Dans la nuit du 1er au 2 mai, la nouvelle est donc tombée. Après 10 ans de traque (une durée incroyable alors qu’il se trouvait dans une énorme villa, à 50 km de la capitale pakistanaise), Oussama BEN LADEN a été liquidé par les forces spéciales US.
Il va sans dire que, d’un intérêt militaire à peu près nul, cette opération va, non seulement peut-être assurer la réélection d’Obama (mal en point face à la droite ultra) à la Maison-Blanche, mais représenter une victoire psychologique considérable pour le premier impérialisme du monde… À court terme en tout cas.
Car sur la nature d’Al-Qaïda (totalement réactionnaire, contre-productive etc.), SLP rejoint l’analyse de la plupart des groupes marxistes-léninistes et maoïstes à travers le monde. On peut notamment se référer aux analyses des camarades du (nouveau)PCI sur ce point : 1 – 2.
Nous irons simplement un petit peu plus loin…
En réalité, contrairement aux forces « islamistes » classiques (Frères musulmans, Hamas qui en est une branche palestinienne, Hezbollah, Iran khomeyniste) qui ont toutes une dimension nationale (malgré des prétentions panislamiques et une recherche naturelle d’alliés…), le projet d’AQ n’est pas simplement national-bourgeois. Al-Qaïda ne représente pas (en tout cas pas seulement) une bourgeoisie nationale dont les Frères musulmans du souk égyptien ou le bāzār iranien khomeyniste sont les exemples parfaits ; ce "capitalisme d'en bas" qui émerge de manière informelle et spontanée des entrailles de la "société civile" face au "capitalisme d'en haut" (celui que l'impérialisme perçoit comme "normal" et impulse à travers une bourgeoisie bureaucratique-compradore à sa solde) et qui, contrairement à ce dernier, ne va pas permettre au surproduit (plus-value "sur-accaparée") de "remonter" correctement jusqu'aux monopoles impérialistes - qui le combattent donc en conséquence, dans leur perspective de domination totale des économies du "Sud".
En réalité la pénétration massive du capitalisme (impérialiste) dans les pays arabes (principalement du Golfe) depuis les années 1950-60, sur la base de la « manne » pétrolière, a généré une telle suraccumulation de Capital (intermédiaire, comprador) qu’à un moment donné une fraction « dissidente » de celui-ci est entrée en rébellion contre l’Occident, avec son propre projet impérial opposé à ce dernier (une "rébellion" qui peut parfois aller jusqu'à influencer la politique étrangère d'États proprement dits, comme l'émirat du Qatar qui poursuit une telle politique en soutenant les différentes branches des Frères musulmans, auxquels il sert - de fait - de quartier-général). Ben Laden est le parfait exemple de cela, héritier milliardaire d’un empire familial immobilier dont les membres « normaux » mènent la vie de la jet-set arabe à travers le monde…
Pour les financiers d’AQ, à distinguer des « têtes de gondole » comme Ben Laden ou même d'un idéologue comme Al-Zawahiri, l’ambition n’est donc pas nationale mais impériale : un "Grand Califat" allant du Sénégal à l’Indonésie, conçu comme la base d’accumulation et d’investissement dont a besoin cette gigantesque masse financière pour se reproduire et se valoriser… En synthèse et pour être exacts : la contradiction entre capitalisme "spontané" "d'en bas" et capitalisme bureaucratique-comprador "d'en haut" fournit à l'"islamisme" combattant de type Al-Qaïda sa base de recrutement ; tandis que le Capital arabe suraccumulé qui "étouffe" dans ses petits États semi-coloniaux et qui se "rebelle" (en conséquence) contre l'impérialisme occidental pour tenter d'instaurer un "Califat" comme base d'accumulation adaptée lui fournit sa logistique.
Bien sûr, à notre époque où même un capitalisme national indépendant n’est qu’un rêve impossible de nationaliste bourgeois, un tel projet de « révolution islamique mondiale », pour faire des compradores arabes dissidents des… impérialistes, est totalement irréalisable.
Et donc, de fait, complètement coupé des masses et contre-productif. Depuis ses débuts dans les années 1990, malgré la fortune milliardaire de ses financiers, AQ n’a recruté que quelques milliers d’individus à travers le monde et ces groupuscules de quelques dizaines ou centaines d’individus n’ont jamais servi la moindre cause de libération, même national-bourgeoise, mais seulement à justifier le renforcement de l’intervention des impérialistes (qui ont largement grossi la menace) dans les pays musulmans, pays (quasi sans exception) stratégiques pour le contrôle impérialiste du monde.
Le dernier exemple en date est le Maroc, où vient de frapper un attentat du groupe « AQMI » en plein mouvement populaire démocratique, à pic pour justifier un soutien impérialiste BBR au régime, après la bourde d’Alliot-Marie sur le « savoir-faire français » proposé à Ben Ali...
D’ailleurs, des infiltrations directes de ces groupes par les services secrets impérialistes ne sont sans doute pas non plus à exclure (comme pour l'assassinat de Vittorio Arrigoni).
D’une manière générale, les groupes d’AQ sont haïs des masses populaires et des résistances nationales dans les régions où ils sévissent : Sahara (mouvement national touareg), Irak (où ils ont littéralement saboté la résistance par leur sectarisme meurtrier), Afghanistan d’où les talibans et autres insurgés national-islamiques ont fini par les expulser etc. etc.…
Il n’est donc pas faux de dire que la mort de Ben Laden marque la fin d’une époque ; en même temps que les soulèvements populaires dans les pays arabes y compris contre des « résistants à l’Empire » (Kadhafi, Assad) ou que le naufrage idéologique de Chavez, devenu l’avocat des satrapes arabes et livrant des révolutionnaires à la Colombie fasciste… L’époque des pénibles débuts de la nouvelle vague révolutionnaire mondiale, où la conscience révolutionnaire des masses - en avance sur l’organisation - se trouvait les héros qu’elle pouvait.
Une nouvelle ère s’ouvre, marquée par la Guerre populaire en Inde, aux Philippines et ailleurs, par la lutte de lignes pour achever la révolution populaire au Népal, et par la Tempête arabe.
Bien sûr, Sarkozy comme tous les idéologues de l’impérialisme essayent d’en faire leur miel, en opposant ce qu’il y a de plus libéral-bourgeois et inoffensif dans ces « révolutions arabes » qui d’ailleurs n’en sont pas (il y a eu de grandes expériences et victoires des masses du Peuple, mais pas de révolution) au « terrorisme » qui pour eux, au-delà des groupuscules d'Al-Qaïda, signifie la lutte armée, autrement dit la seule vraie voie de la libération des Peuples !
Mais la signification réelle de ces mouvements, c’est celle de la nouvelle époque, l’époque du retour à la réalité scientifique des choses : ce sont LES MASSES QUI FONT L’HISTOIRE et pas les grands libertadores, les raïs et autres « émirs des croyants » (et encore moins les Sarkozy) !