien prisonnier politique, Alexandre Gerasimov, a été quant à lui gravement brûlé. Alexandre Gerasimov était l'un des 12 militants de l’Union de la Jeunesse Communiste Léniniste [NDLR dont des éléments rejoindront ensuite Borotba en 2011] arrêtés à Odessa en 2002 [NDLR donc sous la présidence de Leonid Koutchma, mentor politique de Ianoukovitch], parmi lesquels quatre Russes, sept Ukrainiens et un Moldave, qui avaient développé une organisation clandestine révolutionnaire dans cette région à grandes concentrations ouvrières multinationales, dans le but de fonder une République soviétique de la Mer Noire. Alexander Gerasimov était resté détenu plusieurs années en Ukraine.

http://www.secoursrouge.org/local/cache-vignettes/L164xH164/gerasimov-d9cce.jpg
Alexandre Gerasimov

Aujourd’hui, la foule a pris d’assaut le siège de la police d’Odessa et libéré 67 personnes, antifascistes et/ou pro-Russes, détenus par la police ukrainienne.

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Dans la fureur ethno-chauvine - impulsée par les rivalités impérialistes - qui s'est emparée de l'Ukraine, Odessa à la longue histoire de brassage multiculturel et de luttes sociales et révolutionnaires (cuirassé Potemkine et soulèvement en soutien à celui-ci, mutineries de la Mer Noire, agitation révolutionnaire tout au long des 20 dernières années du tsarisme etc.) apparaît de plus en plus clairement, telle Sarajevo en Yougoslavie, comme un symbole à abattre.

Ukraïna : une expression géographique ("frontière" en russe), DEUX NATIONALITÉS principales ("novorusse"/"cosaque" et ruthène)*, une dizaine de plus petites (Tatars de Crimée et du Sud-Est, Hongrois, Slovaques, Roumains et Moldaves du Sud-Ouest, Turcs, Grecs, Juifs ashkénazes de l'Ouest ou criméens du Sud-Est, Rroms etc.) et DEUX VOIES : la guerre fratricide de mercenaires sur le "Grand Échiquier" du repartage impérialiste du monde ; ou l'Unité démocratique des Peuples contre tous les oligarques, capitalistes et impérialistes de tous bords pour instaurer le Pouvoir populaire !


[* Cette question de "Novorussie"/"Novorusses" a été très largement débattue, et non sans raisons. En effet, les cartes "ethnographiques" tendent à montrer que les véritables Russes (selon, sans doute, l'ancienne classification soviétique des nationalités) ne sont majoritaires qu'en Crimée (~ 60%) et dans quelques raïons (districts) du Donbass, de la région de Kharkov ou encore proches de la Moldavie (Boudjak). Mais alors, sur quoi (diable) repose donc cette (fichue) identité "novorusse" du Sud et de l'Est de l'Ukraine ? Eh bien, elle repose peut-être précisément sur cela : ni les Russes, ni les Ukrainiens ni qui que ce soit d'autre (Bulgares, Tatars, Roumains/Moldaves, Gagaouzes etc.) ne représentent une écrasante majorité de 90% ou plus dans ces régions. La caractéristique locale est justement le multiethnisme.

Le bandérisme, cet ultra-nationalisme ukrainien fondé sur une "pureté" ethnique ukrainienne "plus-vraie-que-vraie", n'y fonctionne donc pas (sans même parler du fait que sa collaboration passée avec le nazisme, dans des régions martyres de la guerre d'extermination lancée par Hitler contre l'URSS, ne plaide pas en sa faveur...). Des idéologies au service de l'impérialisme russe telles que l'"eurasisme", le "panslavisme" (unité plus ou moins fédérale de tous les Peuples slaves) ou encore un certain "néo-soviétisme" peuvent y fonctionner - et de fait y fonctionnent ; mais le bandérisme, la population du Sud et de l'Est de l'Ukraine le vomit. Si l'Ouest (à 90 ou 95% ukrainien "ruthène") en veut, "tant mieux" pour lui ; mais au Sud et à l'Est on n'en veut pas, c'est ainsi.

On notera que cette culture de coexistence nationale s'accompagne généralement d'un usage de la langue russe comme lingua franca ou plus localement (surtout le long du Dniepr - en orange sur cette carte) d'un dialecte populaire mêlant russe et ukrainien, le sourjyk ; d'où la confusion qui tend à s'installer entre russophones (notion linguistique), "pro-russes" (notion politique) et "Russes" au sens de la classification soviétique des nationalités (notion "ethnique"). La carte de l'usage principal du russe dans la vie quotidienne, ou encore celle des partisans de sa co-officialité (aux côtés de l'ukrainien) montrent ainsi des réalités notablement différentes de celle des pourcentages de Russes "ethniques".]


