La thèse développée par SLP, aussi bien dans son article La Question nationale au 21e siècle que dans les Considérations diverses : un (gros) pavé sur la Question nationale..., appelle une clarification afin d'éviter 'préventivement' toute confusion et donc tout 'procès' basé sur une fausse interprétation du concept.
Au préalable, il est important de rappeler que cette thèse :
1°/ est une 'piste de réflexion', qu'elle est peut-être erronée en tant que telle ou (plus probablement) imparfaite ; et que SLP, contrairement à 'd'autres', n'a pas la prétention de détenir la vérité ;
2°/ est 'maximaliste', 'gauchiste' dans le sens où la conscience réelle de masse est actuellement bien en-deçà ; ou plutôt, ce qui serait gauchiste, serait d'en faire une ligne de démarcation absolue à l'heure actuelle.
Ensuite, la confusion très importante à dissiper, c'est que l'encerclement des Centres par les Périphéries n'est pas une substitution de ceux-ci aux classes et à leur lutte. Il n'y a pas une 'lutte de la Périphérie contre le Centre' remplaçant la lutte des classes. Dans toutes les Périphéries et tous les Centres, il y a une bourgeoisie dominante (éventuellement aussi des féodaux dans le 'tiers-monde') et un prolétariat (parfois allié à une paysannerie pauvre et aux 'indépendants' pauvres) ; et ces deux 'pôles' idéologiques, de la Révolution et de la Réaction, s'affrontent avec les forces que chacun aura gagné à lui.
Simplement, l'encerclement du Centre par la Périphérie est le SENS DE DÉPLOIEMENT de cette lutte de classe. Autrement dit, le NIVEAU DE LA LUTTE DE CLASSE, le niveau d'antagonisme et, en définitive, le niveau d'avancement vers le communisme, est d'autant plus élevé que l'on s'éloigne des 'Centres' du capitalisme monopoliste mondial*. Il est important de souligner aussi, ici, qu'il ne faut pas chercher à tout prix à matérialiser géographiquement le 'Centre'. Le Centre, c'est là où se trouve et décide, là où vit et sévit la classe dominante. Typiquement, on pourrait dire que son symbole sont les tours des quartiers d'affaires qui s'élèvent à des centaines de mètres vers le ciel... Mais il ne faut pas avoir une vision romantique du Centre (pensant qu’on pourrait simplement ‘faire sauter les tours’, par exemple, comme dans le film Fight Club…) ; celui-ci a avant tout une caractérisation scientifique, en termes de rapports d'exploitation et de domination.
Il n'y a donc là AUCUNE NÉGATION DE LA LUTTE DES CLASSES, mais simplement une analyse de 'là d'où souffle le vent' (et de pourquoi il souffle dans cette direction).
Ce que SLP assume, en revanche, c'est que cette théorie nie la France ; ou plutôt, non : elle la reconnaît comme l'objectif principal et absolu à détruire. La France est pour SLP un appareil politico-militaire et idéologico-culturel d'oppression des masses ; l'expression administrative, répressive et idéologique de la classe exploiteuse et oppresseuse de cette centaine de départements (de métropole et d'outre-mer), mais aussi de dizaines de néo-colonies (d’Afrique et d’ailleurs). SLP, on l'a dit, est conscient que c'est une prise de conscience qui sera longue et qui ne doit pas devenir une ligne de démarcation dans l'immédiat. Mais très sérieusement, alors que nous approchons du 11-Novembre, quand on y réfléchit, la France, qu'est-ce d'autre que CELA :
Il y a chez certain-e-s une contradiction ahurissante, quand on peut lire un jour que 'la France a fait son temps', qu'il n'y a 'qu'un drapeau, le drapeau rouge', et le lendemain, que des gens (comme SLP...) 'nient la lutte des classes en France en niant la France', sont à la fois 'cosmopolites' et 'identitaires de gauche', etc. etc. Ahurissant, ou plutôt... pas du tout : car rien là de bien neuf que la vieille conception trotskiste à la Lambert, qui va dénoncer comme 'identitaire', 'nationaliste petit-bourgeois' etc. toute expression d’une culture populaire et de refus d'une domination nationale, d'une négation culturelle (minorités) ou d'une quelconque 'inégalité territoriale' ; clamant alors que 'le seul drapeau de la classe ouvrière est le rouge' ; puis défendre la construction monarcho-bonapartiste 'France' (sur une ligne quasi jacobine à la Chevènement et compagnie), sous prétexte de 'cadre national de la lutte de classe'...
Cette thèse des Centres et des Périphéries a été essentiellement développée par le passé par le grand théoricien économique marxiste-léniniste (anti-révisionniste pro-chinois en son temps) Samir Amin, qui n'est certes pas "parfait", et avec qui l'on peut avoir plus d'un désaccord voire même trouver plus d'une position complètement pourrie ; mais qui n'en reste pas moins, de notre point de vue, l'une des grandes productions intellectuelles de la deuxième moitié du 20e siècle qui ont contribué à enrichir le marxisme-léninisme et à en faire aujourd'hui une compréhension du monde bien plus avancée que ce qu'elle était à la mort de Lénine ou dans les années suivantes, méritant que l'on parle désormais de maoïsme.
