La crise générale du capitalisme, s’enfonçant dans sa phase terminale, pousse chaque jour un peu plus les masses populaires (de toute "origine" et "culture") à la révolte.
L’été écoulé en a encore apporté la preuve, à Grenoble avec les jeunes prolétaires des "quartiers difficiles", comme dans la vallée du Cher avec la communauté "manouche" (Rrom Sinti). A chaque fois l’évènement déclencheur (la mort d’un jeune tué par la police) fait déborder le vase de toute l’exploitation et l’oppression subie depuis des générations, et aggravée chaque jour, depuis des années, par la crise…
Contre cela, la classe dominante, la bourgeoisie capitaliste et impérialiste, cherche à opposer une mobilisation réactionnaire des masses populaires, au service de ses intérêts : empêcher la révolte de se transformer en lutte révolutionnaire, mobiliser "l’opinion" contre la révolution, diviser les masses, les souder à leurs exploiteurs contre un "ennemi" extérieur et/ou intérieur, et enfin sortir de la crise par la guerre impérialiste (conquête et pillage d’autres pays, d’autres continents).
Cette mobilisation réactionnaire de masse a franchi, ces dernières semaines, une nouvelle étape qui la rapproche un peu plus du fascisme, de la dictature terroriste ouverte de la bourgeoisie la plus réactionnaire, dans laquelle nous ne somme pas encore.
Au lendemain des émeutes de la vallée du Cher, le chef de l’Etat bourgeois français, Nicolas Sarkozy, s’est engagé à "expulser tous les campements de Rroms illégaux" et très rapidement, jusqu’à encore aujourd’hui, ses forces de répression (police et gendarmerie) sont passées à l’action…
L’actualité de la précédente année politique avait déjà été chargée, avec le débat sur la burqa, le débat sur l’identité "nationale" (théâtre d’un flot de déclarations racistes), le vote contre les minarets musulmans chez nos voisins de l’Etat suisse, l’affaire Ilham Moussaïd (candidate du mouvement réformiste NPA, portant un foulard sur les cheveux). Tout cela n’empêchant pas la popularité du chef de l’Etat et du Gouvernement de chuter, et un raz de marée sans précédent (avec progression entre les 2 tours) de l’extrême-droite (FN) aux régionales…
D’où une nervosité, renforcée par l’approche (dans moins de 2 ans !) des élections présidentielles et législatives… Nicolas Sarkozy et ses partisans tentent donc, dans leur concurrence avec le front électoral fasciste/fascisant FN, d’aller chercher leur réélection sur le terrain des idées fascistes ou fascisantes, de tourner leur politique vers les souhaits de la frange de la bourgeoisie la plus réactionnaire.
Avec quel succès ? L’avenir seul nous le dira…
Dans l’actualité de l’année écoulée, c’est souvent la question des personnes de culture musulmane (maghrébines, turques, kurdes, africaines…) et de la compatibilité de cette culture avec la "civilisation française" (ou européenne) qui avait été mise en avant.
Cependant, et malgré le vote de l’interdiction de la burqa (concernant quelques centaines de femmes en France, et inapplicable dans le cadre de la démocratie bourgeoise), l’Etat bourgeois avait reculé sur ce point, abandonnant le débat sur l’identité nationale et allant jusqu’à faire infliger, par sa justice, une sanction symbolique au Ministre de l’Intérieur Hortefeux, pour ses propos sur un militant UMP d’origine maghrébine.
C’est que Nicolas Sarkozy et ses partisans ont toujours eu une vision particulière des masses populaires d’origine immigrée, mélange d’intégration républicaine à la française et de cooptation d’élites "minoritaires visibles" (discrimination positive) à l’anglo-saxonne.
En particulier vis-à-vis des personnes de religion ou de culture musulmane : désigner des "leaders communautaires", religieux ou laïcs, pour encadrer les masses populaires (comme le CFCM). Bien sûr, comme on l’a vu dès la révolte urbaine de 2005, ces "élites communautaires" n’encadrent rien du tout, même pas les prolétaires aux plus profondes convictions religieuses.
Pourtant, Sarkozy semble rester attaché à cette méthode et refuse de céder aux appels des fascistes d’employer la "manière forte" : sur ce terrain, il chasse encore du côté de la bourgeoisie libérale.
