Voici un excellent texte d'un maoïste états-unien (s'exprimant à la première personne dans plusieurs passages), publié sur le tout aussi excellent website Maosoleum. Il présente des positions originales et intéressantes sur l'universalité de la Guerre populaire et des principes maoïstes en général, appliqués au cas concret de la guerre en Syrie – nous renverrons ceux qui nous diraient que c'est "cosmopolite" et "sans intérêt pour la réalité française" au nombre de personnes, particulièrement de jeunes culturellement musulmans ou convertis, qui se passionnent pour ce conflit au point d'aller y combattre - si nombreux que le gouvernement vient de prendre des mesures extraordinaires contre eux.
Ce qui est écrit est par bien des aspects exactement ce que nous aurions pu écrire lorsque nous avons mené la bataille idéologique sur ces affaires libyenne, syrienne etc. ; mais que nous n'étions pas parvenus à formuler aussi clairement. Et une leçon éclatante pour tous ces "communistes" (trotskystes comme "marxistes-léninistes" et même "maoïstes") qui vers l'Orient compliqué volent avec des idées simples – avec des schémas livresques pour être exact.
C'est plutôt long, mais encore plus intéressant ! Bonne lecture.
Notes sur l'universalité de la Guerre populaire prolongée : ni Assad ni OTAN
Il a beaucoup été débattu, ces dernières années, de la guerre civile en Syrie au sein de la gauche au sens large, des mouvements socialiste et communiste et y compris des divers courants marxistes. Récemment, toutefois, on a pu voir fleurir les commentaires et la lutte de lignes au sujet de la récente déclaration de soutien militaire ouvert à l'"Armée syrienne libre" (ASL) par l'OTAN et les États-Unis. Ceci a notamment conduit à une lutte de lignes informelle dans notre propre entourage, online comme offline. C'est ainsi qu'un sujet certes important, mais pas urgent est devenu urgent, en particulier parce que j'y vois certaines confusions au sein des forces maoïstes, en particulier un suivisme éclectique et parfois opportuniste vis-à-vis des forces révisionnistes et nationalistes à la fois en Syrie et en dehors, mais aussi un abandon de la lutte pour affirmer le principe central du socialisme scientifique maoïste : l'universalité de la Guerre populaire prolongée.
Cet article n'est pas en tant que tel un article sur la Syrie en général (sujet complexe qui peut difficilement être abordé dans un seul article), pas plus qu'il ne s'adresse aux forces qui dans la gauche soutiennent l'ASL - c'est-à-dire le miroir inversé de la gauche pro-Assad. Il est une tentative de mener la lutte de lignes au sein du maoïsme, afin de clarifier et développer une ligne particulière que nous avons compris être la ligne correcte, maoïste, et l'ordre de marche sur cette question. Il a donc en tant que tel un champ limité, et merci d'avoir cette délimitation à l'esprit si vous souhaitez y répondre.
Ces confusions représentent un abandon du maoïsme et un embrassement du révisionnisme et de certaines formes de stalinisme ou de trotskysme ; elles représentent une régression si elles sont largement adoptées, et une régression aussi dans la lutte pour établir sinon l'hégémonie, du moins une position différenciée par rapport à d'autres courants et traditions, ce qui est nécessaire dans la lutte politique de masse.
Ces confusions dans le camp maoïste portent essentiellement sur trois axes :
1) Confondre le principe de lutte contre l'impérialisme avec soutenir un régime donné sur la seule base de sa posture envers l'impérialisme, principalement l'impérialisme US. Appelons cette confusion une erreur sur la nature de l'impérialisme.
2) Confondre le principe d'internationalisme prolétarien avec la défense de la libération nationale ; en général s'agissant d'un antagonisme entre un État-nation semi-colonial semi-féodal et des pays impérialistes ; en particulier s'agissant d'un État multinational créé arbitrairement par l'impérialisme britannique [et français NDLR] en 1920 comme la Syrie. Appelons cette confusion erreur nationaliste.
3) Confondre le principe d'universalité de la Guerre populaire avec le principe de Front uni pour la libération nationale. La tâche des communistes, partout, est de faire la révolution, car nous savons que l'on a raison de se révolter, mais qu'il est mieux de faire la révolution. Une des choses qui différencie le maoïsme des autres marxismes et même de la pensée Mao Zedong, c'est que nous avons compris le principe de Guerre populaire prolongée comme universel. Cela ne veut pas dire que l'aspect militaire est toujours l'aspect principal (ce qui serait de l'ultra-gauchisme), mais cela veut dire que lorsque l'aspect militaire devient principal (comme c'est le cas en Syrie, sur ce point nous ne pensons pas qu'il y ait discussion) la perspective doit être de développer la Guerre populaire prolongée dans les conditions spécifiques de classe d'une situation révolutionnaire donnée. Les lignes "maoïstes" qui ne mettent pas cela au premier plan laissent de côté l'universalité de la Guerre populaire prolongée (GPP) et la remplacent par d'autres perspectives, principalement de nature éclectique et opportuniste. Appelons cette confusion erreur d'éclectisme et d'opportunisme.
Nous allons tenter d'aborder successivement ces trois erreurs, mais nous nous pencherons d'abord sur une erreur secondaire de méthode qui est présente derrière toutes ces confusions.
L'erreur de manque d'investigation

Ni Assad ni OTAN : les femmes kurdes montrent la voie !
Ma position initiale sur les évènements a été relativement différente de celle sur la Libye (pour laquelle j'ai milité contre l'intervention impérialiste depuis une perspective de ne choisir aucun camp) : les spécificités des guerres en Libye et en Syrie (bien que partageant des similitudes) sont suffisamment importantes pour ne pas se contenter de copier-coller les positions.