[Un exemple des - passionnantes - thèses d'Amin ici : Samir-Amin-develop-pement-inegal-et-question-nationale.pdf ; lire aussi : http://servirlepeuple-servirlepeuple.eklablog.com/sur-une-controverse-de-definitions-entre-marxisme-et-decolonialisme-a157559122]
Pour SLP, les Périphéries sont concentriques et ne sont pas antagoniques entre elles (pas d'elles mêmes en tout cas : elles sont éventuellement opposées par la classe dominante, qui va piller l'Afrique pour assurer le 'petit confort' des classes populaires en France, mais ce n'est pas une opposition naturelle). La seule chose qui les distingue, c'est le niveau de conscience et de lutte révolutionnaire.
Le point le plus élevé de cette conscience et de cette lutte, que cela nous plaise ou non, est éminemment dans les pays dominés, les pays du 'tiers-monde'. C'est le sens de la Guerre populaire menée en Inde et aux Philippines, et à moindre intensité au Pérou et dans l’État turc ; mais aussi de dizaines de guérillas populaires d'inspiration plus ou moins marxiste en Amérique latine (EPR au Mexique etc.), de résistances populaires anti-impérialistes (éventuellement sous un drapeau religieux) comme en Palestine, en Irak et en Afghanistan, ou d'autres moins connues comme celle de l'Irian Jaya (Papouasie indonésienne) ou du Delta du Niger ; de gigantesques mouvements populaires comme les Sans-Terres au Brésil et autres mouvements paysans de toutes les Amériques, les piqueteros en Argentine, toutes sortes de mouvements des classes populaires pauvres en Afrique du Sud, et bien sûr les immenses mouvements arabes de cette année. Lorsqu'il y a un Parti assumant la ligne révolutionnaire (c'est à dire maoïste), alors il y a Guerre populaire. Dans les autres cas, il y a 'mouvement', 'résistance', 'guérilla armée' : on peut dire que la Guerre populaire est à 'l'étape zéro'.
La Guerre populaire en Inde est assurément la plus importante du monde, succédant à celle du Népal après son interruption (et finalement sa trahison). L'Inde pourrait bien un jour, comme l'avait annoncé Mao Zedong il y a plus de 60 ans, être le nouveau Soleil Rouge qui se lève sur le monde, après la Russie soviétique et la Chine populaire. Cela confirme tellement la thèse de SLP, dirait-on, qu'il se trouve maintenant même des 'maoïstes' pour critiquer cette lutte révolutionnaire héroïque.
Par la 'morphologie' de son organisation économique et sociale, l'Inde, comme la Chine de Mao, est TYPIQUEMENT un pays d'encerclement des villes par les campagnes. Cela ne signifie NULLEMENT que la classe ouvrière, le prolétariat des villes, ne joue aucun rôle dans la Guerre populaire. JAMAIS Mao (pour la Chine) ni aucun maoïste (pour où que ce soit) n'a affirmé une telle chose ; que la Ville ou le Centre ne joue aucun rôle sinon passif, 'attendant' l'Armée rouge venant des campagnes. Et les maoïstes indiens pas plus que les autres. Depuis de nombreuses années maintenant, ils ont établi des passerelles avec le mouvement ouvrier et populaire dans les grandes villes, et parviennent à organiser de gigantesques bandh (grandes grèves et manifestations). À travers leur Front révolutionnaire, ils s'efforcent aussi d'agréger les forces démocratiques de la petite-bourgeoisie, de la petite classe moyenne qui s'est développée depuis quelques décennies, parfois issue des 'basses castes' de l'ancienne organisation sociale féodale. MAIS VOILÀ, il ne faut pas se faire d'illusions, il faut se faire une raison, que cela nous plaise où non : le niveau de lutte ouvrière et populaire dans les grands centres urbains grandira à mesure que grandira la Guerre populaire dans les campagnes reculées et les zones 'aborigènes', comme 'phare' de toutes les luttes du pays (de classe, de caste, de libération nationale...). Un des pays du monde où la lutte révolutionnaire est au plus haut est l'Inde ; et l'endroit du pays où cette lutte est la plus 'haute' est le 'corridor rouge', que cela nous plaise ou non. Tel est le constat, et le constat s'impose préalablement à toute analyse scientifique de la réalité, qui ne peut que découler du constat. De plus, dire que les Naxalites se 'moquent' (pratiquement) de la classe ouvrière, c'est nier le très important prolétariat rural ainsi qu'un important semi-prolétariat des campagnes (des paysans ayant une petite terre, mais très insuffisante pour les faire vivre : ils vendent donc, une partie de l'année, leur force de travail au centre industriel le plus proche, à la mine, la plantation agro-capitaliste ou l'exploitation forestière voisine). Le salariat, depuis 30-40 ans, a très largement pénétré dans les campagnes indiennes, comme dans toutes les 'campagnes' du monde.
Et tout ce processus, de plus, sera TRÈS LONG. Il est aussi grotesque que délirant d'affirmer que 'les prochains mois, la prochaine année' seront décisifs : cela revient tout simplement à affirmer que, lorsque le PC et l'Armée rouge de Chine ont entamé leur retraite stratégique dans la célébrissime 'Longue Marche', 'tout était fini'... C'est totalement anti-scientifique.
Ce qui est vrai, en revanche, c'est qu'une prochaine étape CAPITALE pour l'extension de la Guerre populaire en Inde, sera son extension aux slums, les immenses bidonvilles des mégalopoles (à commencer par Calcutta, la 2e du pays et la plus accessible aux maoïstes) ; slums où s'entassent les masses chassées des campagnes par la misère et l'agro-business, qui se 'réfugient' en quelque sorte (à la fois politiquement et économiquement) à la PÉRIPHÉRIE (encore une fois !) des grands centres urbains, et y survivent comme elles peuvent... Les bases rouges de la Guerre populaire seraient alors aux portes des villes. Mais il va de soi que les maoïstes indiens n'ont pas attendu SLP, ni qui que ce soit pour y penser !