1MaiBorotbaurl 

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17 avril 2014 4 17 /04 /avril /2014 12:41

 

Nous vous livrons ce communiqué dans notre rôle d'INFORMATION sans forcément en partager toute la tonalité qui, à notre sens, minimise quelque peu l'implication de l'impérialisme russe dans ce conflit avec les impérialistes euro-US : on ne peut que tristement sourire, par exemple, à l'évocation de la "république populaire dans le Sud-Est" (Donetsk etc.) lorsque l'on sait qu'un des principaux chefs de file de cette "république" ("gouverneur" autoproclamé de la région), Pavel Gubarev, est un ultranationaliste russe et ancien néo-nazi du groupe paramilitaire Unité nationale n'ayant rien à envier à Svoboda ; ou encore de ces policiers "du côté du peuple" car arborant le symbole nationaliste russe du ruban de Saint Georges [le texte pour le meeting antifasciste d'Athènes est un peu plus clair sur le sujet, à partir de "Dans le même temps les nouvelles autorités"]...

Il reflète néanmoins le sentiment d'une grande partie des masses populaires là-bas, principalement dans le Sud (Odessa, Crimée) et l'Est (Donetsk, Kharkov) du pays mais aussi autour de Kiev et dans l'Ouest, où les libéraux et l'extrême-droite nationaliste ne sont pas aussi hégémoniques qu'ils le prétendent [sociologiquement, on peut dire que le Sud et l'Est russophones sont plus "riches" dans l'absolu mais aussi plus inégalitaires (les principaux oligarques en sont issus), tandis que le Nord et l'Ouest sont plus uniformément déshérités] : sentiment notamment vis-à-vis de la perte des avantages et acquis sociaux du social-capitalisme d’État des années 1970-80 ; sans lequel il n'est pas possible de comprendre politiquement l'Europe de l'Est (mais toujours possible, en revanche, de disserter sur la Lune). Globalement, la grande majorité des classes populaires de ces pays cherche à retrouver ce "paradis perdu" des protections sociales, des services gratuits ou presque, de la quasi absence d'impôts et de taxes etc. du "socialisme réel", tout en restant attachées aux libertés démocratiques dont elles étaient privées par les nomenklaturistes (et que les nouveaux oligarques, souvent anciens apparatchiks d'ailleurs, ne leur ont guère apporté). Il se trouve simplement qu'en Ukraine, une moitié environ du peuple "lambda" voit ce rêve sous le bleu étoilé de l'Union européenne et une autre moitié sous l'aile de Moscou (la russophonie favorisant la russophilie et donc ce dernier sentiment).

Il y avait aussi des forces se revendiquant du socialisme voire du marxisme (ou du communisme libertaire) dans le camp EuroMaidan ; il serait toutefois autant possible de les dire "manipulées" voire "valets" de l'impérialisme euro-US que de traiter Borotba (comme elles le font parfois) de "manipulés" ou de "valets" du régime Ianoukovitch et de l'impérialisme russe... Ces forces sont généralement liées à des ONG "révolutionnaires colorées" occidentales bien connues.

On pourrait disserter assez longuement de l'existence d'une réalité nationale ukrainienne sur la totalité du territoire de cet État. Ce qui est certain, c'est que la politique du régime en place actuellement (dans ledit État) tend à faire des personnes exclusivement russophones (ne parlant pas un mot d'ukrainien) des "nègres blancs" dans leur propre pays, comme c'est déjà un peu le cas dans les Pays Baltes par exemple ; un peu comme si demain, dans une Occitanie indépendante, nous déclarions "étrangers" à la communauté citoyenne toute personne ne parlant pas ou peu occitan (ce qui inclurait l'auteur de ces lignes...) : il est évident que nous serions des fascistes, et nullement des libérateurs. La politique du gouvernement de fait à Kiev est donc une politique fasciste, et il ne faut pas s'étonner (sans perdre de vue que le Kremlin joue aussi ses cartes) que de nombreuses personnes dans les régions du Sud et de l'Est se tournent vers une Russie qui ferait d'elles des Russes, libres de parler la seule langue qu'elles connaissent et citoyennes d'un grand pays respecté sur la scène internationale, riche de ses ressources fossiles, etc.

Nous ne sommes pas aveugles, non plus, sur la russophilie ("euro-russisme" ou "eurasisme") de la quasi-totalité de l'extrême-droite hexagonale, y compris les éléments les plus "défense de l'Occident", anti-islam, anti-"Sud" voire (dans cette perspective) pro-sionistes, comme Guillaume Faye. Ceux-ci sont en réalité bien emmerdés par les évènements ukrainiens, car ils y voient deux de leurs grandes icônes (Poutine-la-"verticalité-du-pouvoir" et l'un des plus puissants partis fascistes d'Europe, ayant recueilli jusqu'à 40% des voix dans certaines régions aux dernières élections) s'affronter. Tout un paradoxe en effet : alors que Poutine est la coqueluche de tous les néofascistes européens depuis son arrivée au pouvoir il y a 15 ans, c'est une manœuvre impérialiste de l'UE et de Washington qui vient d'amener des néo-nazis déclarés au gouvernement pour la première fois en Europe depuis 1945 !

 

Communiqué de l'organisation ukrainienne Borotba : la Junte a déclaré la guerre à son propre peuple (15 avril)

Borotba

La junte de Kiev a lancé une "opération antiterroriste" contre ceux qui en Ukraine sud-orientale se sont soulevés contre les oligarques et les nationalistes. Il y a dans les médias de communication oligarchiques une campagne absolument mensongère pour discréditer les révolté-e-s. Nous serions soi-disant tous des agents des services secrets russes.