Ce que nous avons là est une confusion secondaire par rapport aux trois principales au-dessus : c'est une erreur de science, appelons-la une erreur de manque d'investigation. Le maoïsme doit toujours rejeter le culte du livre. Mao traite du phénomène directement dans le titre de la quatrième section de son ouvrage Contre le Culte du Livre : "L'absence d'enquête sur la situation réelle donne lieu à une appréciation idéaliste des forces de classe et à une direction idéaliste dans le travail, ce qui conduit soit à l'opportunisme soit au putschisme".
Plus loin dans cette section il écrit : "Nous devons nous débarrasser de l'idéalisme et nous garder des erreurs opportunistes et putschistes si nous voulons réussir à gagner les masses et vaincre l'ennemi. Et la seule manière de nous débarrasser de l'idéalisme est de faire l'effort d'enquêter sur la situation réelle".
Décortiquons tout cela :
1) L'idéalisme désigne ici le procédé de partir d'une idée et de substituer celle-ci à la confrontation dialectique avec la réalité matérielle. Ceci inclut le maniement d'un empirisme vulgaire - par exemple, privilégier certains faits matériels sur d'autres lorsque l'on élabore une ligne particulière. Dans le cas syrien, par exemple, l'idéalisme est présent dans la description du régime Assad comme "anti-impérialiste", alors qu'il est en réalité pro-impérialiste : il sert les intérêts de l’impérialisme russe et opprime nationalement les peuples non-arabes et arabe sunnite en Syrie, ainsi que d'autres groupes nationaux minoritaires. Il administre également un État semi-colonial/néocolonial dont les frontières ne résultent nullement d'un processus d'autodétermination nationale, mais des caprices de l'Empire ottoman (d'abord) puis de l'impérialisme britannique. Ceci est un exemple et nous ne nous plongerons pas davantage dans d'autres spécificités, mais cela suffit à montrer que l'idéalisme ne consiste pas seulement en une pensée abstraite (ce qu'il est souvent), mais aussi en un prétendu empirisme ou un matérialisme incomplet, qui ne s'est pas soumis à un large et ouvert travail d'investigation.
2) L'opportunisme désigne ici l'abandon des principes politiques dans le but d'avancer une perspective stratégique ou tactique particulière. Dans le cas de la Syrie, l'opportunisme tend principalement à s'exprimer dans le mouvement communiste sous la forme de "l'ennemi de mon ennemi est mon ami". Bien que ce ne soit pas toujours une mauvaise perspective, dans le cas syrien ça l'est : dès lors qu'il y a des amis disponibles non seulement sur la base d'un ennemi commun, mais aussi d'un commun objectif dans la lutte contre l'ennemi, il n'y a pas de raison de placer la barre aussi bas. Ceci a une longue tradition dans le maoïsme : rechercher l'alliance avec des forces qui suivent le même chemin et ont le même ennemi que nous, plutôt qu'avec des forces qui n'ont en commun avec nous que l'ennemi. Nous avons un ennemi commun aussi bien avec Assad qu'avec l'ASL, et ces ennemi dans les deux cas est l'impérialisme en général. Les opportunistes postulent que défendre Assad est anti-impérialiste, mais ce n'est pas le cas : la question du Kurdistan suffit à démolir cette affirmation.
3) Le putschisme désigne ici le point de vue que ce qui importe réellement est le contrôle central de la machine d’État, plutôt que l'organisation des masses populaires. Dans l'exemple syrien, ceci débouche sur l'idée que le régime Assad représente la seule force capable de s'opposer aux intérêts et aux positions politiques du bloc US-OTAN-Israël. Ce n'est pas le cas : il a lui-même démontré depuis longtemps être un tigre en papier. Les semeurs d'illusions putschistes ne tiennent pas compte – a priori – de la base populaire du soulèvement contre Assad et pire encore, convoquent au débat des thèses conspirationnistes paranoïaques et des affirmations que l'insurrection est totalement orchestrée par les services secrets impérialistes depuis le début. Aujourd'hui, il ne faut pas se voiler la face : les services secrets impérialistes sont partout dans l'ASL et ont pénétré tous les niveaux de l'insurrection. Pour autant, assumer cette réalité comme centrale est anachronique, et revient à abandonner le matérialisme dialectique et à décrire la lutte des classes comme de simples conspirations entre élites, niant tout rôle aux masses populaires. Soyons claires là aussi : les masses commettent des erreurs. Mais ce sont les erreurs des masses, pas de conspirateurs qui utiliseraient leur juste révolte à leurs fins. Les putschistes croient ainsi que les masses sont de pauvres pions dans un jeu joué par des forces supérieures, plutôt que des acteurs concrets de leur destinée. En Syrie, le soulèvement a débuté dans le prolongement d'une vague de révolte partie de Tunisie et entrant désormais dans sa troisième année avec les révoltes en Turquie. Les revendications initiales du mouvement étaient raisonnables et justes : plus de droits démocratiques, résolution de la question des nationalités [et autres communautés] opprimées incluant l'autonomie régionale et locale, et des élections pluralistes et libres. Dès le départ, bien entendu, des forces libérales et pro-US étaient présentes, ainsi que des islamistes, mais il y avait aussi des communistes, des nationalistes kurdes et d'autres forces de gauche et progressistes. La réaction initiale du régime, pour être brutale, n'a pas été "anormale" même selon des standards occidentaux : coups, gaz lacrymogènes, arrestations de masse etc. Il a même tenté d'instaurer un dialogue avec les forces du soulèvement initial ayant un clair positionnement anti-OTAN, incluant les Kurdes. La Coordination des Comités locaux (CCL) émergea comme une solide aile gauche du mouvement, dirigée par un anarchiste et comprenant des forces issues d'une gauche large et vivante. Puis, soudainement et sans avertissement, Assad opta pour une solution militaire. La brutalité d'une telle répression était à la fois sans précédent et injustifiable. Cela poussa de larges sections des masses d'une position de neutralité vers une complète opposition. Et cela a transformé ce qui était une lutte essentiellement politique en conflit militaire. Dans ce contexte, le militaire venant à prédominer, il était naturel que les forces ayant initialement cherché une juste réparation de leurs torts se retrouvent dos au mur et tombent dans l'erreur de chercher un soutien à tout prix. La CCL s'effondra comme alternative de gauche, l'ASL se peupla d'anciens
personnages du régime retournés par les services d'intelligence étrangers, et la situation prit la tournure qu'elle a actuellement.