Ailleurs qu'en Inde, ce sont d'autres 'campagnes', d'autres Périphéries qui encerclent d'autres Centres. En Europe, toujours plus 'intégrée' économiquement (même si les contradictions et la concurrence, entre États et entre monopoles, est toujours bien présente), c'est au Sud (État espagnol, Italie, Portugal, Grèce), dans une certaine mesure à l'Ouest (Irlande, Écosse, Pays de Galle etc.) ainsi qu'à l'Est (malgré un certain discrédit de l'idée révolutionnaire à cause du révisionnisme ; et une certaine nostalgie du révisionnisme y faisant face) que se trouve la 'Périphérie' où le niveau des luttes, sans pouvoir être comparé à l'Inde ni même aux pays arabes, est le plus élevé. Elle entoure un 'Centre' autour d'un axe allant de l'Italie du Nord au Sud de l'Angleterre ; ou, pourrait-on dire, entre une ligne Trieste-Hambourg et une ligne Marseille-Le Havre. Dans l’État français lui-même, sans préjudice ni irrespect pour aucune lutte ni militant-e héroïque où qu'elle se trouve, on trouvera un niveau de conscience et de lutte de classe plus élevé et plus répandu au Sud et à l'Ouest, par rapport à la population, que dans le Grand Paris ou le Grand Lyon. On trouvera également un bon niveau le long de la frontière Nord, du Pas-de-Calais à la Moselle en passant par les Ardennes ; sans toutefois perdre de vue l'importance historique et culturelle de la social-démocratie dans le Nord-Pas-de-Calais (comme d'ailleurs en Wallonie voisine) ; et d'une certaine droite ouvrière dans le Nord-Est, qui se traduit aujourd'hui par un fort vote FN.
Globalement, il faut bien faire ce constat, le prolétariat ouvrier (si l'on fait bien la distinction avec l'aristocratie ouvrière) se trouve désormais moins dans les grandes métropoles économiques que dans des zones qu'on peut qualifier de semi-rurales : des 'vallées' ou des 'bassins' industriels entourés de zones agricoles ou naturelles. Ce n'est pas 'nouveau', cette industrie rurale est même une constante historique du capitalisme français. Mais aujourd'hui, si elle est peut-être numériquement plus nombreuse, la classe ouvrière l'est proportionnellement moins dans les grandes métropoles, qui se sont largement tertiarisées. Elle est de surcroît plus aristocratisée, sauf bien sûr les colonies intérieures (que la bourgeoisie ostracise en encourageant le racisme) ; et tout cela joue sur sa culture politique. Et les nouvelles 'classes tertiaires' trustent de manière très importante le 'milieu militant', 'radical' mais aussi syndical, avec une proportion toujours croissante de militants fonctionnaires ou travailleurs intellectuels par rapport aux militants organisés ouvriers et prolétaires, et même aristocrates-ouvriers...
Dans les zones semi-rurales, au contraire, la condition ouvrière est objectivement très prolétarienne, d'une pauvreté parfois effroyable, qui fait parler les petits-bourgeois 'charitables' de 'quart-monde'... Subjectivement, les choses sont malheureusement moins évidentes. Parfois, on trouve une tradition locale de droite ouvrière (liée à l’imbrication avec une ruralité conservatrice); mais, d'une manière générale, la conscience et le niveau de lutte de classe souffrent d'un 'repli métropolitain' et d'un abandon par le 'milieu militant', non seulement révolutionnaire (ou prétendu tel...) mais aussi 'réformiste radical'. Le Front National, lui, ne s'y trompe pas et étend ses tentacules (surtout au Nord, à l'Est et au Sud-Est). Pour autant, lors d'un plan social ou de toute autre saloperie patronale, on verra s'exprimer une combattivité admirable et nettement supérieure à celle d'une grande métropole (où simplement, parfois, la perspective de retrouver un emploi avant la fin de droits et les minima sociaux apparaîtra plus probable...). Dans ces bassins ouvriers 'relégués' et périphériques, la fermeture de 'l'usine du coin' a souvent des conséquences catastrophique et irrémédiables, même pour ceux et celles qui n'y travaillent pas : c’est la condamnation sans appel au 'quart-monde'.
À la périphérie des grandes métropoles se trouvent encore d'autres zones de relégations, les GHETTOS URBAINS, où se concentre la population la plus objectivement prolétarienne et, de manière sur-représentée, les minorités national-culturelles des colonies intérieures. Là, avec la désindustrialisation des grandes métropoles, et particulièrement chez les jeunes (parfois 50% au chômage), ce n'est pas tant le bleu de travail qui règne, que le 'tenir les murs'. Les vieilles cultures populaires locales se mêlent aux cultures nationales des colonies intérieures, et à la culture des ghettos new-afrikans d'Amérique du Nord (qui s'est 'mondialisée' avec le hip-hop). On peut dire que le Grand Paris, le Grand Lyon ou encore Marseille sont quelque part des 'nations multiculturelles' en formation, des métropoles multiculturelles préfigurant la société internationale communiste de demain.
