Où est Jon ?
disparu depuis le 18 avril 1. PRÉAMBULE
Jon Anza est porté disparu depuis le 18 avril. Ce jour-là, sa compagne l’a laissé à la gare de Bayonne, dans un train en partance pour Toulouse. Depuis, aucune nouvelle de lui.
Cette disparition soulève des soupçons et une grande inquiétude, car au cours de ces derniers mois, les événements en rapport avec une logique de guerre sale se sont multipliés. Parmi ceux-là, nous voulons évoquer ce qui est arrivé au citoyen basque Juan Mari Mujika sur le parking d’un supermarché de Saint-Palais (Basse-Navarre). Après avoir fait ses courses, et alors qu’il s’apprêtait à rentrer dans sa voiture, trois ou quatre hommes l’ont forcé à rentrer dans son véhicule et l’ont conduit dans un endroit isolé. Ils se sont arrêtés au lac qui se trouve dans un hameau voisin de Saint-Palais où il a fait l’objet de menaces incessantes – y compris la menace de le tuer en le noyant dans le lac – s’il n’acceptait pas de collaborer avec la police espagnole. C’est précisément parce qu’il leur a fait croire qu’il était prêt à collaborer que Juan Mari Mujika a pu échapper à ses ravisseurs.
Nous avons un autre exemple d’événement de ce type : ce qui est arrivé à l’ancien prisonnier Lander Fernandez à Bilbao. A plusieurs reprises, après avoir été suivi de manière ostensible dans la rue, le 19 mai, deux hommes l’ont obligé à entrer dans une voiture. Ils l’ont emmené dans un lieu isolé et là, après l’avoir menacé, ils lui ont demandé de collaborer avec la police. Lander Fernandez a refusé de collaborer et le lendemain (le 20 mai, donc), les mêmes hommes l’ont attrapé, l’ont frappé, cette fois dans la rue même, le blessant de plusieurs contusions.
Pour revenir au cas de Jon Anza, il faut souligner que Jon est une personne très stable. Et l’option selon laquelle il aurait pu fuir de son propre gré ne peut absolument pas être retenue. Par conséquent, la seule hypothèse qui demeure est celle selon laquelle “on” a fait disparaître Jon Antza. Nous nous trouvons donc dans le cas d’un “enlèvement” politique. Malheureusement, les deux cas cités précédemment viennent à l’appui de cette hypothèse, et plus généralement, de la thèse de la réactivation d’une stratégie de guerre sale.
La disparition de Jon Anza est un événement très grave. Il est indispensable de faire toute la lumière sur ce qui est arrivé à Jon. OU EST JON ? Les gouvernements français et espagnol doivent répondre à cette question. Mais nous savons que nous n’obtiendrons de réponse de Paris et de Madrid que par la mobilisation de la société.
2 INFORMATIONS Après la confirmation de la disparition de Jon Anza, un certain nombre d’informations sur cette affaire ont été rendues publiques, notamment le témoignage apporté par sa compagne lors d’une conférence de presse d’Askatasuna, ainsi que le communiqué publié par l’organisation ETA. Conférence de presse d’Askatasuna en présence de la compagne de Jon : 15 mai. Lors de la conférence de presse d’Askatasuna, Marie-Joël Paskassiau, la compagne de Jon Anza, a fourni les informations suivantes à propos de la disparition : . le 18 avril, elle a emmené Jon à la gare de Bayonne. Elle l’a laissé dans le train à destination de Toulouse. . Depuis, elle n’a aucune nouvelle de Jon. Entre le moment de la disparition et la conférence de presse, un mois s’est écoulé sans la moindre nouvelle. . Jon Anza souffrait de graves problèmes de santé. En raison d’une tumeur au cerveau, il a été opéré à deux reprises. Suite à la deuxième opération effectuée récemment, sa vue avait considérablement baissé et il était devenu mal-voyant. . Jon Anza était un militant de longue date. Il a passé une vingtaine d’années dans les prisons espagnoles. Assez vite après sa sortie de prison, du fait de la situation répressive existant au Pays Basque sud, il est venu s’installer au Pays Basque nord. Il menait ici une vie tout à fait normale, résidant à Ahetze et travaillant au sein de l’entreprise Sokoa, à Hendaye.
. Les raisons de sa disparition sont obscures. Jon Anza est une personne très posée et forte, d’un point de vue psychologique. Les hypothèses autour de sa disparition sont ouvertes. Celle de l’enlèvement politique n’est pas à exclure.
. Les proches de Jon ont dénoncé cette disparition par le biais d’un avocat. Aussitôt une enquête judiciaire a été ouverte.