Clairement, l'absence d'une force communiste révolutionnaire capable à la fois d'affronter le régime Assad et de maintenir son indépendance vis-à-vis de l'impérialisme US et de l'OTAN a engendré une situation dans laquelle aucun camp n'est soutenable. Pour autant, il faut bien le comprendre, cela ne signifie pas que les revendications initiales soient soudain devenues irrecevables. Ne pas être capable de mettre en œuvre une ligne politique correcte est une chose, perdre tout espoir en ces lignes pour choisir un camp en est une autre. Les putschistes considèrent que les masses qui ont manqué de clarté doivent être abandonnées à leur triste sort, et choisissent dès lors le camp de ce qu'ils voient comme l'allié principal. C'est une erreur, ainsi que le signalait Mao.
Maintenant, il est vrai que c'est là une œuvre précoce de Mao, et nous ne voulons pas commettre nous aussi l'erreur contre laquelle nous mettons en garde et tomber nous-mêmes dans le culte du livre. Mais il n'y a aucune preuve en pratique, ni aucune formulation théorique démontrée par la pratique qui contredise cette position scientifique. Je pense Mao a fourni là un principe politique universel à travers ces observations, et qu'elles restent aujourd'hui valides pour l'essentiel. Si Mao n'a pas développé jusqu'au bout le maoïsme, il en a clairement été le point de départ. Une méthode maoïste ne consiste pas en l'exégèse de ce que Mao a dit ou voulu dire, mais plutôt à poser clairement les principes et à la soumettre à une critique scientifique. En citant Mao, nous ne cherchons pas à faire vainement autorité mais plutôt à montrer qu'un principe, vieux de plus de 80 ans, reste valide et s'applique à une situation présente, et illustre parfaitement l'erreur de manque d'investigation.
En bref, ceux qui soutiennent le régime capitaliste bureaucratique, pro-impérialiste et chauviniste arabe d'Assad ne sont définitivement pas des maoïstes mais des idéalistes, cherchant à s'aligner sur le révisionnisme lui-même à la remorque du capitalisme bureaucratique. Ceux qui affirment être maoïstes et au nom du maoïsme font cela n'appliquent pas la rigueur scientifique maoïste, et abusent donc les masses en prétendant représenter le maoïsme alors qu'ils représentent en fait autre chose. En tant que maoïste hétérodoxe, je ne crois pas qu'avoir une divergence de vue avec la majorité ou l'orthodoxie soit problématique en soi : le maoïsme c'est la lutte de lignes, et pour qu'il y ait lutte de lignes il faut bien qu'il y ait des lignes différentes. Mais l'essence de l'erreur d'idéalisme consiste, plutôt qu'à défendre des lignes inscrites dans un débat scientifique, à embrasser éclectiquement des assertions et des suppositions non-scientifiques basées non pas sur une étude attentive de la situation concrète, sur une concrète analyse de classe, mais sur les dogmes superficiels et à l'emporte-pièce du révisionnisme (et de ses proches cousins le stalinisme et le trotskysme).
La lutte entre des lignes rigoureuses et scientifiques fait partie du processus de découverte de la vérité, et d'établissement d'un correct ordre de marche. La lutte contre l'erreur de manque d'investigation est une lutte contre des positions qui dissimulent la vérité derrière un écran de fumée de dogmes éclectiques, conduisant à l'opportunisme ou au putschisme.
Cela ne veut pas dire que les maoïstes ne peuvent pas développer des Fronts unis avec d'autres forces de gauche, progressistes, socialistes et communistes. Nous le pouvons et le devons comme partie intégrante de la lutte des classes, y compris avec des personnes avec lesquelles nous avons de profonds désaccords (bien sûr dans un esprit de réciprocité et non de suivisme). Pour autant, nous sommes des maoïstes recherchant fermement l'écoute et le soutien des masses, et nous devons à un moment donné dire : ceci n'est pas du maoïsme, c'est autre chose. Tel est le cas que nous présentons ici : la différence entre une lutte de ligne au sein du maoïsme, basée sur des principes, et quelque chose qui n'est pas du maoïsme mais une falsification de celui-ci.
Erreur sur la nature de l'impérialisme
L'impérialisme n'est pas une simple et vague définition au sein du corpus marxiste-léniniste. Il a une signification bien déterminée : c'est un terme scientifique avec une base scientifique qui, bien qu'ayant des traits communs avec certaines définitions non marxistes-léninistes du terme, a aussi de grandes différences avec elles. Le texte "canonique" pour cette définition est l'ouvrage de Lénine "L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme", basé sur des travaux antérieurs de Karl Kautsky avec des ajouts personnels de Lénine.
Synthétiquement : l'impérialisme représente le stade suprême du capitalisme, suprême dans le sens d'un développement de la période précédente du capitalisme, qui cesse d'être un phénomène européen pour devenir un phénomène mondial. L'impérialisme tel que le comprend le marxisme-léninisme est effectivement la perspective de la domination d'une nation/pays ou groupe de nations/pays sur un autre, mais il explique aussi comment cette domination a pu se produire, et définit les contradictions que cela génère au sein du capitalisme comme système. C'est par rapport à cette spécificité que fait souvent défaut, chez ceux qui parlent d'anti-impérialisme, une compréhension scientifique de l'impérialisme ; ce qui les conduits à appliquer des schémas d'une époque révolue (la Guerre froide) pour élaborer une ligne politique sur des évènements actuels.