C'est bien sûr un mensonge éhonté. Ce sont les citoyens ukrainiens qui se rebellent contre la Junte. Des 64 prisonniers politiques détenus par l'administration de l’État régional de Kharkov, tous sont des citoyens ukrainiens résidents de la région.

De l'autre côté, il y a des preuves croissantes que la Junte recourt à des mercenaires de compagnies militaires privées (y compris des étrangers) contre les révolté-e-s. Les policiers et militaires ukrainiens ont refusé de lutter contre leur propre peuple.

Des Kharkovites ont vu la police sur la Place de la Liberté portant des rubans de Saint Georges [NDLR : ce sont les fameuses couleurs orange et noir du mouvement pro-russe dans l'Est de l'Ukraine, décoration militaire tsariste aujourd'hui reliée à la Grande Guerre patriotique de 1941-45 contre l'invasion nazie, et devenue symbole de résistance aux "fascistes de Kiev"] accrochés à leurs plaques, montrant ainsi être du côté du peuple.

Dans cette situation, la Junte va s'appuyer sur des mercenaires et des groupes néo-nazis comme le Secteur Droit, prestement revêtus de l'uniforme de la "garde nationale".

030314 borotbaL'Union Borotba déclare que la République populaire dans le Sud-Est est l’œuvre des manifestants, pas une machination des forces spéciales russes. Elle est la volonté du peuple dans les provinces du Sud-Est.

La Déclaration universelle des Droits de l'Homme adoptée par l'ONU parle de "droit de recourir, comme ultime recours, à la rébellion contre l'oppression et la tyrannie". Les gens du sud-est ont tout simplement exercé ce droit.

La Junte veut écraser le peuple rebelle par la force militaire, en organisant une "opération antiterroriste". Nous déclarons qu'il est impossible de gagner une telle guerre contre son propre peuple. En tentant d'écraser le mouvement populaire, la Junte creuse sa propre tombe.

Campagne de calomnie

Une campagne de délégitimation a été lancée contre les forces de la contestation, y compris Borotba. Ces mensonges visent à diviser notre mouvement et semer la méfiance parmi les activistes.

N'écoutez pas ces calomnies, ne vous laissez pas tromper par les fables. Ici sont les faits :

Borotba a commencé sa lutte contre le néo-nazisme de Svoboda (parti fasciste faisant désormais partie du gouvernement du coup d’État) et la soi-disante intégration européenne en 2012, alors que la majorité de ceux qui montrent aujourd'hui du doigt les "meneurs" étaient tranquillement assis chez eux.

Lorsque nous en avons eu l'opportunité, nous avons lutté à Kiev. En guise de vengeance, notre local de Kiev a été saccagé par le Secteur Droit et nos activistes frappés par des fascistes, emmenés par Igor Miroshnichenko de Svoboda.

À Kharkov, Borotba participe à toutes les protestations et manifestations. Des dizaines de milliers de tracts ont été imprimés, informant le peuple de Kharkov sur le mouvement dans le Sud-Est et l'exhortant à participer.

Nous avons même amené à nos réunions le maire Kernes, dont nous avons découvert plus tard qu'il voulait jouer avec le mouvement de Kharkov.

Borotba prône l'unité des forces de contestation. Nous nous opposons à la Junte, qui est au service des oligarques les plus riches du pays, appuyés par l'impérialisme occidental.

Dans cette confrontation, l'unité et la coopération de toutes les organisations et les leaders du mouvement est cruciale.

odessa 0410Pour cela, nous avons créé une association volontaire d'organisations, activistes et citoyens de Kharkov : l'Unité Populaire.

L'Unité Populaire est ouverte à tous et toutes. L'unité fait la force !

Pas d'élections sans référendum

Afin de se donner des apparences de démocratie, la Junte a prévu des élections présidentielles pour le 25 mai. Ces élections doivent être boycottées. On nous invite par ces élections à choisir entre les deux candidats de l'oligarchie, Poroshenko et Timoshenko. Les autres candidats donneront à ces élections le masque d'une véritable lutte politique... Mais le décompte des votes sera contrôlé par la Junte et le suffrage se tiendra dans des conditions de terreur fasciste imposée par le Secteur Droit et autres bandes néo-nazies.

La Junte de Kiev tente de duper les contestataires : le président intérimaire Turchinov a annoncé qu'il n'était soi-disant pas contre un référendum. Dans le même temps, les représentants de la Junte dans le Sud-Est tentent de remplacer la demande de référendum par une "enquête" sans aucune force légale. Nous ne devons pas céder à ces manœuvres. Les gens nécessitent de claires garanties, pas de vagues promesses des politiciens de Kiev.

Les opposants à la Junte doivent boycotter et perturber ces élections. Ne voter pour personne, pas même pour l'opposition ou de supposés candidats du "Sud-Est", ne pas légitimer une farce organisée par la Junte des oligarques et des nazis. Si nous ne reconnaissons pas l'autorité des imposteurs de Kiev, nous ne devons pas participer à des "élections" organisées par eux.

Notre mot d'ordre reste le même : pas de nouvelles élections sans référendum ! 

 



Sur la situation en Ukraine (pour le meeting international antifasciste d'Athènes)

  

Chers camarades,

L'Union "Borotba" et le collectif du web-journal ukrainien Liva.com.ua remercient tous les participants à ce meeting antifasciste.