Il faut dire, aussi, qu’en politique tout est rapport de force… 4 millions de musulmans déclarés, et beaucoup d’autres encore originaires des pays musulmans, non croyants ou non pratiquants mais néanmoins solidaires, ce n’est pas la même chose que 300.000 Rroms dans tout l’Etat de France, dont seulement 40.000 originaires des Balkans, concernés par l’expulsion… La manœuvre est bien moins risquée pour notre courageux, mais pas téméraire Gouvernement bourgeois.
C’est donc vers les Rroms que s’est dirigée l’accélération quantitative dans la politique réactionnaire, répressive et xénophobe.
Qui sont les Rroms ?
Il s’agit d’un peuple, venu du Nord de l’Inde en Europe au Moyen-âge. Ils se caractérisent, dans la conscience collective des masses, par un mode de vie nomade, bien que la grande majorité ait aujourd’hui abandonné ce mode de vie. Ils se divisent en 3 branches principales :
- Les Rroms proprement dits, qui vivent dans les Balkans et les régions du Danube : globalement, les régions de l’Europe sous domination ottomane au 16e siècle. Ils parlent le romani, ce sont les fameux "Roumains" qui font la manche dans les grandes villes, et que Sarkozy veut expulser vers leurs pays d’origine. Dans ces pays, ils font l’objet de persécutions permanentes.
- Les Sinti ou "manouches" (terme devenu péjoratif). Ils vivent dans les pays germaniques, en France et en Italie. Ils parlent un dialecte propre (les fameux mots en -ave), ainsi que les langues locales, et portent des noms germaniques, français ou italiens. C’est le peuple de Django Reinhardt, le père du jazz manouche, ou du forain Bouglione.
- Les Gitans, qui vivent dans la péninsule ibérique et en Occitanie, et parlent le calo (influencé par les langues de la péninsule). Ils sont célèbres pour la musique flamenco, ou le pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-Mer. Cette célébrité fait que le terme gitan est aujourd’hui souvent employé, de manière générale mais improprement, pour tous les Rroms.
Il existe des communautés itinérantes qui ne sont pas Rroms, comme les Pavees ou Tinkers d’origine irlandaise, et les Yéniches ou "Vanniers" d’origine germanique. De leur côté, tous les Rroms ne sont pas nomades, loin de là.
Depuis leur arrivée en Europe, ils ont toujours fait l’objet de persécutions. Leur mode de vie pré-féodal, clanique et tribal, encore marqué par le communisme primitif, maîtrisant mal la notion de propriété privée, s’est vite trouvé en contradiction avec des Etats entrés dans l’ère moderne : la concentration absolutiste de la propriété féodale et les débuts du capitalisme.
Le nomadisme est puni de mort dès le 16e siècle dans le Saint Empire Germanique. En Roumanie et en Bulgarie, ils furent réduits en esclavage, jusqu’au 19e siècle.
Et bien sûr, tout un chacun connaît le sort qui leur fut réservé par les Etats fascistes : regroupement (camps de concentration) en Italie, et le Porajmos ou Samudaripen, la déportation et l’extermination par le régime nazi entre 1938 et 1945 : 200.000 assassiné-e-s.
Encore aujourd’hui, dans l’Etat français, ils sont des citoyens de seconde zone, massivement au chômage et sous le seuil de pauvreté, soumis lorsqu’ils sont itinérants à des mesures administratives d’exception et à la mauvaise volonté des élus locaux pour le stationnement, leur langue et leur culture combattue etc.
La révolte de la vallée du Cher, menée par des Sinti de nationalité française, a servi à Sarkozy de prétexte pour annoncer l’expulsion des Rroms étrangers, originaires des Balkans : cela montre bien l’amalgame (et le mépris) qui règne, au plus haut niveau de l’Etat bourgeois, au sujet du peuple Rrom. Un peu, d’ailleurs, comme pour les "Arabes" (dans lesquels on classe allègrement des Berbères, et même des Turcs…) ou les "Noirs".
Cela montre bien que la citoyenneté française chantée par tous les réformistes légalistes et les démocrates bourgeois n’est qu’une farce : ce n’est pas elle mais la classe sociale qui donne des droits… ou la non-appartenance à une minorité nationale, telle que les Rroms.