En particulier, on tend à observer une confusion entre le fait que depuis la Seconde Guerre mondiale l'impérialisme dominant dans le monde a été l'impérialisme US, et le fait que ce soit une réalité figée et que ce soit systématiquement l'ennemi principal. Ceci a pu, ou pas, être correct par le passé (ce serait le sujet d'une toute autre discussion), mais la réalité aujourd'hui est que l'impérialisme US n'est pas seul au monde. Il n'y a pas seulement des impérialismes qui sont ses alliés, comme le britannique ou le canadien, ou qui ont des relations cordiales bien qu'assez souvent contentieuses avec lui, comme l'Union européenne et en particulier les impérialismes français et allemand, mais aussi des impérialismes qui émergent et mettent en cause sa prédominance ; en réalité, il existe un "bloc de contre-hégémonie" qui est lui aussi impérialiste. Le principal exemple est bien sûr celui de la Russie, qui a en partie hérité du social-impérialisme soviétique mais a aussi développé depuis la dissolution de l'URSS son propre empire, souvent constitué des morceaux que l'impérialisme US laisse derrière lui à mesure que son hégémonie s'effrite progressivement. Cette confusion a pour racine des croyances erronées sur ce qu'est l'impérialisme comme système.
L'impérialisme peut être vu, de la manière la plus précise, comme un "système de systèmes" : il est le résultat d'une phase d'interdépendance internationale du capitalisme, et il fait donc partie de la compétition entre les différentes classes dominantes pour leurs profits. Il n'a rien à voir avec d'autres formes culturelles, religieuses, ethniques etc. de domination et d'oppression : il s'agit en essence d'exploitation. Aujourd'hui, l'impérialisme fait bien sûr usage de ces formes culturelles, religieuses ou ethniques de domination et d'oppression comme partie intégrante de son fonctionnement, mais seulement dans la mesure où cela lui permet d'engranger des profits. En tant que tel, l'impérialisme ne répond devant rien d'autre que le profit, il n'a d'autre loyauté qu'envers le capital, et d'autre camp que celui de la bourgeoisie. L'impérialisme n'est pas seulement la domination d'un pays sur un autre, mais l'exploitation d'un pays par un autre - de fait, l'impérialisme peut être présent même sous les apparences d'une relation cordiale et égalitaire entre l'impérialiste et son sujet.
La compétition entre les impérialistes, cependant, offre des opportunités au camp révolutionnaire. L'exemple classique de cela est la mise à profit de ces contradictions par les bolchéviks, qui a permis leur victorieuse prise du pouvoir d’État. Ils ont utilisé l'impérialisme allemand contre l'impérialisme russe tout en avançant leur propre ligne, et en luttant à la fois contre les tsaristes et le gouvernement provisoire.
Un autre exemple classique est celui de la Révolution chinoise, où le Parti communiste a su utiliser correctement les contradictions entre impérialistes japonais et occidentaux, ainsi qu'au sein de la Nation chinoise, pour établir son hégémonie en luttant à la fois contre les nationalistes chinois (Kuomintang) et l'impérialisme japonais, remplacé plus tard par l'impérialisme occidental/US (nous commençons là à voir que ces luttes n'ont pour ainsi jamais été entre deux camps bien définis, mais plutôt en général entre trois camps, ce qui est très important pour ma démonstration de l'universalité de la GPP).
Historiquement - et c'est là une erreur que l'on peut faire remonter jusqu'à l'époque de Lénine - le Komintern a assumé une position mécanique voulant qu'il y ait, systématiquement et à tout moment, une ligne de classe exprimée dans l'espace politique concret et que cette ligne de classe se manifeste dans le monde entier, si bien que les membres du Komintern devaient avoir une position sur absolument tout ["campisme"], sous peine d'être qualifiés d'"abstentionnistes" ["ni-ni" diraient nos détracteurs et expulseurs de forums lorsqu'ils n'ont plus que cet argument - ici].
Pratiquement toutes les traditions puisant dans cette perspective kominternienne souffrent de cela, et le maoïsme ne fait pas exception. C'est une erreur car cela ouvre la porte à des applications mécaniques et dogmatiques de principes abstraits, ce qui, comme Mao (et cela ne manque pas d'ironie) l'a expliqué conduit à l'idéalisme, qui conduit à son tour à l'opportunisme ou au putschisme. Nous devons rompre avec cette logique erronée.
J'assume considérer que ce "péché originel", si je puis m'exprimer ainsi, doit être rectifié. La disparition finale de l'URSS nous en donne l'opportunité. En l'absence de toute possible lutte politique interne en Russie, avec le renversement complet et absolu de même la simple fiction de pouvoir prolétarien, la situation mondiale s'est clarifiée d'elle-même : où que l'on aille, il n'y a plus que l'impérialisme (alors que la ligne de "social-impérialisme", bien que scientifiquement correcte, rend la situation moins claire). Et cette clarification nous force aussi à revenir à une analyse de classe minutieuse, une étude attentive du concret, même si cela nous conduit à dire qu'il n'y a pas de camp à soutenir, car il n'y a même plus nécessité de défendre les acquis réels ou imaginaires du soi-disant "camp socialiste". Se dire maoïste et ne pas se saisir de cela et le défendre bec et ongles, c'est permettre au révisionnisme de revenir par la porte de derrière, effacer des décennies de lutte idéologique pour déboucher sur rien, et priver les masses mondiales de la guidance et de la perspective scientifique du maoïsme - donc, en définitive, de cesser d'être maoïste et commencer à être autre chose.
Nous sommes revenus au début du 20e siècle [NDLR combien de fois n'avons-nous pas dit cela !]. Plus vite nous nous débarrasserons de nos mauvais réflexes de la Guerre froide et plus vite nous pourrons revenir "à nos moutons", à notre lutte prolongée de construction de la révolution communiste plutôt qu'à des postures défensives de résistance envers un segment de l'impérialisme via des alliances (plus souvent non-récompensées que l'inverse) avec un autre, ce que les révisionnistes nous proposent de faire. On a raison de se révolter, mais c'est encore mieux de faire la révolution.
