L'expulsion ces derniers jours, de plusieurs afghans raflés dans la "jungle" de Calais vers leur pays d'origine, a particulièrement choqué jusque dans les rangs de la bourgeoisie ( y compris de droite).
C'est que l'Afghanistan est un pays qui subit une terrible guerre impérialiste, où les bombes impérialistes font presque quotidiennement des dizaines de morts, où les potentats locaux à la solde des occupants font régner leur droit de vie ou de mort, et où la résistance à l'occupant elle-même, pas franchement progressiste, ne fait pas dans la dentelle...
Des attentats meurtriers ont lieu tous les jours, sans parler de la violence généralisée (fruit de la misère), de la drogue...
L'expulsion vers un tel pays (mais il y en a beaucoup d'autres, dont on ne parle pas) ressemble donc beaucoup à une condamnation à mort, en tout cas à un risque très élévé pour les personnes expulsées.
Même si on ne peut pas comparer, elle évoque d'autres convois, ferroviaires ceux-là, il y a une soixantaine d'années...
Pourtant, ces expulsions ne sont qu'une manifestation particulièrement choquante d'un phénomène beaucoup plus large.
C'est important, car au risque de choquer certains, l'humanisme est précisément l'approche qui mène le combat pour les sans-papiers dans le mur : parce qu'il ne fait pas le poids par rapport à la propagande de la bourgeoisie relayée par l'idéologie fasciste.
L'anti-immigrationnisme : question de "racisme" et d'"humanité", ou de logique économique de notre époque ?
Le racisme, la xénophobie ont toujours existé dans l'histoire de l'humanité : Staline définissait ainsi l'antisémitisme comme un vestige du cannibalisme. A l'époque préhistorique, quand deux groupes humains se rencontraient, ça se passait rarement bien !
Cependant, avec le développement du caractère social de la production, des relations économiques entre les peuples, la tendance historique générale est à sa disparition.
Ainsi, aujourd'hui la "haine de l'autre" est essentiellement un haine entre continents, de "civilisations", alors qu'en 1900 on apprenait encore aux écoliers français à détester les Allemands, qu'au Moyen-Âge on se détestait entre régions, dans l'antiquité entre "cités"...
Historiquement la tendance à la xénophobie appartient aux classes réactionnaires, celles qui n'ont pas intérêt à ce que "ça change", car le progrès de l'humanité s'est toujours traduit par un recul de la xénophobie.
Le racisme de notre époque, celle de l'impérialisme, vise donc en priorité les peuples des ex-colonies ou semi-colonies devenues néo-colonies, desquels la pensée dominante véhicule l'"infériorité" et la "barbarie".
De la même façon, depuis qu'existe une immigration de travail (depuis toujours, mais surtout depuis la "révolution" industrielle), la classe dominante utilise les sentiments xénophobes pour diviser les exploité-e-s, pour les empêcher de s'unir et de vaincre la domination.
Souvent, les immigrés sont relégués au plus bas de l'échelle sociale, de cette façon les travailleurs nationaux ont un sentiment de supériorité, de "petit-bourgeois" vis à vis d'eux, et ne considèrent pas appartenir à la même classe.
En Suisse les choses sont claires : les 25% de la population les plus pauvres sont (hormis quelques milliardaires du show-biz) les 25% d'étrangers, qui même après des générations n'ont pas la nationalité, donc pas le droit de vote. La bourgeoisie peut donc dormir tranquille et faire ce qu'elle veut.
En cas de crise du capitalisme, la bourgeoisie doit d'abord préserver la main d'oeuvre nationale pour assurer la paix sociale. Elle va donc en premier lieu restreindre la main d'oeuvre étrangère. Mais il lui arrive aussi de s'en servir, en période de croissance, pour contrer les revendications salariales : "vous demandez X de l'heure, j'ai des étrangers qui prennent moins...".
Mais de tout temps, même pendant la crise des années 30, la France a accueilli des immigrés. Les restrictions étaient souvent d'ordre politique : qu'ils ne "troublent pas l'ordre public", que ce ne soit pas des "rouges".
La situation actuelle de lutte contre l'immigration apparaît donc comme sans précédent. Elle a pourtant une cause toute simple.
Avec le développement de l'impérialisme sous sa forme néo-coloniale, les néo-colonies sont peu à peu devenues les vraies bases productives du monde (il suffit de regarder les "made in" sous chaque produit), avec un coût de main d'oeuvre extrêmement bas. Et dans le même temps, le coût du transport s'est effondré.