Depuis, donc, les forces de l’ordre bourgeois procèdent à l’expulsion des campements. Hommes, femmes et enfants Rroms sont raflés, les campements avec tout ce qu’ils possèdent sont rasés, puis ils sont triés comme des bestiaux : les "intégrables", ceux (très minoritaires) qui sont perçus comme pouvant être utile à la production capitaliste en France, se voient offrir une régularisation. D’autres se voient offrir une "aide au retour" dans leur pays d’origine, les forces françaises étant accompagnées de fonctionnaires roumains ou bulgares. Le reste est expulsé sans ménagement… Un peu la même chose que l’on observe avec les immigrés sans papiers, mais à un niveau supérieur, ciblé, planifié et méthodique.
Il faut dire que la Roumanie et la Bulgarie sont devenues des terrains alléchants pour nos capitalistes, où ils peuvent délocaliser (ou sous-traiter) la production pour un très bon rapport entre la qualité et le coût de la force de travail. Dans le "partage" impérialiste du bloc soviétique après 1989, ces 2 pays sont passés en réalité sous la domination de l’impérialisme français...
Et les Rroms de ces pays ont été sédentarisés administrativement, mais ont aussi reçu une très bonne formation professionnelle au temps du capitalisme d’Etat révisionniste. C’est la faillite de celui-ci, et le rétablissement du capitalisme concurrentiel le plus sauvage, avec un chômage de masse, qui les a poussés à émigrer vers l’Ouest.
Ils peuvent donc s’avérer une main d’œuvre très productive pour les entreprises capitalistes implantées dans ces pays. Il importe alors d’y "rapatrier" cette force de travail.
Il y a toujours une cohérence derrière les politiques bourgeoises, comme la déportation des prolétaires étrangers : ne pas voir cette cohérence, c’est s’empêcher de combattre ces politiques.
Mais dans ces pays, comme dans toute l’Europe de l’Est, les Rroms sont également la cible de la mobilisation réactionnaire de masse. C’est aussi la raison pour laquelle ils ont émigré massivement. Ces déportations les renvoient donc vers une situation de grave danger pour leur vie même !
Et dans le même temps, la bourgeoisie désigne à la vindicte une minorité, trop faible pour se défendre (contrairement aux millions de prolétaires maghrébins, africains ou caraïbes des "quartiers"), à la mauvaise réputation ("voleurs" etc.), afin de souder les masses populaires "de souche", "européennes chrétiennes", à la classe qui les exploite : la définition même de la mobilisation réactionnaire de masse.
D’une manière générale, le peuple Rrom peu nombreux, peu organisé et victime du racisme même par les autres minorités, est une cible facile pour le déchaînement de la barbarie des fascistes, et des gouvernements que le fascisme parvient à influencer.
Dans les pays de l’Est, on l’a dit, l’atmosphère est clairement au pogrom, au massacre de masse. Des organisations fascistes comme la Garde nationale hongroise se préparent à massacrer les Rroms de ces pays. Ils doivent cependant savoir qu’il reste dans ces pays des communistes et des antifascistes déterminés (même marqués par le révisionnisme), et qu’ils les trouveront sur leur chemin.
Mais plus près de nous, en Italie, des maires fascistes de la Ligue du Nord procèdent déjà à des destructions, voire des incendies de campements… Ce vent mauvais arrive désormais dans l’Etat de France.
Il se trouvera bien sûr des contre-révolutionnaires, des social-traîtres, des gauchistes ou des trotskistes pour nier l’actuelle mobilisation réactionnaire de masse et la montée des idées et des pratiques fascistes : "vous dites n’importe quoi, le fascisme ce n’est pas ça, vous faites dans la surenchère, vous décrédibilisez le combat antifasciste" etc.
D’abord, ils semblent oublier, ou ignorent, que le fascisme ce n’est pas immédiatement des hordes de SS sillonnant les rues, massacrant, saccageant et pillant… Le fascisme est un processus allant crescendo, Auschwitz ne surgit pas en un jour.