Erreur de nationalisme
Nationalisme et impérialisme vont main dans la main. Les nations telles que nous les connaissons aujourd'hui n'existaient pas même en tant que concept avant l'émergence du capitalisme, et n'ont pas acquis leur forme actuelle jusqu'à ce qu'émerge l'impérialisme. De fait, dès lors que l'impérialisme est impliqué dans un conflit la question nationale arrive sur le devant de la scène et de même, dès que la question nationale émerge, nous devons prendre en considération l'impérialisme.
Le cas de la Syrie offre un exemple très complexe de cela. Comme nous l'avons dit précédemment, c'est un État fabriqué et multinational qui existe au sein d'un bloc impérialiste (l'impérialisme russe avec son partenaire expansionniste régional iranien) ; donc à la fois soumis à l'oppression et l'exploitation impérialiste et participant, dans le même temps, à l'impérialisme et à l'oppression et l'exploitation de nationalités. Une élite arabe alaouite domine les Alaouites non-membres de l'élite, les Arabes sunnites, chiites et chrétiens, un petit nombre de Druzes et une population conséquente de Kurdes, ainsi que d'autres nationalités opprimées plus petites.
Dans ce contexte, l'affirmation révisionniste que le régime Assad "défend l'indépendance nationale syrienne" et qu'il est donc "objectivement anti-impérialiste" est profondément erronée. Le régime Assad est une continuation du dépeçage impérialiste de l'Empire ottoman après que cet Empire ait perdu la Première Guerre mondiale. Il dirige un pays dont l'existence même est une volonté et un résultat de l'impérialisme. Certes, nous ne pouvons pas passer par pertes et profits l'émergence d'un droit à l'autodétermination nationale pour la Syrie, et la nécessité de le défendre, mais si nous faisons cela, nous devons être attentifs à ne pas soutenir objectivement l'oppression et l'exploitation continuelle des nationalités opprimées par des États et des découpages territoriaux colonialistes qui ne s'appuient pas sur le solidarité nationale de leurs citoyens, mais sur l'imposition d'une minorité par la force. La Syrie a finalement beaucoup plus en commun avec, disons, l'Afrique du Sud d'apartheid qu'avec disons le Liban aujourd'hui [NDLR nous ne sommes pas franchement d'accord sur ce point : un système qui ressemble à l'apartheid sud-africain c'est l'occupation sioniste en Palestine, et le Liban a un système confessionnel qui discrimine aussi très largement les non-chrétiens et en particulier les chiites, base sociale du Hezbollah, sans parler bien sûr des plus de 400.000 réfugiés Palestiniens littéralement ghettoïsés]. Bien sûr, la condition des nationalités opprimées était meilleure que dans l'Afrique du Sud d'apartheid ou cette autre créature colonialiste qu'est Israël jusqu'à la récente répression amenée par la guerre civile, mais nous ne devons pas nous faire d'illusions quant à la relation oppressive et exploiteuse du régime chauviniste arabe envers ses nationalités.
Ceci est la base de l'erreur de nationalisme. L'une de ces personnes peut dire quasi-littéralement : "Les Kurdes ne représentent que 10% de la population. Vous voulez sacrifier la majorité arabe aux Kurdes"... Le chauvinisme national est ici prégnant, et de fait facile à réfuter : nous refusons que les nationalistes arabes sacrifient les Kurdes pour maintenir leur suprématie, nous défendons l'internationalisme prolétarien contre le chauvinisme national. La lutte n'est pas une somme nulle : nous pouvons à la fois avoir l'autodétermination nationale pour les Kurdes et des Arabes libérés de la prédation impérialiste. Il faut admettre que de telles
conceptions capitalistes à somme nulle laissent perplexe, en particulier parce que le maoïsme prône quelque chose de complètement différent : la résolution correcte des contradictions au sein du peuple.
Nous avons ici un parfait exemple de pourquoi Assad est une force en faillite, et pourquoi le soutenir est une position faillitaire. Si le soulèvement contre Assad avait réellement été (comme le clament les révisionnistes et consorts) dès le départ une attaque impérialiste contre la souveraineté syrienne, la position logique aurait alors été de réunir un large front anti-impérialiste pour combattre cette attaque. Au lieu de cela, sa réponse a été une attaque tous azimuts et sectaire contre toutes les forces qu'il identifiait comme dangereuses pour la suprématie alaouite et le chauvinisme arabe. Parmi toutes les forces soumises à cette brutale attaque, seuls les Kurdes ont été capables de mettre en place une défense effective, et de combattre Assad jusqu'à l'équilibre stratégique puis mener une offensive qui a effectivement libéré la plus grande partie du Kurdistan syrien. Pour autant, ces mêmes forces sont restées fermement anti-OTAN.
L'existence de cette troisième voie kurde est un clair inconvénient tant pour les supporters d'Assad que pour ceux de l'ASL et du CCL : elle expose à la fois l'absence de toute réalité anti-impérialiste du côté d'Assad et la trahison finie d'accepter l'aide de l'OTAN. La troisième voie mise en avant par les Kurdes ne va pas sans problèmes certes, parmi lesquels se trouve la nécessité de lutter pour une perspective internationaliste prolétarienne. La lutte kurde n'est ni nouvelle ni limitée à la Syrie et nous avons leur exemple en Turquie : les principales forces de libération kurdes ont de fait hébergé et protégé, pendant des décennies, les bases de nombreuses organisations turques (dont des maoïstes) qui respectent et luttent pour la libération des Kurdes, en même temps que pour la révolution communiste. Les Kurdes se sont montrés aptes à la fois à comprendre la GPP et à s'engager dans l'internationalisme prolétarien, même en ayant des lacunes sur d'autres points. Ceci donne une opportunité aux Syriens non-kurdes dont nous avons précédemment parlé. Mais cette opportunité est une opportunité perdue si l'on insiste dans le révisionnisme.
Erreur d'éclectisme et d'opportunisme.