Notre pays périphérique est-européen vit l'un des plus dramatiques moments de son histoire moderne. Les gauches ukrainiennes sont face à des défis auxquels elles n'avaient pas été confrontées depuis des années. À la suite de violents et sanglants affrontements dans le centre de Kiev, le pouvoir a été pris dans notre pays par une coalition de forces politiques néolibérales et d'ultra-droite. Le nouveau régime a immédiatement commencé à collaborer avec les plus riches oligarques, ceux qui (aux côtés des représentants de l'UE et des États-Unis) ont prodigué aide financière et soutien international au mouvement EuroMaidan. Certains de ces oligarques viennent d'être nommés gouverneurs des régions industrielles clés (les moins loyales au nouveau gouvernement de droite), dans l'espoir qu'ils y éteignent la colère des protestataires.

borotba 101800394 jpg 1L'idéologie droitière - sorte de mélange d'illusions néolibérales sur la nature du "capitalisme européen à visage humain" et de bigoterie cléricale nationaliste ukrainienne - dominait le mouvement EuroMaidan depuis le début et absolument tout était sous le contrôle de politiciens de droite. Ils ont réussi à exploiter la colère de beaucoup d'Ukrainiens appauvris et marginalisés, mécontents du régime bourgeois corrompu de Viktor Ianoukovitch - régime que nous avons nous aussi combattu depuis des années. Après 20 ans de propagande anticommuniste de masse en Ukraine, les gauches ont été reléguées à la marge du jeu politique tandis que les droites ont réussi à utiliser le populisme social combiné à des slogans nationalistes et pro-capitalistes.

Ce n'est pas par hasard qu'EuroMaidan a été salué et appuyé par les forces et les politiciens les plus réactionnaires d'Europe et des États-Unis. Les nouvelles autorités ukrainiennes sont prêtes à ouvrir le marché ukrainien à leurs patrons et imposer à la société (qui souffre toujours de la crise) un paquet de réformes néolibérales afin d'obtenir le prochain prêt du FMI, qui leur permettra de rester au pouvoir. Alors que les propriétés et les capitaux des super-riches restent intouchées par le nouveau régime, celui-ci s'apprête à "surmonter" la crise en imposant des coupes sociales et une hausse des prix qui impactera la majorité appauvrie des Ukrainiens. Alors, pour détourner l'attention de leur propre politique, les autorités de droite utilisent le thème de l'intervention russe en Crimée et distillent l'hystérie nationaliste et militariste dans le pays. Malheureusement, une partie de notre "gauche" libérale-patriotique verse allègrement dans cette rhétorique. Les nouvelles autorités tentent ainsi de canaliser et aiguiller la colère des masses spoliées vers différents "ennemis" intérieurs ou extérieurs.

Pendant ce temps, les affrontements et les fusillades se poursuivent dans le centre de Kiev - les groupes paramilitaires rivaux se battent entre eux pour le contrôle des bâtiments et propriétés occupés et continuent à arrêter, battre et torturer illégalement de nombreuses personnes. Les gangs néo-nazis montrent ouvertement leur racisme, leur sexisme et leur homophobie. Ils n'essayent même pas de cacher leurs armes lorsqu'ils patrouillent dans les rues de Kiev. Pire : ils ont tué plusieurs personnes à Kharkov. Le local de Borotba à Kiev a été saccagé de même que ceux du PC opportuniste d'Ukraine - les néo-nazis s'en sont emparés pour en faire des "bases" à eux. De nombreux monuments à Lénine, aux soldats de la Seconde Guerre mondiale ou aux héros de la Révolution d'Octobre ont été démolis ou profanés (y compris les tombes de travailleurs tués dans le soulèvement de l'arsenal de Kiev et d'autres usines en 1918).

urlParallèlement, des élections anticipées s'annoncent : les masses déçues et dupées vont devoir choisir entre des politiciens bourgeois bien connus, corrompus et super-riches. Dans le même temps, les nouvelles autorités tentent par tous les moyens d'empêcher les référendums démocratiques sur l'auto-gouvernement des régions du Sud-Est, où les démonstrations contre le nouveau régime rougeoient. Les nouveaux maîtres de l'Ukraine essayent de les présenter comme simplement "pro-russes" et "inspirées par le Kremlin", mais l'Union Borotba lutte efficacement pour les arracher à l'influence nationaliste pro-russe. Nous sommes des opposants irréductibles au régime de Poutine, que nos camarades russes affrontent au quotidien. Nous sommes contre la guerre et contre toute interférence dans le conflit ukrainien en cours, qui pourrait être le détonateur d'une confrontation militaire entre deux impérialismes.

Devant l'intensification de la crise actuelle, nous sommes prêts à prendre part à l'organisation de protestations de masse contre les réformes antisociales et la terreur d'extrême-droite des nouvelles autorités. Dans ce contexte, tout soutien international est absolument crucial pour nous. Nous vous sommes très reconnaissants pour votre attention et votre solidarité. Et nous voudrions remercier tout particulièrement nos camarades du Sud et de l'Est de l'Europe qui font face comme nous à la montée de l'ultra-droite, sur fond de crise causée par les politiques néolibérales de l'UE.