Le communiqué d’ETA
Le 18 mai, ETA a rendu public un communiqué au sujet de la disparition de Jon Anza. Nous retiendrons ici les éléments les plus marquants de ce communiqué :
. L’organisation armée déclare que Jon Anza est militant d’ETA.
. Son déplacement était motivé par un rendez-vous qu’il avait à Toulouse avec ETA. Mais il ne s’est jamais présenté au rendez-vous.
. La police savait qu’il était militant d’ETA, car elle avait retrouvé ses empreintes sur du matériel découvert. Il faut en conclure que Jon Anza avait été placé depuis sous surveillance policière.
. ETA rend les gouvernements français et espagnol responsables de la disparition de Jon Anza ; pour l’organisation armée, nous nous trouvons face à une affaire d’enlèvement.
1. RÉACTIONS
Les réactions à la disparition de Jon Anza ont été peu nombreuses. En voici quelques-unes :
La lecture de la Gauche Abertzale : - Trois mois se sont écoulés depuis la disparition de Jon Anza et nous n’avons pas la moindre nouvelle. En conséquence, parmi les hypothèses soulevées par cette disparition, une seule s’impose à nous à présent : celle d’un enlèvement, qui apparaît comme une nouvelle manifestation de la guerre sale.
- D’abord, le premier élément qui conduit la Gauche Abertzale à affirmer que nous sommes devant une manifestation de la guerre sale est la situation répressive dont souffre le Pays Basque. En effet, même si une réactivation de la stratégie de guerre sale qui avait opéré dans les années 70 et 80 paraît stupéfiante, qui aurait pu prétendre que certaines mesures appliquées à l’époque de Franco seraient encore en vigueur au XXIe siècle ? : interdiction de partis politiques, fermeture de journaux, interdiction de se présenter aux élections… C’est dans ce contexte répressif que s’inscrivent les deux affaires d’enlèvements évoquées dans le préambule.
- D’autre part, ces pratiques de guerre sale que nous avons connues dans notre histoire nous montrent bien que de pareils événements sont possibles au Pays Basque. On se souviendra que, dans les années 70 et 80, des dizaines de militants basques ont été assassinés et torturés par des “organisations” comme le Bataillon Basque Espagnol ou le GAL. Et il faut rappeler, dans le cas du GAL, que les responsabilités des plus hauts dirigeants espagnols de la lutte anti-terroriste d’alors ont été établies : Rafael Bera (secrétaire d’Etat au Ministère de l’Intérieur), Galindo (colonel de la Garde Civile), etc. De même, l’aide apportée par la police française dans certaines affaires ne fait aucun doute (par exemple, on a retrouvé sur certains assassins du GAL les copies des papiers d’identité de certains réfugiés, fournis par la Sous-Préfecture de Bayonne).
- Pour la Gauche Abertzale, il ne fait aucun doute que les gouvernements français et espagnol sont responsables de la disparition de Jon Anza. Il leur revient donc de répondre à la question : où est Jon ?
http://cspb.unblog.fr/2009/09/06/1873/#more-1873 “Nous sommes beaucoup à penserqu'on a fait sciemment disparaître Jon Anza “
A la veille de la manifestation, à Saint-Jean-de-Luz à 17 heures, appelée pour dénoncer la disparition de Jon Anza, Gabi Mouesca, ex-militant d'IK et Xabier Ezkerra, réfugié résidant au Labourd, reviennent sur l'enquête et exigent une réponse à la question «Nun da Jon ?».
ENTRETIEN/ Gabi Mouesca et Xabier Ezkerra / Militants abertzale
Cinq mois déjà que Jon Anza a disparu… ou qu'on l'a fait disparaître ?
XABIER : Dans ce pays, comme dans d'autres, certes, il y a des cas de disparitions. Mais nous avons notre propre histoire et un excellent instrument pour ne pas l'oublier : la mémoire collective. Dans ce pays, 70 ans plus tard on est en train d'ouvrir des fosses pour essayer de retrouver le grand-père, la tante ou le frère disparu, pour connaître enfin la vérité. Il y a eu aussi des événements plus récents comme le cas de deux camarades disparus dont les ossements ont été retrouvés des années plus tard. Tout cela est très dur, mais en ce qui concerne Jon, nous sommes beaucoup à penser qu'on ne le reverra plus parce qu'on l'a fait sciemment disparaître.
La question «non da ?» (où est-il) a déjà été posée dans ce pays pour Naparra, Pertur ou pour Popo Larre entre autres…
GABI : En effet. Par exemple pour Popo cela fait des années qu'on demande où est-il, et c'est cette même question qu'on pose aujourd'hui pour Jon. En ce moment, on ne demande même pas qu'on fasse justice ou qu'on cherche les responsables. Amis et famille nous voulons tout simplement savoir où est son corps. Sa mère, qui a 80 ans, voudrait prier son corps avant de mourir. Malheureusement, l'histoire se répète et les réponses de l'Etat français, sont toujours les mêmes, c'est-à-dire, aucune réponse.