L'éclectisme, dont nous allons parler plus longuement, et l'opportunisme (dont nous avons brièvement parlé plus haut) s'interconnectent de manière intéressante concernant la Syrie et le maoïsme. Nous avons vu des maoïstes mettre en avant des arguments et s'engager dans des politiques identiques à celles des révisionnistes et consorts. Tout en étant possible sans diverger de la méthode maoïste, en particulier la plus générale qui soit ("le capitalisme c'est vilain-pas-beau"), ceci engendre les problèmes les plus spécifiques qui soient (la nature du régime Assad).
L'une des premières assertions éclectiques qu'il m'ait été donné de voir est que le rapport de classe, et donc la position de classe, doit être déterminée par rapport au rapport entre Assad et l'impérialisme, principalement US. Ceci n'est pas du maoïsme, mais du campisme stalinien ou trotskyste. Si les maoïstes peuvent tout à fait défendre un régime qu'ils n'apprécient guère parce qu'il est attaqué par l'impérialisme, c'est seulement après une enquête approfondie sur les conditions concrètes internes au régime : à moins que ce ne soit un État prolétarien, ce qui n'existe pas dans le monde aujourd'hui, il n'y a aucune raison d'affirmer automatiquement que tout État attaqué par l'impérialisme doit être défendu en tant que régime. Combattre l'impérialisme ne veut pas dire défendre systématiquement ses ennemis, même si ce peut être une manière de le faire. C'est là la confusion fondamentale : que quelque chose puisse mener à quelque chose d'autre ne veut pas dire que ce soit la seule manière, ni que cela y mène toujours. Un marteau-piqueur peut tuer une mouche, mais une tapette à mouche vaut mieux : si vous essayez de tuer une mouche avec un marteau-piqueur, vous risquez plus de vous déchirer un muscle qu'autre chose. Soutenir un régime en contradiction avec l'impérialisme peut mener tout à fait à l'effet inverse de celui escompté. Il y a de nombreux exemples historiques où le "campisme" a explosé au visage des communistes qui l'ont prôné ; dans le cas présent cela a conduit à couper les masses syriennes du mouvement communiste international, et encore pire à identifier le communisme non à une force révolutionnaire voulant renverser l'existant, mais à une force réformiste défendant l'ordre établi.
Cela ne veut pas dire que nous ne nous opposons pas systématiquement aux agressions impérialistes : nous nous y opposons. Mais l'idée que nous ne pourrions le faire sans défendre politiquement et/ou militairement le régime en question n'est pas une idée maoïste mais une idée marxiste-léniniste, que l'on retrouve de part et d'autre de la ligne séparant staliniens et trotskystes. Les maoïstes sont capables de comprendre que si l'opposition à l'impérialisme peut requérir des alliances peu ragoûtantes, il ne les requiert pas systématiquement. Et ceci est une lutte de lignes : il y a ceux qui voudraient (au nom du maoïsme) adopter éclectiquement les positions anti-impérialistes des révisionnistes, sans même un semblant d'étude et d'investigation, mais avec des faits tirés non des conditions concrètes et des contradictions matérialistes historiques, mais des dogmes du révisionnisme et du trotskysme.
Ils ne se basent pas sur des principes, mais sur l'idéalisme dans sa forme opportuniste. Ils voient la lutte contre l'impérialisme US comme centrale et plus importante que quoi que ce soit d'autre, ignorant que l'impérialisme US est un tigre en papier qui a pris l'eau. Il ne s'agit pas d'oublier le danger qu'il présente : l'impérialisme US est toujours un danger pour le monde. Mais la position d'une nécessité absolue d'alliance contre l'impérialisme US, présentée comme une opposition à l'impérialisme en général, dans le contexte où ils opèrent est une manière de se mettre à la remorque du nationalisme. Beaucoup de nationalistes (des Premières Nations/Amérindiens, Afro-américains, Porto-ricains ou encore exilés arabes, philippins etc.) priorisent la lutte contre
l'impérialisme US sur toute autre considération, car c'est la première considération dans leur lutte nationale. Avoir une ligne dogmatique sur l'anti-impérialisme permet de se lier à ses forces sans avoir à s'encombrer de trop d'explications, et de se mettre à la remorque des éléments les plus arriérés parmi ces forces. Ceci est la base de l'opportunisme que nous voyons.
En réalité, en tant que communistes nous devons prôner l'internationalisme prolétarien, expliquant patiemment et défendant consciencieusement la ligne communiste, utilisant les méthodes de la ligne de masse pour à la fois éviter d'offenser inutilement les nationalistes des nationalités opprimées et développer des liens non pas avec les forces arriérées en leur sein mais avec les forces avancées voire communistes, pour établir l'hégémonie de la ligne maoïste. L'erreur de nationalisme rejoint là l'opportunisme.
Le problème ici est que s'agissant d'éclectisme et d'opportunisme, cela représente une entrave empêchant les forces maoïstes émergentes de se confronter avec la réalité depuis une perspective correcte... Comme celle de l'universalité de la Guerre populaire prolongée.
La Guerre populaire prolongée est universelle, nier cela est de l'éclectisme
Explorons la question dans le contexte syrien :
1) Le matérialisme historique démontre que la stratégie de la GPP est applicable universellement pour conquérir le Pouvoir d’État [NDLR : lire ici et ici]. Même des forces non-maoïstes l'ont copié avec un certain succès, les limites de cela étant inhérente à l'éclectisme que cela implique par rapport aux évolutions de la lutte politique et militaire. Le maoïsme est ainsi synonyme d'application universelle de la théorie de la GPP, dans les conditions locales données. Comme l'explique l'article de M-L-M Mayhem! en lien plus haut, cela ne veut pas dire mener des opérations militaires d'entrée de jeu mais que toute agitation révolutionnaire culmine forcément dans un affrontement militaire entre forces révolutionnaires et contre-révolutionnaires. Lorsque l'affrontement militaire n'est pas immédiatement à l'ordre du jour, même si nous considérons la GPP comme universelle, s'y lancer s'appelle de l'aventurisme. En revanche, lorsque la situation politique est telle que l'affrontement militaire est la forme immédiate de la politique, il n'est pas possible de contourner cette perspective. C'est le cas en Syrie.