Malheureusement (c'est la contradiction fondamentale dans le champ de la culture et de la conscience politique), c'est aussi là que le Centre est culturellement et politiquement le plus fort (c'est moins vrai pour Marseille : la classe dominante 'niche' plutôt à Aix)...
On voit bien là autant de Périphéries que seul un Parti organisé au niveau de l’État bourgeois peut coordonner dans leurs luttes, pour détruire ce dernier en étranglant lentement le Centre. Sans cela, la classe dominante parviendra évidemment à dresser les consciences et les luttes les unes contre les autres, à transformer en contradictions au sein du peuple la contradiction NORMALE qui oppose les masses à son règne pourrissant. Mais ce Parti devra correctement saisir le 'sens du vent'. Au 20e siècle, le PCF mythifiant '1793' rêvait encore d'une révolution dont le centre serait Paris ; et les trotskystes et même les anarcho-syndicalistes ne voyaient pas les choses différemment. Aujourd'hui, des 'maoïstes' semblent leur emboîter le pas...
Dans tout ce processus de lutte révolutionnaire, mettre en avant la CULTURE POPULAIRE contre la culture académique de la 'France des Siècles' est évidemment un aspect parmi d'autres de la lutte, mais un aspect ESSENTIEL pour, justement, sortir de l'économisme (la lutte uniquement 'contre les patrons').
Parfois, cette culture populaire a un caractère NATIONAL (principalement par l'existence d'une langue).
C'est le cas au PAYS BASQUE, où la bourgeoisie tant espagnoliste que 'basquiste' et les néo-bourgeois en herbe du réformisme abertzale 'célèbrent' la 'fin d'ETA'. La 'dérive' d'ETA, nous dit-on, remonterait aux années 1970 : c'est là que prendrait source leur 'identitarisme de gauche'... Étrange ! Pour qui connaît l'histoire populaire et révolutionnaire du Sud des Pyrénées, on retiendrait plutôt que les années 1975-85 marquent l'apogée du Mouvement de Libération Nationale Basque (MLNV). C'est en effet l'époque où le MLNV (avec, à sa tête, ETA) cesse d'être seulement antifasciste pour devenir révolutionnaire ; en étant une des rares organisations (avec le PCE(r), les GRAPO etc.) à rejeter le 'ravalement de façade démocratique' de Juan Carlos de Bourbon ; et en restant convaincu que l’État profond restait inchangé par rapport au franquisme. Il faut songer au naufrage total du PC 'historique' à cette époque (et dès les années 60, en vérité) ; tandis que sa scission 'orthodoxe' de 1984, le PCPE, gardera la ligne de '3e République' mais sur une pratique totalement syndicalo-réformiste ; ne comprenant pas que si l'on pouvait désormais, peut-être, mener une certaine activité 'au grand jour' et qu'il fallait en profiter, le juan-carlisme n'était nullement une 'étape intermédiaire' à ‘mener à son terme’ en abolissant la monarchie, mais le nouveau visage ('moderne') d'un État inchangé. Quant aux expressions de la bourgeoisie 'basquiste' (PNV), catalaniste (CiU) etc., elles tombèrent complètement le masque en se ralliant à la 'Réforme' et en devenant la déclinaison locale de l’État espagnol. C'est donc, en outre, à ce moment-là que le MLNV devient majoritairement progressiste, alors que jusqu'à la mort de Franco, y était encore majoritaire le 'peuple PNV' tenu par un nationalisme bourgeois de droite, conservateur, clérical, 'JEL' (acronyme de 'Dieu et les vieilles lois'). Le prolétariat et les classes populaires basques avaient en outre fusionné avec l'importante immigration (tout au long du franquisme) venue du reste de la péninsule : les personnes portant là-bas le nom du père ET de la mère, il est fréquent que les militant-e-s de cette gauche abertzale portent un nom basque ET un nom 'espagnol'. Ethnique, quasi racialiste, le nationalisme PNV était donc là aussi dépassé par l'histoire (et condamné à n'être plus que ce qu'il était : un parti bourgeois).
Ce qui est vrai, en revanche, c'est qu'ETA et la gauche du MLNV n'avaient pas bien compris la nature de l’État espagnol... Mais à vrai dire, pas moins bien que le PC basque dans sa déclaration fondatrice de 1935 (que met en avant Voie Lactée) ! L’État espagnol est en effet décrit comme un État 'impérialiste' et 'colonisant' les Peuples basque, catalan, galicien, canarien etc. Une erreur en apparence 'légère', mais en définitive fondamentale, dont ressort cette impression de 'racisme anti-espagnol' que donnera parfois le mouvement ; et dont pourront se repaître tous les social-démocrates 'à la botte', lecteurs d'El Pais et électeurs du félipisme et du zapaterisme... Ce qui fera le jeu, aussi, des partisans abertzale de 'l'abandon de la violence' et de la 'solution politique' : la violence révolutionnaire étant, selon eux, à l'origine de ce 'malentendu'.
En effet, le moins que l'on puisse dire, c'est que le Pays Basque 'colonisé' était, en fait... la 2e région de la péninsule en termes de développement économique et de niveau de vie, après la Catalogne ! Difficilement argumentable...