Jusqu’en période (et terrain) de guerre, le fascisme, y compris le nazisme allemand, s’exerce de manière toute administrative, avec des lois, des décrets, des arrêtés, des décisions de justice. En France, la persécution et la déportation des Juifs (la plus importante d’Europe de l’Ouest hors Allemagne) s’est effectuée jusqu’au bout (c'est-à-dire jusqu’au départ des trains !), dans la plus parfaite légalité bourgeoise qu’on puisse imaginer au pays de Montesquieu.
Ensuite, nous ne sommes pas sous le fascisme et nous n’avons jamais rien affirmé de tel…
Mais le fascisme ne surgit pas non plus de nulle part : il grandit dans le sein de la démocratie bourgeoise pourrissante et réactionnaire, et c’est la phase dans laquelle nous sommes aujourd’hui. C’est le moment où les efforts des communistes, de tous les révolutionnaires et les progressistes, doivent être destinés à le tuer dans l’œuf. Chaque mesure de mobilisation réactionnaire des masses populaires doit faire l’objet d’une riposte sans concession.
Bien sûr, le Front National et les autres fascistes jouent la surenchère, clament que Sarkozy brasse du vent, fait du cinéma… Ils voient bien que le piège se referme et que leur heure arrive. S’il est peu probable qu’ils prennent le pouvoir à court terme, sauf revirement de la droite "républicaine" sur la question d’une alliance (refusée jusqu’à présent), ils cherchent à dominer la politique bourgeoise de la décennie qui commence, à exercer l’hégémonie intellectuelle et déterminer les choix politiques des gouvernements.
Enfin, dernier rebondissement en date, des voix s’élèvent pour condamner la politique anti-rroms de Sarkozy, "honte pour la France", "rappelant les pires heures de l’histoire", etc. : le rival de Sarkozy, Villepin, dernier mohican de la démocratie bourgeoise radical-socialiste chiraquienne ; la gauche bourgeoise de Royal, Aubry et Cohn-Bendit ; et enfin, cerise sur le gâteau, le Pape Benoît XVI… Relayé en France par la Très Catholique Christine Boutin.
Ces prises de position n’ont aucun intérêt pour les communistes. Il est totalement illusoire de vouloir jouer la démocratie bourgeoise morte-vivante, encore moins la "morale chrétienne", contre la mobilisation réactionnaire des masses par la bourgeoisie capitaliste en crise.
On se contentera de se souvenir que Villepin, comme Premier ministre, est celui qui a proclamé l’état d’urgence en 2005, défendu jusqu’au bout le CPE et la répression allant avec (dont même Sarkozy avait fini par se lasser)…
On se souviendra que Royal, en 2007, prônait des camps d’internement militaires pour petits délinquants…
Et même sans revenir sur la jeunesse (hitlérienne) de Benoît XVI Ratzinger, on se rappellera du rôle d’auxiliaire fondamental des impérialistes occidentaux que joue la clique vaticane, tenant sous sa coupe des pays entiers, comme l’Italie ou l’Etat espagnol (avec l’Opus Dei, dont le fondateur a été canonisé en 2002).
Tou-te-s ces individu-e-s ont contribué à paver la voie à la mobilisation et aux politiques réactionnaires actuelles, et (peut-être) au fascisme de demain.
Ce sont là les derniers bêlements de la démocratie bourgeoise, dépassée par la phase terminale de la crise et condamnée par l’histoire, réduite à faire de la figuration pour garder les apparences d’une société "démocratique" et "éthique". Ces personnages n’ont plus, comme rôle, que celui de "consciences morales" pour bourgeois libéral attardé.
Cette morale bourgeoise, ou carrément pré-capitaliste (pour le Pape), est aussi inactive contre la fuite en avant barbare du Capital monopoliste qu’est le fascisme, que peut l’être l’aspirine contre la peste bubonique…
Seules les valeurs, seule la conception du monde prolétarienne, sous la conduite de l’avant-garde communiste, peuvent terrasser cet ogre en train de sortir lentement de sa caverne.
Le prolétariat et l’unité des masses populaires écraseront la mobilisation et les manœuvres réactionnaires de la bourgeoisie !
Le prolétariat et les masses populaires unies balaieront les milices et les idéologues fascistes !
Qui sème le pogrom, récolte Stalingrad !!!