2) L'universalité de la GPP signifie qu'elle s'applique en Syrie. La question première pour les maoïstes lorsque l'on parle de la Syrie est donc de savoir comment la GPP doit être menée et à quel moment élever la lutte à un stade militaire. Il n'y a pas de forces maoïstes organisées en Syrie, ce qui pose la question sous une forme encore plus complexe : dans une situation où l'aspect militaire a pris le dessus, de quel côté doivent se situer les communistes ? Les révisionnistes nous disent que la défense du régime Assad est prioritaire mais les masses syriennes, elles, nous disent que le régime doit tomber. Alors, que faire ? Le Kurdistan est la clé de la réponse. Les Kurdes ont réussi à instaurer un équilibre stratégique avec le régime tout en chassant l'ASL du Kurdistan "syrien". Ce n'est pas rien. Ces réalisations impressionnantes de libération nationale, toutefois, ont été obtenues de manière responsable : il n'y a pas eu de tentative de diviser formellement la Syrie, seulement de délimiter des zones de contrôle autonome. Il ne fait aucun doute que cela suive une patiente stratégie de construction nationale de la part des Kurdes, qui reconnaissent la nécessité d'un futur Kurdistan mais aussi l'inévitable complexité d'une telle construction. En substance, ils suivent une stratégie similaire à la GPP mais sans contrôle prolétarien ni direction idéologique communiste. Ceci n'en crée pas moins une convergence stratégique et une possibilité d'union entre les forces maoïstes et la lutte kurde.
3) Les communistes syriens qui veulent lutter contre l'impérialisme doivent comprendre que le régime Assad est un régime profondément compradore, qui n'a nullement l'intérêt national syrien à l'esprit et qui n'a pas une relation égalitaire avec l'impérialisme russe mais plutôt une relation néocoloniale, de même qu'avec l'expansionnisme iranien. La Syrie n'est pas qu'une simple marionnette du fait d'être une semi-/néocolonie : elle ne fait pas qu'exécuter les ordres des Russes, elle bénéficie d'une marge de manœuvre bien réelle à ce niveau, mais elle fait néanmoins office d'avant-poste de l'impérialisme russe et de l'expansionnisme iranien, défendant leurs intérêts même si cela présente un risque pour les intérêts nationaux syriens. De ce fait, on a raison de se révolter contre Assad et encore plus de mener la révolution contre lui. Défendre Assad, comme le font les révisionnistes, revient à défendre le Kuomintang contre le Parti communiste chinois.
4) Pour autant, nous devons reconnaître que l'Armée syrienne 'libre' est dominée par une coalition des forces partisanes de l'impérialisme US et de l'expansionnisme saoudien, de djihadistes et d'aspirants compradores. Étant la principale force militaire combattant Assad sur le terrain, ceci pose une contradiction claire : il n'y a pas au niveau pan-syrien d'opposition militaire à la fois à Assad et à l'OTAN, et il serait suicidaire de tenter d'en construire une dans l'immédiat [NDLR : pourquoi ? Pas franchement d'accord sur ce point, des tas de zones en Syrie autres que le Kurdistan peuvent très bien se prêter à un "contrôle populaire autonome", notamment le Djebel druze autour de Deraa d'où est partie la contestation].
5) L'heure est donc à la Longue Marche vers le Kurdistan : pour rompre avec le régime Assad, pour développer et coordonner les forces avec le mouvement kurde, pour s'opposer aux liquidateurs nationaux ASL-US-saoudiens, pour reconstruire une base populaire de masse pour une Nouvelle Syrie démocratique. Les Kurdes ont effet créé un sanctuaire libre de toute interférence, tant impérialiste-djihadiste que du régime. Ils ont aussi une longue histoire d'internationalisme prolétarien, sur la base du respect des traditions et de l'autonomie kurde. Ceci crée les conditions concrètes et matérielles parfaites pour le développement d'une troisième voie capable de prendre l'initiative stratégique, quand bien même les Kurdes eux-mêmes n'en auraient pas la volonté ou la capacité.
6) Pour ceux d'entre nous hors de Syrie, il est crucial de s'opposer à l'impérialisme mais tout aussi crucial de chercher à établir des liens avec ceux qui en Syrie sont d'accord avec nous, de leur apporter notre soutien mais aussi de nous lier et de militer pour la GPP en alliance avec les forces nationales kurdes de Syrie. Nous devons chercher à développer un Front uni avec toutes les forces souhaitant s'opposer à l'impérialisme en termes concrets au sein de nos pays impérialistes, nonobstant nos différences et comment la lutte se développe sur le terrain ; seules des considérations de sécurité nous amenant à écarter des groupes de ce Front (par exemple des groupes connus pour être des mouchards des services syriens ou occidentaux). Notre objectif premier doit être de mener l'agitation contre l'intervention et l'ingérence impérialiste en Syrie, ceci incluant la dénonciation de l'ASL et de ses apologistes pour les instruments de l'impérialisme USaoudien qu'ils sont. Dans le même temps, en dehors de ce Front uni, nous devons assumer clairement la critique du régime Assad et la défense des revendications
originelles pour la démocratie, la libération/autodétermination nationale et une véritable libération de l'impérialisme (pas seulement US et saoudien) que portaient les masses syriennes avant que l'OTAN n'intervienne. Nous devons lutter aussi pour un compte-rendu correct des évènements sur le terrain, et combattre les mensonges et travestissements de la réalité par les deux bords.