L'analyse correcte (ou y tendant) de l’État espagnol, et bien... c'est celle que SLP a transposée à l’État français. Notons que ces deux États sont les plus vastes, en superficie, d'Europe hors Russie. L’Espagne est un ensemble de peuples que Charles Quint, avec une poésie certaine, disait unis pour l'accomplissement de destinées universelles. En réalité, unis par un mariage féodal (Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon), ainsi que quelques conquêtes (Andalousie en 1492, Navarre en 1512, Canaries), et mis au service de la lignée issue de ce mariage (et de sa Cour) dans l'accomplissement, en effet, de leurs fantasmes d'Empire mondial. Dans le cadre de cet État monarchique s'est alors développée une bourgeoisie espagnole qui a pris le pouvoir au 19e siècle, en s'appuyant sur les militaires libéraux entourant la reine Isabelle II. Cette bourgeoisie fusionnait les différentes bourgeoisies du royaume (celle du Pays Basque côtier, des ports de la côte Nord et des mines des Asturies, de Madrid, de Barcelone et Valence, de Séville et du Bas Guadalquivir 'débouché des Amériques', etc.). Ici et là (à vrai dire, surtout en Euskadi et en Catalunya), une bourgeoisie particulièrement dynamique a pu développer un sentiment anti-centraliste, ressentant la Castille et l'Aragon comme 'parasitaires' (effectivement bien moins développés d'un point de vue capitaliste : les bourgeois basques et catalans pouvaient avoir l'impression que l'aristocratie et la haute bourgeoisie de l'intérieur 'profitaient' de leur travail). Au niveau féodal et clérical, il y eut aussi des résistances à l'abolition de la Generalitat catalane (en 1714) et des fueros basques au 19e siècle. Curieusement, avec la Galice (parlant une langue proche du portugais, mais alors très conservatrice et immédiatement franquiste en 1936), ces zones de nationalisme bourgeois fort sont les seules 'nations opprimées' par 'l'impérialisme espagnol' que retient le document de 1935 (avec bien sûr les colonies du Maroc)...
Pourtant, la réalité semble bien être qu'il y a TOUJOURS EU (en tenant compte, bien sûr, de l'importante immigration intérieure... mais aucun peuple n'est 'biologique' !) au moins 10 peuples : Catalans, Basques, Galiciens, Asturiens, Cantabres, Canariens, Castillans, Aragonais, Andalous... nous sommes déjà à 9. Et UNE bourgeoisie ESPAGNOLE, avec ici et là une bourgeoisie 'régionaliste' en contradiction trop forte avec les autres (moins dynamiques économiquement, en général) et souhaitant son autonomie économique, politique, fiscale etc. Quant à ‘l’impérialisme espagnol’, il n’est sans doute une réalité qu’à partir des années 1960-70, ce qui est aussi le sens de la ‘Réforme’ juan-carliste.
Auparavant, l’Espagne semblait plutôt, vis-à-vis de la France, dans la situation du Portugal vis-à-vis de l’Empire britannique : un ‘vieil Empire colonial’ sous tutelle et ‘relais’ de l’Empire tricolore. Et s’il est devenu impérialiste… c’est grâce au dynamisme des capitalismes basque, catalan, de la côte Nord etc. ! D’où tout l’intérêt d’intégrer les bourgeoisies ‘régionalistes’ à travers le système des ‘autonomies’ ; en ‘gérant’ la contradiction de la bourgeoisie espagnoliste (ultra-majoritaire partout ailleurs) avec elles : "nous avons besoin de votre dynamisme… mais vous avez besoin de nos flics, de notre justice, et peut-être un jour de notre Armée, pour tenir vos prolétaires !".
Il faut voir aussi la SIGNIFICATION POLITIQUE de cela : dans l’État espagnol, l'idéologie qui serait celle des Identitaires, du Vlaams Blok ou de la Ligue du Nord est rarissime et extrêmement isolée (bien qu'elle se développe un peu en Catalogne, mais se veut autonomiste 'culturaliste' et rejette l'indépendance). Généralement, si l'on déborde (dans une conversation...) de la question nationale sur les autres questions du vaste monde, ce qui est espagnoliste est RÉACTIONNAIRE (y compris chez certains 'communistes', à l'idéologie proche d'André Gerin ou du POI), ce qui est autonomiste (ou favorable aux autonomies comme le PSOE 'national') est de 'droite modérée' ou de 'centre-gauche' bourgeois... et ce qui assume la position ci-dessus exposée est clairement progressiste (comme la 'gauche abertzale') ou clairement RÉVOLUTIONNAIRE, assumant l'antagonisme contre le capitalisme et les institutions comme bien peu l'assument dans l’État français.
N'avoir pas compris cela est sans doute, après le militarisme, l'autre grande erreur d'ETA et du 'socialisme révolutionnaire de libération nationale' basque. Mais ce n'est sans doute pas l'erreur que va lui reprocher 'Voie lactée', qui lui reprocherait au contraire de n'avoir pas été la 'branche basque' d’un PC révolutionnaire espagnol, qui aurait ensuite 'reconnu' les 'droits nationaux démocratiques' des basques (et des catalans etc.), de manière octroyée et presque opportuniste, limite profonde de la conception ML du monde au 20e siècle, que nos 'maoïstes' semblent bien en peine de dépasser... Il est d'ailleurs cocasse que leurs grands potes d'Odio de Clase, bien que s'exprimant exclusivement en castillan (alors que le Comité 'Manolo Bello', galicien, publie à 50% dans cette langue), se veuillent un 'blog révolutionnaire CANTABRE'... bouh, ‘identitaires de gauche’ va !