Le nouveau gouvernement ukrainien est le gouvernement le plus à droite qu’il n’y ait jamais eu en Europe depuis 1945. Et ceci n'est pas seulement un phénomène ukrainien, mais aussi une alerte pour toutes les gauches européennes. Compte tenu du fait que les autorités européennes ont activement aidé les droitistes ukrainiens à prendre le pouvoir, nous avons compris que ce serait une tâche difficile pour nous de les vaincre sans des actions internationales des gauches de tous les pays.

Le récent mouvement en Ukraine (novembre 2013-février 2014) a eu pour conséquence l'instauration du régime de droite dure, coalition de forces néolibérales et d'ultra-droite. Les escadrons paramilitaires des groupes d'ultra-droite contrôlent maintenant la capitale du pays en usant du pogrom et de la violence contre leurs opposants. Ils réclament ouvertement d'être investis des pouvoirs de police et de sécurité d’État, ou du plein contrôle des services d'application des lois.

Cependant, ces évènements se déroulent en Ukraine assez rapidement, demandant donc une correction constante des analyses. Des locaux des organisations de gauche ont été saccagés. Des activistes de gauche et des syndicalistes ont subi de violentes attaques. Le Parlement (contrôlé de fait par son vice-président du parti d'extrême-droite "Svoboda") a pris de son propre chef le pouvoir sur le pays. Il a nommé un autre membre de "Svoboda" au poste de procureur général et relaxé sans décision judiciaire tous les néo-nazis convaincus de crimes, y compris de meurtres.

Ukr redflagburningDe nombreux politiciens droitiers, de "Svoboda" ou autres partis de droite radicale, ont été promus à des postes de ministres. Ils contrôlent notamment l'éducation. Les nazis ont commencé une campagne de destruction massive des monuments soviétiques aux combattants d'Octobre 1917 et de la Seconde Guerre mondiale.

Nous pouvons vraiment dire que c'est le gouvernement le plus à droite dans l'histoire de l'Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, et le régime le plus pro-nazi dans son idéologie qui a été imposé en Ukraine. Ceci n'est pas de l'exagération : les conséquences réelles des récents évènements en Ukraine pourront être évaluées au fil du temps, car nous n'avons pas pour le moment suffisamment d'éléments nécessaires.

Néanmoins, les manifestations massives en Ukraine ont été le résultat de la profonde crise économique, conséquence des politiques économiques néolibérales mises en œuvre dans le pays sous la pression des banques et autres institutions financières internationales.

Cela peut sembler paradoxal à première vue, mais la crise déclenchée par les politiques néolibérales de droite a provoqué une montée incontrôlable de l'extrême-droite comme conséquence. C'est que la crise s'est développée dans des conditions de totale prééminence idéologique d'extrême-droite, qui n'ont pas permis de construire en Ukraine un force de gauche quelque peu consistante. En réalité, les extrémistes de droite ont occupé la "niche" politique que les gauches n'ont pas pu occuper. L'absence d'alternative progressiste a permis l'ascension fulgurante des groupes d'extrême-droite, qui ont pris le monopole sur la contestation sociale des Ukrainiens.

Les gauches - depuis les sociaux-démocrates jusqu'aux groupes de "nouvelle gauche" - ont été refoulés aux marges de la vie politique et sociale. Cela a été rendu possible par l'établissement d'un consensus libéral de droite qui domine la conscience sociale depuis la chute de l'URSS. Les intellectuels ont toléré les droites ultras, les ont appuyées politiquement et ont permis leur dé-marginalisation. Pendant ce temps, les mass-médias démonisaient et stigmatisaient l'idéologie de gauche (progressiste) en diffusant dans la conscience sociale la mythologie historique de l'extrême-droite - pour les nommer, de ceux qui ont collaboré avec l'Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale et "nettoyé" ethniquement les populations polonaises dans l'Ouest de l'Ukraine [NDLR : sans parler du sort de la séculaire civilisation yiddish, tout simplement anéantie physiquement !]. C'est ce genre de propagande qui a principalement déterminé les conceptions de la frange active du mouvement Maidan, y compris une part significative des victimes de la crise (de certaines couches lumpenisées de la société).

Les conservateurs et les libéraux européens ont eux aussi contribué à ce terrible résultat : ils ont reconnu le parti d'extrême-droite "Svoboda" comme membre légitime de la soi-disante "opposition démocratique" au régime de Ianoukovitch. Ils ont fermé les yeux sur le programme xénophobe, homophobe et chauvin de ce parti comme sur les pogroms et autres actions violentes de ses activistes.

Par ailleurs, un groupe de super-riches ukrainiens a lui aussi contribué à organiser Maidan. Il s'est agi en particulier d'oligarques mécontents de la prédominance du clan Ianoukovitch et effrayés par sa montée en puissance, qui pouvait menacer leurs intérêts.

Ce groupe d'oligarques a participé à sponsoriser les groupes d'ultra-droite et à leur fournir de l'équipement matériel et technique pour leurs actions.

