Pour commencer, rappelons un principe élémentaire pour tout-e communiste. Marx le disait d’une manière qui (dans nos sociétés aseptisées) peut paraître brutale à certain-e-s : la violence est le moteur de l’histoire. C’est pourtant une évidence…
Dans toute société de classe, la classe dominante a un monopole : celui de la violence, la violence « légitime », légale. Personne n’a le « droit » (légalement parlant) d’employer la violence, sauf la classe dominante et ses représentants, en particulier les forces de répression. L’Etat peut vous arrêter si vous enfreignez sa loi. Si vous n’êtes pas d’accord, l’arrestation se fera par la contrainte physique. Il peut vous exproprier. Il peut vous expulser de votre logement, si vous ne payez pas votre loyer. En revanche, faire valoir son droit contre l’Etat est possible… mais après de longues procédures juridiques, et avec beaucoup de chance. Votre patron peut vous virer si vous ne lui plaisez pas. Vous ne pouvez pas en faire autant, et pour faire valoir ses droits, il faut saisir l’inspection du travail ou les Prud’hommes, passer par des mois de procédure…
Donc, si l’on veut la révolution, si l’on veut renverser la classe dominante et la remplacer par une autre (aujourd’hui, le prolétariat) pour une "société meilleure", l’action ne peut se limiter au strict cadre de la légalité. C’est évident, puisque d’un côté la violence est légitime, légale (à la rigueur « réglementée »), et que de l’autre elle est systématiquement un délit.
C’est exactement comme, dans une guerre, une armée qui aurait le droit de tirer et l’autre non… Ou alors, avec des arcs et des flèches contre des mitrailleuses et des chars d’assaut. Il est évident que cette armée ne peut pas gagner. Même si elle défend un « droit » parfaitement « légitime », comme c’est le cas des travailleurs/euses (et maintenant des jeunes, futur-e-s travailleur/euses) mobilisé-e-s contre la retraite à 67 ans, et plus largement contre la destruction des conquêtes démocratiques et sociales, que la bourgeoisie poussée par la crise (et « libérée » de la menace révolutionnaire, par la fin de la 1ère vague révolutionnaire mondiale 1917-76) pratique depuis plus de 20 voire 30 ans.
On pourra dire qu’il y a une « violence » (action extra-légale, on dira plutôt) constructive, et une autre non constructive… Ce n’est pas faux. Mais la frontière entre les deux n’est pas imperméable ; et toute personne comprenant la dialectique, sait qu’une chose peut se retourner en son contraire.
Parlons un peu de la provocation policière... A chaque mouvement qui « dégénère », on entend cette même rengaine : les « casseurs » sont des « flics », financés ou manipulés par la police, ou des « abrutis de gauchistes » qui "objectivement reviennent au même", pour « casser » le mouvement en justifiant la répression…
Fantasme ? Pas exactement.
Soyons clairs : les « provocateurs policiers » existent, et ce n’est pas nouveau. C’est un instrument « classique » de nos régimes de « contre-révolution préventive » depuis 100 ans, au moins. A l’époque de la Commune, la pratique « réactionnaire classique » consistait à envoyer la troupe fusiller les prolétaires en lutte, et c’était comme ça (et pas autrement). Aujourd’hui, la répression réactionnaire cherche à « mobiliser l’opinion » derrière elle.
Il est donc fréquent que l’Etat bourgeois infiltre des éléments provocateurs pour commettre des actions violentes, pour qu’ensuite les forces de répression passent à l’action, pour justifier la répression brutale.
Il y a aussi des ultragauchistes (petits bourgeois ultra-radicalisés, aventuristes et irresponsables) qui considèrent qu’il faut que « ça pète », que « la révolution n’est pas un dîner de gala » (slogan maoïste détourné), que les masses sont « abruties par la société de consommation », prisonnières du légalisme etc., et qu’il faut donc que les gens en prennent plein la gueule pour « prendre conscience »… On en voit parfois dans certaines manifs de certaines villes.
Et puis, il y a la provocation directement policière. La consigne des forces de répression dans nos pays « développés » (pas toujours respectée, comme à Montreuil), c’est « no first shot » : ne pas frapper en premier, toujours « riposter ». On voit donc les CRS et autres mobiles jouer les Robocops, faire les barbots, en particulier devant les jeunes, pour les énerver jusqu’à ce que le premier projectile vole : alors ils chargent.
Dans tous les cas, l’objectif est que le déchaînement de répression « casse » la mobilisation de masse. En terrorisant et en dégoûtant les masses mobilisées « pacifiques » et légalistes, en semant la zizanie dans les direction politiques et syndicales réformistes, qui se jettent alors dans les bras de la bourgeoisie et de son Etat pour paraître « responsables » (et garder leur place au banquet des jaunes...). C’est extrêmement bien calculé…
SAUF QUE… Des fois ça ne se passe pas comme ça. Des fois, la manœuvre se retourne contre ceux qui l’ont lancée. Un point de rupture est alors atteint. Au lieu de fuir terrorisées (et « révoltées » contre les « casseurs ») lorsque « ça dégénère », les masses dites « pacifiques et responsables » résistent, ripostent à la répression policière qui se déchaîne contre elles.