Enfin, une dernière 'considération' pourrait peut-être porter, justement, sur les Identitaires - au moment où 'identitaire de gauche' a quitté la sphère CNT-AIT pour devenir un nom d'oiseau à la mode, semble-t-il. Qu'en est-il de cette idéologie ? Et bien, les Identitaires sont tout simplement les fascistes qui ont le mieux saisi l'air de leur temps. Et qui, plutôt que de tenter tous seuls, en étant relativement peu nombreux, d'imposer leur vision, ont pris le parti de pousser le FN (caisse de résonance autrement plus grosse !) à... leur courir après ! Ils ont tout simplement compris, contre un fascisme trop ouvertement BBR, nationaliste étroit façon 3e République, l'attachement spontané des masses populaires à... leur culture populaire ; et le ridicule qu'il y avait à prôner, à l’heure de l’Europe et des ‘Etats-continents’, un nationalisme étroit anti-européen, anti-allemand etc. (ce qui les rattache en plus à un vieux rêve 'France-Allemagne-Russie' de l'impérialisme français, une 'Grande Europe forte' contre à la fois les États-Unis et les 'émergents', en premier lieu la Chine).
Mais voilà :
1°/ leur défense des cultures populaires est ethniciste, 'biologique', 'organique' : ce n'est en rien la définition scientifique, matérialiste historique de ce qui fonde une culture populaire régionale, ou à caractère national. Pour eux, la 'patrie charnelle' telle qu'ils l'appellent est ORGANIQUE et plonge ses racines jusqu'aux peuples gaulois dont ils aiment d'ailleurs prendre les noms ('Arvernes' en Auvergne, 'Allobroges' en Savoie). Elle peut absorber 'à petite dose' de nouveaux arrivants 'civilisationnellement compatibles' (autrement dit, Européens chrétiens) et tolérer des Juifs 'patriotes' (à la Zemmour) ou 'identitaires’, 'enracinés' et pas 'diasporiques', 'luttant contre l'islamisation' comme la LDJ ; mais c'est tout. Ils ne vont, bien sûr, jamais reconnaître l'influence méditerranéenne et ARABE qui marque l'Occitanie, revendiquant au contraire la 'Recounquista' du Moyen-Âge contre les implantations arabo-berbères. Dans les grandes métropoles comme Paris, Lyon ou Marseille, ils vont bien sûr rejeter le multiculturalisme, qui préfigure le communisme universel.
2°/ Dans tous les cas, particulièrement dans les grandes métropoles contre le multiculturalisme, mais à vrai dire PARTOUT, la culture 'populaire' qu'ils vont revendiquer est figée (normal, puisque 'organique') et, finalement, digne du pire folklore pour touristes. Normal : leur essence de classe est petite-bourgeoise et ils sont incapables de voir la culture populaire comme un phénomène vivant. Ce qui en est arrivé jusqu'à saouler les nationalistes bretons très à droite d'Adsav, qui ont fini par rejeter la direction du 'Bloc' (toujours intéressant à relever, les contradictions au sein du fascisme...).
3°/ Ils ne rejettent pas la 'France des Siècles' ; ils l'assument au contraire totalement, comme 'patrie historique' (à côté de la 'patrie charnelle' locale et de la 'patrie civilisationnelle' européenne). Autrement dit (et c'est là qu'ils ne sont en rien des 'libérationnistes nationaux' même bourgeois, mais des RABATTEURS de la bourgeoisie impérialiste BBR), ils assument la construction nationale bourgeoise 'France' dans tous ses crimes, non seulement (bien sûr) coloniaux mais aussi intérieurs : écrasement du peuple occitan depuis la Croisade des Albigeois jusqu'aux Camisards, écrasement du peuple breton depuis le mariage féodal d'Anne de Bretagne jusqu'aux guerres de Chouans en passant par les Bonnets rouges, bûchers des 'sorcières' basques etc. ; tout cela jusqu'aux tranchées de 14-18 où tous périrent côte à côte, avec les soldats des colonies (Maghrébins, Antillais, 'Sénégalais'), dans une gigantesque apothéose de barbarie impérialiste... Ils 'assument' bien sûr 'toute l'histoire' du sombre 20e siècle : le 'bouclier' maurassien Pétain (lui aussi très 'terroir' et 'régionaliste'... mais auteur de nos actuelles régions administratives complètement basées sur la 'zone d'attraction' d'une métropole capitaliste, donc les intérêts des monopoles) comme 'l'épée' De Gaulle et son régime 'keynésien Croix-de-Feu', construisant la 'société de consommateurs' BBR sur la sueur et le sang de la Françafrique (génocide du Cameroun etc.). Ils assument et... tant mieux ! Les lignes de démarcation sont claires ; et il n'y a que des petits-bourgeois gauchistes pour voir des 'identitaires de gauche' partout et finir... 'jacobins rouges'.