Telle est la position maoïste : libre d'illusions, profondément matérialiste et résolument opposée au révisionnisme et autres courants qui voudraient sacrifier l'indépendance du prolétariat sur l'autel d'un anti-impérialisme de pacotille. La révolution n'est pas un pique-nique ni un jeu où vous choisissez une équipe. Vous luttez pour être un partisan, et pour construire une équipe composée des couches les plus avancées du prolétariat. Assad n'est pas dans le camp du prolétariat. Les Kurdes le sont ; ceci est le pivot. Les plus vite nous le réaliserons, le plus vite la confusion disparaîtra de nos rangs et le plus clair sera notre plan de bataille : nous pourrons alors avancer dans notre tâche de construire la révolution là où nous sommes. En saisissant l'opportunité offerte par les Kurdes, le Mouvement communiste international se donne la possibilité d'acquérir une expérience de grande valeur et de redonner une nouvelle vigueur à la pratique maoïste dans une région du monde qui en a cruellement besoin. En nous alignant sur le révisionnisme, nous anéantissons nos possibilités de créer la confiance parmi les masses, d'assumer une perspective de ligne de masse et en définitive, de lutter contre le révisionnisme pour l'hégémonie dans la lutte du prolétariat.
Ces réflexions, pour extensives qu'elles soient, sont loin d'être aussi exhaustives qu'elles devraient l'être et je ne peux que souhaiter qu'elles engendrent le débat nécessaire sur ce sujet complexe. La lutte de lignes doit cependant être claire : capituler devant le révisionnisme et ses cousins, ou lutter pour le maoïsme et l'universalité de la Guerre populaire prolongée. Tel est l'enjeu.
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En substance, ce qu'il faut retenir de cet excellent (disons-le encore une fois) article, c'est que :
1°/ Il ne devrait pas être permis, pour quelqu'un se voulant "communiste", de disserter sur un sujet d'actualité sans l'avoir LONGUEMENT étudié sous TOUS SES ASPECTS, sans avoir enquêté dessus. Ce n'est pas une position communiste que de faire "rentrer au forceps" l'analyse d'une situation dans des schémas dogmatiquement préétablis. Cela, nous l'avons dit et répété des dizaines de fois contre toutes sortes de points de vue aussi bien "révisios"/"marxistes-léninistes" que "maoïstes" sur toute une série de situations, depuis les pays "bolivariens" d'Amérique latine jusqu'aux révoltes populaires arabes (y compris et surtout en Libye et en Syrie, là où cela a été "problématique") en passant par la Côte d'Ivoire.
2°/ À présent que la situation mondiale (nous l'avons dit et répété des dizaines de fois...) est revenue au stade du "Grand Jeu" impérialiste du début du 20e siècle, nous devons "nous débarrasser des habitudes intellectuelles de la Guerre froide" : ces sinistres réflexes "campistes" des années 1970-80 qui ont littéralement "plombé" le premier Mouvement communiste international dans ses deux dernières décennies d'existence. Réflexes "campistes" automatiquement (pavloviennement) pro-soviétiques mais aussi automatiquement/pavloviennement anti ; le bloc social-impérialiste d'hier étant aujourd'hui remplacé par un "bloc anti-occidental" incarné par la Russie de Poutine, la Chine, l'Iran, Cuba et le Venezuela etc. etc. En réalité, "abandonner les vieux réflexes de la Guerre froide" ne veut pas seulement dire ne pas défendre aveuglément tout ce que font ou soutiennent Poutine, Pékin, Téhéran ou encore Fidel Castro dans ses "réflexions" quasi-quotidiennes : cela veut dire apprendre à voir au-delà de la première et apparente surface des évènements ; première et apparente surface systématiquement "Nouvel Ordre Mondial vs Résistance" pour les uns (conduisant droit au "rouge"-brunisme) mais tout aussi systématiquement "conflit inter-impérialiste on-s'en-fout pas-de-camp-à-choisir" pour les autres, pouvant conduire tout aussi droit au pro-occidentalisme de fait, et dans tous les cas à l'impuissance et l'absence de ligne de masse ("être audible et convaincant auprès des gens"). De fait, si le maoïsme nous apprend à correctement rechercher et définir la contradiction principale dans une situation donnée, il est également porteur d'une possible grave déviation à ce niveau-là : ne rien voir ou vouloir voir d'autre que cet aspect principal. C'est finalement de cette manière que l'on peut, chez les maoïstes ou les marxistes-léninistes "mao-inspirés", trouver autant de pro-Assad que de "ni-ni" aux penchants pro-opposition mal dissimulés sur la question de la Syrie, ou autant de pro-russes que de partisans mal dissimulés du mouvement EuroMaidan sur la question de l'Ukraine.
Quel est l'aspect principal en Syrie ? Depuis 2012 (deux ans voire plus) il ne fait aucun doute que c'est un affrontement entre les impérialismes (Russie, Chine) et les expansionnismes (Iran) qui soutiennent le régime et ceux (Amérique du Nord, Europe de l'Ouest, Arabie, Qatar, Turquie d'Erdoğan) qui appuient la rébellion ; et non plus une légitime révolte populaire contre un régime corrompu, bureaucratique-compradore, réactionnaire et policier comme au printemps 2011. POUR AUTANT, nous voyons bien avec cet article de Maosoleum que si l'on plonge la tête sous la surface de cet aspect principal, on trouve la lutte et les grandes réalisations méconnues du PYD kurde ainsi que les légitimes revendications et les forces progressistes du début de la révolte, qui n'ont pas disparu même si elles ne sont plus principales. Si nous nous étions arrêtés au premier et principal aspect, nous n’aurions tout simplement jamais rien vu de cela !
Et il en va exactement de même en Ukraine, où le conflit est pour le coup depuis le début (et à 200%) une lutte d'influence entre la Russie et un bloc US-UE... Mais où cet aspect principal ne peut en aucun cas nous faire passer pour "quantité négligeable", en dépit de tout sentiment progressiste humain, la mort atroce de plus de 40 personnes pour la plupart authentiquement progressistes et antifascistes, opposées au nouveau régime pro-UE de Kiev !