Les centres impérialistes (Europe de l'Ouest, Nord-Amérique, Japon) tendent à concentrer des activités de qualité (haute valeur ajoutée) et de gestion de la production : des économies de distribution et de consommation !
En résumé :
- en 1960 : coût prod. en France < coût prod. dans le "tiers-monde" + acheminement marchandise.
- aujourd'hui : c'est l'inverse. La qualité et le savoir-faire sont en outre de moins en moins un problème.
Donc, en 1960, on allait littéralement chercher la main d'oeuvre : c'était l'époque où les recruteurs de Bouygues, Renault et compagnie sillonnaient le Portugal, le djebel maghrébin ou la brousse africaine.
Aujourd'hui, il ne faut surtout pas que les étrangers viennent travailler en France, où la main d'oeuvre nationale souffre déjà du chômage, et où ils coûtent 10 fois plus cher aux capitalistes que dans leur pays, quand bien même on leur trouverait un emploi.
Donc, si ils tentent de venir, on les renvoie. Il n'est pas étonnant par exemple que, la Chine étant "l'usine du monde", la traque se soit ces dernières années beaucoup axée sur les immigrants Chinois.
D'ailleurs dans les pays comme la Chine ou la Russie, où la colonisation se fait souvent à l'intérieur même des frontières, la lutte contre "l'immigration" se mène contre les propres nationaux des régions "périphériques" !
Cette politique, décidée par la majorité bourgeoise, se heurte parfois à des secteurs "non-délocalisables" comme le bâtiment et la restauration, qui en raison de leur technicité et/ou de leur dureté, ne trouvent pas de main d'oeuvre française. L'importation de main d'oeuvre portugaise, roumaine ou bulgare, ressortissante de l'UE et qui "rentre" au pays une fois son contrat terminé, a apporté en grande partie une solution à ce problème.
Elle entre également en contradiction avec la petite- et moyenne-bourgeoisie immigrée ou d'origine : arabe, turque, asiatique, africaine, qui aime embaucher des compatriotes et qui subit sur ce point une oppression nationale et non pas sociale (puisque ce sont des bourgeois opprimés par des bourgeois). Cette oppression fait d'eux la base sociale du communautarisme.
Les pays du "tiers-monde" sont aujourd'hui les usines, les mines et les plantations du monde, aux conditions de travail quasi-esclavagiste (et aux gouvernements, "garde-chiourmes", généralement ultra-répressifs et corrompus).
Donc, d'un point de vue d'humanité, renvoyer des personnes vers ces pays revient - pratiquement - à les envoyer au bagne.
Les associations "d'aide", qui sentent les choses sans arriver à les identifier, conseillent souvent aux immigrants de se tourner vers le droit d'asile, qui permet de "contourner" la problématique économique. Et il est vrai que la plupart des régularisations passent par ce canal, la voie du "permis de travail" étant bouchée sauf pour une élite diplômée.
Mais généralement, les premiers responsables de la situation de danger (pour la vie, la liberté ou l'intégrité) dans le pays du demandeur, ce sont les pays impérialistes, France et consors !
Bien sûr la France ne peut soutenir un régime "capital" pour ses intérêts, et reconnaître en même temps que ce régime assassine, torture etc.
Si bien qu'on réclame aux demandeurs d'asile, de véritables "certificats de torture" signés par leurs tortionnaires !!!
Dans ces cas là, il va de soi que l'expulsion est une quasi-condamnation à mort...
Les travailleurs immigrés ne quittent pas leurs pays pour le plaisir. Ils le quittent au prix de mille dangers, pour fuir la misère, la faim et la maladie, la guerre et la terreur des garde-chiourmes de l'impérialisme, et venir récupérer un peu de ce que l'impérialisme leur a volé.
De tout temps, la solidarité avec les travailleurs étrangers a été fondamentale pour les travailleurs révolutionnaires "nationaux" : pour vaincre la division de notre classe par la bourgeoisie.
Mais elle revêt aujourd'hui une importance encore plus grande : elle est une solidarité internationaliste fondamentale, contre l'impérialisme !!!
La solidarité avec les travailleurs immigrés, (encore) avec ou sans-papiers, est au coeur même de l'internationalisme.
Nul ne peut se prétendre internationaliste, si il ne soutient pas les sans-papiers.
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