4°/ Bien entendu, dernier point et le plus important, leur 'patrie charnelle' est aussi biologique et 'organique' qu'interclassiste : elle célèbre les notables 'couleur locale' et respecte, on l'a dit, la bourgeoisie francouille de la 'patrie historique', et même les autres bourgeoisies impérialistes de la 'patrie civilisationnelle' européenne (qu'ils espèrent alliées) ; tant que celles-ci ne sont pas 'mondialistes' (c'est à dire démocrates, universalo-humanistes, de 'gauche' ou de 'droite modérée' bourgeoise). Ils ne sont bien sûr nullement anticapitalistes, mais pour un capitalisme 'populaire', 'relocalisé' et 'démondialisé' : d'autres organisations fascistes font même bien plus semblant de l'être qu’eux. BREF, ils n'assument aucun antagonisme que ce soit avec le Capital et son État ; mais s'efforcent simplement de... détourner celui-ci, dans un sens réactionnaire. Ce qui pourrait éventuellement 'prendre' dans les bassins ouvriers semi-ruraux dont on a parlé... mais là est leur dernière limite : leur implantation est essentiellement dans les villes d'une certaine taille, à population étudiante. Les idéologues sont généralement des petits bourgeois intellectuels, piliers des 'corpos' de Droit, Médecine ou Pharma, adeptes de la ‘faluche’ etc. La jeunesse prolétaire 'blanche' des 'quart-mondes' semi-ruraux tombe, généralement, bien plus souvent dans les bras de groupes néo-nazis montés par des ex-militaires en retraite, qui 'doublent' les Identitaires sur le terrain de la radicalité 'antimondialiste', populiste sociale, ultra-chauvine et barbare ('défoulant' la rancœur de classe accumulée sur les minorités, les homosexuel-le-s, les 'faibles'...plutôt que sur les exploiteurs).
[* Un fait remarquable, à l'appui de cette théorie du déploiement Périphérie->Centre de la lutte des classes, est que la naissance et les grands développements de la théorie révolutionnaire du prolétariat sont toujours survenus dans des pays "à la marge" de l'économie capitaliste mondiale, des pays que gagnait à peine la capitalisation de l'économie, l'absorption de l'activité productive et des rapports sociaux par le capital : l'Allemagne du milieu du 19e siècle (Marx et Engels), l'Empire russe du début du 20e (Lénine), la Chine des années 1930-40 (Mao), puis l'Inde, l’État turc ou le Pérou des années 1960 et 70 (Mazumdar, Kaypakkaya, Gonzalo), etc. etc. Ceux qui rejettent cette théorie du déploiement Périphérie->Centre devraient, sans doute, être capables de nous expliquer pourquoi la théorie révolutionnaire du prolétariat n'est pas née en Angleterre, qui était alors (de loin) le pays industriellement le plus avancé de la planète. Peut-être que les mots limpides de Mao lui-même devraient suffire à éclairer leurs esprits embrumés :
"Il est très difficile de faire la révolution et de construire le socialisme dans les pays occidentaux, car dans ces pays l'influence pernicieuse de la bourgeoisie est très profonde et s'est déjà infiltrée partout. En Chine, la bourgeoisie n'existe que depuis trois générations tandis que dans les pays comme l'Angleterre ou la France, elle existe depuis des dizaines de générations. Dans ces pays la bourgeoisie a une histoire vieille de 250 à 260 ans, voire de plus de 300 ans ; l'idéologie et le style de travail bourgeois ont des influences partout et dans toutes les couches sociales. C'est pourquoi la classe ouvrière anglaise ne suit pas le Parti communiste, mais le Parti travailliste.
Lénine a dit : "Plus un pays est arriéré, plus difficile est son passage du capitalisme au socialisme". Vue d'aujourd'hui, cette thèse n'est pas correcte. En réalité, plus un pays est arriéré économiquement plus son passage du capitalisme au socialisme est facile, et non difficile. Plus un homme est pauvre, plus il veut la révolution. Dans les pays capitalistes occidentaux, le niveau de l'emploi et les salaires sont plus élevés et l'influence de la bourgeoisie sur les travailleurs est plus profonde. Dans ces pays, la transformation socialiste est moins facile qu'on ne le croit." - Mao Zedong, "Notes de lecture sur le Manuel d'économie politique de l'Union soviétique" (1960)... Le même raisonnement peut évidemment s'appliquer entre les différentes régions - les Centres et les Périphéries - d'un même État.]
[** Réflexions "précisantes" ultérieures (2019) sur ce point :
"La France" n'est certes pas une nation au sens scientifique marxiste du terme (Lénine-Staline, Kaypakkaya etc.). Elle est un État (pseudo-"nation") qui dans ses vastes frontières en comprend (au sens scientifique) plusieurs (sans même parler de l'outre-mer) : Bretagne, Corse, Savoie, Alsace, "Grande" Occitanie avec ses "petites nations" provençale, gasconne, auvergnate etc., Pays Basque... À la rigueur peut-on parler d'une "Nation française" réelle dans un certain Bassin parisien, aux contours mal définis (faut-il y inclure les Ch'tis annexés plus tard que les Antilles ? la Lorraine de langue d'oïl, annexée 3 ans avant la Corse ? la Bourgogne, ou encore la Normandie qui ont des identités tout de même bien marquées ?).
Ce qu'est "la France", c'est le cadre géographique d'un PROJET POLITIQUE.
"La France" c'est, sur un territoire géographique défini, celui de l'Hexagone :
- Un "pacte", une union de BOURGEOISIES sous la conduite (sans équivoque) de celle de Paris ; dans un projet politique capitaliste et impérialiste.
- Un ensemble de PEUPLES dans le "même bateau" depuis des siècles ; et qui dans ce cadre étatique commun, face à un ennemi commun (pouvoir central réactionnaire et/ou envahisseur), peuvent éventuellement s'engager dans un combat émancipateur commun : 1789 (et années suivantes), 1848, 1870-71, le Front populaire et la Résistance-Libération, Mai 68 et les années suivantes, etc. ; "Ma France" de Jean Ferrat, quoi.
La "Nation française" peut donc ici (et seulement) prendre forme dans un sens renanien, comme il peut y avoir une "Nation suisse" qui compte en réalité 4 nationalités réelles (romande arpitane, alémanique, tessinoise et rhéto-romanche) ; mais pas dans un sens scientifique marxiste et léniniste.