Le collectif des réfugiés a fait part de «certitudes effroyables». Il y a eu le aussi le cas de Juan Mari Mujika, sans oublier le GAL. Comment vivez-vous cela ?
XABIER : Nous sommes sûrs que les deux Etats sont en train de travailler ensemble et ce constat est, évidemment, effrayant. Néanmoins nous pensons qu'un Etat qui prend pour cible les réfugiés ou les ex-détenus n'est pas au meilleur de sa forme. Le fait d'utiliser la vengeance parce qu'il ne peut pas atteindre son but, l'assimilation des Basques, prouve sa faiblesse. Ceci étant dit, c'est bien connu que les Etats français et espagnol sont très forts en matière de vengeance. Ce qui est effrayant c'est qu'ils sont prêts à réutiliser des vielles recettes dont on connaît tous les effets terribles. Nous vivons tout cela avec grande douleur, une douleur qui surpasse la peur.
Qu'est-ce qu'on peut attendre de l'enquête de la Police française ?
GABI : Dans l'affaire de Popo nous avons constaté que la Police ne menait pas une enquête sérieuse. Je crois que ça va être de même pour Anza. L'Etat français dispose d'une Police scientifique très préparée et qui éclaircit beaucoup d'affaires assez vite. Il est, donc, assez bizarre qu'elle n'ait jamais rien trouvé dans le cas de Popo. De plus, ils ont lancé des propos mensongers pour salir le militant. Pour Jon Anza, c'est la même chose.
Bien qu'il s'agisse d'une affaire grave, beaucoup d'acteurs politiques et sociaux restent muets. Cette attitude n'est-elle pas blessante pour vous ?
XABIER : J'irais plus loin ; elle est dégoûtante. Ces acteurs devraient jouer un rôle de garant. S'ils ne remplissent pas cette fonction de garant des droits, les Etats peuvent prendre sans limite des voies répressives. Il est assez difficile de croire que ces acteurs politiques et sociaux ne soient pas conscients que leur attitude permet aux Etats de faire n'importe quoi. S'ils réagissaient vraiment, ces Etats auraient beaucoup plus de difficultés ou ne pourraient pas aller jusqu'au bout dans leurs plans répressifs. Il faudrait, quand même, qu'ils sachent que nous ne sommes pas prêts à accepter leur attitude fuyante, voire, complice. Et s'il le faut, nous irons leur demander, un par un, des responsabilités.
Quelle analyse faites-vous de la réapparition de la guerre sale dans le contexte du conflit politique du Pays Basque ?
XABIER : À mon avis c'est la preuve que les Etats n'ont pas réussi leur politique d'assimilation. Dans le cas d'Euskal Herri, ils l'ont ratée et ils rétorquent avec la répression et la vengeance. C'est une attitude qui devrait nous interpeller. Qu'est-ce qu'ils cherchent ? Qu'on cède au désespoir ? Se sentent-ils dans une position confortable dans cette spirale répression-réaction ? Veulent-ils nous embourber dans un long cycle de résistance ? Pour ma part, j'en suis convaincu et je crois que nous devrions savoir montrer que nous ne sommes pas prêts à nous laisser faire. En fait, je pense que dans cette voie aussi, ils ont commencé à perdre.
GABI : Je partage cette conclusion. Cette fois-ci encore, ils vont droit à l'échec. Ces sombres procédés cherchent à effrayer les gens d'ici et, en particulier, les jeunes. L'histoire nous montre qu'il y a toujours eu des faits noirs, mais que malgré tout, on est toujours allés de l'avant ; qu'il y a toujours des Popo et des Jon Anza pour poursuivre le chemin. Nous sommes là, libres, pour dire qu'il y aura toujours en Pays Basque des hommes et des femmes, de tout âge, pour continuer parce qu'il existe ici un peuple qui a la volonté d'être libre.
Mais il n'en est pas moins vrai que les faits de cette sorte soient très douloureux. Quand nous exigeons de savoir la vérité et disons que ça suffit, c'est parce que nous avons déjà connu cette situation. Je me rappelle encore les années du GAL, quand la peur se sentait dans les rues et pas seulement entre les abertzale. Nous ne voulons pas que cela recommence. C'est pour cette raison que nous demandons publiquement la vérité et que nous affirmons que les Etats ont des responsabilités dans ce type d'actions.