C’est ce qu’on a pu voir ce mardi dans plusieurs villes. On a pu voir des militant-e-s politiques et syndicalistes « responsables », des « bon-ne-s pères/mères de famille » ou des jeunes « bien sous tous rapports », ramasser des projectiles et les balancer sur les forces de la bourgeoisie. On a vu l’affrontement se prolonger pendant des heures, alors qu’habituellement les groupes provocateurs ou ultragauchistes irresponsables se dispersent très rapidement. Les quantités de projectiles, recouvrant le sol après les affrontements, ne montrent pas l’action d’une minorité « isolée » de « casseurs » ou de « provocateurs »... Mais bien un affrontement frontal et de masse contre l’Etat policier.
D’une manière générale, et d’expérience, on peut dire que ce mouvement (depuis l’entrée en jeu de la jeunesse populaire) n’est pas marqué par une foule d’actes provocateurs ou irresponsables, ni par les tristes affrontements de bandes qui avaient marqué le CPE... On dit que « la jeunesse est inorganisée » : mais si elle ne se reconnaît pas dans les directions politiques et syndicales réformistes, si les syndicats type UNEF, FIDL ou UNL ne parviennent pas (et désespèrent) à l’encadrer, que celles-ci commencent par se remettre en question ! (enfin bon, on rêve… c'est leur nature de classe, garde-chiourmes.)
Mais globalement, on n’a pas ressenti une extrême violence, au maximum une « agitation » adolescente et un joyeux bordel, jusqu’à la violente répression de la semaine dernière (avec en particulier le tir de flashball de Montreuil, les innombrable tabassages et les centaines d’arrestations)… Ensuite, c'est clair que ça a pété.
Ce qu’on voit donc, plutôt, c’est que la tentative de jouer la provocation (directe ou par infiltrés), de jouer les « jeunes » contre les « adultes », les « casseurs » contre les « pacifiques et responsables », pour réprimer sauvagement le mouvement, s’est complètement retournée contre l’Etat bourgeois policier. Une chose se transforme en son contraire… La répression ne provoque plus la terreur des manifestant-e-s (et la haine contre les "casseurs"), mais la résistance.
Ce soir, Sarkozy va s’exprimer à la télé. Il l’a déjà fait ce midi. Et en bon représentant de la bourgeoisie la plus hystérique face à la crise (et au moindre embryon de révolte populaire), et (aussi) devant l’échec de casser la mobilisation de masse, de dresser les un-e-s contre les autres, il annonce qu’il va « prendre des mesures » en mettant tout dans le même panier : lycéens « casseurs » (il n’y a plus de « pacifiques », d’un seul coup), ouvriers bloquant les raffineries, transporteurs routiers qui bloquent les autoroutes etc. etc.
Il faut se tenir prêt-e-s, car cela veut dire quelque chose. Certes les contradictions à l’intérieur de la bourgeoisie n’ont pas encore dit leur dernier mot, et une « solution négociée » avec les syndicats réformistes est certes encore possible… Un pourrissement aussi, en jouant sur l’épuisement des grévistes (notamment financier…) et la psychose de la « violence »…
Mais le chemin que semble prendre l’Etat par la voix de son Chef, c’est celui de la répression tout azimut du mouvement. C’est ce qu’il a laissé entendre aujourd’hui.
Nous sommes donc peut-être au début d’un affrontement de classe majeur.
Si Servir Le Peuple a une seule opinion à donner, c’est d’éviter au maximum de s’en prendre aux bagnoles de particuliers. On ne sait jamais (sauf si c'est une grosse berline bien sûr) s’il y a un-e prolétaire derrière, en tout cas un-e travailleur/euse qui ne roule pas sur l’or. Cela divise les masses populaires exploitées, et coupe le prolétariat de ses allié-e-s naturel-le-s (voire les prolétaires actif-ve-s des prolétaires encore soumis à la bourgeoisie).
Pour le reste… on récolte ce qu’on sème.
Que la bourgeoisie retire sa « réforme » de merde. Qu’elle cesse de nous exploiter comme pire que des chiens, et de nous jeter à la rue quand elle n'a plus besoin de nous, ou quand il y a moins cher à exploiter ailleurs. Qu’elle retire ses lois racistes dignes de Vichy. Qu’elle retire ses lois répressives contre les classes populaires. Qu’elle arrête ses contrôles au faciès contre la jeunesse. Qu’elle offre une vie digne à tou-te-s. Et on en reparlera… On verra alors si nous, communistes, nous sommes complètement plantés depuis 150 ans. Si une société démocratique, égalitaire, juste, sans oppressions, de droits pour tou-te-s est possible sans révolution, sans renversement de la classe dominante par les dominé-e-s.
Ha ha ha… (c’est la chute de la blague, c’est là qu’il faut rire).
(petit tour d’actualité)
(presse bourgeoise) :
Manifestation: 70 interpellations à Lyon
Incidents à Lyon et Nanterre : deux villes en état de siège
VIDEOS. Lyon, Nanterre, Argenteuil... encore des violences en ...
(Rebellyon) :
Suivi du jour
AGEN Nanterre : Nanterre une journée de résistance !
ON A RAISON DE SE REVOLTER ! Front unique contre la répression.