Kovpak partisankiDans de telles circonstances, les droites sont parvenues à exploiter et monopoliser la contestation contre le régime oligarchique de Ianoukovitch. Depuis le commencement elles contrôlent et organisent les actions de protestation à Kiev, en leur imprimant une idéologie de droite et des sentiments nationalistes. Des symboles nazis ont été ouvertement affichés à Maidan et des slogans nazis entendus assez souvent. La frange "démocratique" du mouvement n'a pas pu contrecarrer une telle hégémonie des droites, qui ont réussi à prendre la direction de Maidan. La véritable force était de leur côté. Des escouades bien entraînées de néo-nazis, à qui étaient fournies des armements et des munitions militaires, ont servi de troupes de choc. En dépit du fait que les manifestations aient commencé sous des slogans "pro-européens", les ultra-droites n'ont dès le début pas fait mystère de leur hostilité aux "valeurs européennes", et les rejetaient publiquement dans leurs discours et articles.

Le fait que beaucoup d'observateurs européens aient préféré ignorer ou minimiser cette hégémonie des droites extrêmes à Maidan n'a fait qu'aggraver l'ensemble de la situation. Une telle position était perçue comme une bénédiction légitimant toutes les actions d'extrême-droite.

Ainsi, comme résultat de tout cela nous avons eu la désastreuse montée de la violence dans les rues de Kiev, les affrontements de groupes armés et les morts - partisans comme opposants de Maidan. Ceci a amené l'effondrement du régime de Ianoukovitch. Néanmoins, comme nous l'avions annoncé, ce sont les ultra-droites qui en ont principalement tiré profit. Elles ont pris de facto le pouvoir dans de nombreuses régions du pays, en y établissant les conditions pour qu'aucune force socio-politique ne puisse vraiment s'y confronter à elles.

Nous observons en conséquence un changement des élites au pouvoir, mais les intérêts d'ensemble de la classe dominante restent intouchés. Le changement n'a donc pas conduit à de réelles réformes démocratiques dans l'intérêt du plus grand nombre. La situation est à présent en train de se précipiter et l'effondrement de l'économie ukrainienne semble imminent. La monnaie ukrainienne se dévalue à toute vitesse, menaçant des millions de personnes de pauvreté. Le nouveau régime n'a pas assez de trésorerie pour assurer les dépenses publiques élémentaires. Il négocie donc avec le FMI, l'UE et les USA pour obtenir de nouveaux prêts, qui lui seront accordés sous condition de totalement démanteler les derniers restes d'acquis sociaux et d'augmenter les prix des services publics, de l'électricité ou du gaz. Pire encore, l'Union européenne demande à l'Ukraine d'ouvrir son marché intérieur ce qui conduira à complètement déstabiliser l'économie locale, qui ne peut pas survivre sans certaines mesures protectionnistes.

Ce cours des choses associé avec les violents affrontements dans l'Est du pays pourrait conduire au démantèlement des fondements même de l’État et à l'écroulement économique et politique complet du pays, amenant à son tour l'explosion de la terreur d'extrême-droite. Une telle perspective semble bien réelle en Ukraine, et peut survenir y compris dans un futur très proche. Nous pensons que le nouveau régime va utiliser des escadrons paramilitaires d'extrême-droite pour écraser la contestation sociale et les résistances individuelles parmi les citoyens ordinaires.

Dans de telles circonstances, la seule alternative est la construction immédiate et active d'un mouvement progressiste et antifasciste de masse ; la création d'un sujet politique qui devienne une base d'opposition au régime de droite et puisse organiser les personnes mécontentes et en colère contre les mesures antisociales néolibérales.

D'autre part, la "révolution" de droite en Ukraine est aussi un signal d'alarme pour toutes les forces démocratiques et antifascistes d'Europe. Les évènements actuels révèlent clairement qu'en temps de crise économique, la montée incontrôlée de l'extrême-droite ouvre la voie à sa prise de pouvoir. Et une telle perspective est encore plus dangereuse lorsque nous tentons de la sous-estimer.

Andrew Manchuk 

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  • : Retrouvez SLP sur son nouveau site http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/ Servir Le Peuple est un média COMMUNISTE RÉVOLUTIONNAIRE, marxiste-léniniste-maoïste, visant par la RÉFLEXION, l'INFORMATION et l'ÉDUCATION POLITIQUE ET CULTURELLE de masse à favoriser la renaissance du mouvement communiste révolutionnaire dans l'État français et le monde francophone.
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Les articles des derniers mois :

Retrouver Servir le Peuple sur son NOUVEAU SITE
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novembre 2014
octobre 2014
septembre 2014
août 2014
juillet 2014

Retrouver Servir le Peuple sur son NOUVEAU SITE
servirlepeuple.eklablog

DOSSIER PALESTINE (conflit de juillet 2014) :
Sionisme, islamisme et ennemi principal : quelques précisions
Post-scriptum important : le cas Feiglin
Le sionisme, "fils de France"
Au cas où il serait utile de le préciser...
Deux clarifications importantes
Flash info en direct : ils ont semé la hoggra, ils ont récolté l'Intifada !
Flash info - importance haute : la manifestation pro-palestinienne de demain à Paris est INTERDITE
Le problème avec la Palestine...
Grande manif contre les crimes sionistes à Paris (13/07)
Magnifique manifestation pour la Palestine à Tolosa, capitale d'Occitanie occupée
Petites considérations sur le sionisme et l'identification-"obsession" palestinienne
Considérations diverses : une mise au point nécessaire sur nos positions internationalistes et aux côtés des Peuples

juin 2014

POSITION DES COMMUNISTES RÉVOLUTIONNAIRES DE LIBÉRATION OCCITANE SUR LES ÉLECTIONS MUNICIPALES ET EUROPÉENNES DES PROCHAINS MOIS