Ces deux aspects ont été en contradiction apparente dès les évènements politiques des années 1790.
Dans le second aspect, elle peut demeurer encore aujourd'hui un signifiant positif ; et amener à prendre avec recul, par exemple, les marées de drapeaux tricolores du mouvement des Gilets Jaunes (à partir de novembre 2018, encore en cours en juin 2019) ; dans le cadre duquel ceux-ci ne sont pas à voir uniquement comme une marque d'aliénation (d'"arrimage" à la bourgeoisie) mais aussi dans leur signification révolutionnaire ("refaire 1789", "couper la tête au roi Jupiter-Macron"...), sachant que (aussi) les drapeaux "régionaux" y fleurissent comme dans aucun autre mouvement social : tel est, peut-être, le "prix à payer" pour un mouvement (finalement) beaucoup moins isolé au sein de la population hexagonale que celui de Mai 68.
Le souverainisme, le vote populiste-BBR pour le Front National ou (au mieux) Mélenchon, est quelque chose qui part de ce patriotisme populaire "français" du deuxième aspect, de ses aspirations à la fois sociales et d'"économie morale" ("la gauche radicale n’arrive pas à rompre avec son matérialisme froid qui l’empêche de comprendre le besoin d’histoire, d’identité, de spiritualité et de dignité des classes populaires blanches ; une dignité qui ne soit pas seulement la dignité de consommer. Les prolos français qui ont voté pour Sarkozy ou Le Pen n’attendent pas seulement d’eux qu’ils augmentent leurs salaires : ils votent pour des « valeurs », quoi qu’on puisse penser de ces valeurs ; et à des valeurs on n’oppose pas 1500 euros mais d’autres valeurs, on oppose de la politique et de la culture" - H. Bouteldja) ; d'une soif (en définitive) de POUVOIR des masses ; pour tomber dans les griffes du premier aspect, ou du moins, de la fraction la plus "seule contre tous" de ce "pacte" bourgeois tricolore.
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ENFIN BREF, tout cela pour dire que, les gens semblant par nature durs de la comprenette dans les milieux gauchistes, il est aussi possible de formuler les choses en des termes simples : ce que nous voulons, en lieu et place de l’État bourgeois français tel qu'il est, c'est une Union soviétique (telle que conçue par Lénine au début des années 1920) d'Hexagone... Point.
D'Hexagone, ou pourquoi pas d'Europe ; en tout cas, des parties de l'Europe qui seraient dans un premier temps libérées du capitalisme par la révolution ; bref – ce genre de question se posera directement en son temps dans la réalité de la lutte, nous n'en sommes pas là.
Tout simplement parce que le renversement du capitalisme DEVRA signifier, ne PEUT PAS signifier autre chose, que soit brisée l'organisation politico-économique des territoires en Centres financiers d'accumulation capitaliste et Périphéries plus ou moins, mais toujours, reléguées et "pompées" (lire à ce sujet : reflexions-a-partir-de-samir-
Par conséquent, la voie de la raison matérialiste dans la situation concrète de notre époque, c'est d'aller vers... ce qu'était l'URSS (dans sa conception initiale léniniste) : de grands "États-continents" confédéraux, multiculturels, multilinguistiques et inclusifs (en plus, bien sûr, d'être résolument anticapitalistes).
Car lorsque l'on critique le "tribalisme" des Catalans, Basques, Bretons, Corses ou autres, et cela peut parfois avoir sa part de vérité, l'on a tout de même tendance à oublier, en tout premier lieu, que les États européens existants ne sont ni plus ni moins que des "tribalismes qui ont réussi" : des régions qui en ont conquis d'autres, pour finir par proclamer ces ensembles de conquêtes des "États-nations", lancés à leur tour dans des affrontements "tribaux" avec les ensembles voisins ; tout cela sous un modèle centraliste uniculturel, unilinguistique et exclusif.
Quant aux grands États-continents capitalistes qui existent déjà, comme les États-Unis ou le Canada, la Russie ou l'Inde, certes ils sont officiellement fédéraux, seul moyen pour eux de s'assurer une certaine stabilité et de n'avoir pas déjà explosé ; mais ce fédéralisme n'en reste pas moins très largement factice, "cache-sexe" d'une domination féroce sur tout un ensemble de groupes humains (Noirs, Latinos et Nations indigènes en Amérique du Nord, Caucasiens, Peuples sibériens et autres non-russes en Russie, Kashmiris, Tamouls, Adivasis "tribaux" et autres non-hindoustanis, musulmans et basses castes en Inde) ; tandis que de son côté l'Union Européenne est une tentative, précisément pour faire face à ces puissances concurrentes, de bâtir un tel super-État continental bourgeois et technocratique autour et au service des "pôles" de Paris et de la vallée du Rhin (Ouest de l'Allemagne, Bénélux), dominant et écrasant le reste comme l'avait fait auparavant chaque État membre avec ses "provinces" (rendant certes cocasse lorsque les "souverainistes" desdits États se plaignent de cette domination) : il va de soi, bien entendu, que ces "modèles"-là d’États-"continents" ne sont pas les nôtres et sont au contraire résolument à combattre et détruire.
Voilà donc : à partir de là, ce programme qui est le nôtre, vous pouvez le vomir ; mais au moins saurez-vous clairement sur quoi se déversent vos vomissures...