Tous les deux, vous avez connu la prison et la répression. Ces trente dernières années, vous avez perdu des amis. Mais le conflit demeure. Voyez-vous des possibilités d'arriver à une autre situation pour surmonter toutes ces souffrances ?
GABI : Bien sûr. Nous sommes plein d'espoir. Depuis toujours et partout où il y a eu des conflits comme au Pays Basque, à un moment donné, les adversaires se sont assis autour d'une table et ont ouvert la voie de la justice et de la paix. Nous sommes convaincus que ce moment arrivera aussi en Euskal Herri. Il est vrai qu'on a beaucoup souffert et peut-être que l'on souffrira encore mais nous sommes prêts à tout faire, à travailler tous les jours pour que ce jour arrive au plutôt.
XABIER : Je ne crois pas me tromper si je dis qu'il y a aujourd'hui plus d'indépendantistes qu'hier dans notre pays. Mais cela ne s'est pas fait tout seul. Ce sont les centaines d'années de prison, la longue liste des amis tombés en chemin, des années de lutte qui nous ont mené jusque-là qui ont fait que ce pays voie la possibilité d'être maître de son avenir plus ouverte qu'hier.
Cette même souffrance devrait nous faire voir qu'il est peut-être temps de commencer à ramasser les fruits, que l'on est peut-être aux portes d'un nouveau cycle. Si nous sommes capables de fixer une stratégie efficace, de convaincre les citoyens basques, nous pourrons, avec l'aide des agents de la communauté internationale, ouvrir une nouvelle situation qui permettra d'atteindre un cadre démocratique pour notre peuple. À nous d'y parvenir.
MORT PRÉSUMÉE DE JON ANZA :
Le journal Gara annonce que le membre présumé de l’ETA, Jon Anza aurait trouvé la mort au cours d’un interrogatoire mené illégalement par la police espagnole sur le sol français, où il serait enterré.Jon Anza aurait trouvé la mort lors d’un interrogatoire mené illégalement par la police espagnole, selon Gara.
Le journal Gara affirme dans son article intitulé “Guerre sale en Pays Basque”, que Jon Anza a été intercepté le 18 avril dernier dans le train qui l’emmenait de Bayonne vers Toulouse avant d’être séquestré par “un corps de la police espagnole”.
Jon Anza, qui souffait d’une grave maladie, aurait trouvé la mort au cours de l’interrogatoire mené de manière illégale sur le territoire français.
Selon les mêmes sources qui sont décrites comme “fiables”, il y aurait ensuite été enterré.
Au terme du trajet prévu en train, Jon Anza devait retrouver d’autres membres de l’organisation ETA.
Gara affirme qu’il a bien été intercepté dans le train et que les agents de la police espagnole l’auraient obligé à descendre pour être interrogé, sans que, vraisemblablement, les forces de police françaises n’aient été sollicitées.
D’autres cas d’interpellations et d’interrogatoires illégaux
Pour affirmer que la police est bien responsable de la disparition du membre présumé de l’ETA, les journalistes de Gara se fondent sur les arrestations et les interrogatoires menés, sans respecter les procédures requises, qu’ont dénoncés des citoyens ces derniers mois, notamment l’interrogatoire subi par Juan Mari Mujika le 1er décembre 2008 à Saint-Palais.
Ce dernier avait alors été intercepté par des policiers qui s’adressèrent d’abord à lui en français avant qu’ils ne se présentent comme des policiers espagnols. Ils l’interrogèrent dans une maison en ruine abandonnée, où il fut séquestré pour y être interrogé illégalement, non sans que sa fille, incarcérée à Madrid, ne soit menacée de représailles.
Interrogé sur la disparition de Jon Anza, le ministre de l’Intérieur du gouvernement espagnol, Alfredo Perez Rubalcaba, a toujours rejeté publiquement la possibilité que les Forces de sécurité soient impliquées dans cette affaire. Le ministre a même affirmé à Vitoria-Gasteiz qu’il s’agissait d’un problème interne à l’ETA.
Manifestations
De nouvelles manifestations sont organisées dès aujourd’hui en Pays Basque nord et en Pays Basque sud.
Vendredi soir, un premier rassemblement autour des thèmes “Euskal presoak Euskal Herriarat” (”Les prisonniers basques au Pays Basque”, en langue basque, pour exiger le retour des membres de l’ETA dans des prisons du Pays Basque) et “Nun da Jon?” ( “Où est Jon?”, en langue basque) est organisé à 18h15 devant la gare du Midi à Biarritz.
Samedi, à 11h40 à Hernani, des membres de la famille de Jon Anza, son avocat et des co-détenus de Jon Anza feront une déclaration à la presse, devant la Maison de la culture où ils commenteront les informations divulguées par Gara.