L'affaire Dieudonné-Valls :
Plutôt bon article sur la ‘Déclaration de guerre de la République à Dieudonné’ (la pseudo-controverse réactionnaire entre l’antisémite dégénéré et les gardiens du temple républicain)
Quelques mises au point complémentaires (et conclusives) sur la ‘‘question Dieudonné’’ (et Dreyfus, le Front populaire, l’antisémitisme etc.)
Réflexion théorique : loi Gayssot, lois antiracistes et "mémorielles", "antifascisme" bourgeois etc., quelle position pour les communistes ?

Dossier Breizh :
Breizh : comment l'étincelle écotaxe a mis le feu à la lande
"Esclave", "identitaire", chouan, cul-terreux arriéré de service : pour paraphraser Césaire, "n'allez pas le répéter, mais le Breton il vous EMMERDE"
Considérations diverses – en guise de ‘‘petit debriefing’’ de ces derniers mois : Bretagne, fascisme, ‘‘Lumières’’ et Kaypakkaya… (point 1)
Considérations diverse (26/11/2013) : eh oui, Servir le Peuple a toujours quelques petites choses à vous dire ;-) (point 1)
Appel de la gauche indépendantiste bretonne (Breizhistance) pour le 30 novembre (avec notre critique de la position du ROCML)
Le Top Five des drapeaux qui n'ont PAS été inventés par un druide nazi  (mortel !)
Et en guise (provisoire) de conclusion : La Gauche indépendantiste bretonne revient sur la mobilisation de Karaez/Carhaix

Comité de Construction du PCR des Terres d'Òc : Déclaration du 11 Novembre

La phrase du moment :

"La tyrannie cessera parmi mon peuple ; il n'y aura que liberté, liberté toute nue, sans déguisement. Bouleversements d’États entiers : je les renverserai de fond en comble, il n'y aura rien de reste. Il va y avoir de terribles renversements de conditions, de charges et de toutes choses. Je veux faire un monde nouveau, je veux tout détruire. Je veux appeler à moi la faiblesse, je veux la rendre forte. Pleurez gens du monde, pleurez grands de la terre, vos puissances vont tomber. Rois du monde, vos couronnes sont abattues !"

Élie Marion, "prophète" et guérillero camisard cévenol, 1706.

Amb l'anma d'un Camisart, Pòble trabalhaire d'Occitània endavant !

 

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État français : 

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À l'Est, du nouveau : 

Grèce :

  • KOE ('maoïsant', allié à la gauche bourgeoise SYRIZA, en anglais) [dissous dans SYRIZA en 2013, publie maintenant Drómos tis Aristerás, en grec]
  • KKE(m-l) (marxiste-léniniste 'maofriendly', partie en anglais, le reste en grec)
  • ANTARSYA (Coordination de la gauche anticapitaliste pour le renversement, avec des trotskystes, des 'maos' etc., en grec)
  • ANTARSYA - France (site en français)
  • Laïki Enotita ("Unité populaire") - France (en français et en grec, scission anti-capitulation de SYRIZA, pour s'informer)
    EKKE (Mouvement communiste révolutionnaire de Grèce, 'maoïsant' et membre d'ANTARSYA, présentation en anglais, le reste en grec)

Karayib (Antilles-Guyane) & Larényon (Réunion) okupé : 

Monde arabe / Résistance palestinienne :

État turc / Kurdistan : 

  • Maoist Komünist Partisi (PC maoïste de Turquie/Kurdistan-Nord)
  • DHKP-C (ML, tendance 'guévariste')
  • TKP/ML (maoïste)
  • MLKP (ML, site francophone)
  • ATİK (Confédération des Travailleurs de Turquie en Europe, maoïste, en anglais)
  • Nouvelle Turquie (information et soutien à la Guerre populaire et aux luttes, en français) [ancien blog]
    Nouvelle Turquie (nouveau site)
  • YPG (Unités de Protection du Peuple, Kurdistan "de Syrie", en anglais)
    PKK (Kurdistan "de Turquie", site en anglais)
    PYD (Parti de l'Union démocratique, Kurdistan "syrien", site en anglais)
    ActuKurde (site d'information en français)

Afrique :

Asie & Océanie :

Antifa :

Action Antifasciste Bordeaux (plus mis à jour, mais "cave aux trésors")

AA Alsace (idem)

Union Révolutionnaire Antifasciste du Haut-Rhin (URA 68, page Facebook)

Collectif Antifasciste Paris - Banlieue

Action Antifasciste Paris - Banlieue

Montpellier Antifa

Collectif Antifasciste 34

Collectif Antifasciste Rennais (AntifaBzh)

Cellule Antifasciste Révolutionnaire d'Auvergne (CARA, page Facebook)

Carcin/Quercy Antifascista (page Facebook)

Occitània Antifascista (page Facebook)

Breizh Antifa (page Facebook)

Perpignan Antifa (page Facebook)

Action Antifasciste de Pau

Union Antifasciste Toulousaine

Ipar Euskal Herria Antifaxista (Pays Basque du Nord antifasciste)

REFLEXes - site d'informations antifascistes

La Horde, portail d'information antifa

Rebellyon - rubrique "Facho"

Redskins Limoges

Droites extrêmes - blog Le Monde (site d'information bourgeois bien fourni, parfait pour le "watch")

Document : Ascenseur pour les fachos (série de 6 vidéos Youtube, Antifascisme.org, site social-démocrate)

 

Guerre pop' - Asie du Sud :

Inde Rouge (nouveau site "officiel" francophone)

Comité de Soutien à la Révolution en Inde

Comité de solidarité franco-népalais

Fil d'actu "Inde - Népal" du Secours Rouge - APAPC

J. Adarshini (excellent site en français)

Revolution in South Asia (en anglais)

Maoist Resistance (guérilla maoïste indienne - en anglais)

NaxalRevolution (Naxalite Maoist India, en anglais)

Banned Thought (en anglais)

Indian Vanguard (en anglais)

The Next Front (Népal - anglais)

Signalfire (sur la GPP en Inde et aux Philippines, le Népal et les luttes populaires dans le monde - en anglais)

Communist Party of India (Marxist-Leninist) Naxalbari (a fusionné avec le PC d'Inde maoïste le 1er mai 2014)

New Marxist Study Group (maoïste, Sri Lanka)

Parti communiste maoïste de Manipur (page Facebook)

 

Guerre pop' - Philippines :

Philippine Revolution (en anglais)

The PRWC Blogs

(tous deux remplacés apparemment par ce site CPP.ph avec notamment les archives d'Ang Bayan, l'organe officiel du Parti)

Solidarité Philippines

Fil d'actu "Philippines" du Secours Rouge - APAPC

 

Guerre pop' & Luttes armées - Amérique latine :

CEDEMA - actualité des mouvements armés en Amérique latine (+ qqs documents historiques)

 

Nuevo Peru (Pérou, basé en Allemagne, en castillan et allemand principalement)

Guardias Rojos (Pérou, page FB)

Fil d'actu "Amérique latine" du Secours Rouge - APAPC

Archives

Autres documents théoriques

 

Récapitulatif des "grandes thèses" de Servir le Peuple


À lire également, les Considérations Diverses, petits "billets" trop courts pour faire un article et donc regroupés par trois, quatre ou plus, exprimant notre CONCEPTION DU MONDE sur toute sorte de sujets. 


Même étude sur l'État espagnol (1 et 2) ; le Royaume-Uni (1 et 2) et l'Italie.

 

APRÈS 8 SÈGLES… (Huitième centenaire de la bataille de Muret 1213 & DÉCLARATION FONDATRICE de notre Comité de Construction du PCR-Òc)

 

 






 

 

 


 


 

 

Le 'centre mlm' de Belgique, la Guerre populaire et le (n)PCI (sur la stratégie révolutionnaire en pays impérialiste) ; et dans la continuité :

Gramsci et la théorie de la Guerre populaire en pays capitaliste très avancé (1ère partie)

et Gramsci et la théorie de la Guerre populaire en pays capitaliste très avancé (2e partie)

 

 

 

EXCLUSIF : Lotta Continua - "Prenons la Ville !" (1970) [avec un salut rouge et fraternel à l'AA Bordeaux ]

Manifeste Programme du (n)PCI

Présentation

du chap. 1 du Manifeste pour les lecteurs/trices francophones (valable pour tout le Manifeste)

 

(Chapitre I): PDF - WORD

 

 

 MANIFESTE COMPLET

(version non-définitive ; chap. 4 et 5 pas encore validés par les camarades italiens)

 

IMPORTANT pour la compréhension du Manifeste :

La crise actuelle, une crise par surproduction absolue de capital (en PDF)

article de 1985 paru dans Rapporti Sociali n°0

[en bas de la page en lien, icône
PDF - Télécharger le fichier pour télécharger le document]

Autres analyses d'actualité









Situation décisive au Népal 

En matière de conclusion sur la situation au Népal, et ses répercussions dans le Mouvement communiste international 

Questions-réponses sur la situation au Népal

 

Discussion sur la "gauche" en Amérique latine et la bourgeoisie bureaucratique

 

Sur la liquidation réformiste en Euskal Herria : l'analyse d'un communiste abertzale

Sur la liquidation réformiste en Euskal Herria, 2e partie

Sur la liquidation réformiste en Euskal Herria, 3e et dernière partie  

 

 

 

 


Considérations diverses 03-2013 - et un peu de polémique/critique, ça fait pas de mal ! (sur Chavez, le 'bolivarisme', le 'fascisme' de celui-ci et autres choses...)

Autres articles historiques

 

25 avril 1945 : le Peuple italien terrasse le fascisme

 

 


 




Et en guise de récapitulatif/synthèse : Considérations diverses sur les États, les Nationalités, la Subsidiarité et le Pouvoir populaire ; ici (point 1) : Considérations diverses – fin octobre 2013 : État et révolution bourgeoise et ici : Considérations diverses : 1/ Le cœur des nations est aujourd’hui le Peuple